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Full text of "Du gouvernement considéré dans ses rapports avec le commerce"

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GOUVERNEMENT 

CONSIDÉRÉ DANS SES RAPPORTS 

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LE COMMERCE. 



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DO (Univurt,) 

GOUVERNEMENT 

CONSIDÉRÉ 

DANS SES RAPPORTS 

AVEC 

LE COMMEIVCE, 

Pi» FmMçois-Loms-AuonSTE FERRIER, 

SOUS-INSPECTEVB DES DOU&NES A UAYONNE. 



DE L'IMPRIMERIE D'A. EGRON. 

! A PARIS, 

j Cbex PsRLET, Libraire, rue de Tournon , n*. 1 1 35. 

AW XllI. — i8o5. 



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GOUVERNEMENT 

CONSIDÉRÉ DANS SES RAPPORTS 

A T le 

LE COMMERCE. 



J E me propose de rechercher dans cet ouvrage , 
sur quels prÎDcipes un Etat agricole et maoufac- 
turier doit fonder l'administration de son com- 
merce , tant extérieur qu'intérieur. 

Les développemens dans lesquels j'entrerai 
seront relatifs à presque toutes les Dations de 
rEiu-ope j mais c'est de la Frasce que je m'occu- 
perai plus particulièrement 1 parce que la France 
est mon pays , et que sa prospérité est l'ohjet 
constant de ma plus vire sollicitude, comme 
l'espoir d'y contribuer est ma seule ambition. 

Je (Uvise cet ouvrage en trois livres. 

Je recherche , dans le premier j quelle est 



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l'iitilîté de l'argent , considéré <!omme moyea . 
d'échauge. 

Je montre , dans le second* comment le com- 
merce accroît la richesse des peuples. 

Je truite, dans le troisième, des iostitutioi^ 
adoptées par les gouvernemens, pour empêcher 
que le commerce ne devienne nuisible au pays. 

Je ferai les plus grands efTorts pour être tou- 
jours clair, et s'ils ne sont pas infractueux , le 
lecteur me prêtera toute son attention sans que 
je la réclame; car dans les sujets arides, il n'y 
a de moyea de la fixer que de se bien fiàre 
emendre. 



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LIVKE PREMIER. 

De l'argent , considéré comme inoyea 
d'échange. 



CHAPITRE PREMIER. 

Origine et progrès du Commerce. — R^olutioos dasn 
le sysUme des écKange*. 

Xj'gnfance du commerce se perd dans l'origine 
des temps avec celle du monde. Que l'on con- 
sidère les premiers liommes comme pasteurs , 
chasseurs, ou bien comme guerriers, dès qu'il 
s'en trouva plusieurs réunis , il dut se pratiquer 
entre eux des échanges. Les échanges naquirent 
de la réciprocité des besoins. Le chasseur qui 
avait parcouru vainement la forêt , échangeait 
avec un autre chasseur une partie de ses armes 
(X>ntre du gibier. Le lendemain, ïl était ou plus 
adroit ou plus heureux : avec du gibier il rache- 
. tait des armes. Il en fut à peu près ainsi chez les 
peuples pasteurs. On échangeait des fruits, des 
productions de la terre , contre des troupeaux.' 
I>es besoins, les convenances respectives déter- 
minèrent d'abord tous ces trocs. Ce fut ensuite 



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4 1. I V R E I; 

la fanuiisie, le désir de la variété j et, déjà le 
commerce avait fait un grand pas. 

Les historiens qui nous ont transmis , avec uno 
exactitude quelquefois si prolixe, les détaib de» 
combats qui ont ensanglanté la terre, ne nous 
ont- presque rien appris des progrès du com- 
merce , sans lequel il n'y aurait jamais eu de 
civilisation. Ils uous parlent , à la vérité , des 
Phéniciens , le peuple le plus commerçant de 
l'antiquité ; mais à l'époque où ib nous le pré- 
sentent , il avoît déjà étendu ses relations dans 
toutes les parties du monde connu } et de l'état 
où nous avons pris le commerce, à ce degré de 
splendeur , la distance est immense. 

Pour remplir l'intervalle , on n'a que des con- 
jectures à hasarder ; mais la marche du com- 
merce chez des nations sauvages où l'on a pu 
l'étudier, leur donne une force de prohabilité 
qui doit entraîner la conviction. 

Pendant fort long-temps les hommes renais 
en peuplades durent se borner à de simples 
échanges. Les- objets sur lesquels ces échangea 
fi'exerçùent n'avaient de valeur que suivant leu» 
ulitité réelle ou relative. On pouvait ainsi troquep 
un veau contre un bteuf, un bœuf contre des 
fniits , sans qu'aucune des parties fit un mauvais 
mai-ché , tout accord entre elles supposant né- 
cessairement égalité d'avantuges. 



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DE L'ARGENf , eic. 5 

- Les besoins de rbomme se multiplient à mesure 
que la civilisation fait des pi-ogrès. Au lieu de 
continuer à habiter dans la forêt , sous des huttes 
qui De le garantissent i|ue très-imparfhitemeot 
de rintémpërie des saisons, ou dans dés cavernes 
humides et obscures, il se consiruitdans la plaine 
des demeures tout à la fois plus commodes et 
plus solides. Le lait et les fruits ne suflisent plus 
à sa nourriture , la peau des animanx à son I1.-1- 
billement. Il &çoone celles-ci ; il multiplie , il 
dénature ceux>lâ. Des arbres sont tombés de 
vîâllesse , ou frappes par la foudre ; il en forme 
des meubles gros^ers , mais utiles : des tables ', 
des sièges. Pourquoi cOucberait-il sur la terre 
on sur des herbes desséchées, quand il peut avec 
lapeandes animaux qu'il a tués, ou la toison de 
«es brebis, se procurer uA repos aussi facile et 
plus doux? Chaque jour ajoute aîusi à ses jouis- 
sauces , au désir qu'il a de les accroître , et soû 
iaduslrie s'éclaire en même temps qu'elle devient 
plus active. 

Cependant la sphère des échanges s'Est agran- 
die. On donne bien encore nu veau pour un 
bœuf j mais on le donne plus volontiers pour due 
table , pour un lit , pour un siège. Tel individu A 
montré de l'habileté dans la construction de si, 
cabane ; ses Voisins le prient de les aider dans la 
constpuctioà ou la réparation de laJenr ; et poàr 



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6 L 1 V R E I. 

prix de ses conseils ou de sa main-d'œuvre, on 
lui offre des fruits , des légumes , des troupeaux. 
Tel fut le pi-emier architecte. Un »utre excelle 
dans l'art de façonner le bois ; on s'adresse à lui 
pour avoir des meubles j il ne fait bientôt plus 
autre chose. Tel fut le premier menuisier. Cha- 
que profession s'établît ainsi peu à peu, et les 
échanges se multiplient. 

Mais ils ne se sont faits jusqu'ici qu'immédia- 
tement et en nature. C'est l'enfance du commerce. 
J'appelle cette période la première de ses progrès. 
Bientôtl'émulationdevientgénérale; le nombre 
des professions s'accroît. On a des charpenûers , 
des menuisiers , des maçons ; partout le travail 
gagne en étendue et en perfection , et le seul 
obstacle à la circulation du produit de cette 
industrie naissante est la difliculté des échanges. 
Le menuisier veut foire réparej- sa cabane : 
comment payer le maçon ? En meubles? mais le 
maçon en est pourvu. Et si le maçon a besoin de 
vètemens , comment paiera-t-il le tailleur ? En 
hii réparant sa maison ? mais elle est neuve. 

« Pour éviter cet embarras, dit Smith, (i) 
> tout homme prévoyant dans chacune des pé- 
» riodes de la société qui suivirent le premier 
» établissement de la division du travail , dut 

(0 Lit. IfCliQp. IV, pag, 47, traduction de H. Gunier. 



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PE L'ARGENT, etc. 7 

» natnreUement tâcher de s'airanger pour avoir 
» ^rdevers lui , dans tous les temps, une cer- 
» taioe quoDÙté de quelque marchandise qui fût 
M de nature à convenir à tant de monde , que 
» peu de gens fussent disposes à la reiîiser en 
» échange du produit de leur industrie. » 

1* résultat de cette prévoyance fut l'adoption 
générale d'une marchandise qui pût servir à les 
évaluer toutes, et être constamment donnée et 
reçue en échange dans les transactions du com- 
merce quel qu'en fût l'objet. Il paraît que chez 
les Grecs les bestiaux furent consacrés à cet 
usage. Dans TAbyssinle, dit Smith, on y em- 
ploya le sel , à Terre-Neuve, la morue, dans la 
Virginie , le tabac Au surplus, que l'usage d'éva^ 
luer tout objet échangeable sur une seule mar- 
chandise ait été la suite d'une convention géné- 
rale entre tous les membres d'une soôété , ou 
qu'il se soit introduit de lui-même , comme il 
est plus naturel de le penser , il dut causer une 
grande révolution dans le commerce du pays , et 
accélérer considérablement sa marche. J'appelle 
cette période la seconde de ses progrès. 

Les opérations du commerce, quoique sao^ 
pliâées depuis que les échanges cessèrent d'étce 
immédiats , offraient cependant encore au con- 
sommateui* , et surtout au marjihand , de grandes 
entraves. Il est même assez difficile de concevoir 



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8 L I V R B I. 

commept dans ]e9 paya qù les bestiaux eervaieat. 
à évaluer les marohatidùes, oa pouvait se pfo- 
curer celles d'un prix très- modique. Le sel , 
susceptible de ^ diviser à l'infini , paraîtrait plus 
favorable à des échanges de tous les instans.; 
mais comme il n'a qu'une valeur intrinsèque peu 
proportionnée à son volume, un pareil moyen 
d'échange seroit aussi très-embarrassant dans des 
marchés d'une certaine importance. 

Pour éviter tous ces inconvéniens , il aurait 
fallu découvrir quelque marchandise qui réunît 
à l'avantage d'être également et généralement 
recherchée , celui d'offrir une grande valeur sous 
un petit volume. 

IjCS métaux pouvaient seuls .remplir cette dou- 
ble condition, l^eur fusibilité , leur divisibilité 
et la propiiété de ne rien perdre , ou de perdre 
très-peu par l'usage, étaient de nouveaux mo- 
bfs de préférence. Ou connaissait le cuivre de- 
puis long-temps. Ce fut le premier métal que 
l'on employa comme moyen d'échange. Le fer 
fut ensnite appelé à rendre les mêmes services. 
Ces deux wéuux avaient alors plus de valeur 
que de nos jours , parce qu'ils étaient plus rares. 
L'ioconvéïtaent de leur poids était ainsi en partie 
.compensé , puisqu'avoc. une livre de cuivre , par 
exemple, on avait deux fois, et peut-être dix 
fois plus de bled, que n'eu solderait aujgur- 



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DE L'ARGENT, etc. 9 

d'huila mèiiae quantité. Cependant l'or et l'argent 
devaient preToloir ; et en etTet ils réunissaient 
auK propriétés des autres métaux celle d^ïffrir 
une valeur infiniment plus considérable sous 
des volumes qui l'étaient beaucoup moins. 

Ainsi les méuux remplacèrent successiTement 
les marchandises qui avaient servi jusque-là & 
exprimer le» valeurs. « Le fer, dit Smith, (i) 
M fut l'instrument ordinaire du commerce chez 
» les Spartiates , le cuivre chez les Romains , 
» l'or et l'argent chez les peuples riches et livrés 
» au commerce. » Mais il est présumable que 
les nations qui ont atteint un certain degré d'opu- 
lence ont toutes employé ces métaux pour leurs 
échanges ,et particulièrement les trois derniers. 

On ne leur donna d'abord d'antre forme que 
celle du lingot. Les morceaux d'or , d'argent et 
viême de cuivre se prenaient ainsi au poids. 
L'introduction d'un moyen d'échange aussi com> 
mode ,en comparaison de tous ceux qui l'avaient 
précédé , dut imprimer aux mouvemens du ooaa- 
merce une rapidité extraordinaire. Je consi- 
dère cette période comme la troiùème de ses 
progrès. - 

Mais il restait encore bien des obstacles à 
taire diaparakre. Sans oease exposé à la surprise, 

(.)T«ii.I,p*g.49. 



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10 LIVRET, 

il fallait que le marchand eût toujours à la main 
ou la balance ou la pierre de touche. Il était 
aussi très -désagréable ettrès-gêoant de devoir 
coQtÎDuellemeDt morceler ou foudi-e des lin- 
gote, et l'on n'avait cependant que ce moyen de 
compléter de gros paiemens, ou d'en faire de 
petits. 

Ce fut le désir de dégager le commerce de 
cette dernière entrave , qui donna au souverain 
l'idée de marquer de son empreinte tout le meial 
ôrculant ; alors il eut un titre légal et une va- 
leur connue. Il ne fallut plus ni peser ni éprou- 
ver. On put sans crainte ni embarras traiter pour 
les plus grosses sommes comme pour les plus 
petites, et l'argent se répartissant de lui-même 
dans tous les canaux de la circulation , on le^ vit 
se multiplier et s'agrandir au grand avantage de 
industrie , <lont la marche jusque-là avait tou- 
jours été embarrassée. 

Cette révolution donna au système des échanges 
toute la perfection dont il est susceptible. Elle 
consûtue ce que j'appelle sa quatrième et der- 
nière période. 

Je crois absolument innùle d'avertir que ces 
diviàons en périodes , n'ont d'autre o1»jet que 
de bien marquer les progrès du commerce , 
con^déré seulement sous le rapport de la fiici- 
lité des échanges. J'ù d'ùlleurs ùàt abstraction 



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DE L'ARGENT, etc. ii 

des temps et des lieux. La marche que j'ai indi- 
quée a dû être, à très -peu de chose près', la 
mêioe chez tous les peuples ; mais U est clair 
que leurs progrès d'oui pas été identiques : c'est 
ainsi, par exemple, que la Gaule pouvait n'en 
être qu'à la seconde période du commerce , et 
les pays du nord à la première , quand les Chi- 
nois en étaient à la quatrième ; et aujourd'hui 
que toutes les nations de l'Europe se servent de 
monnaie d'or et d'argent, qui doute que plu- 
sieurs peuples harhares, ou à demï-àvilisés, 
ne fassent encore leurs échanges en nature ? 

En réfléchissant aux quatre principales révo" 
lutions qu'a subi le système des échanges , il est 
aisé d'apercevoir que dans ses deux premières 
périodes ils durent être peu multipliés , et abso- 
lument restreints aux individus d'une même 
bourgade, ou tout au plus d'une même nation. 
Dans la troi^ème , les échanges purent s'étendre 
de nation à nation j mais c'est à la quatrième 
seulement qu'il faut attribuer tous les dévelop- 
pemens ultérieurs qu'ils reçurent. Les progrès 
de la navigation , les découvertes auxquelles ils 
donnèrent lieu, le perfectionnement des arts et 
des manufactures, ou plutôt la division (]ii tra- 
vail en sont aus^ les résultats immédiats. Des 
effets aussi extraorcUnaires exigent un examen 
approfondi des différcn.tes fonctions que remplit 



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la L I V R E I. 

l'argent , considëré comme instrument du com- 
merce. Ce sera ToLjet du chapitre suivaDt, daaa 
lequel je serai naturellement conduit k recher- 
cher en (pioi l'argent contribue à la richesse du 
pays. 



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DE L'AUGÏWT, Mc. 



CHAPITRE II. 

De l'irgent , cvusidér^ comine mojen d'éc)iing«. — En 
qa«l Mue îl est richetM pour le paji. 

Ij'argent, iotroduit comme monnaie dans 
les sociétés, et serrant à exprimer les valeurs , 
eut pour premier résultat de les multiplier toutes. 
Il est naturel de penser que lesi effets d'un bien- 
&it si grand ne furent point méconnus. L'ac- 
croissement de la producûoD , dû {HÎnâpalement 
à l'argent qni faùHtait les échuiges y explique- 
rait donc très-bien l'espèce de culte qu'on rendit 
aux métaux dans l'enfance des sociétés , et le 
sentiment quelquefois exagéré' de leur inflnence 
sur la fortune publique ; mais on ne S'*eQ tint 
pas à calculer cette inflnence. L'u-genl, devena 
l'expression de toutes les richesses , pnssa bientôt 
pour la lichesse unique ^ et cette opiaioa, que 
le temps et les progrès natnntk des lumières de- 
vaient insensiblentent ruioer , fin ausù celle des 
gouvememens , «pii se conduisent encore de ma- 
xûère à faire croire qu'ils c'en ont pas chingé. 

C'est du moins ce que voudraient nous per- 

' snader tant d'écrivains q^ ne cessent, en parlant 

des actes de l'administration , de cner à l'ineptie. 



ji-vGooglc 



U L I V R Ë I. 

Il semble , en lisant leurs ouvrages , que cette 
vieille et ridicule opinion qui faisait consister la 
richesse publique uniquement dans l'argent y 
subsiste toujours. On croirait qu'ils la combattent 
pour la première fois, et l'on se demande com- 
ment, dans un siècle qui se dit posséder tant de 
Itunières, il est possible que l'administration eu 
ait si peu. 

Les cconoBÛstes , auxquels on peut reprocher 
d'avoir très-bien combattu des erreurs qu'on 
ne professait point , et d'avoir obscurci toutes 
les vérités qu'on professait , les économistes sont 
les premiers en France qui aient prétendu que 
l'argent ne constituait pas la richesse du pays , 
tpxe son abondance dans la àrculation ne pou- 
vait pas plus influer sur la prospérité publique 
f{ue celle de toute autre marchandise , qu'il n'y 
avait de richesse que le produit de la terre , etc. 

Cette doctrine fut soutenue avec une chaleur 
qui tenait de l'eutbousiasme , par des hommes de 
beaucoup d'esprit , dévorés de l'amour du bien 
public. Elle eut bientôt de nombreux partisans, 

La conséquence de ce système était qu'il fal- 
lait préférer l'agricultiu^ aux fabriques, ne point 
s'occuper de l'abondance du numéraire , n'en 
point redouter la disette , abandonner l'industrie 
à elle-même , et dégager le commerce de toutes 
ses entraves, tant dans l'iotérieur qu'au dehors. 



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DE L'ARGENT, eto. i5 

Au moyeo de cette révolution libérale , les 
..nations ne composeraient plus qu'une même fa- 
mille : chaque partie du monde deviendrait un 
marché général où les nations pourraient aller 
échanger au loin , contre des produetions étran- ' 
gères et de luxe , les métaux qui alimentent leur 
propre industrie. Il n'y aurait plus de rivalités 
entre les peuples , plus de monopoles oppressifs, 
plus de guerres cruelles. L'âge d'or allait renaître. 
On peut , suctout aujourd'hui , qualiJier de 
rêveries de pareils systèmes de perfectibilité, qui 
rappellent involoutairement celui du bon abbé 
de Saint- Pierre. Laissons tous ces projets d'union 
qui embrassent le monde , et qu'il est si difiBcile 
de réaliser entre les citoyens d'une même nation, 
d'une même ville , quelquefois entre les mem- 
bres d'une même famille^ et puisque ne dépend 
pas de nous de réformer les hommes , contea^ 
tons-nous de les étudier afin de nous mieux 
conduire , et prenons-les tels qu'ils sont. 

Je reviens à l'argent, conàdéré comme instru- 
ment du commerce. Les économistes , en s'ef- 
forçant de prouver que l'argent ne constitue 
point la richesse nationale , supposèrent que jus- 
qu'à eax on avait fait consister la richesse du 
pays uniquement dans l'abondance des métaux , 
indépendamment de la faculté qu'ils ont de mul- 
ûpVier , comme rnoonaie, tomes les sources de 



ji-vGooglc 



i6 LIVRE I. 

richesses. Ils affectèrent de croire que Taugmen- 
tatioD des reproductions n'était jamais la suite 
de raccroissement de la quantité du numéraire. 
Us soutinrent que la mulùplicaàon des liestianx 
pour l'agriculture , la conserration des forêts , 
la bonne direcûon des eaux , l'établissement de 
nouvelles usines,de nouveaux ateliers, U création 
de matières premières, etc. pouvaient seul s ajouter 
à la prospérité publique , et ils perdirent de vue, 
que c'était uniquement pour améliorer l'agri- 
culture, pour augmenter le nombre des ma- 
cbines , des ateliers , des matières premières , en 
un mot pour multiplier les reproductions que 
les gouvervemeos encourageaient l'importation 
de&méuiax. Enfîn ils s'enfoncèrent dans des cal- 
culs immenses et créèrent des hypothèses ab- 
surdes afin de prouver qoe si le numéraire ve- 
nait trop à s'accroître il perdrait de sa valeur « 
comme ai cet incoBvénient était à erïàndre en 
France , où le numér^e a toujours été înt^ieur 
aux besoins de la CH-cubàoB , en France où. l'on 
n'a pu trouver encore l'art d'y sup^éer par le 
crédit et toutes lies institutions qu'il facilite. 

Et c'est ainsi qu'ea se leiuait saia cesse à côté, 
as la question , qu'eu voyant les choses autre- 
ment qu'elles sont, autrement qu'elles ne peuvent 
êti"* , c'est ùnsi qu'en reproduisant des errçurs 
qtù ne aubsiauieni plus , pour avoir le plaiùr do 



vGoogIc 



DE L'ARGENT. 17 

les combattre , les écoDomistes étaient parvenu* 
à embrouiller les matières les plus claires y k 
jeter un voile sur des vérités en quelque sorte 
praticpies , et qu'en résumé , ils avaient persuadé 
aux étrangers , à leurs propres coucitoyens y et 
même à leur gouvernement, que la France en 
était encore aux élémens de la science dé l'ad- 
ininistr.ition. 

Tout le mal que pouvûent ffùre les éco- 
nomistes est fait , et ce serait aujourdliui em- 
ployer assez inutilement son temps que de cher- 
cher à réfuter leurs principes, si tous les jours 
on ne les reproduisait , et même en affectaut de 
les combattre , si , dis- je y on ne les reproduisait 
avec un art d'autant plus dangereux , qu'on sem- 
ble avoir pris à tâche de leur donner pour appui 
le nom d'un écrivain fameux , dont l'autorité , 
b'ès- contestée en Angleterre, acquiert chaque 
jour plus d'empire en France. Ai -je besoin 
d'avertir que cet éciîvain est Smith ? 

" De ce que l'argent , nous dit son traduc- 
» teur, (i) constitue véritablement une partie 
ji du fonds productif de la fortune d'uu partica- 
m lier , et de ce que cette fortune se grossit 
» évidemment à mesure que cet article vient it 
> y augmenter, est née cette fausse opinion , su 

.(.)Pig.44,Préf««. 



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i8 L I V R E I. 

m séoêralement répandue, que l'argent est une 
■ des parties constituantes de la richesse oalio- 
» nale , et qu'un pays s'enrichit à mesure qu^I 
» en recueîUe des autres pays , avec lesquels il 
» est en relation de commerce. » 

Le traducteur de Smïtb , d'accord en cela 
avec la plupart des écrivains aoti - administra- 
tifs , ne veut donc point que l'argent sott une 
partie constituante de la fortune publique. 11 ne 
veut point qu'une nation , qui en recueille par 
suite de son commerce extérieur , s'enrichisse ; 
et il ne le vent point , parce qu'il ne considère 
dans l'argent que la valeur de l'argent , sans ré- 
fléchir à la propriété qu'il a , comme monnaie , 
de rendre la circulation plus active , et par con- 
séquent de multiplier les produits du travail. 

Il faut juft^er cette asserùon. Je continue de 
citer: 

« Des marchands accoutumés à se retirer 
» chaque soirdanslenrsbouùquesetàycompter 
» avec erapressemem la quantité d'argentcomp- 
» tant ou de bonnes créances que leur a pro- 
» duit la vente de la journée , ne calculant leurs 
» pro6tsquesur cerésultotjetbien certfdnsque 
M ce calcul ik les a jamais trompés , ont natu- 
« reilement pensé que les affaires de leur nation 
M ne pouvaient pas suivre une autre marche , et 
M ils se sont affermis dans cette idée avec cette 



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DE L'ARGENT, etc. 19 

» imperturbable confiance que donne une expc* 
H rience dont on s'sst bien trouvé pour son pro* 
n pre compte , et qui ne s'est jamais démentie. 
» De là ces opinions exagérées sur l'importance 
» de l'argent, etc. » 

Ainsi, nou-6eulement le traducteur de Smith 
ne veut pas que l'on attache de l'importance à I» 
conservation et à l'augmentation du numéraire, 
mais encore il cherche à faire paraître ridicules, 
par une comparaison qu'il rend fausse , tous ceux 
qui seraient tentés de soutenir que ce qui con- 
tribue à la richesse d'un parùculier, doit con- 
tribuer aussi à la richesse de la nation. 

Je dis que le traducteur de Smith a rendu 
fausse la comparaison que fait ce marchand de 
sa fortune avec celle de l'Etat. C'est une suite de 
ce que M. Garnier ne voit dans l'argent que sa 
Valeur. Je vais donc me seimir contre lui - même 
de cette comparaison , en la resbtuant à son vé' 
litahle sens. 

Un marchand , dont le numéraire augmente i 
s'enrichit ; pourquoi ? parce que cette augmen-, 
tation de numéraire lui procure les moyens d'a- 
grandir son commerce, d'acheter ou de fabnquer 
plus de marchandises , de les vendre à de plus 
douces conditions , soit en se contentant d'un 
laoindre bénéfice, soit en accordant de plus 
longs crédits , soit en ûisant de plus grandes 



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ao L I V R E I. 

avances : eb bien , ces avantages que le ûmple 
marcband retire de l'augmeatation d'argent que 
lui procure son commerce , est-ce qu'une na- 
tion ne les retire pas également de l'accroisse- 
ment de sou numéraire ? P^'est- ce pas parce que 
l'Angleterre est , toute proportiou gardée , 
plus riche en numéraire que la France , qu'elle 
trouve les moyens de multipUer , d'une ma- 
nière si prodigieuse, ses reproducûonsannuelles? 
n'est-ce pas cette même raison qui la rend m:il' 
tresse du commerce de la Russie , de ce com- 
merce qui s'effectue avec nos propres marchan- 
dises , et qu'il nous est impossible de tenter , 
parce que nous ne pouvons faire ni crédit , ni 
avances? n'est-ce pas cette abondance de numé- 
raire et le papier de crédit qui y supplée, qui 
rendent eu Angleterre la circulation si active * 
et n'est- ce pas cette «irculatîon active qui pro- 
cure à la naûon les moyens d'acquitter , avec 
un territoire et une population deux fob moindres 
qu'eu France , des impositions trob fois plus 
considérables ? Soyons vrais. Cet bonnéte mar- 
chand, qu'on veut nous rendre ridicule, parce 
qu'il jugedes affaires publiquesd'aprés les siennes 
propres , a certes beaucoup de sens ; et je m'en 
rapporterais bien plus volontiers à son expé« 
rieuce , quelque grossière qu'elle puisse paraître , 
qu'aiix raisounemens alambiqués desécouomistes. 



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DE L'ARGENT, «c. at 

donl toute la science , puisée dans les livres , n'a 
d'autre base que des hypothèses. 

J'avoue que j'ai de la peine à concevoir com- 
ment Vargent , étant une partie constituante 
du fonds productif de la fortune d'un par- 
ticulier, ainsi que le traducteur de Smith Tan- 
nonce formellement , pourrait ne pas être ca 
même temps une partie constituante du fonds 
productif de la richesse de la société. Car enfin 
de quoi se compose le fonds productif de la ri- 
chesse de la société , si ce n'est de la réunion 
de tous les fonds productifs de la richesse de 
chacun de ses membres ? 

On raisonnait du moins ainsi avant l'existence 
de la science économique. Plus un manufac- 
turier a d'argent, disait>on, plus il peut pro- 
duire , par conséquent , plus il est riche j et 
comme il n'y a point de nation qui ne soit 
manufacturière , ou sî Ton veut productive , 
c'était une conséquence indbpensable que plus 
une nation possédait d'argent , plus elle était ri- 
che, parce que pins elle avait de moyens de travail. 

Tons les écrivains qui ont précédé les é'co- 
nomïstes , s'étaient fait de la richesse des nations 
la même idée. Parcourez l'Essai Politique de 
Melon , les Réflexions de Dutot sur le Com' 
merce et les Finances , lesnombreui ouvrages 
de Ferbonnais , partout vous trouverez que Taiv 



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311 X I V R E I. 

geot est rÏDStmzneDt indispensable de la repro- 
duction; partout TOUS vous convaincrez que 
c'est dans ce sens , et dans ce sens seulement , 
qu'on l'appelle richesse. 

Et pensez-vous qu'un homme raisonnable ait 
jamais pu croire et publier que la France , pos- 
sédant deux milliards de numéraire , était riche, 
dans le sens qu'on donne vulgairement à ce mot , 
eu l'appliquant à un simple particulier qm a cin- 
quante , soixante , cent mille francs d'argent 
comptant ? 

On ditqu'un parùculier qui a cent mille francs 
d'argent comptant est riche , et cela ne signifie 
autre chose, sinon qu'il peut dépenser annuel- 
lement le revenu de cent mille francs. Quand 
on dit d'un pays qu'il est riche de deux milliards 
de numéraire , on n*entend pas que ce pays peut 
dépenser le revenu de deux milliards ,ce qui u'au- 
roit aucun sens ; ou entend qu'il a les moyens 
d'entretenir avec ces deux milliards une circu- 
lation en valeurs dix fois , vingt fois , trente fois , 
plus considérable , ou , ce qui revient au même , 
qu'û peut produire ces valeurs. Or, ces moyens 
de produire , qu'il doit à l'argent , on les appelle 
richesse. Soutiendrez -vous que cette dcnomi- 
naûon n'est pas méritée ? 

Ainsi quand les gouvememei» cherchent à 
prévenir l'écoulement du ntunéraire , quand ils 



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DE L'ARGENT, etc. aS 

fjoDsidèreat comme désavantageuse une expor- 
tatioQ de auméraire qui doane en retour des 
marchandises, s'ils déplorent la perte de ce nu- 
méraire, ce n'est point pour sa valeur qui rentre 
nécessairement , c'est parce que cette valeur qui 
rentre ne peut pas produire dans la circulation 
les mêmes effets que l'argent, c'est parce qu'elle 
ne peut pas faire l'ofiice de monnaie, c'est-à- 
dire passer en un jour daus quatre-vingts mains, 
et déterminer ainsi à chaque transition une pro- 
duction nouvelle. 

Cet accroissement de valeurs ou de produits, 
qu'on doit à l'argent, justitîe bien , je pense , 
l'attention avec laquelle les gouvernemens cher- 
chent à le conserver et à l'augmeater. Le traduc- 
teur de Smith , qui ne croit pas h cette grande 
utilité de l'argent , pense que l'on s'en est exagéré 
tous les avantages , et il ajoute : n De là ces cal- 
j» culs absurdes qui ont fait de ce qu'on nomme 
» la balance du commerce , le thermomètre de 
■ la prospérité publique , de là ces systèmes 
n réglementaires et ces monopoles oppressifs, 
» imaginés pour grossir l'un des côtés de cette 
» balance ; de là enfin ces guerres sanglantes 
» qui ont embrasé les deux hémisphères depuis 
»' l'époque où la route des Indes et du Nouvema- 
» Monde est devenue familière aux nations eu- 
n ropéennes. u 



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34 L I V R E I. 

Voilà, certes, un tableau eflrayant des mal- 
heurs causés par lopinioii exagérée de l'utilité 
de l'argent. Maïs que l'oD se rassure. Ce n'est 
point cette utilité qui est exagérée , c'est le 
tableau prétendu des malheurs qu'elle a produits. 
Quand les nations se font la guerre pour coo- 
server des branches de commerce avantageuses* 
c'est assurément un grand mal ; mais si elles n'ont 
aucun autre moyen d'empêcher qu'on ne les 
dépouille, ce mal est inévitable. On peut, à 
certains égards , ranger la guerre actuelle avec 
l'Angleterre dans la classe de celles dont parle le 
traducteur de Smith. Aurait-il voulu que , pour 
la prévenir , on eût livré aux Anglais notre 
marché intérieur , en permettant l'entrée en 
France de leurs marchandises ? Mab une pareille 
coocessioa eût à jamais anéanti notre industrie. 
Ce malheur ne serait-il donc pas plus grand que 
celui passager d'une guerre au souden de laquelle 
d'ailleurs la gloire nationale est intéressée ? 

Ouï , certes , l'opinion de l'utilité de l'argent a 
donné lieu à des guerres sanglantes ; mais ces 
guerres avaient toujours pour objet la prospérité 
du pays ; et quels motifs pourront jamais déter- 
miner une nation à prendre les armes, si le plus 
impérieux de tous, après la défense de sa liberté, 
n'est pas celle de son commerce ? 

ft Ceux-là se trompeut, qui ne voient dai^ cea 



jnGooj^Ic 



DE L'ARGENT, etc. a5 

» guerree qu'un calcul aveugle de l'argeni. Ce 
» n'est pas autant les métaux précieux qu'on 
* envie , ^ue les effets résultant de leur 
» accroissement continuel; c'est-a-dikb, 
» l'augmentation a laqdxixi: ils donnent 
» nécessaihehent lieti dans la prodcction 
» ET LA POPULATION. C'est par là que la ba- 
» lance du commerce ùent à la balance des pou> 
» Toirs , et que l'équilibre mariûme est la base 
» réelle de l'équilibre de l'Europe. » 

Le lecteur croit que ce morceau est écrit 
dlùer , et que l'auteur a eu en vue de réftiter le 
traducteur de Smith. II se trompe ; l'ouvrage 
auquel je l'emprunte est de 1767. On l'attribue 
à Forbonnais; il a pour titre, Principes et 
Observations économiques. L'époque où il 
parut est celle des discussions que di naître la 
publication du Tableau économique, yériiahXe 
hiéroglyphe , même pour les adeptes. La manie 
des paradoxes et des systèmes dominait alors à 
tel point, qu'il était, pour ainsi dire , défendu de 
se servir du mot commerce; et l'on sait effectï- 
vement que dans le système des économistes , le 
commerce était compté pour rien. Aussi l'auteur, 
pour se conformer à cette espèce de proscription 
du mot commerce, qui n'était que la suite de 
la prosctîption du commerce lui-même , annonce- 
t-il qu'au lieu de l'employer , il se servira du 



ji-vGooglc 



36 L I V R E I. 

mot circulation. On croira difficilement un Jour 
que la France , au milieu du dix-huitième siècle, 
ait été cooduite à cet excès d'aveuglement par 
des hommes dont les écrits sont pour la plupart 
iniotelligibles ; et ce trait de l'hisioire des temps 
qui OQt précédé la révolution , ne sera sûrement 
pas un de ceux qui contribueront le moins à 
expliquer les causes de cette grande et terrible 
catastrophe. 

J'espère avoir prouvé dans ce chapitre, que 
les gouvernemens font consister l'importance 
qu'ils attachent à la conservation et à l'augmen- 
tation de l'argent , non dans sa valeur, mais dans 
la propriété qu'il a , comme monnaie , de rendre 
la circulation et la production plus actives. C'est 
donc dans ce sens uniquement qu'il faut entendre 
le mot richesse , appliqué à l'argent que possède 
un pays. J'insiste sur ces vérités très-communes, 
et qui sont la base de tout le système commer- 
cial, parce qu'on est parvenu à les obscurcir de 
manière aies rendre absolument méconnaissables. 
De nouveaux développemens justiSeront cette 
double assertion. J'y consacrerai les deux cha- 
pitres suivans , dont le dernier sera plus particu- 
lièrement relatif aux efîets de la circulation. 



jnGooj^Ic 



DE L'ARGENT, eie. 



CHAPITRE III. 

Continoalion <1b mime sujet. — En qael (eni l'irgent est 
m«r«ltuidiH. 

La foDCtion importante que remplit l'argent , 
en interrenaDt daas toutes les transacûons de la 
société * et ses efiets relatÎTcmeot à la prospérité 
publique, durent être pour les hommes qui 
s'occupèrent les premiers d'en reoherclier les 
causes , un objet continuel de méditation. Aussi 
tous les écriTaini qui ont traité ces matières, 
■ont-ils entrés dans de grands développemens 
«ur l'argent, considéré comme monnaie. On ne 
peut douter qu'ils n'en aient eu, pour la plupart, 
des idées juste^. Cependant ils »e sont quelque- 
fois servi , pour désigner l'argent , d'expressions 
peu exactes , et l'on s'est autorisé de ces expres- 
sions en les détournant de leur sens convenu , 
pour reprocher aux écrivains qui les avaient 
employées , d'avoir parlé de l'argent , sans 
même savoir ce que c'était que l'argent. 

ForboQuais appelle l'argent, gage des den- 
rées ; Montesquieu, signe de la valeur des 
marchandises; Condillac, mesure des va- 
leurs. Smith appello aussi l'argent , mesure des 



ji-vGooglc 



a8 L i V R E I. 

valeurs; et il emploie iodineremmeat les mots 
signe des 'valeurs , mesure des valeurs. 

« L'argent , dit Condîllac , n'est point le signe 
» des valeurs. En se serrant de cette expression 
» pour le désigner , on paratt regarder l'argent 
* comme un signe choisi arbitrairement , et qui 
» n'a qu'une valeur de conventioD. (i) » 

Cette observation est fondée. Mais qui ne voit 
que le mot signe appliqué à l'argent, n'a point 
l'acception rigoureuse que veut lui donner ici 
Condillac ? Le reproche qu'il adresse à tous ceux 
qui s'en sont servi , se borne donc à une simple 
critique de motj et cependant comme on était 
paru de |à pour soutenir que ceux qui appe- 
laient l'argent un signe , s'en faisaient une idée 
absurde , l'on en a conclu depuis , et avec quelque 
apparence de fondement , qu'ils n'avaient pu 
écrire sur l'argent que des choses absurdes. 

Mais Condillac qui ne veut point que l'argent 
soit un signe, l'appelle, lui, une mesure. Or, 
l'argent n'est pas plus une mesure qu'un signe , ■ 
parce qu'il n'y a de mesure que ce qui ne varie 
point, et que l'argent varie. Ainsi il ne combat 
une expression vicieuse, que pour lui en substi- 
tuer une qui l'est à peu près autant. 

(i) Le Commerce et le GouTernement, première parti», 
chapitre XJV, deraier paragraphe. 



jNGoo<île 



DE L'ARGENT, etc. 39 

Je dis à peu près autant j car on peut très-biea 
considérer l'argent comme mesure des voleurs à 
une époque donnée; muis alors il est mesure 
relative , et rien de plus. 

Assurément il importe de ne se servir que 
d'expressions justes ; mais quand le sens d'un mot 
est clairement énoncé par tout ce qui l'accom- 
pagne; quand il est, en quelque sorte, reçu et 
consacré par l'usage , il est aussi par trop ridicule 
d'aller régenter l'auteur comme un écolier; et 
H l'on veut absolument qu'il puisse être utile 
aux progrès de la langue et de la grammaire do. 
redresser l'écrivain , du moins conviendrait-on 
qu'il est souverainement injuste de chercher dans 
son livre autre chose que ce qu'il contient, pré- 
cisément parce qu'un mot y a été détourné de sou 
vrai sens. 

<r De même que l'argent est un signe d'une^ 
j» chose , dit Montesquieu, (1) et la représente, 
H chaque chose est un signe de l'argent, <• et 
rien ne montre mieux , j'espère , qu'^n se servant 
du mot signe , l'auteur y attache l'idée de valeur^ 
puisqu'il l'applique indifféremment à l'argent et 
à la marchandise. 

Ainsi donc il est arrivé que pour s'être servi 
d'un mot impropre , dont le sens ne présentait 

(0 £*prit dea Loù , liv. XXU, ckap. II. 



ji-vGooglc 



3o L I V R E î. 

d'ailleurs aucane éqnîvoque , on est parVeQti k 
|H-êter à des écrÏTains sensés et profonds une 
opinion ridicule et absurde qulls n'avoient jamais 
ni défendue ni professée ; d'où il résulte qu'il 
en a été du mot signe appliqué à l'argent , comme 
de celui richesse , et qu'en combattant l'un et 
l'autre, ce qu'on fait encore tous les jours, on 
ne prouve absolument rien , sinon qu'on n'a pas 
lu , ou qu'on a mal lu les auteurs qui s'en sont 
servis. 

Et de là toutes ces déclamations sur l'argent 
qui n'est ni un signe , ni une mesure , ni un 
gage j sur l'argent qui est marchandise , qui n'est 
que marchandise , et qui n'est pas plus précieux 
qu'aucune autre marchandise. 

£n proclamant avec tant de faste cette opinion 
sur l'argent, qui n'est que marchandise , qui n'a 
de valeur comme monnaie que parce qu'il a une 
valeur comme marchandise , ne semblerait-il 
pas que c'est une vérité nouvellement découverte, 
et que tous ceux qui ont appelé l'argent signe^ 
ne considéraient ce signe que comme une valeur 
de convention. 

Nous venons de voir que selon Montesquieu , 
V argent est le signe de la denrée, et la 
denrée le signe de Vargent, ce qui Teut dire 
que la denrée vaut l'argent et l'argent la denrée. 
Consultons maintenant Forbonnais sur le même 



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DE L'ARGENT., etc. 3t 

ol>jet : « Les métaux précieux ont une valeur 
» intrinsèque relative à l'usage que les hommes 
» en pourraient faire , quand bien même Us ne 
» s'en serviraient pas comme signe », A coup 
sûr on n'a jamais rien écrit de plus positif snr la 
valeur de l'argent , et c'est abuser étrangement 
de la crédulité du lecteur que de l'induire à con* 
sidérer comme absurdes tous les raisonnement 
où l'argent n'est pas appelé marchandise. 

C'est , dit -on, parce que l'argent a une va- 
leur primitive , comme métal , qu'il en a une 
comme monnaie , et sa valeur comme monnaie 
doit toujours être égale , ou à peu près égale 
à celle qu'il a comme métal. Oui i mais ri l'ar- 
gent n'avait pas la propriété de pouvoir . servir 
de monnaie, sa valeur comme métal serait 
infiniment moindre , et tellement moindre , que 
huit onces d'argent, qui achètent aujourd'hui un 
aune de drap , n'en achèteraient peut-être pas 
alors un douzième d'aune. 

De l'immense quantité de métaux qu'on a ex- 
traits jusqu'ici des mines, et qu'on en extrait en- 
core tous les jours , combien en reste-t-il dans 
le commerce sous la forme de lingots ou de 
bijoux ? un vingtième tout au plus , et l'excédant: 
se convertit en monnaie. Eh bien , supposez qu'il 
existe quelque autre marchandise susceptible de 
remplir plus commodément la même fonction , 



ji-vGooglc 



53 L I V R E I. 

fluppoaeï aussi que d'un conufiun accord tous 
les peuples preuaent cette nouvelle marchandise 
pour monuùe , je vous demande ce que devien- 
dra tout l'argent qui circule , et si^ réduit désor- 
mais à ne pouvoir servir qu'aux usages du luxe , 
l'efTet de ce changement ne sera pas de diminuer 
considérablement sa valeur; car enfin, songez à 
l'immense quantité d'argent qui viendrait tout à 
coup encombrer le marché de l'orfèvrerie , et à 
ravilissement prodigieux qui en serait la suite. 

C'est donc une vérité constante que les mé- 
taux préùeux doivent à l'avantage qu'ils ont de 
pouvoir servir de monnaie , une très -grande 
partie de leur valeur ; et cette remarque', qu'on 
trouve aussi dans Forbonnais , est une nouvelle 
preuve qu'iln'étaïtpas nécessaire d'appeler la mon* 
naiemarcA(int//fe,pours'en faire des idées justes. 

Mais est -il donc bien vrai que l'argent soit 
marchandise? etne serait-il pas très -singulier 
que ceux-là mêmes qui s'élèvent avec tant de 
force contre les expressions inexactes , eussent 
été les premiers à abuser des termes 7 

Que peut- on appeler marchandise ? 

J'appelle marchandise tout objet susceptible 
d'échange qui, passant du producteur on da 
vendeur k l'individu qui consomme , peut ou sa- 
tisfaire immédiatement un besoin , on procurer 
immédiatement ime jouissance. 



N Google 



DE L'ARGENT, etc. 53 

. L'argent est évidemmeotsusceptibled'râhaDge; 
mais peut-il toujours salisfûre immédiatement 
UD besoio , ou procurer immédiatement une 
jouissance ? le peut'il surtout lorsqu'il est moiv- 
nayé? non. L'argent n'estdonc point raarclinndise. 

Remontons plus haut , et prenons l'argent i 
sa source , je vaux dire au moment où il sort 
de la mise. Là îl est marchandise ; et vous allés 
voir pourquoi : 

L'argent , au sortir de la mine , se répand 
chez les nations qui ont besoin de métaux, soit 
pour les convertir en monnaie , soit pour en 
faire des ornemens ou des meubles de luxe. Il 
s'y répand, dis'je ,à raison des moyens que ces 
nations ont d'en acheter ; «t en l'achetant y c'est 
évidenuneot un besoin qu'elles satisfont, et même 
un besoin très-impérieux , puisque l'argent est 
devenu le principal instrument du commercé. 

Ainsi l'argent pns à 59 MUrce est mardian^sD, 
parce qu'il est l'objet d'une demande immédiate 
de la part des nations qtû le paient ; et ne perdez 
pas de vue que son prix s^ composa alors comtns 
celui de tont« autre marchandise de la rente de 
la terre , des salaire» du travail et de l'intérêt ott 
profit du capital qui l'a mis en œuvre. 

Je ne crois pas avoir besoin d'avertir qu'an 
représenUnt les Dations comme achetant l'argent 
à sa source , j'entends parler de celles qui ont 
5 



ji-vGooglc 



54 L ! V R E I. 

des mioes , comme de celles qui n'en possèdent 
poiot i car ces mioes soQt exploitées pour le 
compte de particuliers , ou pour le compte du 
gouvememeot , et dans l'un ou l'autre cas , il 
fiiut toujours que le produit qu'elles donnent 
remplace, et au-delà , les frais de l'exploi- 
tation, c'est-à-dire , les profits du capital que 
cette exploitation exige , les salaires du travail et 
la rente de la terre. 

Voyons maintenant ce que devient Vargent 
marchandise t acheté ainsi au moment de sa 
production, 

11 arrive au marché général de la nation qui 
«'en est rendue propriétaire , et là se distribue. 
Une partie des lingots passe dans le commerce 
de l'orfèvrerie ; l'autre est convertie en monnaie 
pour servir aux besoins de la circulation. Or , le 
mot marchandise convient- il également à l'ar- 
gent qui a reçu ces deux destinations. Telle est 
la question. 

Je dis qu'il convient très - bien à l'argent qui 
a passé dans le commerce de l'orfèvrerie pour y 
être converti en bijoux , en vaisselle , en meu- 
bles , parce que cette vaisselle , ces bijoux , ces 
meubles seront ensuite vendus à des consom- 
mateurs, qui satisferont ainsi immédiatement ua 
besoin , ou se procureront immédiatement une 
jouissance. 



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DE L'ARGENT, etc. 55 

■ Mais je nie qu'il puisse égalemeol convenir i 
l'argent monnayé , qui devient , jKir cela même 
qu'il est monnayé , intermédiaire indispensable 
entre la production et la consommation , et no 
peut plus satisfaire immédiatement aucun be- 
soin , si ce u'esl celui de l'avare, dont je crois 
ne devoir faire ici aucun compte. 

Ainsi l'argent, tant qu'il est sous la forme do 
bijoux , de vaisselle , ou même de lingots , est 
marchandise , et il cesse d'être marchandise dèd 
quil devient monnaie. 

Et qu'on ne dise pas que j'ai mal défini la 
mot marchandise. Je le répète , il n'y a de 
marchandise que ce qui , susceptible d'échange » 
peut , en passant du vendeur au consommateur , 
OU procurer immédiatement une jouissance , ou 
satisfaire immédiatement un besoin. 

Cette définition du mot marchandise est la 
plus étendue et la plus générale qu'on en ait en- 
core donnée , puisqu'elle comprend tous le» 
produits possibles du travail , tant matériel qu'im-> 
matériel , depuis le meuble grossier que fabrique 
un menuisier de campagne, jusqu'à l'éloquent 
plaidoyer d'un Lamalle ou la représentation 
d'un chef- d'œuvre de Racine. 

Mais ceUe définition de la marcliandise , qui 
s'applique ainsi à tout ce qui est susceptible de 
trafie OH d'échange , ne s'applique précisément 



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S6 L I V R E ï. 

poiot à l'ai-geut monD»yé, parce qu'eo effet Tar- 
geot monnayû n'est jaQiiiis que.... le dirai- je 7 
le gage , le signe de la marchandise , et c'est 
oÎDsique, malgré moi, }e me vois forcé d'eD 
revenir à l'expression de Forbonaais , tout im- 
propre qu'elle parait d'abord. 

Od dit vulgairement qu'on a besoin d'argent , 
comme on dit qu'on a besoin d'un meuble ^ mais 
ces expressions sont très-différentes ; car on a 
besoin d'argent pour acheter le meuble «et voilà 
pourquoi le meuble est véritablement marchan- 
dise , tandis que l'argent n'est que le gage de la 
marchandise , ou plus clairement , un moyen 
facile et certain de se la procurer. 

Vous ne persuaderez à personne , avec votre 
système snr Vargent marchandise , que quand 
un débitant vous vend une aune de drap, il 
achète de vous huit ou neuf onces d'argent. II 
reçoit cet argent eu échange : fort bien ; mais 
s'il n'avait pas la certitude que d'autres le rece- 
vront de même quand il le leur présentera à son 
tour, de bonne foi l'accepterait- il ? L'argent 
u'est donc point marchandise ? 

Mab si l'argent qui circule n'fest pas marchan- 
dise , encore faut -il bien qu'il soit quelque 
chose. Oui , certes ; il est monnaie. Qu'avez-vous 
l>e6oin d'autres mots pour rendre les idées que 
celui-ci réveille ? à quoi bon appeler l'argent 



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DE L'ARGENT, etc. 5? 

signe des valeurs . gage des -valeurs , me- 
sure des valeurs ? appeliez-le monnaie tout 
fiimplemeat , et attaches à cette expression l'idée 
d'une valeur qui facilite à Tiadividu qui con- 
somme, les moyens de traiter avec celui qui pro- 
duit. Vous vous ferez ainsi de l'argent des notions 
claires , simples , justes , et vous ne courrez pas 
le nsque de confondre , dans vos doctes médita- 
tions , le grand instrument de la production 
avec la chose produite , et d'affirmer par suite , 
qu'à valeur égale , l'un n'est pas plus utile que 
l'autre , parce que l'un est marchandise comme 
l'autre. 

Si quelque chose pouvait montrer à quel point 
l'ahus d'un mot ioOue sur les conséquences du 
raisonnement , ee oe serait pas ce qu'on a écrit 
sur l'argent, signe, gage, ou mesure des valeurs, 
mais bien les étranges résultats auxquels cette 
obstination d'assimiler l'argent aux autres mar- 
chaodites , a conduit tant d'écrivains recom- 
mandables. Il semble cependant qu il suffise d'ou- 
vrir les ^ux pour reconnaître que partout l'ar- 
gent est le grand ressort du commerce , et de là 
èl'induRttOB qu^l fait essentiellement partie de 
la richesse d'un état , l'iniervalle est-il donc si 
grand ? 

Rappelons -bOu s l'état de l'industrie dans les 
4eux premières période^ de ses progrès. Quel 



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58 L I V R E I. 

coiumerce pouvait-il esister entre des hommes ' 
obliy^s d'ûcbanger productions contre produc- 
tions, marchandises contre marchandises? l'in- 
troductioD de l'argent comme monnaie , pou- 
vait seule multiplier toutes les facultés produc- 
tives du travail , et si l'on en doutait, je deman- 
derais où sont les états opulens qui ne se soient 
pas élevés par ce moyen. 

ru quoi , me dïra-i-on, l'argent devait -il 
être tellement utile , que l'on n'eût pu rigou- 
reusement s'en passer ? On aurait pu se passer 
de l'argent , comme on pourrait se passer des 
iiris et des sciences ^ et il aurait même bien fallu 
qu'on se passât d'argent , si on n'eut pas décou- 
vert des mines. Maïs alors il serait arrivé qu'au 
lieu de se servir des métaux pour numéraire, oa 
eût adopté telle autre produ(;tion qui en aurait 
tenu lieu. Il n'en existe aucune qui puisse rem- 
plir aussi bien les mêmes fonctions j mais puisque 
l'on avait déjà employé à cet usage , du sel, des 
coquilles , des bestiaux , on aurait continué. L'in- 
commodité de cette monnaie aurait empêché que 
les échanges ne se multipliassent , et par consé- 
quent , que l'industrie et la civilisation ne ûssent 
des progrés ; mais comme l'industrie et la civi- 
lisation ne sont point rigoureusement indispen- 
sables à l'existence de l'homme , les générations 
ne s'en seraient pas moins propagées » et toute 



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DE L'ARGENT, etc. Sg 

la différence est que l'espèce bumaÏDe serait 
restée à demi - barbare , au lieu de tendre cous- 
tammeot à ragrandissement de ses facultés, pai; 
le développement progressif du commerce , des 
ans.et des scieuces. 

Ainsi c'est un bien pour toutes les nations en 
général qu'il existe des métaux précieux ; et c'est 
par suite un très -grand avantage pour chaque 
nation en particulier , de posséder la plus grande 
quantité possible de ces métaux. 

Mais si l'argent constitue la richesse d'une 
nation, la plus riche sera donc celle qiù possède 
des mines , et voilà qu'on m'oppose l'Espagne et 
le Portugal, dont l'exemple semble prodigieu- 
sement infirmer ma théorie. 

Je réponds : l'argent ne constitue la richesse 
d'une nation , que parce qu'il lui donne les moyens 
de rendre les échanges plus nombreux, la circu- 
lation plus active et la production plus considé- 
rable. Ainsi pour que le numéraire soit richesse 
dans un pays , il faut que ce pays sache ou veuille 
l'utiliser en reproductions intérieures. L'Es- 
pagne et le Portugal , propriétaires des mines , 
au lieu de consacrer une partie de l'argent 
qu'elles en retiraient à cet emploi, ont trouvé 
plus commode de se servir de la totalité pour 
acheter des autres peuples ce que jusque-là 
on avait fabriqué intérieurement. Dans ce coAt 



ji-vGooglc 



4o L ï V R E I. 

merce , les nations qui fournissaient l'argent 
avaient tout à perdre ; car , d'une part, il n'était 
pas certaio qu'elles pourraient le contiouer, puis- 
que les mines s'épuisent, et de l'autre, elles 
donnaient à des nations rivales des moyens de 
travail et de puissance. Aussi l'Espagne a-t-elle 
long-temps décliné. Quant au Portugal, on sait 
que depuis le traité de Méthuen , l'argent qu'il 
reçoit de ses mines ne débarque à Lisbonne que 
pour prendreiramédiatement la route de Londres. 
L'exemple du Portugal et de l'Espagne quidrpuis 
trois siècles approvisiomient l'Europe elle mondé 
de métaux précieux , ne prouve donc pas que 
l'flrgent ne soit pas une marchandise plus utile 
que les autres , mais bien qu'il faut savoir la 
garder et surtout l'employer. 

C'est une opinion généralement reçue , que 
Jh diminution du numéraire dans un pays qui 
décline , est la cause de son appauvrissement. 
Smith veut qu'elle n'en soit que l'effet. La dimi- 
nution du numéraii-e dans un pays peut élre , 
comme le prétend Smith , un effet de sa décn- 
dencej mus il est possible aussi qu'elle en soit 
la cause ; le plus souvent même elle aura ce 
caractère, et c'est ce qu'il importe de bien faire 
entendre. 

Je prends l'Angleterre pour exemple. L'An- 
gleterre est aujourd'hui le pays de l'Europe la 



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DE L'A R G E N T, eto 41 
plus opulent. Je suppose que tout à coup son 
esprit commercial vienne à s'éteindre. Au lieu 
de s'occuper à agrandir ses relations extérieu- 
res , elle s'en laisse enlever une partie. In- 
sensiblement ses débouchés se ferment. Les 
produits annuels de son travnil i£minuent dam 
une proportion toujours croissante , et la plu- 
part de ses ouvriers restent dans l'inaction. 

Dans cet état de choses , le numéraire du 
pays est trop considérable pour ses échanges 
intérieurs. On pourrait bien l'employer en re- 
productions ; mais la nation ne veut plus , ou 
ne sait plus produire. Il s'écoule donc à l'étran- 
ger. Ici la diminution du numéraire est évi- 
demment l'effet de la décadence du pays. Ces» 
la seule hypothèse qu'admette Smith. 

En vmci une autre. L'Angleterre qui a eu 
jusqu'à présent le très-bon esprit de préférer 
pour sa consommation intérieure les marchan- 
dises de son industrie , chdnge tout à coup de 
système. L'industrie des peuples rivauï est de- 
venue supérieure à la sienne propre. Au lieu 
donc de se contenter des productions de celle- 
ci y les Anglais ne consomment plus que des 
marchandise» de celle-là. Ne pouvant les payer 
en productions du sol , il faut que le numéraire 
s'écoule. Chaque guinée esportée est enlevée 
au soutien de l'industrie nationale qui va tou- 



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43 L I V R E I. 

jours en déclÏDant ainsi que la population. Après 
un laps de temps très - court , l'Angleterre est 
hors d'état de rien produire j alors elle est ar- 
rivée au dernier degré de l'épuisement , puis- 
qu'elle n'a plus ni capitaux ni ti'availleurs. Ici 
l'ccoulemeiit du numéraire n'est pas l'effet de 
la décadence du pays ; il en est d'abord la cause , 
et successivement la cause et l'effet. 

Dans l'une et l'autre hypothèse , l'exportation 
du numéraire est un signe d'appauviissement. 
Smith , qui n'admet que la première , décrit 
avec beaucoup de vérité , de force et de cha- 
leur , les effets de l'écoulement de l'argent. Ce 
morceau trouvera place ailleurs. En attendant 
je prie d'observer qit'il s'applique aux deux 
hypothèses, parce que dans toutes deux, l'ex- 
porlatiou du numéraire a les mêmes résul- 
tats. J'ajoute qu'il s'applique plus particulière- 
ment encore à la seconde , qui s'est déjà plu- 
sieurs fois vériGée chez différentes nations de 
l'Europe. 

C'est donc une vérité reconnue que plus un 
pays aura d'argent en circulation , plus il aura 
de moyens de travail. 

Mais en quoi consiste la circulation 7 quels 
en sont les effets relativement à la production ? 
Comment peut-on la rendre plus active , san» 
jiugmenter la quantité de numéraire ? l'ezaraen 



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D E L'A R G E N T, etc. 45 
àe ces questions fera l'objet des deux chapitres 
miyans , daos lesquels j'espère confirmer par 
de nouveaux raisonnemens les pnncipes que jo 
viens d'établir sur l'utilité de l'argent considéré 
comme instrument du commerce;. 



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44 



CHAPITRE IV. 

De la circulation de l'argent, 

JjE phénomèDe de la circulation de l'argcDt 
est UD des plus extraordinaires , et en même 
temps tin des plus simples du corps social. Il 
â beaucoup d'analogie avec celui de la circu- 
lation du sang dans le corps humain ; et c'est 
par cette raison qu'il est venu à la pensée de 
presque tous les écrivains qui ont parlé de la 
richesse publique , de comparer l'un à l'autre. 
Cette comparaison a même été reproduite tout 
récemment dans un ouvrage où l'auteur l'a 
poussée, assurément fort loin , puisqu'il établit les 
points de similitude qui existent entre toutes les 
ramifications du travail et celles de Vaorte, de 
Vartère , de la veine pulmonaire , etc. Le ré- 
sultat de ces rapprochemens est que le magasin 
dun négociant peut être comparé à un des 
ventricules du cœur , et sa caisse à Vautre 
ventricule. Le roéme auteur voulant donner 
une idée juste des bénéfices que procure chaque 
opération de commerce , dit dans un autre en- 
droit : le gain d'un vendeur est égal au pro- 
duit de la farce de ce vendeur, multiplié 



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DE L'ARGENT, etc. 45 

par la latitude j et divisé par la somme des 
forces. 11 faut croire qu'en se servant d'un 
pareil Inngagc , M. Canard voulait que soA livré 
ne sortit pas d'un très-petit qombre de m^ios; 
et l'oo ne peut se lasser d'admirer comment « 
eu écrivaQt sur récoDOmie politique , il a pu 
borner soo ambition à n'être eoteodu que de« 
médecins et des mathématiciens. 

Il n'y a point d'individu qi)i ne puisse j^iger 
p-)r lui-même des effets de la çircuIjittQn du 
numéraire. J'ai sous les yeux .une pièce d« cinq 
francs que je donnerai dans un mopient à Ittâtt 
libraire , en échange d'un ouvrée qu'il m'ft 
fourni. Du libraire, et ce matia mèpipt cette, 
pièce ira chez le papetier , du papetier çb^z Ib 
boucher , du boucher chez le boulanger. Ait 
bout d'une heure elle a dix ibis chan|[f demain ; 
elle eu changera dix fois encore dans la journée. 
Or après ces vingt «pérations , elle aura fait* 
pour lu société , l'office d'un capital de cent franca 
en marchandises qui, réparti également enU« 
vingt personnes » n'aurait aervi pour chacuno 
d'elles, qu'à un seul échange. 

On est naturellement porté à conclure de là 
qu'en rendant la circulation prodigieusement 
rapide, une très -petite quantité de numéraire 
pourrait sufdre aux besoins d'une grande nation ; 
mais cetlfiioduction serait inexacte, parce qu'elle 



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46 L I V R E I. 

repose sur dessuppositions impossibles à réaliser. 
La circulation ne peut être fort rapide que dans 
les échanges d'une importance secondaire , et en 
général elle se ralentit à mesure que les tran- 
saeiioDs s'agrandissent. Entrez dans le magasin 
d'un marchand qui détaille ; les petites sommes 
affluent chez lui j mais à l'exception de ce qu'il 
prélève pour ses dépenses journalières , l'argent 
qu'il reçoit ainsi en petites parties , entre dans 
ses coffres et s'y amoncelé jusqu'à ce qu'il puisse 
ou remplacer en gros tout ce qu'il a vendu eu 
détail , ou remplir des eugagemens antérieurs 
contractés de la même manière. Cet argent , 
sortant alors de ses mains , passera dans celles 
du marchand en gros , qui l'encaissera à son 
tour jusqu'à ce qu'il en ait réuni assez pour 
faire aux manufacturiers, chez lesquels il s'ap- 
provisionne , ses propres paiemens, nécessaire- 
ment plus considérables. Là , ce capital ainsi 
accru , servira à de nouvelles reproductions , 
qui le morcelleront et le renverront encore une 
fois dans la circulation , soit par l'achat de 
matièresbrutesjsoitpar le paiement aux ouvriers 
du sabire de leur travail. 

11 est aisé d'apercevoir que tous ces viremen» 
de fonds doivent entraîner des lenteurs , et que 
le plus souvent , l'argent dort. Il n'y a donc , à 
proprement parler , que celui employé à Tachât 



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DE L'ARGENT, etc. 47 

clés subsistances qui soit constammeat en mbtt-- 
vemeot. 

- On peut calculer assez exactement les efTett 
de la circulation , en comparant la somme des 
revenus d'un pays avec la quantité de numéraire 
qu'il possède. Le revenu annuel de la Grande- 
Bretagne a été porté , d'après des évalnations 
inférieures à celles du ministère, à igS millions 
sterling , qui équivalent à peu près à 4 milliards 
5oo millions de France. Je croi» inutilede faire 
observer que le revenu total d'une nation se 
compose du revenu particulier de tousses mem- 
bres ; qu'en prenant pour exemple un cultiva- 
teur , un fabricant et un ouvrier, il faudra ad- 
ditionner ce que ces individus gagnent annuel- 
lement par leur industrie , ou ce qu'ils toudient 
soit comme rente de leur terre, soit comme in- 
térêt de leurs fonds, pour avoir la somme de leur 
revenu total , et que c'est cette même opération, 
étendue à tous les membres de la société , qui 
donne le revenu annuel du pays. Le revenu 
annuel de la Grande-Bretagne a donc été évalué 
à 4 milliards 3oo millions de francs. En répar- 
tissant cette somme sur une populabonde 10 
millions d'âmes , cluique individu se trouve pos- 
séder une valeurde 43o francs.(i)Or le numé- 

( I ) Cette somme patoUra farts, et cependant je suù 



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48 L I V R E ï. 

raire de l'Angleterre n'excède guère un milliard, 

ce qui donne par tête loo francs seulement. La 

loin de la croire exagérée; mais îl s'agit ici de raiRon- 
nemeutgénéranx, aoa de calculs précis; et qaind cha- 
que Anglais n'anrait s dépenser par année que a5o fr. , 
comme on l'eKtime aSsez commune méat , les elfets de la 
circulation n en seraient ni moinï évideiu , ni moins 
utiles. An surplus il faut se défier de toutes ces êyalua- 
tions de revenus des peuples , calculées en quatre ou cinq 
articles géséranx , qui ne peuvent ni tout Comprendre , 
si tout comprendre exactement. Les écritains qui ont 
recherché de cette manière 'a combien pouvait s'élever la 
revenu de la France, varient dans leur réiuttat, de 3 a 
10 milliards. Rien ne montre mieux l'imperfection des 
Méthodes. On devrait donc avant tout s'acceider snr les 
bases , qui sont encore aujourd'hui très-inceft aines. Cou- 
prendra-t'Ott dans les revenus d'un pays les produits du 
travail immatériel, que Smith appelle improductif? y 
comprend ra-t-«n les produits du trarail matériel, quand 
CBS produits auront été consomm^dana l'année? Je réponds 
affirmativement a ces deux questions , sur lesquelles il s'en 
font bien que les écrivains soient d'accord , et que je ne 
puis dilcntér dans cet Ouvrage uDicfuement consacré au 
dévela^fflmnt des principes dont l'applioatian peut £tre 
d'oBB vtilité immédiate. Je prie seulement le leotear d'ob- 
aerver que puisque le revenu d'un pays se compose de ce- 
lui de tous les individus qui l'habitent , tout calcul qui 
be fara point «ntrcr dans la massa générale de ce revenu 
etiai d'nna ou plusieurs olasscs d'individus , wia par cela 
même inexact; et ce premier aperçu me fait soupçonner 
avec une grande apparence de fondement , qu'en évaluant 
le revenu total de l'Angleterre » 4 milliards 3oo mil- 
lion», et celui da la Fiance, k lo milliards, on est resté 
de part et d'autre très -an -dessous de la vérité. ( Vida 



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DE L'ARGENT, etc. 49 

ùrculation assure donc déjà , à chaque iodividu , 
en revenu , le quadruple de la portion du ca- 
pital numeVaire , à laquelle il est censé avoir 
droit. 

Mais les ^So francs qui reviennent à ebacun 
des membres de la société , par suite de la dis- 
tributioD égale de tous les revenus du pays, ne 
sont que le résultat de la circulation et ne la 
constituent point. La pièce de piaq francs que 
jai laissée à mon libraire , et qui , depuis , a passé 
dans vingt mains , a procut^ , à t^acun de cetix 
qui l'ont possédée , un gain quelconque. Je sup- 
pose ce gaÎD de 5o centimes par opération ; le 
bénéâce total sera 10 frases ; mais la pièce ,en 
achetant successivement une quantité de mar- 
chandises égale à vingt fois sa valeur , a làii dr- 
culer un capital égal à vii^t fois cette valeur , 
c'est-à-dire, à 100 francs. 

Ainsi les 4 milliards 3oo millions auxqueb 
on estime le revenu de l'Angleterre, sont le ré- 
sultat d'nne drculation matérielle en valeurs, dif- 



(ont VéraliHtKm det reveaiu Ae l'Angleterre , 1m ubleanz 
ia doetenr Beek , et Max en gouvernement , et pour 1* 
France, indépendanment des ouvrage* det économistei, 
Forbonnaif , /a Balança dit Commerce , le Mémoire de M. 
Gerboitx sur la Démonétisation de VOr , lea Considéra— 
tions sur l'organisation toeiule da la France tt d* V Angle— 
torrt; M. Deguer, «t". 

4 



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5o L I V R E I. 

(îcile à «ppréder, m»s qu'on doit croire au moint 
(li'cuple , et qui est produite par quinze ou dix- 
buit ceatmillioDS, tant en numéraire qu'en papier 
de banque. 

Les bienfaits d'uue circulation aussi active sont 
incalculables , et si l'on persiste à nier qu'il faille 
les attribuer à l'argent , je demanderai encore 
une fuis où sont les pays qui aient atteint quel- 
que degré de splendeur , privés de ce moyen 
decbange. 

Smith passe rapidement sur le mécanisme si 
intéressant de la circulation. Il se contente de 
remarquer que la proportion entre la somme 
d'argent en circulation dans un pays , et la valeur 
totale du produit annuel qu'elle fait àrculer , a 
été évaluée par différens écrivains, an dixième, 
au vingtième et au trentième de cette valeur. En 
calculant d'après la dernière de ces évaluations , 
chaque pièce de cinq francs crée annuellement 
cent cinquante francs de valeur, Une pareille 
source de richesse est-elle un bienfait? C'est à 
cette question très -simple et assurément irès- 
facileà résoudie , qu'est désormais réduite celle 
de l'utilité de la conservation et de l'augmen- 
tation de l'argent , considéré comme moyen 
d'écbangc. 

Ici les partisans de Smith m'interrompent , et, 
prenant la parole en son nom : // est faux que 



ji-vGooglc 



DE L'ARGENT, etc. 5t 

tardent crée des valeurs; targent ne cre'a 
rien. U argent fait circuler les produits dit 
travail. Le travail seul est producteur. 

Oui; l'argent sert à faire circuler les produit^ 
du traYail, et c'est pour cela qu'il les crée. Sans 
la pièce de cinq francs que j'ai dans ma poche» 
je serais forcé pour acheter l'ouvrage de littéra- 
ture qu'elle paiera, d'offrir à mou libraire telle 
autre valeur eu marchandise dont il se soucierait 
probablement très^peu. Sans cette pièce de cinf^ 
francs, lui-même ne pourrait s'acquitter envers 
le papetier qu'avec des livres qui , peut-être , ne 
conviendrai eut point à ce dernier. Le papetier à 
son tour , n'aurait de moyens de payer son tail- 
Icur,soo cordonnier, son chapelier, son horloger j 
qu'en objetsde papeterie j et que d'embarras , que 
d'entraves à la circulation! Ainsi sans cette même 
pièce de ciuq francs , ou pour généraliser l'exem- 
ple , sans une marchandise qui puisse également 
convenir à tout le monde, et servir de monnaie, 
il est certain qu'aucun de ces échanges ne se 
serait effectué. Or, on ne produit que pour 
échanger. Ne pouvant plus échanger, ou ne pou- 
vant plus échanger que très-difficilement, on ne 
produirait plus. Alors nous n'aïu^iqus nilibraii-es, 
ni papetiers, ni chapeliers, ni horlogers. Nous eu 
serions à la première ou à la seconde période du 
commarce, et notre civilisation aurait à peu prcs 



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52 LIVRE!. 

atteint le degré de celle des peuples de rArrK|uei 
qui se servent encore de sel ou de coquilles pour 
effectuer leurs éclianges. 

Il est donc vrai de dire que l'argent crée le» 
valeurs, puisque sans argent nous n'aurions ni 
valeurs , ni industrie , ni commerce. 

Je fatigue le lecteur par ces retours fréquen» 
aux mêmes idées et aux mêmes principes ; mais 
qu'il réfléchisse à l'autoiité que je combats. ( 1 ) 



( I ) Smîtk est de tous les écrÏTaias qnî se SMit occit- 
pés de la richesse ità nations , celui dont les recherchtta 
ont le plut de profoudear. Ses belles obserrations sur l« 
division du travail , par lesquelles il a commencé son ou- 
vrage , sans doute afin de se mieux rendre. maître de l'es- 
prit du lecteur, suffiraient a sa réputation , si d'ailleurs 
«lie n'était solidement établie sur une foule de véritéa 
neuves et grandes, que son livre développe, et qu'il a 
■perçues et expliquées le premier. J'entre une fois pour 
toutes dans ces détails , afin qu'mi ne trouve point étrangtt 
l'adnùratîou que je professe pour un écrivain que je suit 
forcé de combattre presque 'a chaque page; et j'insiste, 
de peur que le lecteur , s'il en est qui ne le connaisse 
point, n'en prenne une idée fausse, et ne suppose, par 
exemple, que Smith a d& sa réputation b ceux Je se* 
principes que je discute. On peut dire au contraire à In 
lettre que c'est malgré oes principes que im réputatiOD 
s'est établie , et que c'est ensuite cette même répntstioa 
([ni a servi 3i les propager. Ainsi quand je parviendrai* 
kl le réRiter aar quelques points , ce dont je suis bie» 
éloigné d'oser encore me flatter , ses titres nomme écvi— 
' vain lumineux, et profond observateur, resteraient le» 



nigtij^ji-vGoogle 



DE L'ARGENT, etc. 55 

Je ne puis jamais penser qa'on me donnent rai- 
son contre Smiih, et cette dé6ance me rend pro- 
lixe, lorsqu'il serait le plus de mon intérêt de ser- 
rer le raisonnement. 

II faut pourtant achever celui-ci ; non , Smith 
n'aurait pas nié que l'îirgent n'ait facilité les 
échanges et servi puissamment l'industrie ; mais 
nevoulantabsolumentpointle considérer comme 
nne partie intéressante de la richesse publique , 
ne voulant point qu'on le crût plus utile que 
toute autre marchandise , il aurait raisonné autre- 
ment. Par exemple, il aurait dit : un pays qui 
crée chaque année pour lo, ao ou même 3o 
milliards de valeurs , n'a pas ordinairement plus 
d'un milliard en numéraire. Ce milliard n'est 
donc que le trentième de sa richesse totale; donc 
il ne constitue qu'une très-petite partie de cette 
richesse. Donc le pays ne serait point appauvri 
en le perdant, donc il est ridicule d'empêcher 
qu'il ne sorte , donc , etc. 

Le lecteur frappé de ta fausseté de tontes ces 
conséquences, me demande comment je puis 
prêter à Smith une dialectique aussi étrange. 
Sans le milliard en numéraire , me crie-t-on de 
toutes parts, les 5o milliards en valeurs n'eussent 



mtmts. Seulement il demearerait conatant qu'il s'«st quel- 
qucfoi* trompé ; et quel éctÏTain ne m trompe jamab I 



..edi-vGooglc 



54 L I V R E I. 

point été créés. Il importe donc de conserver ce 
milliard qui rendra les mêmes services l'année 
prochaine, celle d'ensuite et toujours. Un mil- 
liard en numéraire qui dure des siècles et qui 
crée annuellement trente fois sa valeur, est cer- 
tiiinemeot plus utile qu'un milliard eu marchan- 
dises qiû ne crée rien et s'anéantit dans un an , 
dnns un mois, dans un jour. Il est absurde de 
comparer l'un à l'autre. Jamais Smith n'aurait fait 
un pareil rapprochement , eL , . . . 

Vous vous trompez. Le raisonnement qtte j'ai 
prêté à Smith, est dans son ouvrage. Il y est 
comme je le rapportejen voici la conclusion lilté- 
Tule. « L'argent fait toujours partie du capital 
» national, ( i) mais il n'en fait qu'une petite 
» partie, et toujours la partie qui profite le 
u moins à la société. » 

Vous l'entendez : l'argent fait toujours partie 
du capital national; mais il est la partie de 
ce capital, (fui profite le moins à la société. 

Ce raisonnement me rappelle la cooduite d'un 
homme que la lecture des économistes avait rendu 
fou, 11 possédait une maison bâtie sur pilotis. 
Calculant la valeur de cette maison, et celle de 
toutes ses parties , il trouva que les pilotis n'en 
constituaient que le trentième. C'est la partie de 

( ■ ) Tout. UI , pag. ii. 



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DE L'ARGENT, etc. 55 

ma maison qui a le moins de valeur, repûtnit-il 
tons les jours, et il faisait scier tantôt un, tantôt 
deux, tantôt dix de ses pilotis dont il prétendait 
tirer un parti plus avautageux. 11 en fit tant scier 
que la maison croula. 

La valeur de la maison c'est celle des produits 
annuels d'une nation. Les pilotis servent de fon- 
dement à la maison, comme l'argent sert de buse 
à la richesse publique. Otez les pilotis , la maison 
croulej exportez l'argent, plus de moyens d'<'- 
ebanges, plus de travail, plus de richesse. Le 
paya est ruiné. 

« Il serait vraiment trop ridicule , poursuit 
» Smith, de s'attacher sérieusement à prouver 
» que la richesse né consiste pas dans l'tirgent , 
» mais bien dans les choses qu'achète l'argeat 
» et dont il emprunte toute sa valeur, par la 
» faculté qu'il a de les acheter. » Mais l'argent 
qui achète est aussi l'argent qui produit. Smiih 
nous donne là desabstraciions quiuenousappren- 
uent rien, et dont on ne peut tirer que des consé- 
quences dangereuses. L'argent , considéré d'une 
manière abstraite , et indépendamment de sa 
faculté échangeable , ne peut ni nous couvrir, ni 
nous chauffer, ni nous alimenter. Qu'est-ce que 
cela prouve? que l'argent n'est point richesse ? 
qu'il importe peu qu'une nation en possède beau- 
coup ? qu'il lie faut point tenir àsa conservation? 



ji-vGooglc 



56 L 1 V R E I. 

quelle logique ! Mou puisque l'argent est indis- 
pçmable à la formatioa de toutes les valeurs, 
puisque sans argent on ne peut ni rien produire^ 
ni rien acheter de produit, par quelle làtalitô 
vous obstiaez-vous à nier que lui-même il soit 
richesse ? 11 l'est, vous dis-je, et dans un sens 
beaucoup plus étendu que le mot ne le com- 
porte. L'argent est plus que les richesses, car il 
les crée toutes j l'urgent est l'âme du monde 
commerçant. 

J'entre chez nu fabricant; je llnterroge sur 
la valeur des produits annuels de sa muiuiàcture. 
Cette valeur passe un milliou. Je me récrie sur 
les avantages d'une industrie aussi florissante .... 
Mon fabricant m'interrompt, et se toumaotvers 
des métiers auxquels je n'avais donné qu'une 
ottention très- dédaigneuse, il me dit avec or- 
gueil : voilà ma richesse. — Quoi! ces morceaux 
informes qui ne valent pas tous ensemble le 
centième de ce qui sort annuellement de votre 
fabrique!— Voilà ma richesse, vous dis-je. Ne 
voyez-vous donc pas que sans ces métiers , je ne 
pourrais rien produire .... Concluons : l'argent 
est dans un pays, ce que sont des métiers dans 
une manufacture , et pour bien juger la justesse 
de ce principe de Smilh : L'argent fait tou- 
jours partie du capital national, mais il n'en 
fait ijvl une petite partie , et toujours la par* 



N Google 



DE L'ARGENT, etc. S7 

tie qui profite le moins à la société i U faut 1« 
traduire aiosi : Les métiers font toujours par- 
tie du capital ttun fabricant , mais ils n'en 
font qu'une petite partie^ et toujours celle 
qui lui profite le moins, ce qui dispense, je 
crois, de réfutaùon. 

J'ai choin l'ADgleterre pour établir mes cal- 
culs sur la circulation , parce qu'elle y est , toute 
proportion gardée , phis active qu'en France. On 
évaluait Rvant la révolution notre numéraire k 
deux milliards ; mais il eo a été exporté depuis 
des quantités conùdérables , et il s'en faut bien 
que le surplus circule eo totalité. 

De toutes les iostituùons qui ont pour butda 
suppléer à l'argent , la meilleure parrit être cello 
d'uDe banque. J'examinerai daos le chapitre suif 
vaut comment le papier de banque peut être 
utile au pays. 



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LIVRE I. 



CHAPITRE V. 

De la rareté de l'argent. — Des banqac). 

J^orsque Hadostne d'uo peuple va toujoni-s 
se développant, l'on en peut tirer l'uDe ou l'autre 
de ces conséquences : ou l'argent du pays s'est 
accru , résultat nécessaire d'un commerce ex- 
térieur avantageux, comme j'espère le prouver 
autre part , ou la nation a trouvé le moyen d'y 
suppléer par les institutions que le crédit facilite. 
il peut arriver cependant que les premiers etforls 
d'une nation qui devient industrieuse , lui enlè- 
vent annuellement une partie de son numéraire ; 
mais cet eflfèt est alors purement momentané. 
Lorsque les manufactures de Lyon s'établirent, 
nous n'avions presque point de soies. On en tira 
donc de l'étranger , qu'il fallut payer avec de 
l'argent. Qu'arriva -t -il ? on fit des essais, on 
planta des mûriers , et bientôt lu plus grande 
partie des soies employées à Ly6a dans les Fa- 
briques fut le produit de notre propre sol. Alors 
la sortie du numéraire cessa. Ce n'est pas tout : 
les soies indigènes , travaillées à Lyon , devinrent 
l'objet d'un commerce eriérieur très -considé- 
rable , et l'argent que l'étranger donna depuis 



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DE L'ARGFNT, etc. Sg 

en retour, fît certes reatrer avec bénéÛQe les 
premières sommes exportées. 

Smith pense que des exportations de numé- 
raire pourraient ainsi se prolonger sans inconvé- 
nient, peut • être pendant un demi-siècle. Si 
la France se voyait enlever chaque année , seu- 
lement vingt millions , au bout tle cinquante 
ans son numéraire serait réduit de moitié. Cet 
appauvrissement dans le capital national entraî- 
nerait la chute de toutes les branches d'industrie 
qu'il alimente , et l'on verrait successivement 
tomber les trois quarts de nos manufactures. Si 
ce n'est pas là un inconvénient , le commerce 
n'est plus un bienfait. Alors renonçons-yj nom 
serons du moins conséquens. 

Lorsque par uue tendance contraire aux prof 
grès de l'industrie nationale , ou par une suite 
de ses progrès , l'argent qui existe dans le pays 
ne sulljt plus à la circulation , on entend de 
toutes paris s'élever des plaintes sur sa rareté. 
Selon Smith , ces plaintes sont particulières 
à d'imprudens dissipateurs , et manquent 
presque toujours de fondement. La cause or- 
dinaire en est dans la fureur qiî on a d'en- 
treprendre plus qu'on ne peut faire. (i)Après 
avoir établi que l'exportation du numéraire n'é- 

( I } Tome m , pa^ an. 



ji-vGooglc 



6o L 1 V R E t. 

tait pas UB mal, il fallait nécessairement qae 
Smith nous prémunît contre lea plaintes qu'ex- 
citerait sa rareté; mais cette rareté n'est souvent 
que trop réelle. Elle a toujours des résultats 
funestes j et quand Smiih en oie l'existence et 
]ea efiets, ou n'en peut absolument rien conclure, 
ûnon qu'un principe faux conduit infailliblement 
à des conséquences que l'expérience désavoue. 
« L'argent n'est rare , poursuit Smith, que 
» pour ceux qui n'ont point de marchandises à 
» donner en échange » ; mais il faut les créer 
ces marchandises et l'on ne crée rien sans ar- 
gent. «Usez donc de votre crédit, empruntez». 
Empruntez ! mais quand l'argent est rare on ne 
prêle point , ou si l'on prête , c'est à douze , 
quinze, vingt pour cent , et malheur alorsàceux 
qui empruntent ! 

Il me semble que rien n'était plus propre à 
éclairer Smith sur l'existence possible de la ra- 
reté de l'argent, que l'institution des banques , 
dont le principal but me paraît être, ou d'y 
remédierou de la prévenir. Le papier de banque 
supplée au numéraire , parce que la conBanca 
lui donne le même cours. Or , les opérations 
s'agrandissent avec les moyens de les multiplier. 
C'est ainà que l'Angleterre a presque doublé 
3on capiul numéraire circulant , et que , riche 
seulement d'un milliard eflùctlf, elle ùit autant. 



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DE L'ARGENT, etc. 6t 

de commerce , que si elle en possédait deux. 

L'argeot ne pouvant jamais être rare, suirauc 
Smilb,on ne conçoit pas trés-aisément, d'après 
ce sy8l«nie , quel genre d'utilité doit avoir le 
papier de banque ; car enfin il augmente l'in" 
dustrie,oui on non j s'il ne l'augmente point « 
à quoi est -il bon ? s'il l'augmente, ce ne peut 
être qu'en tenant lieu d'un capital plus considé- 
rable. Donc il peut être avantageux d'augmenter 
ce capital , et par une conséquence u«8-impo* 
rieuse , si on ne l'augmente point , il y aura rareté. 

Il est tqès- curieux de suivre 5mith dans les 
raisonnemens où il s'enfonce pour se Urer de 
celte alternative embarrassants. 

« Si les opérations les plus sages des banque» 
» peuvent augmemerrindustrie dans un pays, (i) 
n ce n'est pas qu'elles y augmentent le capital , 
w mais c'est qu'elles rendent active et producdv* 
p une plus grande partie de ce capital, que celle 
1) qui l'aurait été sans cela. » L'effet du papier de 
banque sera donc de faire sortir du coffre de 
l'avare l'argent qu'il y lient soigneusement caché ; 
car celui-là seul est improductif Mais ce n'est 
point là ce que Smith veut dire. « Cette parue 
j» de son capital qu'un marchand est obligé de 
p garder par devers lui en espèces dormantes 

(0 ToDie U, page aSg. 



jNGoogle 



63 L I V R E I. 

» pour faire face aut demaDdesqui surviennent, 
» est autant de fonds mort qui , tant qu'il reste 
n dans cet état, ne produit rieo ^ ni pour lui uî 
» pour le pays. » Mais l'argent ne peut pas tou- 
jours être sur le dos des portes -faix , et quelque 
rapide que soit la circulation , il faut bien qu'elle 
ait des intervalles de repos. Or , le fonds qui 
repose dans la caisse du marchand pour faire 
face à des paiemens prochains , n'est point un 
fonds mort , ou bien il n'existe de fonds cir- 
culans que ceux qu'on promène , et au moment 
où on les promèoe, Uy a ici abus de mots. « Les 
» opérations d'une banque sage mettent le mar- 
» chand à même de convertir ce fonds mort en 
» un fonds' actif et productif, en matières pro- 
n près à exercer le travail , en outils pour le 
> . faciliter et l'abréger , en vivres et subsistances 
» pour le salarier , en capital enfin qui produira 
» quelque chose pour ce marchand et pour le 
" pays. » Sans doute , et c'est pi-écisément ce 
que ferait une somme numéraire égale à la valeur 
dn papier de banque que se procure ce maichand. 
Le papier de banque en tient donc lieu ; il aug- 
loente donc le capital. 

Un fabricant a cent mille francs : a*ec cette 
somme ilentretient vingt ouvriers et dix métiers. 
S'il avait cinquante raille francs de plus , au lieu 
de vingt ouvriers , il en entietiecidi'ait trente , et 



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DE L'ARGENT, etc. 65 
quinze métiers , au lieu de dix. Il ne trouve 
point à emprunter , parce que l'argent est 
rare et l'intérêt trop haut. Mais une banque s'or- 
ganise. II s'y approvisionne aussitôt des cin- 
quante mille francs qui lui manquent. Or il ob- 
tiendra avec cette somme en papier précisément 
ce qu'il aurait obtenu avec la même somme en 
argent. J'ai donc eu raison de le dire j le papier 
de banque supplée à l'argent j il augmente le 
capital. 

J'arrive à ce résultat , qui me paraît incontes- 
table , en considérant le papier de banque comme 
suppléant naturel du Duméraire. Smith, qui 
n'aurait pu l'envisager ainsi , sans infirmer toute 
sa doctrine , le présente conime substitué à l'ar- 
gent. H La substitution du papier à la place de 
j> la monnaie d'or et d'argent, est une manière 
» de remplacer un instrument de commerce 
» extt-êmement dispendieux par un qui coûte 
N infiniment moins , et qui est quelque fois tout 
» anssi commode, (i) La circulation vient à s'é- 
;> tablir sur une nouvelle roue qui coûte bien 
M moins à la fois à fabriquer et à entretenir que 
» l'ancienne. » Ainsi voilà les avantages du pa- 
pier de banque réduits à la simple économie 
qu'il peut procurer au pays sur l'achat des mé- 

( 1 ) ToBM II , 'pif;e aa?. 



ji-vGooglc 



64 L I V R Ë I. 

taux, et au gouvenMment sur la fabricatîoticlet 
monnaies. Cette manière d'envisager une insù- 
tutioD aussi belle , aussi grande et dont riolluence 
sur la prospérité publique est si marquée , me 
parait absolument indigne de Smith. 

Il dit ailleurs (i) : « La quantité d'or et d'ar- 
» geot qu'on retire de la circulation est toujours 
u égale à ta quantité de papier qu'on y ajoute ; 
» ainsi le papier-monnaie n'augmente pas né- 
» cessaîrement la somme de monnaie courante, m 

Mais si le papier de banque est simplement 
substitué au numéraire en circulation , il est 
impossible qu'il augmente la somme des produits 
annuels. Cette inaùtutioQ n'inQuera donc point 
sur les progrès de l'industrie ; eTque prouve 
alors l'exemple de ce marchand qui convertit en 
un fonds actif et productif , eh matières 
propres à exercer le travail , en outils pour 
le faciliter et l' abréger , en subsistances pour 
le salarier, etc. le fonds prétendu mort qu'il a 
dans sa caisse et auquel il substitue du papier ? 

Snùth a d'abord montré comment te papier 
de banque pouvait contribuer aux développe- 
mens de l'industrie. Fidèle à son prinùpe, qu'un 
état n'éprouve jamais ni le besoin , ni la rareté 
de l'argent , il a prétendu seulement qu'en ser* 

( I ) Tome 11 , pi{« Sm. 



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DE L'ARGENT, etc. 65 

vaDt rindustrie * h papier de banque n'augmen- 
tait pas le capital. C'est , comme je l'ai dit, un 
simple abus de mots. Depuis , nous avons tu qull 
considérait le papier de banque comme subsùtué 
au numéraire , dont il doit épargner les frais 
d'achat et de fabrication. II s'agit de savoir main* 
tenant ce que deviendra le numéraire fabriqué. 
, On ne le croirait pas ! ce numéraire ira à Yé-' 
tranger , et ce sera au grand avantage du pays , 
qui pourra se procurer en échange des objets 
nécessaires à sa coosommation. 

Il faut encore suivre Smith dans ce raisonne- 
ment extraordinaire , dont il nous fournira bien- 
tôt lui-même les moyens de montrer la faus- 
seté. 

Smith prend pour exemple une nation qm 
possède un million sterling de numéraire. Une 
banque s'établit : elle émet en billets une somme 
pareille. Deux cent mille francs lui suffisent pour 
«ssurer le service de l'échange en argent , et 
bientôtle papier est substitué ààta la circulation 
an numéraire du pays. 

Ainsi , à l'exception des deux cent mille fi-.' 
que la banque conserve pour son service de 
tous les jours , et dont elle a apparemment les 
moyens d'assurer la rentrée constante dans ses 
cofires, voilà un pays qui peut absolument se 
passer de son numéraire, et oe qu'il a de saUux 
5 



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6Ô LïVKT. t. 

à fiûre «se ÎQoeotefiablemedt de Fettroye r à 

l'-étranger. 

Smith du meîtis le lui conseiHe. Voici main- 
teannt me» oiiservanioDS. Le pays qui s'est ainsi 
degm-DÎ de «on Bisméraire , a reçu en échange 
des objets consommables. En très-peu de temp» 
îl n'en reste aucane trace , non plus que da 
Duméraire avec ieiquel on les a achetés. Que 
la bai:q«e éprouve alors un échec , qu'elle Tienne 
à perdre b cottfimooe , et elle la perdra indubi- 
tablement aussitôt qu'elle ne pourra p4as écfaan< 
ger à bureau ouvert , la banipieroute est iné- 
vitable. Tous les povteurs de billets seront rui- 
nés, et la nation appauvrie d'argent n'aura plus 
ni moyens d'échange avec l'étranger , ni facultés 
de travail dans l'intérieur. Il faut l'avouer-: quand 
Snùth a tait consister tout l'avantage des ban- 
ques dans la facilité qu'elles procurent d'expor- 
ter le numéraire réel , il a cédé evenglémem aux 
cODséquences d'un système dont il est incom- 
préhensible qu'il ait méconnu le danger. 

Mais non ; il l'a au contraire très-bien pr«- 
vn. Il reconnaît que dans un pays eii la circu- 
lation se feit en papier, le souverain n'a pres- 
que aucun moyen de soutenir la guerre en pays 
eijDemi, qu'il lui est impossible d'envoyer a 
des alliés aucun subùde ; il va plus loin. Il 
prévoit le cas d'une invasion , et je laisse à pen- 



jNGoogle 



DE L'ARGENT, etc. 67 

aer ce «pu deviendrait ud paya dont la ncbewe , 
en quelque sorte imagioaire, pouirût tout ii 
C(H4» s'évaDouir , kon pas k ix swte d'itp* ïd" 
vision, maù par la seule crainte d'âne invanoo: 

Appès -ocila conçoit -OD<]ae Smith coiip«iU« 
■éneuseDMKità une Dation de substituer du papier 
i toD DDméraire , et d'ftDvoycrce aayiérwre à 
étranger! , 

Je tennÎDerai oe -que j'avitis ii dire d« l'uû- 
Jité de l'argent et du papier de baoqae,«a9- 
âdérés , oelni-Jà comme priecipe de réproduc^ 
tien , ceim-«i eataate suppléant de 4'ai^ent , par 
quelles ot^erratioas sur -ud ,aBtre .pas*^ ^ 
Smnlh t où il noas donne les mo]r«aa de rempla> 
eer le ansoérawe dans le cas où, coBU>e«o&«fn<- 
mon , il «e poHrrintqull devto -rare, «i £» snp- 
a posant'qaeforeti'arjçeatTieBBMitàmaDquer» 
s dan8ttnp8ysqni^adequoi«n«cfaet^^(i)«f 
» pays-trouvera plas.demoiyeasftetirsi^pléer'^ 
» ce défknt qu'à eekii de .presque tome Mj/tn 
p man^imdise quelconque. » Mais encore nno 
fois ,on ne^ait achetw^le l'argent qu'avecdes^Or 
ductions du sol ou des -œanjliaodises , et -quand 
on manque d'ai^atpGwr-océer des Bwi;ohandiBC8 , 
eommenf trouver dos marchamtesespour-adwiar 
de l'argent? « Silesmcmèpes premièrefroiaDqiiest 

(0T9«M IH> P»e« '9' 



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6» L I V R E ï. 

» aax maanfactures , il faut que IlDdustrie sW' 
» réte , si les vivres vienaent à manquer , il faut 
» que le peuple meure de &iin. » Sans doute } 
mais ni les vivres ni les matières premières ae 
manqueront tant qu'où aura de l'argent^ car avec 
de l'argent on exploite le terrain qui produit les 
matières premières et les vivres , ou on les achète 
i l'étranger, et avec des matières premières et 
des vivres on fabrique. « Si c'est au contraire l'ar- 
j> geot qui manque, on pourra y suppléer, quoique 
» d'une manière fort incommode , par des trocs et 
N deséchanges en nature. » Des trocs etdesécban' 
ges en nature ! Y pense-t-on ! Et c'est à la fin du i S" 
nècle , c'est lorsque toutes les nations commer* 
Çantes ont éprouvé pendant trois mille ans les 
bienfaits de l'introductioD de l'argent comme 
monnaie , c'est lorsqu'il ne reste plus aux grands 
peuples que ce moyen de splendeur , c'est au- 
jourd'hui qu'on nous propose de revenir aux 
échanges en nature ! Ainsi nous voilà retombés 
aux premiers jours de l'enfance du commerce* ! 
Ainsi nos voisins, nos maux , riches du numé- 
raire qu'Us nous auront enlevé , centupleront 
avec cet agent puissant tous les produits de leur 
industrie , tandis que manquant des objets de 
consommation les plus indispensables , nous se- 
rons , nous , rédiùts à faire des échaages en na- 
ture. Des échanges en nature I Mais sur quoi 



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DE L'ARGENT, etc. 69 

porteront-ils ces «changes ? Le fabricant de 
drap paiera donc ses ouvriers avec des étoffes « 
et ceux-ci leurs vivres en morceaux de drap bons 
M faire des habits d'Arlequin , car enfjp des échan- 
ges en nature supposent des divisions de valeur à 
Iln6ni,et jenevoid pas, moi, ce que pourra don- 
ner un artiste à son cordonnier. Si cet artiste est 
OD peintre , lui fera-t-il son portrait ? et si c'est 
un comédien , lui déclamera-t-il une scène de 
Racine ? 

Tel est l'aveuglement des auteurs de systèmes, 
qu'ils sont entraînés malgré eux , malgré leur 
génie, à des conséqueuces aussi déraisonnables. 
Des échanges en nature ! M»is que donnerez- 
vous, vous , écrivain profond, qui vous occupez 
à rechercher les causes de l'opulence des nations , 
que donnerez- vous à votre porteur d'eau , à votre 
perruquier , à votre tailleur , que leur donnerez- 
vous en échange des services qulls vous ren- 
dront? Leur lirez-Tous vos ouvrages? les grati- 
fierez- vous de vos manuscrits? ou bien vous 
procurerez-vous avec ces manuscnts une sorte 
quelconque de marchandise plus susceptible 
d'être st leur convenance? Mais quelle sera cette 
marchandise ? Et vous en tiendrez donc magasin! 
Je le dis hardiment. Rien de plus absurde 
dans l'état actuel de notre civilisation qu'un pa- 
reil sjstèoie d'échange. S'il était possible qu'une 



ji-vGooglc 



70 L 1 V R E I. 

itaiioD ftït réduite h l'adopt«r, il feudràit bieotât 
enacer son nàm Àe la Kste de3~ peuples oommer- 
çsDs ; tous tes arts y retomberaient dans Teo- 
feoce, on seraient abandonnés; on finirait par 
s'j vêtir de la peau des animaux sauvages ; et si , 
daoà nn pareil état d'abjecticm , cette Dation valait 
ericore là peine qu'on s'oocupit d'elle, ce qui 
pourrait lui arriver de plus heureux serait de 
passer sous la domination d'un pays étranger 
dont elle deviendrait la colonie. 

Encore un mot : « Un papier - monnaie , bien 
Il réglé , poursuit Smith , pourrm , chez ati 
» pareil peuplie, tenir lieu d'argent, oon-seu» 
» lettient sans inconvénient , mais avec de grands 
» avantages. » Un papier-moQuaie bien réglé ! , . . 
dans un pays qui n'a plus de numéraire! Pour- 
quoi Smith est-il mort sitôt ? H aurait vu ce que 
c'est qd'QD papier -mOQDaie dans Ud pays où le 
ilUméraitfe a été retiré de la circulatiob ; il aurait 
vu coinmem il le remplace , et il serait venu nous 
dire ensuite : ( i) u que l'attention du gotiverne- 
u ment ne saurait jamais être plus mal employée 
» que quand il s'occupe de surveiller la conser- 
» vation ou l'augmenlatioQ de la quantité d'ar- 
a gerit dans le pays. ...» parce qu'où peut tou-« 



(0 Tome III, page 19. 



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DE L'ARGENT, «ç. 7» 

jours le remi^acer avec àa papier • moQWiie. . . . 
lùea réglé. 

Cepeodaot , s'il état possible (faugmeoter «m 
même de conserver le Duméraîre d'âne Dation , 
Gans réglemeiM, sans Ioïa^ aans eatraves! Oui , 
c'it était possible. ... ; laaia n'antidpoDS point sur 
ce que j'ai à prouver dans les livres saivans, et 
teroÙDons pw r«ualyas rapide de celui-â , afin 
de nous mieux préparer aux développemens que 
doivent offrir les autres. 



L'introductioD de l'argent , comms moyeu 
d'échange , est l'évéuemeotqw aie pluseonti-îbae 
aux progrès du commerce. 

L'importance que le$ gouvernemena attaohept 
à la conservation et à l'augmentation de l'argent 
dans le pays, n'est pas déterminée' par la valeur 
des métanx précieux , mais par la propriété que 
ces métaux possèdent , et que seuls ils possèdent , 
de pouvoir servir commodément de monnaie. 

Le mot richesse , appliqué à l'argent qui cir- 
cule comme monnaie ) doit s'entendre des repro- 
ductions qu'il facilite en multipliant les échanges, 
et c'est dans ce sens qu'un pays s'enrichit quand 
son numéraire augmente , parce qu'avec cetio 
augmentation de numéraire croissent toutes les 
facultés productives du travail. 



ji-vGooglc 



73 LIVRET. 

Ainsi les reproducDoos aDDuelles d'un pava 
ne soat jamais que le résultat de la quantité de 
numéraire qui y circule ; d'où il suit que plus la 
vnleur de ces reproductions annuelles l'emporte 
sur celle de l'argent que le pays possède , plus il 
faut attacher d'importance à sa conservation. C'est 
absolument l'inverse de la doctrine de Smitb , 
dans laquelle Vargent-monnaie n'est estimé que 
pour sa valeur, tandis qu'il doit l'être beaucoup 
moins pour sa valeur , que pour les valeut-s qu'il 
crée en facilitant les échanges. 

On supplée à l'argent par le papier de banque 
qui augmente la richesse nationale , non de' sa 
valeur nominale , mais des valeurs réelles qu'il 
crée annuellement, en tenant lieu d'une plu» 
grande quantité d'argent. 



FIN Stl PRIHIia LITUR 



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LIVRE II. 

Du G>mmerce. 



J E me propose (TappUquer dans ce livre aux 
diflëreotes partîesdu commerce d'une nadoD, les 
prinàpes déduits dans le précédeot. J*j recber- 
cherai en même temps comment le commerce 
contnbae à la ricbesse d'un grand peuple. Les 
relaUons très-intîmea de rindustrie avec l'agri-* 
culture, et letu- importance respective n'étant 
ps justement appréciées, je dois d'abord m'eflbr- 
cer de les bien établir.Ge sera l'objet du chapitre 
oùvant. 



CHAPITRE PREMIER. 

Le GonTernement doit-il enftoiirager le Commerce et 
lei Fkbriqnea de préfërenoe k l'Agriculture ? 

CiETTE question est encore une de celles sur 
lesquelles le gouvernement et les écrivains ne- 
peuvent s'accorder. Il importe de la résoudre. 
Suivant les économistes, le travail des ouvriers 



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74 L I V n E I ï. 

des manuractures ne fait <pie remplacer ce qn'ils 
ont consommé de virres ea s'jr KTrant. Ainsi , 
dans ce système , l'industrie maDufacturière ne 
peut rieo ajouter à la ric^sse aaiionale , ou n'y 
peut ajouter que par des pnvations. 

L'agriculture , au contraire , indépendamment 
du salaire des ouvriers , donne encore un produit 
qui ne remplace rien et crée une valeur nouvelle. 
C'est donc une conséquence nécessaire qu'il faut 
préférer l'agriculture aux fabriques. 

Oui, dans ce système j mais je le crcùs faux » 
absolument faux. J'insiste d'ailleurs sur le mot, 
et avec ^ande raison ; car il y a des écrivains 
qui , ne cessant de répéter que le système des 
économistes est faux , emploient cependant, tout 
ce qu'ils ont de talent poiu* prouver ensuite que 
ce système est la plus belle conception de l'es- 
prit humain. 

Je suppose qu'il esiste une Bition purement 
agricole , où l'industrie n'ait fait encore aucim 
progrès. A l'exception desobjets de consomma- 
tion iodispeusables à sa uibsistaoce., ce peuple 
manque de tout. Je vais jusqu'à supposer qu'il 
u'sst pas même vêtu. 

' On conçoit qu'un pareil peuple aura beaucoup 
d'oisif». Quelques- ans d« ces oisilB découvrent 
■ÏMt d» £icr ht laiec des troupeaux ctl« Hb des 



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DU COMMERCE. 75 

champs. Ed moÎD» de vingt m», toute la nation e« 
habillée. 

Je demande à ao écononùste n cetto aatiott 
n'est pas plus riche qu'aupamaot. U n'hésita 
point , et me répond que non.— Non? — Non. 
Ce qu'elle a de phis en babiu , «lie l'a de motn* 
en vivres. La valeur ajoutée au Itn et Ji la lùae eit 
précisément égale à ce que les ouvriers ont coa* 
tommé pendant la durée de l'ouvrage. La riohesis 
du pays est toujours la même. —7 Toujours U 
même ! mais s'ils fassent restés oisifs ces ou- 
vriers , en auraient-ils consominé moins de vivrea 7 
Lanaliooa donc de pliuceqn'îlsootprodnit-.eUa 
est doué plus riche. 

Regardes autour de vous ; sor cent objets qna 
vous apercevez, il n'y en a pas un peut-être 
qui soit le produit imundist de la leire. Ne 
voyez-vous pas que dans l'état actuel de la eIviU> 
sation , l'homme n'emploie rien ou presque rien 
de ce qu'elle crée , tel qu'elle le orée? Ces mai- 
sons qui vous abritent , ces h.ihits qoi vous ooii'^ 
vrent et tous parent , ces aKmens qui vous sub^ 
tantent, tout a subi les effets de Fiadsstrie, toat 
a été approprié à vos besoins, à vos goût», i VOt 
fantaisies, tout a été modifié, chan^, déna- 
turé.... Et vous veneK tne soutenir que « mso«C 
point là des richesses , paroe que ceui qui }et 
ont produites b'om fitit q»e remplacer leur 



ji-vGooglc 



76 L ï V R E I I. 

eonsommatioD ! quelles misérables subtilités î 

Si l'industrie enlevait des bras à l'agriculture , 
et que la terre ne produisit plus de quoi nourrir 
les hommes , certes , elle deviendrait nuisible. 
Mais , oùriodustrie a - t-elle amené de pareils 
résultats ? Eh bieu , puisque l'agriculture n'oc- 
cupe qu'une partie des hommes qu'elle alimente , 
qu'est-ce que les autres ont de mieux à faire , que 
de donner, s'il est possible, une nouvelle valeur 
k ses produits ? 

Ainsi , en admettant que le travail des ouvriers 
lie fît qu'ajouter aux matières sur lesquelles ils 
exercent leur industrie , une valeur égale à leur 
consommation , ce travail n'en serait ni moins 
précieux , ni moins utile , puisqu'ils auraient éga- 
lement consommé dans l'inaction. 

Mais je vais plus loin. 11 est faux que le travail 
des ouvriers n'ajoute , aux matières premières y 
qu'une valeur égale à leur consommation. 

Je prends pour exemple un tisserand : il gagne 
de quoi alimenter lui, sa femme et trois enfans. 
Voilà donc cinq personnes que son travail fait 
vivre : donc il remplace au- delà de sa consom- 
mation. 

Mais ce tisserand ne peut point gagner de quoi 
alimenter une famille aussi nombreuse. Le croyez- 
vous ? soit. Eh bien , je la restreins à sa lèmme. 
Certes , n'étant plus que deux, ils joiiirom de 



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DU COMMERCE. 77 

quelqpi'aisaDce , et la femme pourra vivre com-r- 
mQdément sans rien faire. Or, cette femme, ali- 
meatée par son mari , exerce de son côté uq talent 
qui lui est propre ; elle fait de la dentelle. M« 
direz -- vous , à présent , que cette dentelle rem- 
place la consommation de l'ouvrière qui n'a rien 
consommé , ou qui n'a consommé que ce que 
rindustrie de son mari lui a permis de consom- 
mer ? Son travail est donc une richesse créée , 
une richesse qui ne remplace rien , un produit 
net, pour parler votre langage ; et il en est de 
même de toutes les productions de l'industiie, 
parce qu'il n'y a pas un seul ouvrier qui ne puisse 
fournir à l'existence de deux personnes. 

Il se présente une nouvelle (ïfficulté. Un 
artisan gagne par son travail de quoi alimenta 
une ou deux personnes, dix, » l'on veut , pet^ 
importe ; mais ce gain n'est toujours qu'un sa- 
laire , une i-écompense. I^ propriétaire d'ui^ 
bien fonds au contraire reçoit du fermier au- 
quel il l'afferme un produit quelconque, qu'il 
n'a acheté par aucun travail , par aucun serr 
vice , un produit net enfin. Il y a donc une 
différence très-essentielle entre ces deux sources 
de revenus , et la dernière est évidemment pré- 
férable à l'autre. 

Il existe entre ces deux sources de revenus 
une différence essentielle } oui. Mais il est Çmiz 



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7» L I V R E I I. 

que dans leur ïoflueace sur la prospérité publi* 
que, l'une soit Aupérieure k Fautre. La diffé- 
rence qui eiUte entre elles vient uniquemeoc 
de ceqoe dans le travail des manufactures , c'«at 
Pbomne q«ù fait tout , tandis que dans celui 
de la terre 4 il ne Eût poesque rien. Il siùt de Ut 
que le travail j^fnËqué à la terre est ÙKompa- 
fablement le pl«s avaMageux daos Tétat de na- 
ture oii la propriété n'eûste point encore. Mais 
dès que la ptopriébé est établie , dès que la 
fiieulté de £sposer d'un terrain est un draît 
qn'cn achète , le prix qu'on eu donne rétablrt 
érideopmenc {'«quilibre ; et toute diflereuce d« 
produit ^f^ratt daos les resaltats , puisque les 
bénéfices qoe proenre l'industrie sont , oon>me 
ceux de la tente , achetés par un capital dont let 
profits «e règlent -sur les risques du placement. 
' « Le iFarailidee artisans et manufaoturiers , 
* dit 'le traduoteuT de Smith , (i) reœbourse 
» ieS «alatres «t les prdfitâ de «eue qui «nt coo- 
« péi>é à 4'oavrEtge. Il fournit anx ouvriers nofi 
» récompense qu'ils ont achetée par leur-^aTaîl. 
-»- '11 paie aux •entrepreneurs une-indemnité-qu'ils 
«'«nt achetée par lenr -capital et le risque qu'il 
» 4 couru ; maïs letravfôl des cidtivaKurs trprès 
» avoir acquitté et cette même récompense et 

■(i) Noteag, tome V, page a65. 



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DU COMMÏUCE. fg 

» âette même nMlcmtiité , Tend oicore outre cela 
» im produit qui n'est aohe*^ par «leini travail y 
m par aaacan service , par aueao risque, na pro- 
» d«it purenesit gratuit , ^^i sent «oosommé 
» par §ens D'«y»Dt Dul^ment cooeoura à le 
» fiûre naftre. n Un produit ^rement gratuitl 
Eli ! niaîa , «st - oe que la terre rpâ le read , «e 
prodnic ff-aSuit , n'a point été ac^iebée , payée 
par UD capital en argent? est-ce que ee-ctipital 
ne doit pas donner un profit , «t ce pro^fit qu'il 
dœt dosuer , D'«st,- ce pas Totve produit «et , 
votre produit gratuit ? Voas dites «[ue œ pro- 
duit sera consommé par gens frayant point 
concouru à le foire naître ?sanft!^iMe ,«omme 
le produit d'une manufaoture , dont le pro- 
pnëtiùre n^djtkâte point par lui •- luème. Où 
donc est la «^(férence ? -et q«e powTez-'vous 
TOÙ* là que deux -ci^iuiuz ^irereement em- 
ployés ? 

J'ai cent mille écns : tous en avez Butaut; 
nous voulons tom les deux utikseroes capitaux, 
et les plaçant chacun sedcm -nos goûts , -nos -ba- 
lùtudes. ou nos connaissances^; vous feiles,vOuS| 
l'acqui^OD d'une terre , «t j'élève , moi , udo 
manufactuFe. A la fin de l'anuée vous 'touchez de 
vos fermiers huit ou dix mille-B-anos, et moi, 
dix -huit ou vingt mille francs de mes géi-eura. 
Que repréwntent pour nous ces deux somme»? 



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èo L I V K E I 1. 

MD produit oet , une rente ? non. Quoi donc ? 
le profit de nos capitaux. 

On aperçoit aisément pourquoi le capital placé 
dans les manufactures , rapporte deux ou trois 
fois plus que celui employé en acquisitions 
de ten-es. Au reste , il suffît iû que tous deux 
rapportent un revenu. Or , ce revenu , je le 
répète , n'est autre chose que le profit des 
capitaux. 

Cessons de discuter sur le nom qiû lui con- 
vient , et qui , après tout , importe assez peu , 
pour nous occuper de l'ublité de ce revenu , par 
rapport à rétat. 

Vous et moi avons k disposer à la fin de 
l'année, vous, de ànq cents septiers de blé » 
moi , de vingt-cinq pièces de drap. Ce sont nos 
revenus en nature , tous frais et salaires prélevés. 
Je suppose que mon drap vaut en argent pré- 
cisément la même somme que votre blé : nous 
envoyons le tout à l'étranger , et nous importons 
en retour chacun i300 pieds cubes de bois de 
construction. Je vous prie de me dire si tout 
produit net à part , je n'ai pas autant servi l'état , 
dans cette opération, avec le produit de mon 
industrie , que vous avec la rente de votre terre ? 

Telle était l'idée que je m'étais faite des deux 
prioùpales sources de revenus , la terre et les 
fabriques, avant d'avmr étudié réconomie poU- 



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DU COMMERCE. 8i 

tique dins les livres , et j'aurais alors aoutenu 
inon sentimeot avec cette imperturbable con- 
fiance , suite de la conviction la plus intime. Je 
D'ai point changé de manière de voir ; mais fati- 
gué de toutes ces distinctions oiseuses entre deux 
sortes de revenus dont l'origine est évidemment 
[lareille , dont les résultats sont absolument les 
mêmes , et ne concevant point que des hommes 
très- instruits aient pu errer à ce degré , ce n'est 
plus qu'avec une extrême méftance que je hasarde 
mon opinion : étrange et déplorable effet de la 
lecture des économistes , dé n'oser point affirmer 
des vérités inattaquables , et de douter de tout , 
ptème de l'évidence ! 

Le lecteur me pardonnera sans donte cette 
digression , qui devait nécessairement précéder 
l'examen de la question qui fait l'objet* de ce 
chapitre. 

On n'aperçoit pas très-aisément quelle est^ 
sur cette question délicate , l'opinion de Smith. 
Il est cependant très- probable qu'il voyait dans 
l'agriculture la principale source de l'opulence 
d'un grand état j et comment interpréter autrè^ 
jneot tontes les sorties auxquelles il se laissé 
entraîner contre lei peuples modernes, qui Tonti 
dit-il, sacrifiée au oonunerce et aux manufac- 
tares?IIest vrai qu'il établit ailleurs des prin- 
cipes contraires à cette partie de sa doctrine j et 
6 



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83 H V R E ï I. 

aa,ai cette- facilité ({ue me donne Smith pour le 
coinbaltre , je n'aurais jamais osé Fentrepreodre , 
hiea coDvaincu qu'oD ne peut l'attaquer avec 
quelque espoir de succès, qu'en se servant contre 
lui de ses propres armes. 

Avant de reconunencer la lutte , je crois de- 
voir établir quelques rapprochemens entre l'agri- 
culture et les fabriques. 

L'agriculture est de toutes les oceupatioos 
auxquelles l'homme peut se livrer , In plus utile 
et la plus honorable : la plus utile , parce qu'elle 
tend immédiatement à sa conservaùoD ; la plu» 
honorable , parce qu'elle est presque toujour» 
indépendante et qu'elle engendre toutes les v«r- 
tus, compagnes ordinaires des mœurs simples. 
Maisl'agnculture, aussi ancienne que le monde, 
vil , si l'on peut s'exprimer ainsi , de ses propres 
ibrms , et n'a rien à attendre des hommes , qui 
ont tout à attendre d'elle. Un laboureur cultive 
son champ , parce rpi'H est sûr d'employer le 
produit de sa récolte. Il n'a beeom pour cela si 
de protection , ni de récompense. Plus la société 
sera nombreuse , plus il aura d'intérêt à pei^sc- 
tionner el à étendre son travail , et c'est déjà une 
première vérité reconnue , que tout ce qui leod 
à acorcritre la popul^ioQ , tourne att pro&t du 
peuple des campagnes. , ' 



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DU COMMERCE. 85 

Ces observatioas dont on ne peut , je crois « 
contester la justesse , en mnaqueraient absolu- 
meu à on Toulitit les appliquer i rindustris. 
L'bomme cultive son champ parce que le he- 
•oin lui en impose l'obligation. Cependant c'est 
bien moins pour loi un travail qu'un délasse* 
ment, et ce travail simple , facile, il en a cou- 
tracté l'habitude ei. le goût dès sa plus tendre 
•nfanœ. II en est tout autremeut de l'industrie ; 
•es progrès sont lents , les services qu'elle vend. 
imnnfi appréeiés. Il a dû se passer bien de» 
Mèdesavaotque les hommesaient pu s'astreindre 
Hix travaus assujétissiuis et monotones qu'elle 
emi^ ; et voilà pourquoi il n'existé pasuneséule 
«ontrée où l'agriculture o'dit fleuri , tandis qu'il 
en est un très -grand nrmibre où l'industrie «st 
toujours dem^eurée au berceau. 

L'agriculture se perfectionne d'elle-iuème, parce 
que les ppooédésqu'elie emploie sonttrès^mples. 
C'est une science en quelque sorte li>oalé , qi)i 
ne connaît de règle que la pratique , varie sùi- 
Ysnt les pajs «t les terroirs , et se rît des vaincs 
diéoriei da eabioet. Il ne. faut ui livres povr ta 
tépandre , ni raiiùfiti^s' pour la diriger. Laisaw 
le cultivateur suivre en paîl les leçoss de «a 
propre expérience; Sous le pj-étest* de I«i dviter 
la sHTchfege des impôts indinecU i nelw arraohez 
pas le ^ers ou la moitié àâ IM ^b*. v^iw appttlfz 



ji-vGooglc 



1 



84 L I V R E I l. 

80D produit net ; veillez, s'il est possible , a ce 
qu'il ne manque dÎ de capitaux pour produire , 
ni de bouches pour cousommer , et l'homme des 
champs vous béuira dans sou cœur, saus porter 
la môiodre envié aux fabncansdes villes, quelque 
protection que vous leur accordiez. 

Mais l'industrie ni le commerce ne peuvent 
avoir dans leur marche cette uniformité de mou- 
vement qui dispense le gouvernement de toute 
sollicitude. Leurs progrès tiennent à ceux de U 
civilisation , aux arts , aux scieoces , à la naviga- 
tion. Le gouvernemcnl qui ne peut presque 
rien pour l'agriculture^ peut presque tout pour 
l'industrie. Si la nation a des habitudes ou des 
goûts susceptibles d'en retarder les développe- 
mens , il doit employer tous ses soins à les com- 
battre. Une machine nouvelle oflFre-t-elle les 
moyens de simplifier le travail ? il en faut ré- 
compenser l'auteur. Le talent et l'habileté des 
ouvi'iérs laissent-ils eocore adésirer ? il convient 
d'exciter parmi eux l'émulation. Ainsi le gouver- 
nement est forcé d'avoir sans cesse les yeux ou- 
Terts sur l'industrie, dont la marche incertaine 
et capricieuse a souvent besoin de soutien ,et 
presque toujours de guide; 

L'agriculture , Kmîtée dans ses progrès , 
comme nous l'avons vti , l'est aussi et invaria- 
blement par- l'éieadue dn pays. Dès que tfiut 



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DU COMMERCE 8fl 

le terruin est cultivé « il semble qu'oD D'aïtrien 
à prétendre dé plus. Tout en convenant que 
les moyens d'exploiudion sont susceptibles de.se 
perfectiuun^ , encore faut • il admettre qu'il 
viendra un moment où il ne restera rien, ou 
presque rien èf faire , et sur quoi voulez -rous que 
s'exenx. alors la population du pays ? i 

L'industrie qui dispose non - seulement des 
productions intËgènes , muis de celles du monde 
entier dont elle peut décupler, centupler la va- 
leur , D'est limitée ni duns ses .progrès , ni dans 
ses moyens de perfection. Soni domaine s'agran- 
dit à mesure que les besoins se multiplient , ce 
vaste comme l'ima^nation j mobile et féconde 
comme elle , sa.puissancecréatncc n'a de bornes 
que celles même du génie de l'homme , dont elle 
reçoit chaque jour un nouvel éclat. 

La conséquence naturelle. de.ces rapproche- 
mens est que l'agriculture doit occuper le gou- 
vernement beaucoup moins que les fabriques. 
Il me reste à montrer jusqu'à quel' point ce ré- 
sultat est contraire à l'opinion de Smith. > 

« Dhns la majeure partie de l'Europe , ditcet 

• écrivain , (i) le commerce et les manufactures 
» des villes, au Meti? d'être l'effet de la culture 

* et de l'améliol'alioa des campagnes ,eqi<>nt 

(OTow. U,p.g. ,i8o. , -, 



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86 L I V R K I I. 

a été l'ocea^on et la cause. » Ceci est trè« - fa- 
Torable auK manufactures; tqaii lisons «e qui 
suit : « Avec cela , cet ordre éumi comrsirc ta 
t cours naturel des oboseï , «st nécesBaù«niflQt 
» à la Ibis lent et incertain. Que l'on compara 
t la lenteur de« progrès de ces pays de l'Ëu- 
» rope dont la richesse dépende» grande psrtM 
X de leur comnaeree et de leurs maonfeoturds , 
t aveo la marche rapide de boB ooloiàes dont 
» la richesse est toute fondée fnr l'figriool- 
» ture i etc. etc. » Dans un autre endroit , il dit 
que la principale cause des richesses des colonie* 
69t qu'elles n'ont point de mànulàctares. (i) 

Smith convient que dans tous les états mo" 
derues de l'Europe oe sont les fabiiques qui 
ont donné naiesance à l'amélioration de la cuU 
ture des terres; *t il ajoute qiie cet ordrè est 
eontroîre à: la nature des choses. Mais n un tel 
ordre eût été contraire à la nattkrecles ohoies* 
il n'aurait pas eu lieu ; il n'aurah pas eu lîeo 
dans tous les états de i'Ëurope à la fi>is; II n'y 
8 de contraire à la nature des choses qu» oa 
qui ifàit exccpiioQ à la loi ^néraie , et Smith 
prEmd ici la loi générale pour l'exception. 
' L'exemple des colonies tfà donvent leur pNis- 
périté à l'agriv^huPe , est mal «^olsîet'iie prouve 

(i) Tam. II, pag. 384. 



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DU COMMERCE. 8-? 

rien. Ob b« peut pas oomparei- une colonie h Ik 
tnc'trapole. Dans la colonie il y a tingt fot3,cem 
fois pins de terres qu'on n'eu peat cultiver. Ces 
terres sont vierges et très- fertiles-; leurs pto- 
ductioBB ont le monde entier pour marché. Ob 
n'y pourrait établir de faljri(|ues sans enlevai' 
Ai& bras ï t'agriciiIt«Te , et l'on n'y songe Seule*- 
iKcnt point parce i|ue là , la itieilleaf e fabrique 
est la t*rre. Dans la tn^tropde au cooir^re , 
il n'y a point àé terres incultes. Les productions 
indigènes 90m limitées, et coûsommées sur les 
lieux. Loin qu'on y manque de braS pOnr l'agr?- 
«nhnre , les manufactures ne siïfBseai point 
ponr occuper les ôisifi». Or, je le denMnde de 
nouveau , oit eondmt un pareil rapprochement? 
Sïfâth nûu» ciie la thïoe coWïUie un pays oA 
de lont t«mp9 Fâgrièuharft a été préférée à Vin'- 
dosUie ,e\Mœ{iyis, du moins, no tel ordre est 
coafottùe hi h ninuredes choses; mais qu'w-'t-il 
{ffpdnit cet ordre si raerveilïeui ? « Lorgqa'en 
B reiournaDFitateyre t(mEela)Vyurttée,tfnbo«Ame 
» peotgsgnw «wCfcnIDe de qaoi acheter, le strii-i 
» une petHep0#dondaria,ile9tfo«é6i«éBï.(iJ 
» h» «ADàiùàédes artÏMâs y «se etK&te f^re,..i 
» Us sont coDtinuellement à courir les itjes aVéô 
• leurs méûtfts , offrant leul^ ^rviCA ef Va.én- 

(0 Tom. I,pag. i44î etUÏ, v^Ai». 



ji-vGooglc 



88 L I V R E I I. 

» d'iant , pour aiusi dire , de l'ouvrée. La poii- 
» vreté des deroièi'es clauses du peuple , à la 
N CliÎQe, pusse de beaucoup ce qu'où peut voir 
» chez les tuitious les plus miséi'ables de l'Eu*- 

jt TOpe Le mariage n'est pas encouragea 

» la Cbiue par le profit qu'où retire des eofaDS, 
M niais par la permiiision de les détruire ».. .. 
Et c'est Smith lui-mcme qui dous douoe œs 
horribles détails ! et il nous présente la Chine 
comme un des pays les plus riches du monde ! 
En vérité rien ne serait plus propre à guérir une 
nation de la soif des richesses. 

Mais voici qui est beaucoup plus' extraordi- 
naire : ce peuple, ches lequel l'aj-ricultureasuivi 
l'ordre conforme à la nature des choses., aurait 
cependant atteint un bien plus haut djigrd 
d'opulence s'il avait eu d'autres lois et d'au- 
tres institutions , (i)sijpar exemple t il eut 
moins négligé le commerce •étranger. Eh» 
sans doute; mais alors il n'eût plus été le peuple 
agriculteur par eioellence , et vous ne l'auries 
pas traité avec plus de ménagement que les na> 
lions de l'Europe , où l'agriculture s'est élevée 
en suivant un ordre contraire à la nature.des 
choses. 

Ce n'est pas tout : ce peuple chinois , si boa 

(i) Tom. I, pag. 194. . 



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DU COMMERCE. 89 

agriculteur , si rîclte , et où les ouvriers qui tra- 
Tsilleot à la terre meurent de faim pour la plu- 
part , ce peuple chiocis , « en fait d'ouvrages de 
t maButaciures , d'industrie , etc. quoit^u'ioFé- 
B rieur, n'est pas fort au-dessous des nations de 
I l'Europe. » (i) Quand Smith a écrit ce pas* 
sage , il avait apparemment sous les yeux quel- 
ques - unes de ces étofîes de soie , dont les des- 
tins font tant d'honueur aux artistes de la Chine, 
ou quelque vase de porcelaine chargé de ma- 
gou ; mais il aurait mieux valu qu^I n'eut pas 
perdu de vue ce qu'il avait écrit ùlleurs : « En 
» Chine, les artisans courent les mes avec leurs 
a métiers , dfTrant leurs services et mendiant de 

> l'ouvrage Le sort d'un lahouréur y est 

» Hutant au -dessus de celui d'un artisan, que 
M dans la plupart des endroits de l'Europe , le 
» son d'un artisan est au-dessus de celui du la- 
» boureur ». (2) Or , jugez ce que peut être en 
Chine le sort d'un artisan , et par une suite né- 
cessaire quels progrès y a dû faire l'industrie , 
puisque l'ouvrier qui j travaille à la terre est 
bien heureux , quand il a gagné, ' le soir, de 
quoi acheter une petite portion de riz. 
Les progrès de l'industrie en Europe ont 



( 1 ) Tarn. Iltpag. 66. 
(a) T«in. m, pag. 541, 



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90 L I V R E 1 I. 

puissammeot contribué , de l'aveu même de 
Smith i( I ) à l'anaélioraiion des terreâ. Cet ordre t 
quoi cju'ileD dise, est trés-coaTorme à lanaturo 
des choses , et beaucoup plus que si l'agriculuve, 
dans un pays quelconque', avait coutrîbué aus 
développemens de l'industrie. En effet, il na 
suffit point qu'un laboureur cuU)v« du lin pour 
qu'on lui achète le produit de sa récolte. Il f«al 
encore qu'il exbte dans le pays des ouvrier» 
habiles qui possèdent l'art de travailler ce lin « 
d'en faire du fil d'abord , et eOsuite de la 1<mIo t 
des vêtements. Mais quand de 4els ouvriers 
existent, les demandes de lin se mulUpUeDlf et 
l'agriculture est là pour les recueillir et y satis- 
faire. Ainsi ses progrès doivent toujours être en 
raison de ceux de l'industrie , et <ieue marche esi 
la seule que la raison avoue, conuitfl elle fst,l» 
seule que l'expéneace confirq»)* 
. D'ailleurs plus il y a d'ouvriers ^dans un pa^s^ 
plus il y a de consommateurs. Aussi* tout ee qui 
» tend à diminuer le nombre des artisan» et des 
» manufacturiers, tenfl à diminuer le marché în- 
• térteur, le plus important de tous les mtrcbû» 
» pour le produit brut de la terre , et tend par-. 
M là à décourager l'ag^-iqulture. » ( a ) Ici c'est 
Smith qui parle. Je n'ai rien à ajouter. 

( i) Tome II,pa|;. 4i3. 
(a) Tom. lu, pag. 55ï. 



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DU COMMERCK. 91 

Si cependant on pouvait douter encore que 
l'tDduslrie ne ootilribue Aux progrès de l'agritinl- 
fnre , je prierais le lecteur de jeter nn coup d'œU 
sur les principaux états de l'Europe. Partout ok 
l'industrie est Aorissante , ragrienittire est avan^ 
cée ; ailleurs elle languit. L'Angleterre et k 
Frauce sont les pays les plue industrieux de l'Eu* 
rope, et atmâ compiràison les mieuï cuhire». 
En Espagne et en Pologne; oii il n'esiste qu'un* 
industrie grossière , l'agricultura est encore doi» 
l'enfance; et remarques que je cite ici dernt pays 
dont le sol est de beaucoup plus fertile que celui 
delà France et de l'Angleterre. 

J'ai déjà indiqué pourquoi les pays oà l'indut- 
trie est florissante , sont ordinairomeoi les mieux 
euItiTes. C'est que l'industrie ne s'eterce que sa* 
les' produits de ta terre, et que plus elfe en con- 
somme, plus il tkal tes multiplier. On peut en 
donner encore une autre raîson. Dans les paysdo 
fflarmfacttïreiiTègne une émulation générale qui 
doitnéccssairementiournerSu profit de lasociéié. 
Le cultivateur rivalise l'artisan, l'artisan le culti- 
▼aleur j personne ne reste oisif. Ecoutez Smith 
sur cet accord si favorable aux progrès de la ri- 
chesse d'un pays, et qui ne l'est pas moins à la 
conservation des bonnes mœurs parmi le peuple : 
« Dans les villes manufacturières et commer- 
j) cames.... le peuple est laborieux, frugal, 



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9» L 1 V R E I I. 

■» écoDome ( i ) Daos les villes qui ne se soa- 

» lieniient que par la résidence permaneate ou 
» temporaire d'uoe cour, dans celles de parle- 
» meot, etc-.il est en général paresseux, débau- 
j» clïé et pauvre. » Ailleurs Sraith (ait observer 
que les environs de Madrid, de Rome, de Ver- 
sailles, villes de consomiuatioD et non de fabri- 
que, sont mal culbvés et presque abandonnés; 
aussi atBrme-t'il qtie n l'expédient le moins pro- 
» pre à encourager la culture du blé est de 
» diminuer le nombre de ceux qui sont en état 
n de le payer : politique aussi sage que celle 
j> qui voudrait donner de l'extension à l'agricul- 
■ turc en décourageant les manufactures. » ( 3 ) 
- D'oîi il suit que la politique la plus sage pour 
un gouvernement est de donner de l'extension à 
l'agriculture en encourageant les manu^ctures. 
La question se trouve ainsi décidée, et ce n'est 
pas moi, c'est Smith qui l'a résolue. 

, (■} Tome II , page Sas. 
(«) Tome I , page 333. 



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D U C M M ER C E. gS 

CHAPITJIE IL 

a commerce. — Csnse* de tes progrès en EtiTope. — Ce 
qu'on doit entendre par le, mot capitaux, — Ce qae c'est 
que l'-économie par rapport aux nations. — Conunetcfl 



■ Indépendant et libre dans sa marche, 
» groDil daos ses projets , plus graDd dans ses 
w bienfaits , admirable dans ses travaux , ne 
M coDDaïssant de bornes que celles que le glotie 
» lui assigne , agent universel , âme du monde 
m politique , le commerce scelle la grandeur de 
» l'homme , et le rapproche de sa céleste ori- 
» -gine, en opposant aux prodiges de la création 
M les prodiges de sa propre industrie. ■ (i) 

On juge de la richesse des notions par com-" 
paraisou avec d'autres nations dont l'industrie est 
plus ou moins avancée ; mais on n'apprécie ainsi 
que très - imparfaitement les bienfaits du com- 
merce , sans lequel l'homme errerait parmi les 
Lois avec les bêtes sauvages , qu'il serait même 
obligé de combattre ou pour se vêtir , ou pour se 
nourrir. . 

Quel immense intervalle sépare les nations 

( 1 ) Etat coromeroial de la France an commencCRunt du 
19* itècl* , par M. Blanc de Voix. 



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94 L I V R E r I. 

fàviËsées de l'état de déouement et d'ignorance , 
et de la barbarie de ces peuples de la Nouvelle- 
Hollande, et dé tant d autres contrées où il 
n'existe eneore ni indusuîe , ni commerce ! 

Vous appelez pauvre un artisan qui vit de son 
travail ; vous concevez à peine qu'il puisse exis- 
ter de condition plus misérable ! Que d'objets à 
son usage exciteraient cependant votre envie , et 
vous paraîtraient , ce qu'ils sont véritablement , 
des prodiges de l'industrie bumaine , si , trans- 
porté tout à coup dans quelque pays barbare , 
vous étiez réduit , comme les peuples qui l'habi- 
tent , à courir les forêts , demi -nu , pour exister 
du produit de votre chasse ! Le lit sur lequel il 
repose , et dont la laine a peut-être été tirée des 
pays éb'angers, sa table , sa chaise , son miroir , 
son couteau , son verre , que de connaissances , 
que de travaux , tous ces objets ne supposent - ils 
pas! Ëtces nombreux usten^les, d'un usage de tous 
les momens , en fer , en cuivre , en acier , en bois , 
en os, qu'on a été chercher dans leur état pri- 
mitif, ceux-là au fond du Nord, ceux-ci dans un 
autre hémisphère , calculez , s'il est possible , 
combien d'individus ont été employés à les lui 
transporter,.» les lui préparer. La maison qu'il 
babite D'est pas b'e" belle i mais que de temps 
e)le durera! Aes' htrÏHts sotit bien grosàers ; mais 
avec quel art on les a' tissus ! dans combien da 



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DU COMMElRiCE. gS 

jUffiBS ils ODI pusse , depats le cultivateur qui a 
récolté le Ha ou qui a toadu les troupeaux , jus- 
qu'aux ouvriers qui ont fiiçoDo^ la toile et le drap 1 
Voyex- le prenant son modeste repas ; sa table «st 
plus eommodéiDent servie que celle d'un chef de 
bordes sauvages ; ses alimetis, moios nombreux, 
sont mieux préparés. Pour en relever le gbût , de 
précieuses aromates lui ont été appoi'lées de trois 
mille lieues ; et cette jouissance qui semblerait 
devoir être très-supérieure »ses faeultéa , est pré- 
etsément celle qui lui coûte le moins , puisqull 
peut se la procurer cbaque année par quelque^ 
b^ures de travail. 

Tels sont donc les eflË^s de l'industrie , du 
eommerce et de la civilisation qu'un homme la- 
borieux , pris dans la classe des artisans qui n'est 
pas à beaucoup près celle où le travail rapporte 
I« plus , jouit aujourd'hui d'une Msanoe inoonaue 
aux individus les pfus opidens des sociétés encore 
au berceau. 

Kouâ nous sOHvenoDs ées qofiua révolution» 
sanrenues dons le système des échangée. Tant 
qu'ils s'effectuèrent en nature , le commerce ne 
put prendre aucun essor.. L'introduction des mé-, 
tmx conune monnaie en détermina seule les 
progrès , et rien n'y mit plus obstacle lorsque' 
cesmétaux , convertis en pièces courantes , eur«pt 
aÏBsi refauv «aractièr^ <i«Ft»in. 



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©6 H V R E I I. 

Mais dans les temps très-recule's où cette der- 
nière révolution- arriva , ]a quantité de métaux 
précieux en circulation étant peu coasidérable , 
leur rareté devait leur donner un ti-ès-grand prix. 
Une once d'argent payait donc alors , très - cer- 
tainement , plus de marchandises , ou , si l'on 
veut , plus de travail que n'en paierait aujour- 
d'hui une pièce de 6 francs , qui pèse aussi une 
once, (i) 



( 1 ) Les TaTiations qu'ont ëpranvéei ît» moanaiM Aamw 
toua les pays , BODt très-indépeDdantes de celles survenues 
dans la Taleur de l'argent. Il importe de ne pas confon- 
dre ces deux clioses. La valeur de l'argent hausse OU 
iMÎMe suivant qu'une quantité quelconque de ce métal , 
un marc , par exemple , commande plus ou moins da 
travail. Or il est clair que quand l'argent était très-rare , 
î\ devait être plus rechercbé , et par conséquent avoir 
plus de prix, 

La valenr des monnaies , c'est-h-dire leur valeur no- 
minale, dépend uniquement de la volonté du souTeTain. 
Ainsi la pièce que nous nommons aujourd'hi 5 francs , 
pourrait être appelée demain lo francs, s'il plaisait an gou- 
vernement d'en faire changer l'empreinte. Cette opération 
n'ajonterait pas un millésime à sa valeur ; mais elle pr»- 
cureraît • l'état le moyen de rembourser ses créanciers 
avec moitié moins d'argent qu'il ne leur en doit. Ce se- 
rait nne banqueroute de 5o ponr rooi et rien <le phia. 

On peut juger du nooibre de ban querontes de cet te espèce- 
qui ont en lien en France, par l'état actuel de notre monnaie 
comparéekcelqu'elleétaitdanslea anciens temps de lamtv- 
narchie. Sous Charlemagne , la livre d'argent pesait douze 
•ocw. Ce qu'on appelle livre eujmint'liai ( ao'ioua > m» 



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DU COMMERCE. 97 

Le principe ecoDomique qu'on peut déduire 

de là , c'est que l'argent ayaut d'autant plus de 

pige plus que le «ixième d'une ©nce, Wolre Iitm ne Tant 
donc que la soixante - douzième partie de la livre de 
CkaTlemagne , ce qui fait juste 73 banqueroutes de 5o 
pour looi l'une dans l'autre. 

La première eut lieu sou» Philippe I. Ce prince mêla 
nn tiers d'alliage k la livre de Charlemagae. Au lien de 
donze onces d'argent fin, la livre n'en contint donc plua 
que S : donc sa Taleur fut rédnite d'un tiers. 

C'est cette opération que les kiatorieas appellemtiiug'' 
mentation des monnaies. Il est aisé de conceToir pourquoi 
on l'a si souvent renouvelée depuis. 

Cependant toutes ces altérations de monnaies entraî- 
naient mille sortes de maux. Le prix nominal des denrées , 
qui se règle snr la quantité d'argent fin que contient la 
monnaie et nullement sur l'étiquette qu'il plaît au mo- 
narque d'y apposer , éprouvait saus cesse des varia- 
tions. Il en était de même de tous les produits du tra- 
vail. Du reste nulle sûreté dans les transactions, nul cré- 
dit dans le commerce. Tant d'inconvéniens dont plusieurs 
siècles avaient donné la fScIieuse expérience , ont enfin 
décidé k renoncer k l'altération des monnaies. Cette ré- 
Tolution date maintenant de quatre-vingts ans. Quand 
Colbert arriva au ministère , la livre d'argent ( ao sous ) 
contenait encore un peu plus du tiers d'une once, et l'on 
disait du marc qu'il valait a6 francs. Colbert l'éleva il iS. 
J'aime mieux croire que Colbert céda en cela aux pré- 
jugés de son temps , que d'accuser un aussi grand admi- 
nistrateur d'avoir considéré l'augmentation des monnaies 
comme une bonne opération de finance. Je n en veux même 
d'autre preuve que la circonspection avec laquelle il usa 
de ce moyep qui devint *i funeste après sa mort. En ef- 
fet aprè» lui on porta la valeur nominale du marc d'ar- 

7 



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98 L I V R E I I. 

Taleur qu^l est plua rare , il est absolument iodif- 
férent qu'un pays commerçaut en soit peu ou 
abondamment pourvu. Ce principe est rigoureu- 
sement vrai eu théorie, 11 n'y en a p»s de plus 
faux dans Tapplication. 

Ce principe est faux dans l'application , 
i". Parce que la valeur de l'argent, dans uu 
pays quelconque , ne se règle point seulement 
sur la quantité d'urgent que possède ce pays , 
mais encore sur ce qui en existe dans l'univers 
commerçant. 

a". Parce que l'argent , bien que susceptible 
de changer de valeur en raison de son abondance 
ou de sa rareté , relativement aux besoins de la 
circulation, a cependant une sorte de valeur fixe 
qu'il doit à l'opinion , et qui l'empêche toujours 
de babser ou de hausser de prix , dans la pro- 
portion rigoureusement exacte de sou abondance 
ou de sa rareté. 

geat de a8 fr. a 40 : altérstion considérable , paisqu'elle ro- 
TÎent b ans banqueroute de 3o pour 100. Tel était l'état 
des choses k la mort de Loui» XIV. 

Si je ne parle point de l'ahératian des monnaies dans 
le coorg de cet ouvrage , c'est qn'U n'est pai a craindre 
qu'un tel abos se renouvelle ; et je n'ai indiqué ici en 
quoi il Consiste , qne pour empteber le lectenr de le con- 
fondre avec la diminution Nurvenue Jans la râleur de 
l'argent , diminution qui tient à des cause* tontes dif- 
£ii<ates , c«Bune on le verra dans «e chapitre. 



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DU COMMERCE. X^^gg. 

Qu'arriva-t-il donc lorsque les progrès de la 
civilisation eurent accru la nécessiié deséchaDgea ? 
Il arriva que l'argent o'étaDt plus sutBâant pour 
les besoins de la circulation , sa rareté mit obs- 
tacle aux deTeloppemens ultérieurs du travail. 
L'argent dut augmenter alors de valeur ; mais 
cette augmentation de valeur n'étant jamais en 
proportion des besoins de l'industrie , ne pou- 
vait produire qu'un bien très-peu remarquable , 
et surtout excessivement lent. L'industrie ainsi 
gênée par le défaut de moyens de circulaùon , ne 
peutmieux se comparer qu'à un jeune arbre plein 
de vigueur, que l'on étreiudrait d'une forte liga- 
ture. La ligature cédera , comme l'argent hausse 
de valeur; mais sans ligature, l'arbre aurait cru 
beaucoup plus vite , et de même avec plus d'ar- 
gent , l'industrie eût doublé d'activité. 

Je ne puis appuyer tous ces raisonnemeos que 
sur un seul fait , mais qui semblera d'un grand 
poids. Tout le monde sait combien le coomierce 
iiit généralement languissant en Europe , pen- 
dant tout le moyen âge. 11 &ut l'attribuer à l'état 
de barbarie qui suivit le déchirement de l'Empire 
romain. Ce ne fut qu'après les croisades , qui 
6rent connaître aux Européens de nouvelles 
choses , et leur donnèrent de nouveaux besoins , 
tpi'on vit les arts et l'industrie sortir euGndeleur 
long assoupissement. La boussole fut employée ; 



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100 L ï V R E I I. 

on deconvrit l'art d'imprimer en caractères mo- 
biles , celui de faire de la poudre à canon j ou 
cultiva le mûrier , on essaya l'éducation des vers 
à soie , on fabriqua le papier avec du linge. La 
chute du gouvernement féodal qui tombait alors 
de toutes parts , dut accélérer beaucoup ce mou- 
vement général vers la production. Si donc l'iD- 
dustrie ne s'éleva point tout à coup à un très-haut 
degré de splendeur , il faut qu'elle ait rencontré 
dans sa marche quelque grand obstacle, et cet 
obstacle est le défaut de moyens de circulation. 

Jusqu'à cette époque, l'argent avoit été fort 
rare , sans qu'on en eût cependant ressenti le 
besoin. A quoi eussent pu servir de nombreux 
moyens de circulation , dans un pays où l'on n'a- 
vait presque rien à faire circuler ? Il eu fut bien 
différemment quand le commerce eut pria quel- 
que activité. Alors le besoin d'argent devint 
universel ; l'industrie , fortement garottée par 
l'impossibilité d'elTectuer les échanges , languit 
donc encore, et le seul soulagement qu'elle 
éprouva fut , pendant tout le quinzième siècle , 
une augmentation très-légère et très-lente dans 
la valeur de l'argent. 

Je m'arrête ici , et demande pourquoi, à cette 
époque où l'industrie était si fortement contra- 
riée dans sa marche par l'impossibilité de mul- 
tiplier les «changes , l'argent dont la valeur est 



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D U C O M M E R C E. loi 

toujours, d'après les écrivaîas, es raison de sa 
rareté , ue reçut pendant tout le cours d'un siè- 
cle , qu'une augmentation presque insensible de 
prix , au lieu de doubler , tripler , quadrupler da 
valeur , comme la marche naturelle des choses , 
et les principes théoriques des écrivains semble- 
raient le prescrire. 

Question qui m'oblige à reproduire le prin- 
cipe établi précédemment: L'argent, bien que 
susceptible de changer de valeur en raison 
de sa rareté ou de son abondance , relati- 
vement aux besoins de la circulation , a 
cependant une sorte de valeur fixe qu'il 
doit' à l'opinion j et qui empêche toujours 
qu'il ne baisse ou hausse de prix dans la 
proportion rigoureusement exacte de son 
abondance ou de sa rareté'. 

Cette vérité d'expérience se confirme très-bien 
par le raisonnement. Dans un pays où l'argent 
acquerrait ainsi par sa rareté une plus grande va- 
leur, il doit arriver quelque chose de fort étrange, 
c'est que plus vous travaillez , moins vous parais- 
sez riche. Si , par exemple , vous avez commencé 
avec un capital de trente mille francs , et que 
dans l'intervalle de votre établissement à votre 
retraite , l'argent ait doublé de valeur , il faudra , 
pour que vous reliriez vos trente mille francs de 
mise de fonds, que vous ajicz doublé votro 



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102 L I V R E I I. 

capital. Or je dis que dans un pays où riodustiie 
ne peut faire de progrès qu'à la suite de pareils 
surhaussemeuB dans la valeur de l'argent , le com- 
merce doit languir à jamais j car il est évident 
qu'en admettant la possibilité de cette augmen- 
. tation de voleur dans l'argeot , le plus sur moyen 
de s'enrichir serait de garder par devers soi le ca- 
pital numéraire qu'on posséderait , sans s'occu- 
per aucunement de reproduction nî de travail. 

Je prévois toutes les objections , et croîs pou- 
voir y répondre. Quand l'argent augmente de 
valeur , qu'importe , me dit-on , que l'on en ait 
moins , si cependant on est plus riche ? Cela 
importe beaucoup. Il est trcs - difficile de se 
persuader , quelque vraie que soit la chose , 
qu'avec dix mille livi'es de rente on puisse être 
iiossi riche que quand on en possédait numérî- 
quemeu t le double. Telle est l'influence des mots 
sur les idées. Ainsi, quand même l'argent aurait, 
dans un pays quelconque , de la tendance à aug- 
menter de valeur , cette tendance sera toujours 
escessivement contrariée , si même elle n'est ab- 
solument détruite , par la force de l'habitude et 
l'influence des signes. Un ouvrier accoutumé à 
gagner quarante sous par jour , voudra toujours 
gagner quarante sous. Il en sera de même du fa- 
bricant , du marchand , de l'homme public ; et 
pour que votre argent double de valenr, il fau- 



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DU COMMERCE. io5 

dra que sa rareté se soît fait sentir au pcàat de la 
décupler cette valeur, et même de la vlngtapler, 
théoriquement parlant, 

11 me parait impossible de contester cette va- 
leur d'opinion que possède l'argent, et même 
tout ce qui en fait fouctioo. Les écrivains la né- 
gligent absolument dans leurs raisonnemens ri- 
goureux , dont ils tirent des conséquences à la 
manière des géomètres. Cel usage d'appliquer la 
méthode d'une science où tout est positif , à une 
autre science où tout est variable , me semble 
bien- mauvais! ; et j'aimerais autant qu'en écrivant 
sur la géométrie , on s'imposât l'obligatîoD de ne 
jamais employerle calcul. 

Je reviens aux développemens de l'industrie 
en Europe. La lin du 1 5^ siècle fut l'époque d'uù 
événement à jamais mémorable qui agrandit le 
globe , eu fit disparaître des peuples entiers , et 
multiplia pour tous les autres les sources de la re* 
production. Je n'ai à le considérer que sous ce 
dernier point de vue , et sans doute ou voit bien 
que je parle de la découverte de l'Amérique. 

On connaît l'immense quantité de métaux pr<^ 
cieux que les conquérans du Nouveau-Monde en 
rapportèrent. En moins d'un siècle , il y eut en 
Europe vingt fois plus d'argent qu'elle n'en avait 
jamais possédé. Il s'en écoula beaucoup dans 
rinde et dans les autres parties du monde ; mais 



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io4 L I V R E I I. 

OD estîme que la quaatité d'argent uctuellepent 
existaule en Europe, est encore dix fois plus 
considérable qu'elle u'éuit avaat la découverte 
de l'Amérique. Or , c'est à cette augmentation 
de moyens d'échanges qu'il faut attribuer , en 
très-grande partie , lesdéveloppemens prodigieux 
de l'industrie depuis trois siècles. 

Wons avons vu que pendant tout le cours du 
quinzième siècle , à l'époque où l'industrie fai- 
sait les plus grands efforts pour produire , l'ar- 
gent avait éprouvé une légère augmentation de' 
valeur , preuve irrécusable de sonlexcessive ra- 
reté , comparée aux besoins du coounerce. L'in- 
dustrie ne reçut de cette augmentation de valeur 
qu'un secours à peine sensible : aussi ne fit -elle 
que bien peu de progrès. Tout à coup le grand 
instrument de la reproduction vient à se multi- 
plier avec une fécondité qui tient du prodige. 
Alors l'industrie, que rien n'arrête plus, prend 
décidément son essor, et le commerce de l'Eu- 
rope devient celui de l'univers. 

Je ne connais dausi^istoire aucun événement 
dont la cause et l'effet aient une connexion aussi 
intime. Smith l'a cependant méconnue , et il le 
fallait bien : autrement ît aurait infîrmé.d'un seul 
mot toute sa doctrine. 

Quelque désir que j'aie d'arriver le plus di- 
rectemeut possible au but que je me suis pror 



jNGoo<île 



DU COMMERCE. io5 

posé , je suis obligé de combattre cet écrivaio 
chaque fois que je le rencontre sur mon pas- 
sage. Si je négligeais cette attention , on se con- ' 
tenterait de m'opposer ses paroles , et je serais 
ainsi jugé avant d'avoir été compiis. 

Suivant Smith , l'augmentation de la quantité 
d'or et d'argent en Europe , et l'extension de son 
agriculture et de ses manufactures, sont deux 
événemens qui , pour être arrivés à la même épo- 
que, n'ont presque pas eu de liaison t un avec 
l'autre- A quoi donc attribuer celte grande ex- 
tension du commerce , qui se lie d'une manière 
si intime à la découverte de l'Amérique? A la 
chute du gouvernement féodal. Ici Smith s'appuie 
de l'exemple de la Pologne qui est toujours ausâ 
pauvre, parce que le gouvernement féodal n'y a 
pointété aboli. Je répondspar deux observations i 
d'abord , il n'est nullement constant que la Po- 
logne soit aujourd'hui , comme l'affirme Smith , 
un pays aussi misérable qùil l'était avant 
la déceuverte de V Amérique. Ensuite , plu- 
sieurs états d'Europe sont restés très - pauvres y 
quoique le système féodal y ait été aboli. Le 
système féodal n'était donc pas le seul obstacle 
aux progrès de l'iadustrie. Or , si les états dont 
je parle sont resttts pauvres, c'est uniquement 
parce qu'ils n'ont eu qu'une très-petite part dans 
l'augmentation générale des capitaux métalliques. 



ji-vGooglc 



M)6 L I V R E I I. 

ou qu'ils -n'en ont su tirer aucun parti iotéiieur , 
comme TEepagne et le Portugal. Smith dotme 
de la pauvreté de ces Dations , une tout autre 
raison. Si le système féodal y a été aboiî, on ta 
remplacé par un système qui ne vaut guère 
mieux. Mais ce système qui ne vaut guère 
mieux que le système féodal , a pourtant enrichi 
VAagleterre, et Smith se fait là des objections 
qu'il est bien loin de résoudre. 

La chute du gouveruement féodal a donné à 
l'industrie une liberté de mouvement dont elle 
avnit toujours été privée. Cette circonstance, qui 
a accéléré ses progrès , n'aurait cependant pu les 
làvoriser beuucoup , si des moyens d'échange 
plus nombreux n'eussent contribué à faire cir- 
culer et à multiplier ses prodhiits. Ces deux ëvé- 
nemens ont aÎDsi concouru achuirablement aux 
mêmes résultats , et quand Smith affirme qu'ils 
n'ont presçue pas eu la moindre liaison l'un 
avec l'autre , il ne prouve absolument rien , préi- 
cisément parce qu'il veut trop prouver. 

Au surplus , le vice du raisonoemeot de Smith 
se décèle par les expressions mêmes dont l'écii- 
vain s'est servi. Que signiBe ce presque jeté au 
milieu de sa phrase comme pour déposer du 
chagrin qu'elle lui a causé ? L'augmentation 
de la quantité d'or et d'argent en Europe, 
et rextensiçn de son agriculture et de 



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DUCOMM-ERCE. 107 

ses fabriques, sont deux évéïiemens qui, 
pour être arrivés à la même époque , n'ont 
i>«BSQUE pas eu lamoinâre liaison tun avea 
t autre. Presque pas ! il faut avouer que voïlJt 
ua raîsoDoemembLeacoDcluaat. 

Smîtli était très - persuadé que VaugmeotMion 
des métaux eu Europe , produite par la décou-' 
verte de l'Amérique , avait inûué sur les procréa 
de l'industrie. Il aurait rougi d'affirmer positive- 
ment le contraire. Forcé d'opter entre b vérité 
et le sacrifice de sa doctrine , il a concilié du 
mieux qu'il a pu l'une avec l'autre , et il est ré- 
ftulté de celte espèce de transaction une phrase 
louche, qui ne signî6e absolument rien. 

Mais puisque Smith n'a point formellement. 
nié l'inâuence de l'augmentation du numéraire 
en Europe , sur les progrès du commerce , 11 l'a 
reconnue , et de cela même qu'il la reconuatt« 
quelque soin qu'il prenne de l'afTaiblir , j'affirme 
qu'elle a été très-grande , et telle que sans cette 
augmentation dans la masse métallique , l'indus- 
trie serait restée dans l'enfance. 

Le, sujet que je traite est fertile en difficultés; 
J'aime mieux prévoir les objectioDS que d'avoir 
ensuite à Y repondre. En voici d'assea importantes; 
On me demande d'abord comment il se fait 
que l'argent , après la découverte de l'Amérique, 
ait succesùvement baissé de valeur , au pcùot qu'il 



ji-vGooglc 



ïo8 L I V R E I I. 

en a trois fois moins aujourd'hui ? L'industrie ,' 
conclut-on de là, n'avait donc pas besoin de nou- 
veaux moyens d'échanges, puîscjue leurmultipli- 
cité n'aservi qu'à les avilir .raisonnement spcuieuz, 
et cjui serait parfaitement juste si la dépréciation 
de l'argent s'était proportionnée à l'augmentation 
de sa masse. Or , la dépréciation est dans la pro- 
portion de trois ou quatre à un; c'est - à - dire , 
qu'il faut aujourd'hui quatre onces d'argent en- 
viron , pour obtenir autant de travail qu'on en 
aurait payé avec une once , avant la découverte 
de l'Amérique. Mais la masse du numéraire ne 
s'est pas augmentée dans la proportion de quatre 
à un seulement, ainsi que sa dépréciation sem- 
bleroit l'indiquer ; elle s'est accrue , au contraire , 
dans la proportion bien plus" forte d'un à vingt j 
et cette différence très - essentielle , comment 
l'expliquer , sinon par les besoins sans <»sse re- 
naissans de la circulation et de l'industrie , qui 
rendaient de pins en plus indispensable une aug- 
mentation dans la masse générale de la monnaie. 
Mais il était impossible que l'industrie , quel- 
que rapides que fussent ses développemeos , par- 
vîn 1 3 employer cette masse énorme de métaux qui 
refluaient par torreos d'Amérique en Europe. 
L'offre de l'argent fut donc toujours supérieure à 
la demande , et de là résulta l'avilissement. Or de 
ce que l'Amérique a approvisionné le marché de 



ji-vGooglc 



DU COMMERCE. 109 

l'Europe d'un peu plus d'argent que l'industrie 
n'en réclamait , on tire la conséquence qu'elle 
n'en réclamait pas du tout. Je ne puis croire que 
ce soit là de la dialectique. 

L'industrie se serait passée d'augmentaboa 
dans la quantité d'argent circulant , poursuit-on, 
parce que celui qui existait étant plus en demande, 
serait devenu plus précieux, et par conséquent 
aurait acquis une nouvelle valeur. C'est l'argu- 
ment que j'ai déjà écarté par des considération! 
puisées dans le raisonnement, et qu'il faut à pré- 
seni combattre par les £(its. L'argent qui a baissé 
de valeur dans la proportion de 4 à i , avait aug- 
menté en quantité dans la proportion de l à 20. 
Donc n l'argent avait seulement quintuplé en 
quantité , sa valeur n'aurait point baissé. Donc 
encore, pour que la quantité de numéraire exis- 
tante à l'époque de la découverte de l'Amérique 
eût pu remplir dans les échanges 1« même ofSce - 
que cette quantité quintuple , il aurait fallu qu'il 
quintuplât en valeur. Or, pendant le siècle qui a 
précédé rexploitalion des mines , à peine la valeur 
de l'argent a-t-elle éprouvé une augmentatioa 
sensible. Combien donc il eut dû s'écouler d'au- 
tres siècles pour qu'elle doublât ! combien pour 
qu'elle quintuplât ! Et cependant quels progrès 
auraient pu faire le commerce et l'industrie ? 
De tous les cvénemens qui ont suivi la décou- 



N Google 



ito LIVRE tï. 

verte de rÂmérique , l'un des plus remarquables 
est la baîâse de l'intérêt ta Europe. Jusque-là oa 
n'avRÎt poÎDt prêté à moins de dix. Dépuis, l'in- 
térêt a successivement baissé jusqu'à six, ûnq, 
et même, dans quelques pays, jusqu'à trois et 
deux. La réduction dans le taux de l'intérêt se 
trouve ainsi liée à l'accrobsement de la quantité 
de numéraire en Europe. Ces deux évéoemens 
dont l'un semble la conséquence si naturelle de 
l'autre, seront-ils aussi de ceux qui n'ont entre 
eux presque pas la moindre liaison? 

Nul doute suivant Smitb, Locke , Law et 
Mcmtesquieu étaient pourtant d'une opinion con- 
.trairei Smith les combat. J'ose croire qu'il serait 
entré dans la lice avec moins d'asstirance , si ces 
trois écrivains se fussent contentés d'alrîbuer la 
diminution de l'intérêt à l'augmeDtaûoa de la 
quantité d'argent en Europe , sans chercher à ex- 
pliquer comment cet effet fîit produit. \à. leur 
erreur est manifeste. « L'intérêt a baîssi; , dit 
»' Montesquieu , (i) parce que le prix de toutes 
» les choses augmenta, et que celui de l'argent 
» diminua. « D'où il tire la conséquence que 
l'argent ayant moins de valeur, on dut le louer à 
moindre ptix , c'est-à-dire exiger un moindre 
intérêt ; mais cette diminution dans la valeur de 

(i) Eapritdeilois, Ht. XXII, cliap. 6. 



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DU COMMERCE. m 

l'argent affectait également l'argent prêté etTar» 
geat payé eu retour du prêt , c'eu-à-dire Tio- 
téréij car eofîn, si les cent francs pour lesquels 
TOUS me donniez dix pour cent avant la décotti- 
verte de l'Améiique , ne valaient plus après, que 
cinquame francs, de même vos dix francs n'en 
valaient plus que cinq.La proportion restait donc 
la même sans que le taux de l'intérêt baissât. Ce 
n'est donc point la diminution survenue dans la 
valeur de l'argent qui a fait baisser l'intérêt. Il n'y 
a rien de plus évident. 

Hume et Smith se sont prévalus de cette 
erreur pour asseoir leur système. Mais en prou- 
vant que Locke , Law et Montesquieu avaient 
mal expliqué un fait incontestable , il ne l'ont pas 
détruit , et il reste toujours constant que la dimi- 
nution de l'intérêt en Europe a suivi l'angmen'- 
tation du numéraire produite par la découverts 
du Nouveau-Monde, 

Il est étonnant qu'après avoir indiqué la véri- 
table cause de la dinûnuùon de llntérét, des 
éciivains ansû profonds que Locke et Montes- 
quieu, aient aussi mal réussi à l'expliquer. L'in- 
térêt a baissé , non * comme ils l'ont dît , parce qne 
l'argent a pertlu de sa valeur , mais parce qu'après 
la découverte de l'Amérique , il y en eut toujours 
dans la ôrculation au delà des besoins de l'ia- 
dustne. Ainù tandis qu'avant k découverte de 



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SIS L I V RE I I. 

l'Amérique , il y avait plua d'emprunteurs que de 
prêteurs, après il y eut plus de préteurs que 
d'emprauteurs. La condition des emprunteurs 
devint donc plus douce, et ce fut une coa9%- 
queDCcmêmede l'abondance de rofTre, comme la ' 
modicité du prix d'une denrée est la conséquence 
de son abondance au marcbé. 

Lorsque l'on découvrit l'Amérique il n'y avait 
guère en Europe qu'un milliard de numéraire. 
Cette somme était insufBsante pour les besoins 
de la circulation. Tous les chefs d'eotrepme» 
fabricans,commerçans, cultivateurs, gênes par 
le défaut de capitaux métalliques, se trouvaient 
en quelque sorte à la merci de ceux qui en possé- 
daient. Ainsi l'intérêt se maintint à un taux très- 
élevé. Tout à coup la scène change. L'argent dé- 
borde comme par torrens. L'agriculture, l'indua^ 
trie, le commerce , toutes ces branches de l'arbre 
social , en reçoivent plus qu'elles n'en peuvent 
employer. Alors les prêteurs subissent la loi que 
trop long-temps ils ont faite, et l'intérêt diminue. 
Il me semble qu'il ne fallait pas un grand effort 
d'entendement pour expliquer un effet aussi 
simple. 

. Ladiuûnutionde valeur qu'a éprouvé l'argent, 
depuis la découverte de l'Amérique , résulte , 
cK)mme je l'ai dit, de ce que l'Amérique en a 
fourni cinq fois plus que le commerce n'en recla- 



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DU COMMERCE. ii8 

; k dîftiioutioD de IHntérèt de ce quil y « 
«rs-eQ plus de prêteurs que d'emprunteurs; 
-ôrJ'wD de ces effets ne devait pas Décessairemeut 
■ l'autre ; car si l'Amérique eût seule- 
it (|aintuplé la quantité de numéraire qui exis- 
B Europe, sa valeur n'auroitéjirouvé aucune 
n, et cependant l'intérêt n'eu serait pas 
moins descendu au taux où il est aujourd'hui 
'Juis l'Europe î c'est que pour que l'argent baisse 
,ét valeur, il faut que son augmentation en qnao- 
rtké«oît rapide, et en quelque sorte prodigieuse, 
■jm ipûii'a pu être produit que par un événement 
tcoiuBA la découverte de l'Amérique , tandis que 
tpOBç que l'imérêt diminue , il suffit que le mar- 
rie soit toujours approvisionné d'un peu plus 
jdWgeat que n'en réclame l'industrie. 

Quand Smitb a obscurci une vérité bien évl- 
.Jsmtr; il (but pour lui rendre toute sa clarté mon- 
-4»ei) 'l'erreur du système qu'il a édifié à la place. 
«Gct exnttien , cette fois , sera très-court, k A me- 
fM''Sure que la quantité des fonds à prêter vient à 
'»<4itrgetenter , (i) l'intérêt ou le prix qu'il faut 
» -payer- pour l'usage du capital va ùécessaire- 
» ment en diminuant. » Donc, induirons-nous de 
f£i,^^«i8'ily a d'argent, plus l'intérêt doit baisser. 
flHiiat do tout , nous dit Smitb : j'appelle fonds à 

i:(0 TMiuII',pag.4&8. 



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ii4 h I V RE I t 

préier i son pus l'argent , mais la marcliatMlisc. 
■AÎDsi «e D'est pas l'altoodauce de Targent qui fait 
.ibaisser l'intérêt <:le l'argent , c'est l'abonttanoe de 
JaiBWChaadise. J'afiîrmeqUe ce raisonii£iiaeD;t est 
■doos Siaitb(Iiv.3,cbap.5,pa«e^5du a*, voli} 
Quoil o'est l'iibondance de la marchandise qui 
règle le taux de l'intérêt de l'argent ? maîâ il a 
ffltla les créer ces marchandises , et puisque c'est 
leur abondance qui va réduire le uuxde l'io- 
■térêt, avant qu'on ne les eût fabriquées l'iotérêt 
,étût donc très - haut ? Or si l'intérêt. avait été 
.très-haiU', on ne les aurait point fabriquées ;«q 
'ne lee aurak poiot fabiiquées en abondance. Il j 
a ^as ce raisonnement un défaut radical ; c'est 

- -m qa'on appelle le cercle vicieux. 
' Sans doute dans les pays où l'industrie ,«st 
'tihsrisSQDte et les capitaux eu marchandises très- 
■«OTnbreui, l'iotérêt est bas; mais c'est précifié- 

-'meat parce que l'intérêt est bas que les travaâl- 
leurs se multiplient ; et l'intérêt n'y est bas que 
parce que l'argent abonde. 

Voici le raisonnement de Smith : pins un .p^s 

I possède de capitaux en marchandises, plus l'inté- 
rêt y est modéré. Donc c'est l'abondaBce des mai^ 

: chaodiaesqai fait baisser le taux de l'intérêt. Sifàtli 
prend l'eflèt pour la cause j c'est à cela que se 
réduit son erreur. 

Quand les produits de l'industrie ei du travùl 



ji-vGooglc 



DU COMMERCÉ. ti5 

ttdg[lE!iràMotdknsuti pays, tous dit eocoreSttiïlh , 

it cequVmap^lecapitaaipécunraires y grossit 
'» «o même temps, m (i ) Ainsi ce 'n'est poiot 

^ 'Vaiccroisseaient de 1h qaaolîté dir numéraire ea 
Europe qui a produit l'exieosidQ cl« son coni- 

' -lileroe «t de ses ntitaufactures ; ce sont an' coo- 
Irairo les pi'ogrèa de l'industrie et dn commerce 
-qtn OBt ament; l'eugmentation de larfiramittî de 
■naniér»ife€nEarope,etla découverte do l'Améri- 

- ^tie!Toti)Our9mên»erpeHr;lacatisepourrefftt, 
" Lmw^'un pays crott en industrie , In-quimtite 
'de 'Onmérinrey ao'gmente, parce qu\mé partie 

~; dbs produit* du travail va au-deliors , «t proctira 
■in é«babge, de l'aident. Or cet argent Ammït 
au pays de oonveout moyens de reprodactnn 
■ipâ , 'à leur tour , amèneront de -nonveam reu- 
'fyhB dans la masse du numéraire j ainâ la caàse 
pt-imitive redevient successivement cause et efiet. 
'Mais cette cause primitive est l'abondaDce de 

■ fargéet ; car , -«More une fois , la grande eiteh- 
sion du commerce en Europe n'a point précédé 

- 'f augmentation des métauî ; c'est au contraire 
' ^augmentation dans la quantité d'argent qui a 
précédé feïtensioo de l'agriculture «t des manUJ 
' fectures, vérité de fait devant laquelle croula 
' tout le syfltème de -Smkh. 

(() *nmtén,}tag. 3SB. 



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ii6 L I V R E. I I. . 

Au reste , on vleat de voir que tout en con-, 
sîJerant l' abondance de l'argent comme une con- 
séquence nécessaire de l'abondance des marchan- 
dises , Smith faisait cependant marcher de frout 
Faboadance de l'argent et le taux modéré de l'in- 
térêt. 11 jugeait donc ces deux circoDstaoces insé- 
parables. Il est certain que partout où l'argeo^ 
abonde , Viotérét est bas. Les écrivains sortis de 
l'école de Smith n'ont pas été aussi mesurés 
que leur maître, et, comme il arrive toujours, 
ils ont cDchéi-i sur ses erreurs. Voici donc |^ur 
dernière découverte , que je consigne ici comme 
UD témoignage des progrès qu'ils ont fait faire à 
la science : l'abondance de l'argent rCinJlue 
<jue faiblement , jiinflue peut-être pas du 
tout sur le taux de l'intérêt.... Ainsi les ca- 
pitaux en marchandises peuvent être très- 
abondans et l'argent très- rare. 

L'abondance de l'argent n'infiue poînt.sur 
le taux de l'intérêt I Pourquoi donc le taux 
de rintérêt est - il moindre en Angleterre qu'en 
France , et moindre eu Hollande qu'en aucun 
pays ? et dans quel pajs l'argent a-t-il été plus " 
abondant qu'en Hollande , en Hollande oîi l'on 
trouvait ditlîcilement à placer d'une manière so- 
lide , à trois , et où le gouvernement a souvent 
emprunté à deux? 

L'abondance de largentrCinJUie point sur 



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DÛ fcokilÉRciE. ^17 

tîntérêt l C'est pour cela , sans dôme , qne 
pendant les quatre années qui ont suivi la chute 
du papier - monnaie en France , les. meilleures 
maisons ne trouvaient à emprunter qu'à l'intérèli 
usuraire de deux et trois pour cent par mois. Or, 
à mesure que l'argent a reparu , l'intérêt a baissé [ 
Admirez l'extrême justesse de celte assertiou : 
^abondance de l'argent n'influe que faible- 
ment, riinjluepeut - être pas du tout sur le 
taux de l'intérêt. 

Quoi donc ! le loyer des maisons , celui de» 
meubles , des iostrumens , des livres , se règle 
siir l'abondance des choses louées , et l'on vout 
dra nous persuader que l'intérêt de l'argent, qui 
est aussi un loyer, suit dans son cours des lois, 
inverses ! 

Il est difficile de concevoir à quel point les 
écrivains poussentle zèlequand il s'agit d'alarmer 
sur les eftèts que produirait en France une grands 
abondance de noméraire. Non - seulement , 
dîséot - ils , l'abondance du numéraire n'in-i 
Jlue point sur l intérêt, mais encore elle ne 
peut que faire baisser la valeur échangeable 
de l'argent. Cependant la Hollande n'a point 
éprouvé ces inconvéniens graves. Les quantités 
immenses d'argent qu'elle s'est procurées par son 
commerce de trausport , lui ont d'abord servi à 
donner à ses capitaux productifs la plus grande 



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1^8 L I V H^E" t !. ' 

extension: Mnis pauvre de lei-rîtotre , pins pAUvre' 
encore de pcftuluùoa, il élait impOiisikIe qn'el)« 
tirât d'un rapitat numéi-aire considérable tottl: 
l'avantage qu'il anrait pu jM-ocUfer à des nations 
agricoles et manufactnFÏèresi La Hollande fut 
donc réduite à prêter à l'étranger i eh bien, elle 
lit des placemeus à cinq et six , et ce fut eecoré 
pour elle une nouvelle source de revenu. 

S'il était vrai que l'abondance du numéraire 
dans un pays en fit baisser la valeur ét^ngeable , 
cet effet aurùt donc eu lien en Hollande , puis- 
que la Hollande est la seule itatioo qui ait dft- ik 
iou industrie la propriété d'uti capital Duak^- 
raire très - sopérieUr » se» besoins j or si'cat 
effet ne s'est pas vérifié eo Hollande oit iitiy 
fl guère d'autre moyen d'employer uù éiipitiil 
que la pèche et le eonanae^ee de ti-ansport, n'eSÏ- 
il pas absurde de le redouter pour la France*, 
pour la France , p*ys: agricole , pays «oanufae^ 
turier ■ pays d'uue étendu» immense et ê^àe 
fertilité prodigieuse en comparaison de la HtA- 
laude,pay»eBga peuple de treate mïHioimd'ba- 
bîtaos , aetiffi , iodustrieu'X , et dont la ptuport 
sont encore misérables parce qu'ils maoqaentde 
moyens de travail ? 

Nous ayons déjà vu pourquoi rargent baissa 
UnU à coup de valeur après la découverts de» 
laines j e^ cootmept eu eàt - il pu être autreowDt 



N Google 



DU COMMERCE. iig 

l«r£i|a*6n mpiiM d'ua siècle jU quantité d'argaot 
existante «o Europe fut presque vioglaplce ? 
quelle industrie aurait piA 6uivi-c< dfipa $e& pro- 
grès UB pftr«il débordemeDt de méttvis 7 Mai* 
cet efTet une fois produit, il u'ett pas à pré?. 
HUmer. qu'il «« renouvelle. Les tuineane reuckot 
déjà presque plus : il faudra donc un [jouri le^ 
abandonner ; et cepeadaut l'iodustne tend à^ 
toutp paft à «'accroître. Voyex. l'Angleterre , la 
Erapce , la Russie i l'Espagne elle -]jaàme,i paît-' 
tPMt s'ouvre»! de pouvelles sources de ricbesses , 
partpi^t augmente l'ardeur de produire. La quism 
diA .wwucrf^re qui circule aujourd'hui en Europe 
j. sera doue Jiicutôt iosufOsante , et Smith l'su- 
f9ÎtrU pu, nier, lui qui a remarqué le prêtai» 
qHB.depuis UD àècle environ , malgré la quantité 
.t|OajouF9 croissante des métaux es Europe , l'ar- 
flfiOf, ^ait augmenté de valeur. Âuasi. les nations 
«Pi éprouvent-elles plus que jamais lebesoia; et 
fi'fls^Mi moment où elles redoubleat d'aetivitâ 
Rt;4<f.tt.av4il pour s'en procurer, c'est lorsque 
G« bçâoiu détennine les uneâ à. de grandes ma- 
' aures somptumres, les autres à des transgresùoas 
de.itraitQs et à des per5dies, c'e^t ce. moment 
que l'on choisit pour apprendre à la France que 
les'Citpituux &n luarcàifruilses penvetH étrm 
■ tFèi^ aàomdans et l'argent très - rare , pou* 
im apprendra. <fue jamais larQsM n'ejrt 



ji-vGooglc 



lao, LIVRB.I.I. - 

d'un usage ift^ispensahle comme monnaioi.' , 

Mais avec qiioî donc , je tous prie ^ ferez^ 
vous de |a mpunaie , si ce u'est arec de l'argent, 
et voulez-vous aussi nous ramener aux échangea ^ 
en nature? 

il y a toujours assez d'argent dans un 
pars , poursuivra le même écrivain , ^uan^ 
chacun en a la quantité que comportent sev , 
affaires et sa fortune. Belle «grande dé«on- • 
verte assurément ! Ainsi vous ne voulez pas qu'un. ^ 
pays qui a l'argent nécessaire à son industriie 1 
présente , cherche à augmenter ceue industria. ( 
par des importations d'argent qui lui donoen . 
raient plus de moyens de travail ! Et quel qrst -i 
le pays , s'il vous platt , dont toiu les capicalitteS . : ■ 
aient la qu<tniité d'argent nécessaire à leurs afr . ^ 
Jaires 7 Encore une fois, est-ee la Fraace-XHidi ■ 
l'intérêl a toujours été très -élevé, où il Tert.. 
aujourdlmi plus qu'autrefois? est-ce tBiêOTA. ■ 
l'Angleterre , dont la circulation repose sup uk 
pivot de verre que tel événement probable petit* ''. 
en un cUu d'o^l , réduire en poudre ? 

Je conclus,!^, que sans la découverte du Non* ; 
veau-Monde , les facultés reproductives du tra- ' 
vail restant les mêmes en Europe , nous ea ■ 
serions aujourd'hui , pour la richesse coqimer-. 
oale, à peu près au point où nous nou&trou-* . 
VtoDs avant ce grand évcDeqienl. i\. Qu'il cM . 



jNCoogle 



DU^COfttMfERCEl i2i 

Ag'Yiat'éTéi de chaque Dation eiû |)àrticQUèi', ilo ' 
se pt-otiurer la plus-grsuade part poisîblé 'dùqs te 
prôdtlitBQDtiet des tuiûes , etpàr suite , de coq- '' 
serwrtfèa-précieosementle numéraire qu'elles ' 
possèdenti 

"L'ai-gent de l'Amérique s'est successivemeot 
répûm parmi les- nations de l'Europe , suivant ' 
qu'elles ont pu l'acheter. La Fraoce, riche en 
productions dusol, devait, sans autre moyen de 
prospérité , s'en approprier ficileméntune partie. ' 
L'argenty servit' ensuite aux développemens dé ■ 
l'iûdtistrîe ; mais d'autres peuples -s'élevèren» 
oommeelle et p»r les mêmes moyens. Plus heu- ' 
retiT bu plus habiles , ces rivaux la dépassèrent 
mélAe'iians leurs progrès , et sans la politique 
tant'Uâmée, tant ridiculisée des gouvemaus , 
eH* -se' serait vu successivement enlever tout le 
nUknétoire du pays, et, par une conséquence 
inérûaMe j son marché intérieur. 

Cest'donc la conservation et l'augmentation 
du DUiBératre qui lui ont fourni les moyens d'at- 
teindre au degré de prospérité où elle était par- 
veone: Il n'y a pas une nation opulente en 
ËuiKipe , dont oh n'explique ainsi les progrès. 
Smith , qui ne veut point que la découverte de 
l'Amérique ait influé sur les développemens du 
commerce, se garde bien ,couuneon peutcroire, 
de 'donne):, k la praspérité particulière /des na- 



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laa r IVRE II. 

toOQS une pareille source. Aussi en a - t - il été' 
chercher la cause ailleurs , et cette pnrûe de son 
ouvrage n'en est certes pas la moins extraor- 
dioaire. 

Suivant Smith , le fonds de consommation d'ut» 
peuple est ce qvà constitue s» richesse.... ■< C'est 
k ce fonds quinourrit, habille et loge lepenplej 
p Les gens sont riches ou piiuvres ^ selon que le 
M fonds destiné à servir immédiatement à \mt 
»■ consommation se trouve dans le cas d'être ap» 
» provisionné avec abondance ou avec parei.1 
» monie par ks capitaux, m 

D'où il suit, et rien n'est plus vi*ai , que plu* 
lane nation a de cajùtaux , plus elle sera rîebe, 
puisque plus elle aura de moyens d'approvision- 
ner son fonds de consommatioa t]và coosrtitue sa 
richesse, 

' Ici l'on serait tenté de croire Smkh rentré 
dans la bonne voie; car que peut-il entendre 
par celte obondance de capitaux, sinon l'aboa- 
daace de l'argent , qui est le capital par cieei- 
-lence , le capital sans lequel il n'y aurait ni io- 
éustrie , ni commerce ? Mais il s'en faut bien qa^t 
donne au mot capitaux cette interprétation ; et 
Ttnlà précisémem l'une des principiiles causes des 
erreurs eu il s'est laissé entratner^ 

Développons cecL 

Pendant fort long-temps on n'a attodié ^avtra 



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DU COiyiIflERCE. 1^5 

idée au, mol capital <jue celle d'une somine 
d'argept employée , ou susceptible d'êire emr 
pJoyée en reproductions utiles. On disait aine» 
d'un négociant qu'il manquait de capitaux , ce. 
(jjii signifiait qu'arec plus d'argent U ferait -de 
plus grandes afEyres , aclièterait ou fabriquerait 
plus de marchandises. On le disait dans le même 
seoS' d'une nation. Le mot capitaux , eotendij 
ainsi de l'argent , semblât ne devoir entraîner à 
aucune iàusse conséquence. En effet , c'est tou- 
tou»"» l'argent que possède un individu qui dé» 
tei'miae l'étendue du conamerce qu'il peut entrer 
prcndi'e , et ce qui est vrai d'un individu , de às\a. , 
dç i d« , l'est de cent , de mille , et par suite de 
tçkutua peuple. 

; « J!)ïaû^ tdiseut le» écrivains, quand on icmpnmte 
un capital , ce n'est ni l'aident monnayé , ni le 
ji^pier de confianoe qui en tient lieu , qiifou em- 
jHfUAlc , c'est sa vatcur. Qu'un homme emprunte 
çevlt mille francs pouf le commerce des cutonft, 
ii ^mera tout autant qu'ooi lui prête cent miUe 
irOQcs «a eotOD qu'en argent. Le véritable c»' 
piul n'est donc pcnot Tai^eiit,. mais la mar- 
;cfaa»dise. » 
.:_ Point du tout : le véritable oa^tal est toujoun 
l'argent , même lorsqu'il ne paraît pas intervenir 
pour acheter la marchandise , comme damtl'éxemt 
ide proposé , ce qui dfailteuFs . n'arrive guère^ 



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154 L'ï VRE i I. ' 

Reioontez à l'on^ne de ce capital de cent mille 
francs en COtoo. Celui qui Ta prêté 'en niiture 
l'avait à conp sur acheté en argent. Voyez maio- 
t0Dant ce qu'il Va devenir : avant qu'il n'ait reçu 
toute la main-d'œnvre dont il est susceptible et 
passé par toutes les roaÎDS qui doivent le conduire . 
jusqii'ad consommateur, il aura été écliangé deux , 
trois, quatre fois, dii fois, peut-être, contre 
sa valeur en argent, ou le double de cette va- 
leur primitive. Or, il n'y a point de marchan- 
dise à laquelle ceci ne S^applîque. Il n'y en a 
point qui , dans le cours de son existence , depuis 
la production jusqu'à la consommation , ne soit 
l'objet de trocs dont l'argent l:iit toujours l'une 
.des valeurs. L'argent est donc le capital essentiel , 
le capital par excellence, puisqu'il se reproduit^ 
dans tous les ,niarchés, qu'd les facilite tous, et 
qu'il n'y a point, ou presque point d'objets, 
échangeables auxquels il ne soit plusieurs fois 
opposé lui-même comme capital échangeable. 

Je dis qu'il n'y en a presque point, ce qui in- 
dique qu'il en existe j et en effet toutes les fois 
qne l'iudividu qui produites! aussi l'individu qui 
consomme , l'argent n'a aucune fonction à rem- 
plir. Aussi l'argent • monnaie ne servirait-il à 
rien si chaque personne ne consommait que ce 
qu'elle produit ; et l'on peut se faire une idée , 
parce seul aperçu., de sone^^irême utilité dans 



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DU COMMERCE. «5 

les sociétés modernes où la plupait des pr«diùtl'. 
duiravuil n'arriveut au cansomn^teur .qp'apir^ii' 
avoir passé par une foule de mains , détçriiiiaé! 
une multitude d'échanges, et franduLque]({ao£bi&; 
ciat{ à six mille lieues. , , ■ 

C'était donc avec beaucoup de raison que par. , 
le mot capitaux ou désignait autrefois plus par-i 
ticulièrement le capital numéraire. A la vé-. 
rite on fappliquait aussi par extension à toutes 
les valeurs du commerce» et plus or4iiiairç- : 
ment aux hàtimeos qui servent de £ibrique&, 
aux machines, aux ateliers et en génécal^à tout , 
ce qui est employé k créer des produits. Mais 
comme ces capitaux productifs n'étaient, rel^- 
tivjement à l'argent qui les avait formée et qui- 
servait à les entretenir , que des capitaux sfiQOn- . 
daires, on ne confondait point pour l'utilité lies. 
uns avec les autres; et quoiqu'en parlant de la 
fortune d'uu négociant on comprit sous le nom 
générique de capitaux non-sèulement son ar- 
gent, mais toutes les valeurs qu'il pouvait réaliser 
en argent, en appliquant ce mot aux capitaux de 
la nation , on le restreignait ordinairement à l'ar- 
gent , qui est effectivement pour l'état l'unique 
capital productif, puisque sans lui, il n'en exis- 
terait aucun autre. 

De ce que l'argent est indispensable à la for- 
matictn de tous les autres capitaux , et de ce que . 



N Google 



ia6 L I V R Ë t t. 

la quantité des produits de l'industne se propof - 
tioDDe Daturellement à ]a quantité d'urgent qui 
(nrcule,ODavaitpeDiié que plus une nation pos- 
cédait d'argent, plus elle devait ou pouvait avoir 
de capitaux productifs , et de là naissait la coq- 
«équence qu'il fallait attacher du prix à sa con- 
servation et à son augmentation. 

L'argent reconnu ainsi l'élément, le préalable 
des capitaux, à un écrivain avait dit de tel pays 
qu'il manquait de capitaux , on en aurait induit 
que ce pays manquait d'argent ; et si le même 
écrivain, parlant ensuite du même pays, ei'it 
annoncé que l'argent n'y était pas rare , il n'aurait 
été compris de personne, et proLablemcnt oa 
l'eût accuséde se contredire. 

Aujourd bui toute cette partie de la langue 
économique est cLangée. On donne toujours le 
nom de capitaux à l'argent, mais on le donne 
également à toutes les valeurs , sans distinction, 
d'où il suit que dans le raisonnement on confond 
le capital numéraire avec le capital marchandise, 
comme si l'un n'avait pas plus d'influence que 
l'autre sur la prospérité publique. C'est une suite 
■de la première erreur commise à l'égard de l'ar- 
gent marchandise , qui n'est , comme on l'a tu , 
ni plus précieux ni plus utile que toute autre va- 
leur en marchandises. Ainû vous trouverez dans 
tel ouvrage nouveau très -vanté , et qui ne sau- 



ji-vGooglc 



DU CO?.IMCRi:E. 127 

rtàt trop l'être à plusieurs égards, que la France 
manque de capitaux, ce qui e&t Trat quelque 
«eus qu'on donne au mot cafàtauK, et vons lirez 
«Dsuiie que ce n'est point parce que l'argent y 
-est rare. Quoiqu'il en soit, vous concluercE de 
là que par* le mot capitaux, l'auteur n'entend 
point parler de l'argent ; vaais tous verrez bientôt 
qu'il se récrie sur la difficulté d emprunter 
des capitaux , sur l'a chèreté des capitaux , 
sur les capitaux çu' on enfouit dans la terres 
et ù TOUS me demandez alors ce qu'il entend par 
■ces capitaux qu'oa enfouit dans la terre , je Vous 
dirai que je n'en sais rien , parce qUe je ne puis 
icroire qnon ait jamais enfoui dans la terre des 
urânes, des mécaniques et des ateliers de fabri- 
cation. 

De ce premier aperçu il résulte que si le 
changement survenu dans la laQgœ éoenomique 
-a des avantages , ce n'est pas du «oins -oeiui de 
I la plus grande «darté , -puisqu'il «stdeveimà pen 
pris impossible de s'entendre, <et ^ù*à tookh 
d'accoler une note -su mot capitaux toutes lea 
fbis qu'où l'emploie, jamais le iecteiu- ne 'pour» 
se flatter d'être dans le secret de l'écrivain. 

Voitâ de bien autresinoonTéniens. Le résiïltat 
de la doctrine à laquelle cet abus 4b >mot capl* 
tofix a <lonaé 'lieu-, est <|u'un pays croit en 
pro^térité àmeHive-qoecesoapitauxaugmeateiit, 



ji-vGooglc 



i]R LI V KE 1 t. 

qu'on doit sppeler capitaux tout ce qui a .<]fL]â 
valeur, et que par coasûqueut g! uoe Diitîoa, 
la France par exemple , coosentaît à éch*tig%r 
ses deux milliards de numéraire contre dct(X 
milliards et demi ou trois milliards de mar- 
clifiodises étrangères , qui sont aussi des capitaux, 
elle serait incomparablement plus riche après t^ 
marche qu'avant. 

Ce raisonnement que j'emprunte à Similii «e 
reproduira textuellement quand je parler^ ./inL 
conlmerce extérieur. En attendant je laisse an 
' lecteur le soin de décider jusqu'à quel point iipt 
semblable moyen de. s'enrichir doit tenter Vfl. 
pays, et je m'abstiens de toute réflexion, parce 
que mon seul but en ce moment a été de préiuM- 
DÏr contre l'étrange abus qu'on a fait du inpt 
capitaux. 

Mais il faut prouver , même d'après Smitfl , 
qu'en subordonnant la formation et l'accroiss!^- 
ment des ateliers d« manufactures, des fabriqua 
et autres capitaux productifs, à la conservatioa 
et à l'augmentation de la somme du numérait-e 
dans le pays, on s'en était fait des idées très- 
justes. 

Smith ^stingue deux sortes de capitaux. II 
appelle capitaux fixes les bâlimens servant à 
l'exploitation des terres , les ateliers de manu* 
factures , les machines uiilw , les métiers et 



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D p C O M M E R C E. 139 

kutres objets semblables , susceptibles de donuer 
UD revenu sans cliaDger de maître j et capitausù 
'Circulant les marchandises fiibriquées non en- 
core vendues , les vivres oécessaireB aux ouvriers^ 
et l'argent. 

Maia en établissant cette distinction , Smitli 
semble reconnaître lui - même l'existence 
d'un capital primitif qui doit être le cepita) par 
excellence. « il y a deux manières diflërentes 
» d'employer un capital pour qu'il rende un 
» revenu à celui qui l'emploie , etc. eiCi ». (1) 
Et ensuite il indique comment on peut faire de 
ce capital, ou un capital fixe, ou un capital 
circulant, ce qui annonce assez que son premier 
capital est un sac d'argent. 

Il n'est plus permis d'en douter quand on lit 
dix pages plus loin : n Tout capital flxe provient 
M originairement d'un capital circulant, et a be- 
n soin d'être continuellement entreienu aux 
fl dépens d'un capital circulant, — Aucun capital 
» fixe ne peut donner de revenu que par le 
» moyen d'un capital circulant, ta 

En effet , la conséquence de ces deux axiomes 
d'économie politique est que l'argent qui fak 
partie du capital circulant , est indispensalild 
non - seulement pour former des capitaux fixes ^ 

(1) Tsme H, pifjc 197. 



jNGoogle 



i3o L 1 V R E I I. 

mais encore pour ea tirer un revenu , et c'est ce 
dont personne ne doute ; car enfin , poui' monter 
une manu facture , il faut commencer par se pro- 
curer un capital numéruire , ordinairement très- 
considéralile. Voilà donc , de l'aveu de Smith , 
l'nrgent préalable indispensable des capitaux 
productifs. Or, si l'argent est le préalable des capi- 
taux , et que tout l'argent du pays soit dès à pré- 
sent employé à l'entretien des capitaux existant , 
concevez-vous la possibilité d'en former d'autres 
sans accroissement dans la masse du numéraire ? 

Il ne peut plus être ici question des moyens 
que Ton emploie pour suppléer à l'argent , du 
crédit , des comptes conrans , des banques. Ces 
moyens auxiliaires ,'d'autant plus puissaDs que la 
nation est plus ncbe , sont pourtant limités dans 
leurs effets , et l'on ne pteut disconvenir , je 
pense , qu'il n'arrive un moment où les besoins 
de la circulation exigent impérieusement une 
plus grande abondance de monnaie. 

Le nierez - vous ? Mais alors je réduirai par la 
pensée , à quelques cents mille francs , tout le 
numéraire de la France , et je vous demanderai 
comment vous vous y prendrez pour former des 
capitaux et les entretenir. 

r^e me dites pas que cette réduction dans le 
numéraire rendrait l'augmentation des capitaux 
impossible; car si quelques cents mille fraucs 



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DU COMMERCE. i5i 

déjà employés ne suffisent point poar entrete- 
nir les capitaux du pays et en former de nou- 
veaux , Je ne vois pas pourquoi vous voudriez que 
deux milliards, qui sont également employés, 
pussent y suHire davantage. 
. Combien j'abuse de la patience du lecteur , en 
insistant avec cette opiniâtreté sur des vérités 
qui ont peut-être , à ses yeux comme aux miens , 
toute la force de l'évidence! Mais qu'il ouvre 
Smith ; qu'il lise les Ouvrages nouveaux , écrits 
dans les mêmes principes ; les erreurs que je 
m'efforce de combattre s'y reproduisent à chaque 
page , et sous toutes les formes , et avec tout l'as- 
cendantdu talent. Que d'individus avides de s'ins- 
truire , croyant y puiser des connaissaoces , n'ont 
rapporté de cette étude que notions confuses ou 
fausses , que pnncipes abstraits , tous démentis 
par l'expérience ! Comment espérer de les faire 
revenir à la vérité ? Telle «st donc aujourd'hui 
la position des écrivains qui traitent ces miiûères , 
qu'ils en disent toujours trop pour les hommes 
qui en ont des idées justes , ou n'en ont aucune 
idée , et jamais assez pour ceux dont l'opinion 
s'est formée dans les livres ; et cette alternative 
est cruelle , puisqu'en coiu-ant volontairement le 
risque de paraître froids et prolixes aux uns , ils 
peuvent à peine se flatter d'ébranler la convic- 
tion des autres. 



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i33 L I V R E I I. 

Smitli et ses partisans ne voulant point recod-' 
naître que l'argent soit nécessaire à l'accroisse- 
ment des capitaux productifs , et oiant , par cette 
raison , que l'augmentation du numéraire en Eu' 
rope ait cootribué aux développemens de l'indus- 
trie, il nous reste à examiner comment , dans ce 
singulier système , les capitaux peuvent s'accumu* 
ier, le commerce s'étendre et les nations s'enrichir. 

B Les capitaux augmentent par l'économie j ils 
» diminuent par la prodigalité, « (i) 

Il serait dilticile de contester la justesse de cette 
maxime, présentée ainsi dans un sens général ; 
mais quelle application Smith en pourra-t-il faire 
au commerce et à la lichesse des peuples ? 

« De même que le capital d'un individu ne 
» peut s'nugmenter que par le fonds que cet indi- 
x vidu épargne sur son revenu annuel , de même 
n le capital d'unje société , lequel n'est autre chose 
» que celui de tous les individus qui la compo- 
M seul , ne peut s'augmenter que par la même 
M voie. » 

Le principe ainsi développé exige un examen 
très - approfondi. Je prie de remarquer d'abord 
que cet autre principe : tout ce qui contribue à 
la richesse d'un particulier contribue à la ri- 
chesse publique , est susceptible des applica- 

( I ) Tome II , page 3aS. 



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DU COMMERCE. i35 

tions les plus fausses. Pnr exemple , un pariicu- 
lier qui recueille une succession s'eorichii, de 
quelque part qu'elle lui vienne ; mais pour que 
la valeur de celte succession puisse aussi être 
ajoutée à la masse des richesses du pays , il faut 
qu'elle vienne du dehors : autrement ce n'est 
qu'un changement de propriété. Pierre a gagné 
ce que Paul a perdu , et l'état n'a rien gagné du 
tout. 

Il en est ainsi de l'économie. L'économie con- 
tribue a la richesse d'un particulier , parce qu'elle 
lui permet d'ajouter chaque année à sou capital 
ce qu'il n'a pas dépensé de son revenu ; mnis tan- 
dis que ce particulier augmente ainsi son capital , 
celui d'un autre ou de cent autres diminue : car 
du moment où le numéraire du pays ne reçoit 
point d'accroissement , îl peut bien changer de 
main, passer de la bourse du prodigue dans celle' 
de l'homme économe j mais ou- ne voit point 
comment toutes ces révolutions augmenteraient 
la production , et par suite la richesse nationale. 

11 est bien à remarquer que dans sCs raisonne- 
mens sur l'économie qui enrichit les nations, 
Smith ne les considère point dans leur commerce 
respectif, ce qui serait très-différent, comme je 
l'expliquerai tout à l'heure. 11 les prend pour 
ainsi dire une à une , et c'est en l«s assimilant 
ûolémeut à ehaque particulier » qu'il 'leiM' crie : 



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i54 L I V R E I I. 

Les capitaux s'augmentent par l'économie ,- 
ils diminuent par la prodigalité. 

Je ne coDçois pns qu'une nation , considérée 
uniquement dnns ses relations intérieures , puisse 
être ni prodigue, ni économe. 

Econome!... je me trompe; elle peut l'être 
dans le sens qu'on donne improprement à ce mot. 
Un particulier a vingt mille francs de revenu ; il 
n'en dépense que la moitié , et le surplus s'en- 
fouit dans sescoffres. Voilà unhommeéconome j 
mais cette espèce d'économie , si elle devenait 
générale dans un état , y ruinerait bientôt l'in- 
dustrie, et ce n'est probablement pas de celle-là 
que Smitb a voulu parler. 

Mab qu'enieod-il donc par son économie ? Ce 
particulier qui a vingt mille francs de revenu , et 
qui en épargne la moitié, me dira- 1- on peut- 
être, au lieu d'enfouir les an mille francs qu'il 
ne dépense point, doit les employer utilement 
en les ujoutant à son capitfll, — Je vous entends : 
vous voulez qu'il acbète de nouvelles terres , ou 
bien , s'il est fabricant , qu'il entretienne un plus 
grand nombre d'ouvners , et par conséquent qu'il 
produise plus d'ouvrage. Dans les deux hypo- 
thèses , la somme de ses revenus sera plus consi- 
dérable , et l'état sera plus riche : voilà qui semble 
très-clair. 

Le particulier qui accnmule ainsi ses revenu* 



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DU COMMERCE. i35 

augmente iadubitablemeac , chaque année , ses 
capitaux , et il s'enrichit ; mais la somme des re- 
productions reste la même pour le pays , et par 
conséquent le pays ne s'enrichit point. 

Vous n'apercevez peut - être pas comment la 
somme des reproductions reste ta même ; c'est ce 
qu'il faut tâcher de bien faire entendre. 

Si le particulier cité pour exemple achète une 
terre , ce n'est qu'un échange de revenu ', car cette 
terre appartenait à quelqu'un. S'il améliore les 
siennes , ou bien s'il place ses économies dans sa 
manufacture , la somme des reproductions aug- 
mente ; mais elle se serait également accrue , si , 
au lieu d'employer ainsi son revenu, il l'eût 
dépensé pour son usage. 

N'est -il pas vrai qu'avec les dii mille francs 
qu'il économise , il aurait pu se procurer une 
foule de jouissances dont il est maintenant privé ? 
Far exemple , il marche à pied, au lieu d'avoir 
un équipage ', il est mal logé , mal meublé; il n'a 
ni pendules , ni glaces , ni soieries. Eh bien , qu'il 
emploie , chaque année , les dix mille francs qu'il 
épai^ne , à de pareilles dépenses , ta somme des 
productions de l'industrie indigène croîtra pré- 
cisément comme s'il eût fait travailler , dans ses 
fabriques , un plus grand nombre d'ouvriers; 
Seulement , dans le premier cas , il augmente 
les capitaux, des autres , ta leur portant son ar- 



ji-vGooglc 



,56 L I V R E I I. 

gent , tandis que dans le second ce seraient le* 
autres (jui augmenteraienl les siens. Je vois là 
une diflcrence très - essentielle pour lui ; je n'ea 
aperçois absolument aucune pour l'état. 

11 est donc constant que de quelque manière 
qu'un particulier dépense ou emploie son ar> 
gent , pourvu qu'il l'emploie , la somme des ca- 
pitaux ue pont , à raison do cet emploi , ni aug— 
mciiier, ni diminuer. Je ne crois pas avoir besoia 
de rappeler que nous raisonnons toujours avpc 
Smith , dans la supposition où les revenus sont 
dépensés dans le pays, en objets de consomma- 
tion produits par le pays : autrement la question 
cliapgerait totalement d'aspect. 

Ainsi , dans cette supposition , il n'y a ni éco-t 
nomos , ni prodiguos. Le particulier qui vend sa 
terre poiir en dissiper lo produit , fait une très«- 
niuuvaise opération pour lui , mais absolument 
judifTéreoie pour l'état. La terre passe eo d'autres 
mains , et les revenus restent les mêmes. 11 en est 
ainsi de toutes les prodigalités, quelles qu'elles 
soient. Tel individu se ruine , qui en enrichit 
.ciuquanie j et pourvu que le prodigue se ruine 
en dépenses loades, les reproduolions du pays 
ne cesseront pas un seul instant d'être aussi con- 
.sidérables. C'est même quelquefois une nouvelle 
source de prospérité publique, parce que les 
prodigalités tournent presque toujours eu dcii» 



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DU COMMERCE. 157 

nitif nu profit des arts et de l'industrie , et anié- 
nent ou de grands talens , ou de grandes décou- 
vertes, (1) 

Quelques ^rivaios, persuades que la con- 
sommatioD détermine toujours la production , 
ont pensé , au contraire , qu'uo moyen certain 
de multiplier celle-ci était d'encourager celle-là. 
Dans ce système , les prodigties seraient les bien- 
faiteurs de In société , puisqu'ils donneraient Heu 
k une reproduction qui n'aurait pas existé sans 
eux. Ce système est faux comme celui de Smith 
sur l'économie , et ceci prouve combien il est 
difficile de se garantir d'un excès sans se préci- 
piter dans un autre. La société est composée d'^ 
conomes et de prodigues , et de la résulte l'ac- 
croiâsement de la production , ou , si l'on veut * 
l'accuDiulatioa des capitaux productifs , que je 
suppose toujours favorisée parla conservation et 
l'augmentation de l'argent; Admettez que tous les 
gens économes deviennent prodigues, il n'y aura 
plus de production ; admettez que tous les gens 

( I ) Les prodigalités considérées .soiia le rapport de la 
morale, peuvent exercer Kur la richesse publique uua 
Iniluenae tTes-défaTorahle. Il en est ainsi clu luxe quand 
il atteint des classes auxquelles il devrait retter étranger. 
Alors 1c luxe et les prodigalités ont pour résultat de di— 
nnÎDuer lecrédit , et tout ce qui diminue le crédit dimi- 
nue la richesse nationale ; mais ce n'était pas dans ce sen« 
que je devais parler ici de U prodigalité. 



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i38 L I V R E I I. 

prodigues deviennent économes , il n'y aura pins 
de consommation. L'effet sera te même. Ces deux 
systèmes sont donc également faux , puisque 
tous deux ayant pour objet d'accroître la pro- 
duction , tous deux , s'ils étoîeat pooctueliement 
suivis , la réduiraient à presque rien. 

C'est ce désir si naturel à l'homme de tout ex- 
pliquer , de tout soumettre à des lois générales , 
qui a donné lieu à cette double erreur de théo- 
rie. On a vu que des nations étaient riches en 
f:apitaux productifs; on a voulu déterminer pour- 
quoi elles l'étaient. C'est l'économie de» particu- 
liers qui enrichit les nations , ont dit les uns , 
parce que l'économie seule accumule. C'est la 
prodigalité , ont dit les autres , parce que sans 
prodigalité on ne consommerait presque point; 
et tous ont mal raisonné , parce que tous aTaient 
mal observé. 

Smith qui a si bien développe les heureul ef- 
fets de la dÎTisioD du travail , n'a point prétendu 
expliquer les progrès de cette division par des 
principes généraux qui pussent coniribuer en- 
core à l'étendre. Il n'a point dit : La division du 
travail est la suite de tel calcul , il faut l'attribuer 
à telle cause. Ici l'on admire sa réserve. « La di- 
Jt vision du travail , de laquelle découlent tant 
» d'avantages, (i) ne doit pas être regardée, 

( 1 ) Tqbm I , pag;< 33. 



ji-vGooglc 



DU COMMERCE. iSg 

M daos son origine , comme l'effet d'une sagesse 
» humaine qui ait prévu , et qui ait eu pour but 
» celle opulence générale qui en est le résultat. 
M Elle est la consérjuence nécessaire, quoique 
> lente et graduelle , d'un certain penchant na- 
ît lurel à tous les hommes qui ne se proposent 
n pas des vues d'utilité aussi étendues j c'est ce 
» penchant à trafiquer , à faire des trocs et des 
M échanges d'une chose pour une autre. » 

On peut dire de l'accuniuliihon des capitaux 
productifs , ce que Smith dit ici de la division 
du travail , qui n'en est d'ailleurs que la suite. 
L'accumulation des capitaux est la consé- 
quçnce nécessaire, quoique lente et gra~ 
duellcj d'an certain penchant naturel à tous 
les hommes ; c'est ce penchant à trafiquer 
et à faire des échanges d'une chose pour 
une autre. J'ajoute : et le sentiment de l'in- 
térêt privé bien entendu, qui, tandis que 
quelques hommes ne s'occupent qu'à dépen- 
ser et à consommer^ en porte invinciblement 
quelques autres à consacrer une partie de 
leurs revenus à de nouvelles reproductions , 
afin d'augmenter leurs profits , et d'acque'rir 
■ainsi les moyens de consommer davantage à 
leur tour y car la consommation est toujours le 
but du travail , et l'individu qui se prive aujour- 
d'hui d'une partie de ses revenus pour accroître 



ji-vGooglc 



i4o L I V R E I I. 

son capital , n'agit ainsi que dans la vue de hâter 
le moment où il pourra ne plus travailler , et con- 
sommer alors tranquillement , après s'être retiré 
des affaires , et avoir assuré sa fortuoe. 

Et c'est précisément parce qu'il y a ainsi beau- 
coup d'individus qui ne font plus que consommer, 
que tant d'autres peuvent ne faire qu'accumuler, 
Remarquez que dans le système de Smith sur 
réconomie , il faut , pour que la nation augmente 
ses capitaux et s'enrichisse , que chaque individu 
retranche sur ses consommatioDS ; mais sî per- 
sonne ne consomme plus, que deviendront ceux 
qui produisent ? 

Ne vous embarrassez pas des producteurs , me 
<Ul le défenseur de Smith : il sutHra que l'indus- 
trie crée pour qu'on lui achète ses productions. 
-—Alors, ne conseillez donc pas à ceux qui les 
consomment , ces productions , de s'en passer ; car 
enân ils s'en passeront oui ou non , et s'ils s'en 
passent on n'en créera plus. 

Je suis sellier , bijoutier , tourneur, fabricant 
d'étoffes d'or , de galons, de broderies, peintre , 
graveur , musicien , comédien , tout ce qu'il vous 
plaira. Les productions de mon industrie , ou 
mes taleos , me sont payés par une foule de capi- 
talistes qui dépensent ainsi leurs revenus. Vous 
prétendez qu'ils sont des prodigues, des enoe- 
BÙ8 de la société. Voilà donc qu'ils d«vienn«Bt . 



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DU COMMERCE. 141 

«conomes ; mais qu'est-ce que je deviens, moi , 
sellier , bijoutier ? et quand je dis moi , vous eo- 
teudez que je dis tous les selliers , tous les bijou- 
tiers , tous les fabricans d'étoffes d'or , tous les 
musiciens, tous les peintres , etc. 

Les pnncipesque Smith a posés sur l'économie 
des nations, ont pour fondement une distinction 
très-subtile dans le travail qu'il appelle producùf 
ou improductif, suivant que ses produits consis- 
Knt en objets matériels , et qui demeurent , tels 
que des meubles , des pendules , des étoffes , ou 
bien en créations fugitives , telles que l'exéculion 
d'un morceau de musique , la représentation d'une 
tragédie , les services d'un médecin, d'un avocat, 
d'un ministre. Cette distinction est essentielle- 
ment fausse. 11 n'y a point de travail improductif. 
Le travail n'a d'autre objet que d'augmenter l'ai- 
sance particulière des membres de la société , et 
par suite la nchesse du pays. Tout travail tend à 
ce but , et tout travail est productif. Il y en a de 
plus ou moins utile ; mais placer un menuisier , 
parce qii'il crée une table, au-dessus du méde- 
cin qui ne crée rien , c'est abuser de» mots , et 
les mettre à la place des clioses. 

Au surplus , en admettant la distinction de 
Smith; en admettant que , par suite de cette éco- 
nomie qu'il leur recommande , les nations vins- 
sent à se passer de médecins , d'avocats , de mi- 



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i4a L I V R E I ï. 

nUtres, U sériât encore faux qne l'économie , dans 
le sens qu'il donne à ce mot , pût ajouter à l'opu-* 
lence des peuples. Cette opulence consisterait 
alors uniquement en objets matériels ; c'est tout 
ce qu'on en peut conclure. 

Je croîs avoir suilisamment montré que l'éco- 
nomie des particuliers * dans le sensque lui donne 
Smith , ne contribuait en rien à raugmenlation 
des capitaux j mais je n'ai pas prétendu par - là 
qu'il u'cxistat point une économie pour les na- 
tions , comme il en existe une pour les particu- 
liers. Ce rapprocbement prêtait , au contraire , à 
une comparaison juste , grande et lumineuse , 
qui a malheureusement échappé à Smith. Les 
nations, considérées collectivement, composent 
une grande famille , dont chaque membre se 
conduit d'après des lois ou des habitudes qui lui 
sont particulières. Les membres de cette famille 
ne suivent pas tous des principes également sages. 
Telle nation est prodigue , telle autre économe ; 
l'une est légère , l'autre est profonde. Le» plus 
sages proBtent des fautes des nations qui les com- 
mettent, et les nations prévoyantes et indus- 
trieuses s'enncbissent aux dépens de celles qui 
n'ont ni vues , ni activité. 

Appliquons ces remarques à quelques - unes 
des nationsde l'Europe. Les nations imprévoyantes 
ont été l'Espagne et le Porlugaij les nations éco- 



ji-vGooglc 



DU COMMERCE. 145 

Qomes , la Hollande , l'Angleterre et la France. 
Les premières se sont nppauvries, les autres ont 
marché vers l'opulence, 11 y a donc une écono- 
mie et une prodigalité des nations; mais une na- 
lion n'est prodigue ou économe qne dans ses rela- 
tions avec les antres peuples, et c'était ainsi que la 
question devait être envisagée. J'aurai occasion de 
la reprodnire en traitant du commerce extérieur. 
Ainsi , et pour terminer ce que j'avais à dire 
des capitaux, et de l'économie qui, suivantSmitlii 
]es accroît, je pense eu résumé , i". que le mot 
capitaux doit toujours s'entendre particulière- 
ment de Targent , qui est rélément de tous les 
capitaux productifs , et leur préalable indispen- 
sable f a**, que l'accumulation des capitaux pro- 
ductifs est la stûte naturelle d'une plus grande 
abondance de travail , produite par l'augmenta- 
tion de la quantité de numéraire dans le pays. 
Quant à cette disposition du peuple au travail , 
qui croit à mesure que les capitaux augmentent, 
elle est la conséquence ordinaire des progrès de 
la civilisation qui multiplie les besoins , et force 
ainsi chaque individu à tirer parti de- toutes ses 
facultés , aân de pouvoir exister aisément et hono- 
rablement. Ceci explique les progrès étonnans 
-qu'a faits la Russie depuis un siècle , et l'extrême 
rapidité de l'accumulation des capitaux productif^ 
dans les colonies nouvelles. 



ji-vGooglc 



(44 L I V R E I I. 

Tout ce qui précède est relatif au commerce 
en géoéral. Il me reste à parler dit comnierce ÎD-' 
térieur , dont îl importe de bien faire seDtir le* 
avantages. 

II est incontestable qu'un pays , dont la popu-* 
litlion est nombreuse , doit trouver , dans les pro* 
ductions de son sol et de son industrie , às'appro-^ 
visionner de la presque totalité des objets oéces^ 
saires à sa coDSoromation. Le commerce intérieur 
emploie, par cette raison, une très-grande partie 
des capitaux qui existent dans le pays. Eu France, 
il faut que ce commerce approvisionne trente 
millions d'individus ; et qu'on juge de l'immense 
consommation d'une pareille population ! 

Mais cette consommation est elle - même sus- 
ceptible des'accrottre. Elle s'accroît mèmechaquc 
jour , parce que chaque jour la civilisation fait 
des progrès. Si donc nous comparons l'état d'un 
peuple quelconque civilisé , avec ce qu'il était 
au moment où il est sorti de la barbarie, nous 
verrons qu'il a gagné en richesse tout ce qu'il 
consomme au-delà de ses vivres ; et il est bien à 
remarquer que chez uu peuple civilisé , la con- 
sommation en vivres n'est la plus cousidérable 
que pour une partie de la nation , tandis que 
jKiur les classes supérieures , elle n'est pas le cin- 
quième ,et quelquefois le dixième, le vingtième 
de la consommation générale. 



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■ DU COMMERCE. 145 

Ainsi , à l'exception des vivres , aussi indispen- 
saliles à l'homme brut qu'à rhommeoivilisé,mais 
qui sont difTéreos pour les deux , tout ce qui est 
à notre usage aujourd'hui est une richesse con- 
quise sur l'oisiveté, par l'industne, le travail et 
le commerce j et de l'état primitif de l'homme à 
l'abance actuelle d'un siinple artisitn , il y a , commo 
je l'aidéjàdït , beaucoup plus loin que de l'aisance 
de cet artisan k celle du monarque. 

C'est particulièrement au commerce intérieur,* 
quia de beaucoup précédé les échanges de peuplo 
à peuple, qu'il faut attribuer cet acci-oissement 
dans la richesse de l'homme. Retranchez, par là 
pensée , des richesses de la France , ce qm pro- 
vient du commerce étranger , ( j'en excepte l'ar- 
geot ) vous perdrez quelques productions loin- 
taines et de luxe ; mais l'abauce générale n'en sera 
pas sensiblement diminuée , et la civilisation res- 
tera la même. 

On a évalué à cinq milliards cent millions lë» 
revenus tant industriels que territoriaux de la 
France. Le commerce étranger ne figure , dan» 
cette somme , que pour trois cents millions envi- 
ron. Rien ne montre mieux combien le com- 
merce intérieur influe sur la circulation générale. 

Siuith a prouvé par des calculs simples , maie 
profonds , que de deux capitaux employés , l'ua 
dans le commercov intérieur , et l'autre dans le. 



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i^G L I V R E I I. 

coinmercé éiraoger , le premier devait donner à 
l'industrie du pays Tingt-quatre fois plus de sou- 
tten et d'encouragement que l'autre. C'est que le 
Commerce intérieur, à chaque opération , rem- 
place deui capitaux utilisés dans le pays , et que 
ee commerce peut faire douze opérations , pen- 
dant que le commerce étranger n*en consomme 
qu'une. 

Mais le commerce intérieur ne se sufHt point 
à Im-mt^me. 11 lui faut des capitaux en argent , 
que le commerce avec l'étranger peut seul lui 
procurer. Ce commerce est donc aussi tr«i-utile ; 
U est même le véhicule et le soutien du commerce 
intérieur , qui ne se serait jamais beaucoup accrn 
s&ns les secours qu'il en reçoit. 

II peut arriver cependant que le commerce 
intérieur d'un pays soit languissant, quoiqu'il y 
ait dans ce pays beaucoup de numéraire. Alors , 
ce numéraire ne circule pas ; il vaudrait tout au- 
tant qu'il n'existât point. C'est la situation où s'est 
trouvée la France après la chute du papier-mon- 
naie; c'est celle où les moindres crises politiques 
jettent les états dont une partie de la circulation 
H fait en papier, et telle est l'Angleterre au mo- 
ment où j'écris. Cette sîtuaûon est encore celle 
des peuples qui ont des mines. L'argent qu'ils se 
procurent ainsi , bien loin de tourner -au profit 
de l'industrie , en est ordinairement le Séeu, C'est 



ji-vGooglc 



DU COMMERCE. 147 

tpie U tioùon qui a des miiMs trouve , dans leurs 
produits annuels, de quoi salarier Tudivers en- 
ùer. Elle contracte donc le goût de la paressci 
Oa pourrait dire de ces nations, k qui l'ameat 
ne coûte que le peine de le dégager de sa gangue, 
qu'elles ressemblent aux particuliers qui ont fait 
subiiement fortune } rerement cela leur profite. 
Au reste , la France éprouve encore aujourd'hui 
une grande gène de circulation. II faut en cher- 
cher la cause dans la révolution qui a renversé 
le crédit , fait sortir le numéraire , et transporté , 
-des cités aux champs^ une grande parue des c»* 
pitauz. Ce ne serait assurément point un mal 
qge dans un pays agnco]e,à.e riches capitaËstes 
résidassent sur leurs terres , .et dirigeassent eux- 
mêmes les améliorations dont elles sont suscepti- 
bles : aussi n'est-ce point là ce dont je me plains. 
Autrefois , les gros propriétaires habitaient la 
ville , où ils consommaient leurs revenus ; ces 
•propriétaires sont aujourd'hui , pour la plupart^} 
des paysans qui ne cousomment point , et ,n^ 
savent pas ce que c'est qu'améliorer. L'argent 
qu'ils parviennent à amasser ne tourne donc au 
profit ni de l'agriculture , ni du commerce ; ce. 
sont des capitaux perdus pour la circulation , dea 
capitaux morts. Et qui pourrait calculer ce qui 
s'en est ainsi englouti dans les campagnes depuis 
douze ans I 



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i48 L 1 V R E I I. 

U faudra bien du temps pour réparer ce mal- 
heur, et il Dous sera peut-être plus facile de nous 
procurer du numéraire par le commerce étran- 
ger , que de parvenir à faire rentrer dans la <»r- 
culatioo celui qui en a été ainsi retiré. 

Mais c'est à ce but que doivent tendre désor- 
mais tous les etTorts du gouvernement. Le com- 
merce étranger nous a long-temps approvisionnés 
de capitaux; il peut nous rendre encore le mémo 
service. J'examinerai, dans le. chapitre suivant, 
quels sont les avantages qull procure ,et les dan- 
gers auxquels il expose quand on ne le subor- 
donne point à un système d'adminbtratlon appro- 
. prié aux localités , aux temps et à l'esprit des 
peuples. 



ji-vGooglc 



DU COMMERCE. ,49 

CHAPITRE m 

Da Commerce extérieur. 

Smith appelle commerce étranger de con^ 
sommation celui qui a pour objet d'«pprovi-i 
siouner le marché intérieur de inarchaDdises ou. 
de productions du dehors. Je désignerai ce com ; 
merce sous le nom plus simple de commerce ex- 
térieur , qui comprend également le commerce 
du dedans à l'étranger. 

Nous avons vu , dans le chapitre précédent , 
qu'un capital employé au commerce intérieur 
pouvait consomjntîr douze opérations , tancfisque 
le même capital ,' placé dnus le commerce exté- 
rieui- , n'en aurait consommé qu'une. Il semble, 
résulter de là que le commerce inlérieiir est 
beaucoup plus avantageux que l'autre , et la dis- 
proportion est même telle que l'on ne conçoit 
pasbiend'abprdpomment^esnégociana se livrent 
au dernier,' . 

Smith insiste beaucoup, sur cette dispropor- 
tion. Ou ne peut nief qu'elle n'existe ; mais Hn- 
convénieut qu'elle entraîne n'est pas aussi. grand 
qu'il le parait. Un capital plapé dans le com- 
merce intérieur , se renouvelant douze fois ^ans 



ji-vGooglc 



,5« L 1 V a E 1 1. 

un an , donnera à chaque opération un pour cent 
de béuéBce. C'est douze pour cent au bout de 
l'année. Eh bien , employés le même capital au 
commerce extérieur, il ne se renouvellera qu'une 
fois peut - être ; mais si , par cette seule opéra- 
tion , il vDus rapporte douze pour cent , et certes 
il les rapportera , au moins , il est évident que 
cette seconde manière de l'employer est aussi 
avantageuse que la première. 

Mais des deux capitaux que le commerce cxté^. 
Heur remplace à chaque opération , il est incon- 
testable , ainsi que ?mith l'établit , qu'un seul est 
employé au soutien de l'industrie nationale. En 
effet , que la France échange , avec l'Angleterre , 
cent mille pièces de drap contre deux cent mille 
de Casimir , il est sensible que cette opération 
est , pour chacune dos deux nations , moins avan- 
tageuse que si elle avait pu l'effectuer intérieu- . 
renient , pnisqu'alors le même pays eût possédé 
uu capital de plus, et fait travailler le double 
d'ouvriers. 

Mais il n'est pas donné à un pays de réunir 
tous les genres d'industrie. Il en est de particu-* 
Hère aii terroir , qu'on essaierait vainement de 
transplanter. On ne peut faire qu'en Flandre,' 
et même dans une étendue de pays assez peu 
considérable, les belles dentelles connues sotia 
ïe poi» de Malines, L'Angleterre emploie' daua' 



jnGooj^Ic 



DU COMMERCE. i5i 

^a fabrîfiauondft ses faïences des terres que notre 
Bol ne fotimit point. Les échanges de nation à 
nation , quand ils portent sui- des objets dont la 
propriété leur est ainsi foi-oénieut exclusive , nç 
peuvent tourner qu'à l'avantage des peuptes, et 
cp cominerce est alors le plus favorable de tous » 
^rce^qu'il n'eptraine ni rivalité , ni jalousie. 

Le ,coniineix:e extérieur présente un autre pb- 
jet d'utilité publique. C'est à lui qu'on doit |es 
jii^rés de la navigation , ^ns laquelle le globe 
n'aurait jamais été bien.connp. En,parcourant fe 
niondç,l,'bo)Uni0.* apprjs à mieux observer. Les 
science^,e( Ips.fii^E^.se sont enrichis de ses decoU- 
veries ^ et )e$ luqiiècesse spot rép^qdqes en même 
..temps que. lea mpyçD^ de tuif Uiplier les échange 
ont ausqienlç., . . ji. ,, . . , 

Quoique le^^f^oînme^ avec l'étranger soit 
ni9in,$ ava^tagçu^ quQ le commerce intérieur , 
\l est évident que celiù-c^ n'afirait presque point 
fait d^ pijogr^^ s'il j>'eût,dftnné| (iei^ .auii.éçhanges 
de nation à nation. Ce sont ces échanges (|)ii 
,ont déternj^^,J^'p((Dpilpp,.gçqéfî(lç^ 4!"^^ I^'"'* 
espace, de, marchiifidise pour lévaluer toutes les 
anti^s.,, et p'est enspite la répartition de cette 
marchandise entre tou$ }(:»_ peupjes de la terre 
qui Ipuro permis d^: inM^tipM*?'' intjérieurement 
leur tnivail , et par eonséqnent d'acqroître leur 
rifibes99^. Âiisfit U Gonun^rce extér.i^ur.a-t-il tou- 



ji-vGooglc 



i5ï L 1 V R E I I. 

Jours eu poar principal kut d'attirer l'argent dans 
le pays , et l'on peut affirmer que toutes les fois 
que ce but a été atteint , le conuuerce extérieur 
a otTertde grands avantages. 

Le commerce extérieur peut s'ef&ctner de 
trois manières : 

Une nation échange des marchancËses contre 
des marchandises , 

Ou des marchandises contre de l'aient , 

Ou bien ea6u de l'argent contre des mar- 
chandises. 

De ces trois sortes d'échanges y la seconde 
seulement est toujours avantageuse. Les deux 
autres sont relativement favorables ou défavo- 
rables , suivant les circonstances. Je vais les 
examiner succinctement dans les trois sections 
suivantes. 

SXCTION PREHIÈIIE. 



CommeiH cxUiîbui. •— Ëdungc A» nwfThinJliioi wntx* 
■parcbandis». 



Jz suppose qu'il existe une nation dont la 
commerce intérieur ait atteint le plus haut degré 
d'activité. Cette nation a découvert les moyens 
d'abréger le travail j il est cher elle à meilleur 
marché et plus parfait que dans aucun autre 



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DU COMMERCE. i55 

pSys ; ell« n'a point , ou' presque point d'oisifs j 
son numéraire suffit aux reproductions du sol 
et des fabriques , et ces reproductions sont, dès 
à présent , très-supérieures à ce qu'elle con> 
somme. 

11 est évident que cette nation pourra , sans 
încoUTenient , envoyer à l'étranger l'excédant de 
ses productions , pour eu recevoir en échange , 
d'autres productions que son sol et son iu4ustne 
ne fournissent point , et qui ajouteront ainsi à sei 
jouissances en mulûpliant ses moyens de travail. 
' Je prends pour second exemple une naiion 
dont l'industrie est également très-avancée , maïs 
qui ne l'exerce en partie cependant que sur des 
matières premières exotiques. Le principal but 
de cette nation doit être alors de se procurer , 
avec des marchandises manufacturées , les ma- 
tières brutes que son sol ne fournit point. Cô 
genre d'échange lui sera évidemment u-ès-avan- 
tageux j car avec une pièce de drap , par exemple^ 
ia/Qs laquelle il sera entré trente livres de laine , 
elle en achètera près de soixante - dix livres qui 
lui donneront en bénéfice réel au moins une 
autre pièce de drap. 

Lyon tire de l'Italie et de la Sicile quelqueis 
soies écrues qu'elle paye ainsi avec des produits 
de ses manufactures. Sedan , Louviers payent 
également en draps une partie des bines impor- 



ji-vGooglc 



i54 Ll V R E I I. ^ 

tées d'Espagne. Edëd nous échangeons ateC la 
Dord des vins et des eaux-de-vies contre du ièi', 
des chanvres , des muDiùons navales. Ces dîi^ 
^rentes sortes de commerce sont uès-favorabtes 
à la France et les capitaux qu'elle y emploie ne 
pourraient en être détournés sans lui porter uu 
grand préjudice. < 

Quels que soient les pays entre lesquek il 
s'établit un commerce » dit Smith , (i) « ce com- 
» merce. prpoure à chacun des pays deux avan- 
» tages distincts. H emporte le superflu du pior 
» duit de leurs terres et de leur travail , pour 
» lequel il. n'y a pas. de demaodecbez eux ,-et à 
» la placQ il rapporte en retour quelqu'autre 
» chose qui y est en demande. * 

D'aprè$, ce principe très-posibf , il semblerait 
que tout échange de marchandises contre mar- 
chandisçs. dùti ^j^re constamment fifvorable aux 
pays entre, lesquels de^ tels, échanges se prati- 
quent. C'est epcore uu.dça. résultits de la docr 
trine de 6miih,.que l'expérience Infirme. Il faut 
justifier cette ae^nion.! - ■ l, ■. .. ! 

. J'observe d'abord que Smith raisonne dans 
Ja supposition que l'on n'exportera du pays que: 
des marchandises qui n'y sont point en demande. 
Or* cette supposition est fausse. 

.. |i] Toias SI, page 41. 



ji-vGooglc 



DU COMMERCE. i55 

lifiissez-à quelques négocians français la liberté 
de commercer avec Loodres': qu'y feront -ils 
passer ? des draps donl nos mBgasins sont rem- 
l^is , des CBsimirs , des bosîns ? non ; ils ne trou- 
veraient pas ù les placer. Que chai-geront-iU 
donc ? vous ne le devineriez jamab : des chif- 
fons des diifTons , vous dis - je i de ces vieux 

morceaux de linge sales et à demi - pourris que 
TOUS voyez ramasser dans les niCs par des femmes 
à liottes, qui se di^coretif assez plaisamment dti 
nom de lingères hpctit crochet. Or , ces chif- 
fons , que l'on emploie âi la fabrication du papier, 
et qui coûtent en France environ cinq francs le 
quintal , se vendent eu Angleterre jusqu'à vingt 
francs. •Voilà, n'est-il pas vrai , une belle spé- 
Cttlation , et vous n'êtes pltis surpris de la préfé- 
rence qu'on lui a donuéë. 

Maintenant calculons ensemble tous ses ré* 
siiUats. Le premier sera de nous rendi'e tribu-> 
taires des Anglais pour le papier ; car du moment 
où ils pourront s'approvisionner de chifibns en 
France , il est indubitable qu'Us les accapareront 
tous afin de nous les renvoyer manufacturés. 
Nous paierons ainsi \è papier quatre ou cinq fot« 
plus cher. Peut-être considérerez -vous cette 
chèreté comme un bien aujourd'hui ; j'y consens ; 
mais un très-grand mal , à coup sûr, serait de 
réduire à la mendicité les vingt mille ouvrier» 



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i56 L I V R E i I. 

^e ce genre d'industrie fait vivre , et je vbu* 
prie de décider à quoi od les emploiera, si vous 
ne voulez pas qu'ils demaudeot l'aumône. 

Me direz - vous que les proiits des négocian* 
qui veudroDt nos chiffons aux Anglais com- 
penseront tous ces incOQvéniens 7 Vous oubliez 
apparemmentque nous serons obliges de racheter 
ces mêmes chiflbns manufacturés , et je vous 
laisse à penser à quel prix ! Maïs je ne vous ai 
encore indiqué qu'une partie des résultats de 
cette spéculation si utile. Ces négocians qui ont 
obtenu la permission de charger pour Londres 
vont effectuer leurs retours, lis reviennent donc 
en France, où ils rapportent des basins, des 
piqués , des mousselines , des velours,, de la 
quincaillerie , de la sellerie. Cette fois ce sont 
vraiment des objets en demande , et en cela du 
moins Smith a raison; mais ces objets en de- 
mande, qu'il devait être si avantageux pour l« 
pays d'eiiraire de l'étranger , portent un coup 
mortel à l'industrie nationale , et voilà qu'une 
seule fausse mesure réduit au bout de. quelques 
mois deux cent mille individus, à la misère. 

■Je n'insiste point sur ces exemples que je 
serai obligé de reproduire quand je traiterai des 
prohibitions ; mais je les crois très - propres à 
montrer combien la manie des systèmes peut eu' 
traîner loin de là vérité des hommes à qui leur. 



ji-vGooglc 



DU COMMERCE. iSf 

ll^meietleurtalentauraientdoDDétaBtdemoTeiu 
de la répandre. 

Il suit de tout ce que j'ai dit sur les échanges 
entre natious de marcbaudises contre marchao- 
dîses , qu'ils sont favorables toutes les fois qu'ils 
donnent eu retour ou des marchandises qu'il est 
impossible de se procurer dans le pays , ou des 
matières premières. 

SECTION DEUXIÈME. 

Commerce «xtérienr. — Écliange do UaTchandites contre de 
l'argent. 

J'ai indiqué ce genre d'échanges comme étant 
«oujours avantageux à la nation payée en numé- 
raire. Il n'en faut pas induire qu'il soit constam- 
ment défavorable à la nation qui paie ainsi. Par 
exemple , la France achetant dans le Levant ou 
en Espagne des matières premières, qu'elle ren- 
voie ensuite manufacturées en Angleterre ou 
dans le Nord, ne fait ni avec l'Espagne ni avec 
le Levant un commerce onéreux, quoiqu'elle le 
solde en partie en argent. En général il faut juger 
du commerce d'une nation , non par ses relations 
avec tel ou tel peuple , mais par l'ensemble de 
«es importations etde ses exportations comparées. 
Je développerai ceci ailleurs. 

L'échange de uarchaBdises contre de l'aient 



ji-vGooglc 



,58 L I V R E 1 t. 

est touîotii'fi avantageux à la natioD qui reçoit 
l'argent , parce qu'avec cet argent elle peut ac- 
crottre son iadu&trie et améliorer sea terres, 
etque, suivant Smith, la richesse d'une nation 
consiste dans le produit de ses terres et do 
son trapoil. 

On objecterait vainquent que l'industrie est 
limitée dans ses progrès. Elle ne l'est pas plus 
dans ses progrès que l'homme dans ses besoins. 
Il n'existe pas une seule natiou où il n'y ait des 
pauvres et des fainéans. Avec de nouveaux capi- 
taux vous les occuperez ; et d'ailleurs dans les 
pays qui croissent en richesses , la population 
augmente tous les jours. 

Parcourez la France ^ arrêtez-vous dans les 
campagnes : combien de malheureux qui travail- 
lent tout au plus no ou deux mois dans l'année ! 
ils vont nu -pieds , sont à peine couverts et 
manquent de tout. Ne serait- ce pas un grand 
biende procurera tant de braves gens lesmoyena 
de «'occuper , et l'état n'y gagnerait- il pas autant 
qu'eux ? , 

. C'est donc un arontage ré^l que dét^i^nger 
des marchandises contre de l'argent , et Smith 
• en raison de dire que dans un pays les gens 
sont riches ou pauvres suivant <fue le fonds de 
consommation est approvisionné avec abon- 
dance. ou avec parcimonie par les capitaux. 



■jnGoo»^Ic 



DU COMMERCE. iSg 

On ne concerraît pas comment, après avoir 
posé ce principe, il a pu M>uteDtr qu'il était ab- 
solument indînerent pour un pays de recevoir 
en échange de ses marcban<£ses d'autres mar- 
chandises ou de l'àrgebt , si l'on ne se rappelait 
que par le mot capitaux il entend indiflërem- 
rticnt l'argent OU la marchandise. Il faut lire dans 
Fourrage avec quelle subtilité ît s'efTorce de 
pi'ouver que le traité de 170? avec le Portugal 
n'est pas très- avantageux à l'Angleterre , quoique 
le commerce auquel ce traité a donné lieu pro- 
cure annuellement à la Grande-Bretagne de 
trente à quarante millions de francs en numé^ 
Faire, m Quand l'Angleterre' serait absolument 
» exclue du commerce du Portugal , elle trou- 

* verait très-peu de difficulté à se procurer an*^ 
» nuellement toute la provision d'or qui lui est 

* nécessaire , soit pour l'orfèvrerie , soit pour la 
a monnaie , soit pour le commerce étranger. ■ (i) 
Si Smith avait été à la tète des affaires de son 
pays , si , par exemple , il eût assez vécu pour 
être témoin des embarras que le ministère et 1» 
banque ont éprouvés dans ces derniers temps , 
il aurait tu qu'avec de grandes ressources, uni 
commerce immense et le crédit le pltts étendu, il 
n'était pas toujours trèâ-aisé de se proeurerda 

(0 Tom» III, page iîy.' 



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^9o L I V R E I I. 

Duméraire. « Oa a de l'or comme toute autre 
» marchandise pour m valeur, pourru qu'oi; 
» ait cette valeur à ea donner. » Smlih en re- 
vient toujours là : on a de l^or pour sa valeur I 
mais il faut la créer cçtte valeur , et quand on 
l'a créée, ce n'est point encore une raison pour 
trouver de l'or ; car il est nécessaire que ceux 
qui le possèdent puissent et veulent s'en dessaisir, 
.et l'expérience prouve 'tous les jours aux gouver- 
nemens , aussi bien qu'aux particuliers , que la 
chose du monde la plus difficile à trouver quand 
on en manque , c'est de l'argent. « D'ailleurs le 
n superflu annuel d'or du Portugal serait tou- 
» jours envoyé au-dehors , et s'il n'était pas 
» exporté par la Grande-Bretagne, il le serait 
n par quelque autre nation qui serait bien aise 
» de trouver à le revendre pour son prix , tout 
» comme le fait à présent laGrande- Bretagne. » 
Ainsi de ce que le Portugal doit être tributaire 
d'une puissance quelconque , Smith conclut qu'il 
est indifîérent pour l'Angleterre que ce soit d'elle 
pu de toute autre. Si , par exemple , les Portu- 
gais, aulieu de s'habiller avec des draps anglais , 
ne portaient plus que des Louviers et des Sedan, 
le résultat serait évidemment le même potMr l'An- 
gleterre. Il est vrai qu'alors ce seraient les fabri- 
cans français qui auraient le béoédce de la main- 
d'œuvre ; mais l'Angleterre , au lieu de recevoir 



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DU COMMERCE. i6s 

l'or portugais de la pramère main , le rece- 
vrait de la seconde. Que lui importerait de 
le payer un peu plus cher! cette différence 
est trop peu de chose pour me'riter l'attention 
du gouvernement i et après tout il ne faut pas 
que l'Angleterre conçoive la moindre inquiétuda 
sur la provision d'or qui lui est. annuellement 
Decessaire. Elle trouvera toujours très~peu 
de difficulté, à, se la proaurer. J'y consens ; 
mais voilà certainement une logique fort étrange. 
Je conclus que le cODunerceei^térieur le plus 
avantageux pour une nation est celui dont les 
retours se font en argent « parce que l'aident 
est dans les sociétés civilisées le soutien de l'in- 
dustrie , le grand ressort du travail et le créateur 
^par excellence, 

SECTION TROISIEME. 

Commerce eztfrieur. — Échange de l'argent contra de> 
mardundiae*. 

Li A section qui précède celle-ci pourrait, à 
Ja rigueur , en tenir lieu j et en effet puisque 
est très - avantageux de recevoir du numéraire 
en échange de marchandises et de productions 
du sol , c'est .une conséquence nécessaire que le 
pays.se ruine en donnant du numéraire pour des 
marchandises. Je ne. considère cependant pas 



ji-vGooglc 



i6a L I V R E I I. 

encore ceuc vérité jconiiae suffisMmmçDt ,et9- 
Mie , «t l'on me pardoooera quelques nouvelles 
•onsidéralioD*. 

I JfùdviàdicqtMla France at^tatU'dftns le Le- 
vant et en Espagne , en numéraire , des matières 
premières nécessaires k ses manufactures , ne 
faisait point un commerce désaraniagcux. l«ar- 
^ent dont elle se dessaîût de «etie manière<, lui 
mntretoajonrs avec usure , et ce n'est , à (>ro- 
prement parler I qu'une avanoe. ■ ■ 

Mai«.il o'«n serait pas ainsi ^ beaucoup près, 
ta. Is-commerce français se procurait par le nuéme 
moyen des mardiuocyees étrangères deaûnées'à 
la consommation.' Le numéraire emploi^ 'à 'tes 
acheter serait alors ipenfai sans retour* etlegoAt 
de CCS marchandises se répandant de' jeart en 
jour, il n'y aurût bientôt plu» assea d'argvntdans 
le pays pour continuer de semblabte^acqiûsi»- 
lions. Les canaux de la circulaûon ainsi 'dessé^ 
iités , le pays ne pourrait plus se souteair , ni ' pal* 
sa propre industrie , ni par celle des natioiH 
rivales, et tout y,marcheraîtàçraDds'pasivcr8 la 
décadence i les sciences, lesaits, l&oomniet%e>e( 
la population. 

Smith ne parait point redouter de pareilsefTcts. 
H affirme en conséquence : « que la masM totale 
* du capital de l'Angleterre ne serait pas plus 
» diminuée par une exportation d'or ou d^rgeot 



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IbV CÔMMEKCa iCS 

i que par l'eiportatloQ d'uoe valeur égale eu 
» toute autre morchaudise. ( i ) » 11 est Curieux 
de voir comment il justifie cette asserûon : « Si 
B une cargaison de ubac valant eu Angleterre 
■» seulement cent mille francs peut ncheter', 
H quand elle sera envoyée en France , une car- 
» gaisoD de vin valant en Angleterre cent dix 
> mille francs, un pareil échange augmentera de 
» dix mille francs la masse du capital de l'Angle* 
» terre.» Très-bien; et l'op<îration sera avaota^ 
geuse aux deux pays , puisque l'un estime antant 
eent mille francs de tabac que cent dix mille 
francs de vin , et qu'après tout il s'agit ici d'objeti 
consommables et reproductibles, h De même à 
» une valeur de cent mille francs eu or anglais 
H ach^e des vins de France qui voudront en Au* 
M gleterre cent dix mille ft-abcs , cet échange 
n augmentera pareillement la maftèe du capital 
» anglais d'une valeur de dix taille francs, h 
Voilà , certes , un raisonnement très- faux , et qui 
De supportera pas le moindre examen. Que res> 
tera-t-il de ce capital de cent Sx mille ft-anca ea 
TÏD' deux ans et peut'^tre huit jours après soa 
entrée en Angleterre? Rïeo , parce que te vîa. 
aura été 'bu. Or la France possédera eoc6re à 
cette époque , et peut-être à jamais , les cent milité 

. ;^ 

(OTom.in.pii;. 138. 



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i64 L I V-R E I I. 

francs numéraire ayec lesquels ob aura, payé ceue 
denrée , et .ce capital lui aura dcjà fourni. les 
ntoyens d'améliorer ses vignobles, .de pei^fec- 
tionner et d'étendre son industrie. Je ne conçois 
.pas qu'une difTérence aiissi. sensible ait pu échap- 
per à. Smith. .. 

, Pounsuivons : « Le capital, d'un ppysest égal 
». à la .somme des capitaux de tpus ses divers 
» habitans, et la quantité d'industrie qu'on peut 
» y entjçeïenir. anpuellemen^ est égale, à ce _que 
1) peuvent^eotretemi; tqus.cesdilïei'^is.capii^uz 
» ensenïblf. » Je,.pr.ie, Je. lecteur de . s'ai;r4t^r 
i(^uumomentetde relire ce principe : lecapUal 
d'unpays ff^(.(^g-a/»ietc.,]Vlwfliwaat,,ie le de- 
mande : UQ homme qui se ^Qrait f^, .d^s idé,9S 
justes dix laot capitaux ne; s'appuierait- il,.pQiDt 
ici des propres eiprtîsMpns. de,jSmiih po*;r.Bu?n.- 
trer que fowe e^portaiioft dfl numéf aire ».en dw»- 
nuant la masse, du capital çssentÀeUement .pcp- 
dnctir, doit néçessairepKpt Fpiu-ner.au pi^jjufdice 
de l'indijstr.ie^aMoçplQ? ife dirait^il point ^wc 
S^mth; /ja <fua^té,d'.indu.stne,^v'prt^eut.Gn- 
tr^tçnif dans un pq.ys esf. ^gfllc.à Cfi^.çiue 
pepverU entrç(en^r. tO;its les capitaujp de.ço 
paySj et n'en concJuerait-il point. <^u'il ^ut,«oi- 
gueusçment.garder l'argent qui est le cfipttAl çri-. 
mitif , celui qui forme et entretient tous les autres 
capitaux ? £b bien ! Smith «n tire, lui* d^^ in- 



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DU COMMERCE. i65 

ductî<!>Qs' absolument contraires. Un capîtàlde 
cent dix mille francs éo vin est plus considérable 
de dii mille francs qu'ùù capital de cent mille 
francs en or, La quantité d'industrie qu'on peill: 
entretenir dans un pays est égale à ce qu'en peii- 
T«nt entretenir les capitaux ; donc un capital de 
cent dix mille francs en vin entretiendra plus' 
d*iodastrie quun capital de cent mille francs en 
or. Ce raisonuement est dans Smith. Il y est 
comme je le rapporte. Smith croyait apparem- 
ment que le capital de cent dix mille fraucs en 
vin ne s'épuiserait jamais , et qu'on le ferait circu- 
ler dans Londres pour tenir lieu de monnaie;" 
èfti' énflb il est incompréhensible qu'un homme 
de' ce génie ait pu penser que cent dix mille 
frâtlcs' en'tedmestibles, susceptibles d'être con- 
sommé^'én'huit jours , Serviraient l'industrie du 
pays pht^(pe cent ihille francs en numéraire qui 
p^ttrètiCraliOiemer éternellement. 
' A mesure que nous avançons, le lecteur peiit se 
Iconvainci* de la justesse de mes remarques sur 
l^btts deà' Bdots ràdrchandise et capttâuàc em- 
ployés pour désigner indistinctement l'argent et 
«ut autre Objet échangeable. Qui aurait jahiai» 
pensé qu'un principe pareil k celui-ci : plus une 
nation àdcroU ses capitaux, plus eltèprôls- 
pèroj eut dû servir à prouver qu'un pays s'enri- 
chisiiit-en'p«rdàntle numérair» qti'il possède ? 



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,C6 L I V R È I I. 

A présent OD n'en peut plus douter ; un capital 
de cent dix' imlle francs en marchandises est p]u« . 
considérable qu'un capital de cent nulle francs 
en argent. Donc toute nation qui donnera cent- 
mille francs en argent pour une valeur de cent 
dix mille francs en marcliandisest ^w une-excel- 
Jente opération ; et comme ce qui e»t vrai de 
cent-mille francs l'est de cent millions, de cent 
milllardr, la conséquence de t&Ut ceraisonne- 
ment, comme je raîditailleur8,est que la France 
pourrait se voir enlever jusqu'à la dermère pièce 
de- son noméraire sans en être appauvrie d'un 
denier. ' ' 

AiiJsi donc plus d'entraves au commerce exté* 
rieur , pluâ de barrières, plus de prohibitions. 
Laitons librement tout entrer , tout sonir.- 
Quelle source de prospérité pdUr la France ! les 
Anglais nous enverront leurs casinûrs , leurs 
basins, leurs piqués ; nous leur enverrons notra 
ouméraire. Ce qui se vend six francs, chez eux, 
éû vaudra doufte ou qninxe «ben nçus.Au^u de 
deux milliards en arjjent bou» en posséderons 
quatre ou cinq en étoffes de goût,' en sellerie, eu 
quincaillerie. Ncfus gagnerons à ce mart^ cent 
p<>ur, cent.. ..'... et dan» cinquante ans laFrance 
sera ttxie colonie ou une proyince de la Grande- 
Bretagne. 

Je lie me ani^ atiaclié jusqu'à présent qu'aux 



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DU QOMMERCB. ifij 

pntntvpes en quelttuc. sorte «f coodaireft 4e ceue. 
partielle lfl>dticu-iiMide SmiUt.flD voiià leprinoipr 
foDdamentat.ul^qw l'a «Mtbli.•QD^^()d^otewr 
dam utie,réoapUalaù«uii4rè«nnwtbodi^u«,ei uè^r^ 
bieR^raÔe <dM>.dci]nK.pr9aifC") Uvre« de J'iouiniif ^^ 
« .L'btflrièt ptixé. \m»éà:»& fiHfts^ihfniij^rtft 

«iipréfarer.i;«l»{>li>i J^plm r«w:vkbk4ttr«ttliwin«r, 
» nalionale, part» qt)'i<lfl»i.t9uJ6U)u Je pAb4prof. 

».fitaWo.pQ^re*a,H,.,l,■MMJlM: .■ i- ..,.,,■>■ , .,> .: 
îCe,pfiiiBpfi,i*«t jétr^ rf»9fii4érÂ.cwwui,,i« 

IwM 4ei loitti Jlç, . sy^tènwaéfiÇffljOçiiqïKi, , H . e« .,dè« 
lors très- im portant de rapprécieràsajiuwv^l^^i;. 
. .Mai*j«,pfM4e,WMM}4ffli; WpjWf'*WiC9ïBt4ea 
iJ.ad9<JQi»Pfixi«»iiWi^ C!PMX„UWbprâDés,de»snqr 
Ts^m» dtt .dix-|ïHiH«tme «jècIç^.^'ipi^r^fpiiTÀ 
doTaHis4(u> ew,fiftp<ïn;r^|i'bflinBi^» p^%.- 

«tigAvâmiwçAiiiL'ui.M'vU.MViait.Uieu d« toutes le» 
vontua., QU.lïS «i^i^ajt .(Ofife». (1 ae,.£4Mtf 
|4mi'»i i|ffésâpl«jt ^ ïgpi;aje^,i^.r^|igiflp. Og: 
Miraiti >p» jay^»ae K^u, bç^oùi ,. s<}.p4|s^, r^JoiS| ,et 
4« gPutKi^i^miwti^rïp^^, Plions ^(say^.uD. i,ço- 
IM»t ^ Q9rbi«¥iu SjHèwÇfl el Içs ùit^ ^pt ,j:9flj. 
fornivik i^oqn^n^Dt. Je-reviem à Soiiitti. ... 
XtwtJ/ïfe î^w-ÀBÉ? laissd^ sa pipmp. lfkpnf¥ê 
porte nécessairement les possesseurs^ àç çflr 
pitauffuàff^^F^fempiof le f>lifs Javçniitlo 



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i68 . L I V R E I I. 

à ^industrie nationale i pai-ce qu'il est tou~ 
jours le plus profitable pour eux. 

Ce principe décomposé exige l'examen des 
deux questions suivantes : 

En supposant que - l'emploi des capitaux le 
plus favorable à l'iadustrie fôt aussi le plus pro- 
fitable aux capitalistes , serait-ce une raisoo pour 
qu'ils donnassent toujours cette destination à 
leur argent ? 

Est-ii vrai que l'emploi d'un capital le plus 
profitable au capitaliste soit aussi le plus favora- 
ble à l'industrie? 

. La réponse à la première de ces questions est 
très-simple; Il en est de ^intérêt' privé dans les 
matières ds commerce , comme de l'intérêt prrvé 
dans> tout oe qui tient à la mora-le; On n'est pas 
toujours très-écbiré sur ce qui lui est favorable , 
et quand «w a ce genre de lumières , on n'eu 
veut quelquefois point pro6ter. L'intérêt de 
l'homme exigerait qu'il fût sobre , tempA-ant , 
borné dans ses désirs. Or combien y en"a-t-il 
qui aient iCes vertus? >i 

'< La répon^ à la 'seconde < question est plils 
simple encore. Il est- faux que't'nnploi'd'un capi- 
talle plus profitable pour celui qui le posséda 
ioit aussi nécessairement le plus profitable à l'in- 
dustrie. ■■ 

Rien d« -plus profitable aujourd^lnii pour -un 



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DU COMMERCE. 16^9 

«apîtalîste , comme on l'a tu \ que de porter nos 
chiffons en Angleterre , et rien de plus défavo- 
rabie à rïndustrie nationale , puisque ce com- 
merce entrainerût la ruine de nos papeterie». 

Rien de phis profitable pour un capita- 
liste que d'aller charger à .Londres des casi- 
mirs et des étoffes de goût ; rien de plus défa- 
vorable à l'industrie , puisque l'introduction en 
France de ces marchandises causerait la diute in- 
faillible d'une grande partie de nos manufac- 
tures de lainages. ' ' 
Ainsi , bien loin que l'intérêt des capitalistes sa 
trouve lié avec I*intérêt général , ils sont presque 
toujours en opposition ; et l'on en peuttirercette 
conséquence absolomem contraire à celle de la 
doctrine de Smith , que sans' l'attention contî- 
' nuelle des gouvernemens , le commerce esté* 
rieur, au lieu de tourner au profit des nations} 
serait pour la plupart une source de calamités' et 
im principe de mort. 

■ Supposons , par exemple , qu'il existe une nu- 
ùon insouciante et légère , dont les goûts frivoles 
la portassent à préiërer, même à qualités înfé- ' 
rieures , les marchandises étrangères , unique^ 
ntem parce qu'eUes seraient étrangères, n'est -il 
pas évident que cette nation serait, avant ua 
.demi-siècle , absolument dépourvue d'industrie y 
et qu'elle tomberait par conséquent dans la dép«ni 



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I70 L 1 V R E I I. 

dioce des autres nations. de l'Europe ? II. serait 
d'ailleurs assez digne de reoiturque , ^ je consir 
déferais comme un grand trmt de caractère , ^ijue, 
cette QatïoD eût la première élevé la voix en fa-, 
veur de la liberté illimiiée dit ctonmerce, > 

Je trouve-dans l'ouvragv ,da M, Canard « dçji 
cité , cette remairque esseutifiUçmeiU. faus^. ^ ^ 
■ est dur i|ue toutes les ibis qu'uoiç qaUpn ti^e 
» une matcljaodise de TétraBgçi: pJutQt qu<; de, 
». la fabriquée, c'est (p»Vlle..y trouve son.ayan-, 
Ml tage. .(^fi^ » M. Canard,pveod ipi upe trenU\^R^ 
d«. ooouuer^Qs , plus ou. jvojps, pQm' 1? nat,ipn, 
eei qoi est , je . croii , un feu din^rrat.. Qijte qu^-. 
qoesf'pavticuliers fassepâ .neiûr . df; l'^^^l^e^fe. 
einquADte miliç fùèceti de velouRs^.ib gag^rppt. 
àjCflivofic beaucoup. d'ar^qt, «(.plf^Çifl'pQt.tr^-.. 
bien .leurs maFcbaiidises.Mai& s|Lls,Qf; Içsi^iffi^^^. 
pM>,faÎL.veDip de-L^odres .ce^ m^rcban4f^,es.,,^la. 
naùoaie»,avrait fabriqac'e6ieiJe<mémc,)Hi,^u, 
moins bien. .peii|it->êiJ'e:t piais-.eii6n,e|Iei)e^.i^i//;^- 
fàJ^u£«s.r Notre «umériôn u,'?upijt pwitfujéftç., 
servir dalime^t'à l'iqdustcie. anglaise^ r< ^^ P!°iW< 
aurioQS-^oeoupé.dis.wille .ouvres, de. p|j^,.,7/ 
niest demcpO'S.cdairxiveAQV.te» leSifoiâ.qi^ftiQQ 
nation tire uoemii^JiltDdise deJ'étrdnger.pltilÔt 
que ide. la, iabriquer. elle-même r ç'^t qu'elleij 
trouve son avatitage.~Il i!est seulement qu'alors 
ces eitractions de marcbandisct peuvent étro 



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DU COMMERCE. 171 

profitables au petit nombre des capitalistes qui j 
empIoieDt leurs foads , et c'est pri^cîsément l'uâa 
des hypothèses où l'intërét de l'individu est direc* 
temeot contraire à l'intérêt de rétac. 

On voit de nouveau par là combien est d^ontj' 
de fondement le grand principe île Smith : l'iri' 
térét privé . laissé à sa pleine liberté , porto 
nécessairement les propriétaires de capi- 
taux à préférer templài le plus fm^rablé 
à l industrie nationale. Mais <s>mmeDt> après' 
avoir soutenu une pareille maxime , Smith a-t-ïl' 
pu écrire ailleurs ? «Le seul motif qui détermine Itf 
» possesseur d'un capital dans l'emploi qlill lah' 
» de son ai-gent , c'est la vue de son propt-e'prb^' 
» ât. (1) Il n'entré jamais dans iàp^Qs^e decaU' 
M cui^ combien chaean des dil¥ët^s''geDt«9^ 
» d'emploi mettra diï travail productif en atidvité ,' 
» ou ajoutera àtt viieor au pr(»dtiit ionuel des-. 
» terres et du travail de son pays. »■ Non , fcertes.' 
L'intérêt du pays' <ïst ce qui touche te mtnns le 
c<»nmcrçan't. Il tie (but qtt'oavrir les yelii poar' 
s'eaconvaiocre, «t rteâ tMJtiéiifîe'ttHeUx tes me-- 
sures sévères aui^ueHesl'AtltttîtllstnilitM eâtc^Hv 
gée depecburir,*fià tfempêôher quêle négociaotr 
ne sacrifie fItitérêt|>nblîodtisîén pi'Opre. ' 

Lorsque notre conimeroq au Levant ëtdh *a' 

{}) Toiit..If*^a^.^; ,, . , , , ,/ 



ji-vGooglc 



»7à l I V R É I T. 

plus haut degré de prospérité , on s'élevait de 
toutes parts coatre les réglemens qui forçaient 
lesfabricaos de draps à leur donner telles dîmea- 
sioDs , à se servir de telles matières, à suivre tels 
procédés. De telsréglemeus devaient paraître ab- 
surdes. N'était - il pas évident que , guidés par 
leur propre intérêt, les fabricans se garderaient 
bien d'altérer la qualité de leurs mai'chàndises ? 
Oui, rien de pluS' évident.... daos les livres. Mais 
dès que^'administrâtion^ moins sévère, eut cesse. 
4e tenir la main.à la policé des fabrications , mille 
sortes de fraudes se commirent. Nos draps , qu'on ' 
^faetait dans le Levant sans même ouvrir les 
halles^ pei-dirent tout à ;coup leur réputation. Les . 
demandes dimiauèi'eQt, et la France se vit enle- 
yer ,.par des peuples rivaux, une partie de ce 
çommerci» ,' qu'elle ourait conservé éxclusive- 
ipeïit; sans les priot^pes libéraux de quelq,ues es- 
prits, cbagrins. • ' . ■' 
• Jfe.crqis 'pouvoir conclure que. le bOBriifterce 
^térie.ur est toujours désavantageux» la naûon 
qui paie eu aïg«Qt, quand ce^comm^ce consista 
ç»' .marc^Aiidiseâ maoùfacturées ou ea produc- : 
ùpps de^ûné^ à la consommation intérieure. Je 
ne puis d'iùUeurs nyeux terminer cette section » 
qii'an rappoitaat le passage où Smith décrit les 
elDetsdela-dimisutiou-des capitaux daus le pays. 
Ce morceau est très - «urieuxj je le considère 



jNGoo<île 



DU COMMERCE. 175 

comtae une réfiitatioa aussi solide qu'éloquente 
de la doctrine de Smith , et je ne me lasse poiot 
d'admirer avec quelle fîtcilité oa peut réfuter 
Smith par Smilli lui-même. 
. « Si , dans un pays , les fonds destinés » faii-e 
s subsister le travail Tenaient à décroUre sensi- 
» blement , chaque année la demande de do^ 
M mestiques et d'ouvriers , d»m toutes les dxtfé- 
» rentes espèces d'emplois, .seroit moindre 
D qu'elle n'aurait été l'aiinée précié(J(;nte. XJa 
» grand nombre de ceux qui auraient é.t^, élevés 
» dans des métiers d'une classe plus reil|eT.é«. « ne 
9 pouvant plusse prociirer d'ouvrage dapftleur 
» emploi , seraient bien aises d'en tfouji^ej' dsos 
X les classesinférieures. Les classes l^plqs,hasses 

* se trouvant surchargées , non -, sculem^pt d« 
■ leurs propres ouvriers, mais encore de ce qui j 

* refluerait du superflu de toutes Içsaut^^s c^^gt' 
» ses , il s'y établirait une si grande concurrence 

aires ^ejsipiff. bornés 
us inlséral;>lç. subsis- 
lurait beaucoup ,qjifi, 
lions , nepp^irraiaiîi 
i, Bfais qn\ ocraient 
ou bien à chercher 
liant , ou ^n ç'abaa- 
> donnant aux derniers des crimes^ La misère , 
» la faniine et la mortalité désoleraient bientôt 



N Google 



1,4 L I V R E I î. 

» cette classe , et de là s'éiendraMfDt aux classa» 
.» supérieures, jusqu'à ce que le nombre des 
p babitaos du pays se trouvtt réduit à ce qui 
« pourrait aisément snbusier par k quantité de 
» revenus et de capitaux qui y seraient restés , 
» et qui auraient échappé à le calamité unÎTer' 
M selle. ■ (i) 

Osez faire l'essai des priiKnpes de SnûUi. Ren-^ 
dez le commerce extérieur abst^ument libre ; 
le morceau que tous venez de lire sera dans Tingt>- 
cioq ans l'histoire de la France. 

Il me reste quelques observations générales 
à présenter. sur le commerce extérieur. J'en tàià 
l'objet d'une quatrième et dernière section. 

BECTION' «OATRIÈIIK. ' 

Cvmmen» ffftiri«ii^ -JÉctwnaii^ Jm Natioiu, -^ TniU* de 
Commsrce. 

N'ous avons VU qull existait une économie des 
natiobs , mais très-difTérente de celle que Smith 
leur conseille. Smith entend par économie l'ac- 
croissement du travail productif, du travail ma- 
tériel , et la diminution du travail improductif 
ou de pure iuteltigence. Il veut qu'une nation ait 

(i) Tvm. It pa|{. 14& 



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DU COMMBRCE. .176 

]>eaneoup d'artisana «t très - peu d'aniitCB ; des 
meDuigMra.t des chsrpenùer» , des febricans , et 
^ÎDt de médecîœ ,' 'd'avoeats , dlmmbus de let- 
thes. Cet disUnctiona lont fausaea et dangereuses ; 
je n'y rertendrai pt«s. 

. . VlMci dam (ipelaeQS tme nation est économe.' 
La France produit des vins ; ai elle échange Vvt- 
«é«btatide'SB oomonuBotion contre desvins étran- 
gers', il n'y a 1» ni écononne , ni prodigalité ; û 
«Ue l'échange contre des matières premières on 
de l'argent , il y a écononne. 

La Suède est un pays pauvre. S^l voultût oon- 
«ommer des vins de Franoret d'Espagne en grande 
quantité , ilTaudrail qu'il l«s payât avec ton nu- 
méraire : il serait prodigue. 

L'économît d'une nation ooBstste à n'ac^ter 
de productions étrangères qu'autant qu'elle «a 
pevtipa^er avee 'les siennes. EUe consiste quel- 
quefois à s'en passer absolument. 

L'usage du ubac n'a servi qne les naûons qui 
en récoltent. Il a été poar toutes les autres un 
surcroît de dépense . et de dépense bien folle et 
bien ridicule assurément. Celles qui se seraient 
interdît cette jouissance bizarre auraient été très- 
sages, et surtout très-économes. 

Lorsque la France, après le traité de 1786, 
sacriGa des millions à l'achat de marchandises an- 
glaises « elle se paontra doublement înconsidérce 



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T76 "■ L.i V n E I î. 

et doublement prodigue ; elle dounnit à une na- 
ttiop eDoemie des moyens de puissance ; elle ploil' 
geait daoa la misère une partie de sa populatiod, 
' et la plus intéressante , la plus industrieuse. 

Quand une nation s'interdit une production 
'exotique , ce . n'est ni une mesure hostile , ni un 
monopole; c'est tout simplement Un ^cte de rai- 
son et d'économie. Si un particulier n'a que cetJt 
'louis de revenu , voulez - vous qu'il roule e'quf- 
page? et parcequ'il marche à pied, ameuterez- 
TOus contre lui , dans la rue , les ouvriers en car- 
Tosserie ? 

^ Il y a des nations, qm sont , comme lés par>- . 
-liculiera , forcées d'être économes ; mais il n*y eii 
A point qui ne puisse , avec de l'ordre et ud bon 
-système d'administration intérieure, atteindrea 
■un très > haut degré de prospérité relative. 

Et c'est dans ce sens qu'il faut entendre ces 
principes de Smith , quoiqu'il leur en donne un 
très -différent 1 les capitaux augmentent par 
^économie , ils diminuent par la prodigalittf. 
• — Tout prodigue parait êtfv un ennemi pu- 
hlic et tout économe un bienfaiteur de là 
société. 

il arrive quelquefois que deux pays, quoique 
-♦rès -voisins , ne sont point appelés à cohifuércel- 
«asaïKble. Tels sont ïa, France errAnglêtorrè. 



ji-vGooglc 



DU COMMERCE. 177 

Nous n'avons aucun hesoia de l'AngleteiTe avec 
laquelle tout échange en marcliandises ne peut 
que nous être désavantageux , et nous ne par- 
Tiendrons jamais à lui fournir plus de vins qu'elle 
n'en extrait actuellement, puisque le traité do 
1786 , qui réduisait les droits à moitié , n'eu fit 
pas exponeruue barrique de plus. Dans cet état 
de choses tout traité serait défavorable à la France, 
«t les deux états n'ont rien de mieux à faire qua. 
de se conduire intérieurement chacun comme 
i^s l'entendent. 

Mais il est d'autres pays qui , quoique sépares 
par de grandes distances y peuvent établir entre 
eux des relations respectivement très-utiles j et 
tels sont la France et la Russie. Ces deux nations ^- 
par la nature de leur commerce , sont en quel- 
que sorte dans la dépendance l'tme de l'autre ; 
et pourraient , si elles voiJaient s'entBudre , se 
passer du reste de l'univers. La France envoie 
en Russie des vins,, des eaux- de -vie, des bois 
de teinture , des étoffes de soie , de la bijouterie,- 
des verrez, des glaces, des dentelles, des toiles 
fines , des modes, La Rusûe envoie eu France 
du chanvre , du Un , des cordages , du goudron , 
des mâts , des bois de construction , des toiles 
à voile , du suif, de la cire jaune , du tabac * 
de la rUibarbe , et toutes sortes de fourrures et 
de peUeteries. Par un de ces contrastes quiçon- 



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1--SÎ L I VUE I I. 

tribuent à riiarmonie générale, îl se trouve que 
l*s productions qui abondent dans l'un de ces 
pays , sont précisément celles qui miinquent à 
Tauti-e. U est dès lors évident que toute relation 
entre eux doit tourner en définitif à l'avantage' 
des deux peuples , et l'on se demande comment 
il se fait qu'avec tant de raisons de s'unir par un 
traité de commerce , il y ait toujours eu entre 
les deux nations si peu de rapports directs. 

L'opinion de Smilb est contraire aux traités 
de commerce. Smilb , qui voyait des monopoles 
partout, a jugé que les traités de commerce de- 
vaient gêner la concurrence , et par conséquent 
tourner en définitif au préjudice des peuples. U 
ne veut pas non plus que de deux peuples qui 
peuvent, par la nature de leurs productions ou 
le genre de leur industrie , commercer ensemble , 
l'un s'approvisionne chez l'autre de préférence 
aux nations qui ne commercent point avec lui. 
C'est ainsi qu'il blâme l'Angleterre de traiter les 
vins de Portugal plus favorablement que ceux de 
France , quoique le Portugal qui s'tipprOTLsionne 
exclusivement en Angleterre et lui envoie tout 
son or , ait des droits très - apparens à cette prédi- 
lection. Un pareil système de réciprocité n'est, 
suivant Smith , « que la routine grossière de la 
m plus basse classe des artisans qu'on a érigée en 
j) moxime politique pour diriger la conduite 



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BtJ COMMERCE, 179 

H cl'uD grand t^iat^ air les artisaos de la dernièiâ 
» classe sont les seuls qui se fassent une règle 
» d'employer de préférence leurs pratiques. »(i) 
ïl n'y a , Je crois , aucune espèce de logique dans 
ce raîsonnemenl , et il est peu convenant de 
tourner ainsi en ridicule, par des coniparaisons 
objectes , les seuls liens qui puissent rapprocher 
les peuples, et rendre durable U paix des natioas. 
Ed traitant du commerce intérieur et du com- 
merc> extérieur , je n'ai dû les considérer ni l'un 
ni l'autre sous le rapport des connaissances qu'ils 
exigent de la part des hommes qui en font leu£ 
état. Envisagé ainsi, le commerce avec rétrangei* 
«st très - supérieur au commerce intérieur, dont 
la sphère, singulièrement rétrécie , est toujours 
circonscrite aux échanges d'un canton, d'un^ 
province , et tout au plus du pays. Le commerce 
extérieur constitue au contraire une science très- 
importante qui exige beaucoup d'étude , une 
longue expérience , et que l'on ne possède jamais 
bien si l'on n'y apporte une aptitude d'es* 
pnt particulière. Les relations des nations entre 
elles, leurs besoins, leurs moyens d'échange, 
les lois de commerce qui les régissent, les di- 
verses productions des contrées lointaines , la 
différcDce des changes , des monnaies, lesgraades 



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i8o L I V R, E II. 

opérations de banque , les assurances , les prises , 
vmlk le domaine du commerce extéi-ieur ,' 4^ilà 
les objets sur lesquels il faut que le négociant 
maritime exéroe son g^nis, et' génie est vérita- 
blement le mot. Aussi le grand négociant est-il 
fort rare , surtout aujourd'hai que chacun en 
prend le nom. 

Je résume en peu de mots les développemeps 
que renferme ce chapitre. 

Le commerce extérieur emploie moins de car 
pîtaux et donne lieu à moins de travail que le 
commerce intérieur ; mais il contribue puissam- 
ment aux progrès de ce dernier en ralimentant 
d'argent et de matières premières. , 

Tout commerce extérieur est ruineux quand 
il enlève au pays plus d'argent qu'il n'y en fait 
entrer. 



ji-vGooglc 



du' commehèe. 



CHAPITRE IV. 

. DitComin^oe d« Trvu|)ort. .... . 

On nomme commerce de transport celui qui se 
compose du Iransport des marcliandises , îudé- 
pendamment de leur production et de leur con- 
sommation. Ainsi , le commerce de transport sup- 
pose'toujours trois nations^ celle qui vend, iceUe 
qm traiisporte » et celle à qui l'on transporté. 

On'vbit'qué ce genre de commenté est abso- 
lument distinct'du commerce intérieur et du 
commerce extérieur, et qu'il n'exigé d'autres ca- 
'pitaux que' ceux nécessaires à la oonslruciîon et 
à l'entretien des navires qu'il emploie. Montes- 
quieu l'appelle cominerce d'économie , parce 
qu'en effet c'est celui des nations a qui l'écono- 
mie est indispensable. Mais toutes ces définitionii 
sont peu exactes , et nous verrons dans un mo- 
ment que le commerce de traasport , loin de se 
borner au voiturage des marchandises , en exige 
souvent l'acquisition , et peut employer ainsi des 
capitaux très-considérables. 

Lé commerce de transport remplace , à cha-t 
cune de ses opérations , comme tout autre com- 



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i8a L I V R E l I 

merce , deux capitaux ; muis aucun ne donne de 
(julien à l'industrie du pays. Un navire français 
va charger k Hambourg des toiles qu'il trans- 
porte à Cadix , d'où il rapportera à Hambourg 
des vins et de la laine. Cette double opération 
n'a procuré à I9 France que le bénéfice du fret , 
tandis que la Hollande et l'Espagne ont renouvelé 
chacune un capital. Il est évident que si, au lieu 
d'employer ce navire à faciliter les relations de 
deux peuples étrangers, l'armateur à qui il ap- 
partient , l'eût destiné au transport de marchan- 
dises nationales, ilaurmt fait une opération beau., 
coup plus utile au pays, puisqu'alorsilcùtcontri-; 
}>ué à y multiplier le travail. 

Il suit de là que s'il existait un pays dont le 
territoire, baigné par la mer , fût généralement 
ingrat , la population peu nombreuse , et l'indus- 
trie languissante , ce serait au commerce de transT 
port qu'il devrait de pri'férence employer ses 
capitaux. Ce peuple , en le supposant particuliè- 
rement propre à la marine, pourrait se rendre 
insensiblement maître d'une partie des transports 
du commerce de l'univers. Il s'interposerait ainsi 
dans toutes les relaliops de peuple à peupler; et 
^ns courirdc risque , sans presque faire d'avauces , 
)l lèverait sur chaque contrée un tribut eu nun»é- 
_ faire, qui aiigmentecait conlictiellepiept. ses ca« 
pitapx, 



ji-vGoogle 



DU COMMERCE. 185 

La mnrcbe d'uD pareil peuple vers l'opulenc^ 
serait d'autant plus accélérée , qu'il aurait nioii)9 
de besoins. Si même il était possible que le goùf 
de la simplicité s'y conservât , it deviendrait bien* 
tôt l'un des plus riches du qioode ; et sa marine 
lui donuant une grande puifi»ance extérieure , 
quelques marchands sans territoire , et presque 
sans industrie , âniraient ainsi par faire trembler 
tous leurs voisins. 

Je viens de tracer , s»ds ip'en apercevoir , l'his- 
toire rapide des succès de la Hollande^ mais sa 
prospérité n'a duré qu'un moment , et il est aisé 
d'en assigner la cause. 

Le transport des marchandises n'est devenu 
l'objet d'un commerce national que par l'irapré" 
voyance des peuples; il devait donc cesser aveo 
elle. La Hollande , avant Cromwell, faisait une 
partie du commerce de l'Angleterre. L'acte de 
navigation , qui fut principalement dirigé contre 
sa marine , lui porta un coup terrible. Depuis , 
les autres nations se sont également éclairées sur 
leurs vrais intérêts, etellesODttravaillédeconcert 
à se passer de la Hollande ; aussi, depuis prèsd'ua 
siècle , sa prospérité a-t-elle toujours été en dé- 
clinant. Il lui restait cependant le cabotage fran* 
çais , dont elle avait la possession presque exclu- 
sive , et auquel elle employait il n'y a pas encore 
bien long - temps près de mille uavirei pr au* 



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i84 L I V R E I t. 

née. La révolution lui a enlevé ce dernier avao- ■ 
lage , et nen n'annonce qu'elle puisse désormais ■ 
le recouvrer sur aucun peuple. 

Cependant , on ne peut nier que le commerce ' 
de transport n'ait été très - utile à la Hol- 
lande. Les capitaux que ce commerce lui avait 
procurés excédaient tellement ses besoins , qu'elle 
plaçait annuellementdessommes considérables à - 
l'étranger. Suivant Smith , le taux de l'intérêt n'y ■■ 
passait guère trois pour cent , et le gouvernement ' 
y empruntait à deux. Mais celte prospérité ne ' 
pouvait survivre au commerce qui lui avait donné 
naissance, et précaire comme ce commerce , elle 
disparut avec lui. 

On aurait au surplus une idée fausse du coin- 
nierce de transport, si l'on supposait qu'il se fît 
immédiatement de la nation qui produit à celle' 
qui consomme. Le plus souvent la nation qui 
transporte achète la marchandise pour son propre 
compte , et l'assortît ensuite , diez elle,, à d'autres 
marchaudises étrangères. Or , c'est cette rétmiûn r 
de. productions différentes, celte espèceide' foire.' 
où l'on trouve des marchandises de toutes les oa-^.*; 
lions , qui attire des voyi^urs et des demandés 
de tpus les pays. Mais si ce commerce exige aion, ^ 
de plus grands capitaux que celui de transport 'l 
proprement dit , il n'en est pas moins metquiti : 
dans son objet, puisqu'Dprùs.lom_, la nation .qui : 



ji-vGooglc 



DU COMMËÏl'CÈ. i85 

le fait -n'a droit qu'à un benéfic'b die courtage, tou- 
jojH-s très-tnodique. 

Ensuite , il est bien à remarquer tjue ce com- ' 
meice ne peut avoir lieu <jne dsns uci pays abso- 
lument de'nué d'industrie, et c[ui se pourvoit à l'é- 
tranger de tous les objets 'nécessaires à sa propre 
consommatioD. Autrement, la rétinion de taUt ; 
de productions de l'industrie i-ivale, nuirait né- - 
cessairement à la Tenta taût intérieure qu'eité- 
riçpre de ses propres marchandises ; et là nation 
serait obligée de renoncer à ses manufôèturtes.'' 

On dira peut-êtrq que Cette réunion accrdîtrait 
au contraire feur'débouché. Il faudrait pour cela 
que les marcbandises indigènes fiisseùt sùpé-' ■ 
rienres en qualité àui- productions de l'iudus* 
trie étrangère, et alors ce seraient celles-ci qui ' 
resteraient ^vendues. On n'en ferait" donc pluis 
Tenir. ,,...,.,,,.... i . 

Il feut opter. Une' nation' qui se livre au com- ' 
merce dé transportdoit renoncer à'toute indus- ■ 
trie , et rcciproqueraebl une nation ' qui veut 
êtreindustrieuse ne.doït point spéculer sur la vente ' 
des marcbandises étrangères. ' " 

Rendons cette vérité' plus sensible par un 
exeniple. Des négocians ont la liberté d'ouvrir à 
Bordeaux^ pendantun temps donné, une foire 
générale où seront admises , sans distinction, 
toutes lesproduciioB» de l'industrie étrangère. ' 



ji-vGooglc 



i86 LIVRE I r. 

Les casimirs anglais , les baains, les piqués y Ciga- 
reot à côté de marchandises nationales de la mêioe 
espèce. Je demande auxquelles les étrangers don- 
neront la préféreDCe ? je demande auxquelles 
nous la donnerons nous-mêmes? 

II est évident qu'une pareille foire , si elle du- 
rait toute l'année , frapperait de mort une très- 
grande partie de nos manufactures, sans procui-er 
^ aucune de nos productions de plus grands dé- 
lioucfaés. 

Quels que soient les bénéfices du commerce 
de trausport , il est donc constant qu'il ne con- 
fient point à une nation agiicole et manufactu- 
rière. La véritable source des richesses pour une 
telle nation , c'est la reproduction et le travail. U 
faut qu'elle donne à ses capitaux cet emploi , et 
qu'elle songe à transporter et à vendre ses pro- 
pres marchandises , avant de s'occuper à trans- 
porter et à vendre celles des autres. 
. En France , où l'on est très - porté à juger par 
comparaison , sans tenir aucun compte des diffé- 
rences de temps ou de localités , il existe encore 
aujourd'hui des partisans du commerce de transe 
port, qui, séduits par l'ancienne prospérité de 
Ja Hollande , imaginent qu'il serait très - avanb» 
geux de se livrer chez nous à ce genre de spécu- 
lation. En conséquence , on a proposé de l'en-' 
Çpurager , en rappelant quelques institution» 



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DU COM-MER-CE. 0? 

ancieiiDes , -qui D'avaient même pas élé créées 
dans celle vue , et doDt le rétablissement entrait 
perait aujourd'bui mille sortes de désordres et 
d'abus. - 

Je ne puis mieux comparer une nation agri-> 
cote et manufacturière , qui emploie ses capitaux 
au commerce de transport , qu'au propriétaire 
d'une terre fertile , qui la laisserait en frîcbe 
pour louer à d'autres propriétaires ses chevaui; 
de labour et ses iustrumens aratoires. 

Un des grands motifs que l'on fait valoir en 
faveur du commerce de transpiH't , c'est qu'il esC 
singulièrement propre à former des matelots; 
maïs, comme l'observe très - bien Smith, (i) 
< le même capital peut employer tout autant de 
» batimens et de matelots , s'il est placé dans le 
» commerceétranger,oumémedansIecomniero0 
» intérieur, par cabotage , que s'il était employé 
v dans le commerce de transport. >i Et en effet* 
on ne conçoit p^s comment nous formerions plus 
de matelots en tenant la mer pour le compte de 
l'Espagne ou de la Hollande , qu'en naviguant 
pour notre propre compte. Je pe vois dans ces 
deux espèces de navigation aucune différence, 
sinon que dans le premier cas nous serions en 
quelque sorte aux gages des nations étrangères. 



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i88 L I V R E I I. 

et qne dans le second au contraire nous ne 
nous occupons plus que de notre propre com- 
merce. 

11 existe cependant un commerce de trans- 
port vrdment utile , et auquel une naùon indus- 
trieuse peut se livrer avec avantage. Je suppose 
qu'un navire parte de Marseille , pour Ham- 
bourg, avec une cargaison de vins et de savons. 
S'il ne trouve pas au lieu de sa destination des 
matières premières qui conviennent à la France, 
il y prendra un chargement quelconque pour 
l'Espagne , d'où il rapportera , à Marseille , des 
laines en retour , et la France , au moyen de cette 
double opération , aura véritablement fait un 
commerce avantageux , puisqu'eu définitif elle 
R donné des productions de son sol et de son 
industrie, pour des matières premières néces- 
saires à ses manufactures. 

Le commerce de transport , né de l'impré- 
voyance des peuples , comme je l'ai dit en 
commençant ce chapitre , ne peut plus offrir 
que des avantages très - bornés. Toutes les na- 
tions maritimes ont eniin senti l'importance de 
la navigation et s'y sont livrées. Elles sufliront 
bientôt à leur propre commerce. Alors , chaque 
nation naviguera pour son compte , et le com- 
merce de transport se confondra naturellement 
avec le commerce extérieur. 



ji-vGooglc 



Mais en attendant , on peut décàder en prio- 
àpe c[ue le commerce de transport ne convient 
point à la France , et qu'il ne faut l'encourager 
que dans le. seul cas d'excepUon où il est indis- 
pensable pour soutenir quelqu'autre branche de 
commerce , soit intérieur , soit extérieur. Nous 
Terrons ailleurs en qjioi peuvent consister les 
laveurs qui lui sont alors nécessaires. 



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t i V R Ë t t, 



CHAPITRE V. 

Du Coiilmerc« ie l'Inde. 

J_jE commerce de l'Inde fait naturellement 
partie du commerce eitérieur , et doit se jugei' 
d'après les mêmes principes. J'aurais pu, par 
cette raison , me dispenser de lui consacrer un 
chapitre particulier. Je m'y suis déterminé parce 
que ce commerce exerce une grande influence 
sur la prospéiité du pays , et qu'il a été défendu 
avec beaucoup de chaleur par des écrivains qui 
me paraissent l'avoir très-mal jugé. 

C'est une vérité incontestable que le commerce 
de l'Inde enlève annuellement à l'Europe des 
sommes immenses. On ne peut même faire 
ce commerce qu'eu argent. A l'exception de 
quelques productions de nos contrées, telles que 
des vins , des eaux-de-vie , du corail , etc. au- 
cune de nos marchandises n'y trouverait de dé- 
bouché , et rarement elles excèdent en valeur 
le dixième des cargaisons. 

Les marchandises manufacturées que l'Eu- 
rope tire de l'Inde consistent principalement «a 
mousselines, en toiles * ea nankins, etc. Elle 



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t) U C O M M E îl C Ë. igt 

en reçoit également du thé , du café, du sucre, 
des épiceries , de l'indigo , des soies écrues et du 
coton. 

Le commerce de l'Inde a contribué aux pro* 
grès de l'industrie en Europe , en lui proposant 
en quelque sorte pour modèle des productions 
d'une nouvelle espèce , qu'elle s'est efforcée 
d'imiter ; nous lui devons les mousselines suisses, 
les toiles peintes , les porcelaines. Nous lui de- 
vons encore la prospérité de nos colonies , puis- 
que c'est de l'Inde qu'elles ont reçu la culture 
du café , du sucre et de l'indigo. 
' Mais s'il est reconnu que malgré tous les 
efforts de l'industrie européenne , nous n'imi- 
tons que très-imparfaitement les marchandises 
de l'Inde j si malgré ces imitations plus ou moins 
heureuses , nous continuons à nous aller appro" 
visionner à grands frais sur les lieux , ïl est sen* 
sible que les avantages de ce commerce ne peu* 
vent , sous aucun rapport , en balancer les in-^ 
convéniens; 

K Le commerce de l'Inde, en ouvrant un 
» marché aux marchandises de l'Europe , dit 
» Smith, (i) ou ce qui revient à peu près aa 
» même , à l'or et l'argent que cesmarcbandisea 
» achètent , doit tendre nécessairement à aug- 

{ 1 ] Tom« III , page 47. ' 



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jga L I V R E 1 I. 

» menter la produciioo annuelle des mai-chaQ'* 
» dises de l'Europe , et par cons^queut la rl- 
> chesse et le revenu réel de cette partie du 
» monde. ■ Je n'entends absolument rien à ce 
raisonnement. D'ubord l'Inde n'ouvre point un 
marclié aux productions de notre industrie puis- 
qu'il fout y porter de l'argent. Or l'argent qu'on y 
porte est nécessairement enlevé au soutien de 
l'iodustrie du pays. // ne revient donc pas à 
peu près au même d'y porter de l'argent ou 
des marchandises. Comment peut-on avancer 
ensuite que le commerce de l'Inde doit teodre 
à augmenter la production annuelle des mar- 
chandises eu Europe? n'est-il pas évident au 
contraire que ces mêmes marchandises cesseront 
d*être recherchées , lorsque le consommateur 
pourra s'approvisionner en productionsde l'Inde, 
qui sont à la fois plus belles et moins chères? 
Rappelons-nous que bien avant la révolution, 
les femmes avaient abandonné le satin et les 
soieries , et les hommes la batiste pour porter 
de la mousseline des Indes. Aussi les manufoc- 
tures de Lyon épi-ouvèrent- elles un échec ter- 
rible , puisque le nombre des métiers s'y ré- 
dui^t successivement de treize mille à neuf. Et 
c'est ainsi que le commerce de l'Inde tend à 
augmenter la production annuelle des mar- 
chandises de l'Europe. 



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D U C O M M E R C E. igS 

Cette asserlioD de Smitli est si coairaire à la 
vérité , qu'en se la permetlant il acrudevoif 
aller bien vite au-devant de l'objection. « Si 
» jusqu'à {>réseDt le commerce de l'Inde a causé 
» si peu d'augmentation dans la produclion des 
jt marchandises de l'Europe, il faut vraisembla-^ 
ji blement l'attribuer aux entraves dont on a 
» partout accablé ce commerce. ■ Les entraves 
dont on a partout accablé le commerce de l'Inde 
en ont diminué les effets iacheux. C'est un très- 
grand service qu'elles ont rendu à l'Europe. Si 
le commerce de l'Inde avait été encouragé , si 
les marchandises qui en proviennent n'eussent- 
pas été chargées de droits prohibitifs, elles se 
seraient multipliées au poÎDt d'étouffer absolu- 
ment l'industrie indigène. Ce commerce , au 
lieu de nous coûter annuellement douze ou 
quinse millions, nous aurait alors enlevé , en uû 
demi -siècle, les trois quarts de notre numéraire 
ârculant. Les marchandises de l'Iode n'ont donc 
augmenté ni peu , ni beaucoup la production 
annuelle de celles de l'Europe ; elles l'ont au 
contraire diminuée, et il était impossible qu'il en 
fût autrement ; car enfin la consommation a des 
bornes, et il est sensible qu'une femme qui se 
pare avec une robe de mousseline fabriquée dans 
l'Inde , sert beaucoup moins l'Industrie uatiouale 
que si elle portait du taffetas ou de la batiste. 



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194 LI V R E I ï.; 

., R^ytialav^t soutenu iWMitSnùUi.qoe:le>aoni- 
tnejFce deJ'Jnde Detait,poiiitdéraToral>IeÀ TËu^ 
WJpff. Les r»Uow jqv^U dounç pour justiGer «o« 
f>piaioa sooC «pé(»eu»e^ J'ù vu des kcieursl fyù 
lie I9 pi^riageâieat point $'y laisser eatrotacr,: Je 
Tfiis eu mquer l'examen. - » 

. .ii,Lfa.ooqsoDifnatioo que nous fàisonsdestnar- 
f, chaodi^es 4^ l'Iiuie (1) ne doû pa» nuire « 
j» ootre îadustrie i car avec quoi le^ pa^^os' 
|t DOus ? nWtTce pas avec le pris de nos àa- 
|) Ti'ages pocuU eu Amérique ? Je Teuda à un 
» Ë^tagnol pour cent francs de toile, et j'euToie 
» cet argent aux Indes ; ub autre envoie aux 
« Indejt la même quantité de toile en nature : 
a luietmmen rapportons du thé. Ekt-ceqK'aa 
n fond notre opération n'est pas la même ? est- 
P ce qu« nous n'avons pa» également cdnvertt 
M en. thé une valeur de cent francs en- toile ^ 
n npu« ne différons qu'en' œ que. l'uu' fiât 
ji ce changement par deux procédé» , etiquc 
1» l'autre le ËiUpar le m<^eu- d'un seul. Sup- 
M' poseï que les Espagnols , au lieu d'argent', 
y 19e donnent d'autres marchandises dont Tlndt 
a soit curieuse : e»t*-ce que j'aurai <timinué lot 
• ' travaux de la nation quMid j'aurai porté ces 

' ( r) HiitDÎre pUlotopU. , lit. V, tom. I, pag. aï^ , Uî* 



ji-vGooglc 



J 



DU COMMERCE. tgS 

% nMrohaqdiîeMaiixfaide*?nVst-oepMh'méma 
N chose .que n< j'y aTÛa porté. n<ta produotûnu 

* en oalure 7 Je paits: d'Europe m«cdéa mar- 
(t chandisM natlonalcB j je le» vais dieng«r 4aM 

■ la mw du Sud contre, dos pîaitpes'} je poru 

* ces piastres aux Indes : j'en rapporta descboseï 
» utUes ou agr^aUcs : ai- je. rétréci riadUstrie 
a de l'état ? non ; j'ai étcnda la eoiMOiumatioii 
» desesprodiiita, etj'aimalùpliéaeajooissanceai 
ir En. dernière analyse , que l'argent soit ou n« 
a soit pas ■emçiojé conune -gage ÏDtermédîatreî 

■ j'aiéchangé directement ooiniËrtctemeotaveo 
a. l'Aiàs dca tâioscs lundks contre deAcboaas 
* . uanellm , non industrie contre ion induatrie^ 
M naea productions contre ses produetiona. » ■ 

' Jlai copié',]» passage en entier., quoiqut 
nn peu long, afin de n'en point détmn«IVffi» 
par des moroelleiiMBs. J^nvite le lectenc à s'en 
Ihcd pénétrer. Maintenant revenons sur cka» 
CBoe de ses parties. - ■■< 

. . -'. ^■■. «Je - Tends à uk EspagDc4 pour «eot 
> francs de toile., et f envoie oct- argent auc 
*t liides. Un aubra envoie aux Iodes la même 
9 -quantité de toUe en natare. Lui «t ntoien 
■m. rapportons du thé. Est-ce qu'au fond aotr« 
». opération n'est pas la mém^? > L'opératioii 
«tt absolument la même ; mai» la preniièreaeu- 
lemeDi peut av<Hr lien t et par ooaséqueat' la 



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J96 L I V R E î r. 

rapprochement' est fauz. Supposons qu'3 son 
exact. Vous et moi possédons cTiacup une va- 
leur de cent francs en toile qui excède Is cod- 
sommatioadu pays, et qu'il faut échanger dé 
la manière la plus utile. Voilà, n'est-il pas vrai , 
la question. Je vends ma toile À un espagnol 
qui me donne' cent francs en numéraire. Vous, 
vous envoyez votre marchandise dans llnde , 
et l'on vous fait passer en retour du thé : huit 
jours après l'arrivée de votre thé , îl n'en reste 
pas une feuille. Non - seulement mes cent franu 
en numéraire existent encore dans le pays, maïs- 
employés au soutien de l'industrie indigène , ils 
ont déjà rapporté le double de leur valeur par 
des exportations avantageuses. Je demande le- 
quel de nous deux a opéré le plus utilement 
pour l'état. 

.,..(( Supposez que les Espagnols, ail lieu 
» d'argent, me donnent d'autres marchandises 
» dont l'Inde soît curieuse ; est-ce que faurai 
» diminué les travaux de la nation quand j'aurai 
» porté ces marchandises aux Indes ? » NoOk, 
mais VOUS les diminuerei en rapportant de llndc 
des mousselines , des nankins et des toiles qui 
feront baisser la consommation des marchandise! 
nationales susceptibles d'en tenir lieu. 

« Je pars d'Europe avec des ttiat- 

» chandifecs de maoufaaui'e nationale : je le« 



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DU COMMERCE. 19? 

t Tau changer dans la mer du Sud contre des 
Ji piastres : je, porte ces piastres aux IndesjSj'eà 
N rapporte des choses utiles ou agréables : ai- je ' 
X rétréû l'industrie de l'état ? n Oui; parce qu« 
ces choses utiles ou agréables aue tous rapportes 
^e contrées lointaines , pourraient être pro- ' 
duites ou remplacées dans le pays , et que ce» 
piastres avec lesquelles vous les avez achetées , ' 
auraient enrichi l'état en y multipliant le travail , 
si vous ne les aviez point employées à salarier 
l'industrie in<Uenne. 

' « En dernière analyse , que 

s l'argent soit on n« soit pas employé comme 
a gage intermédiaire , j'ai échangé directe- 
» ment ou indirectement , avec l'Asie , de» 
,]) choses usuelles contre des choses usuelles, 
» mon industrie contre son industrie , mes pro- 
» ductibns contre ses productions. > II n'y a 
point de commerce , quelque ruineux qu'il soit , 
qu'on ne justifie parceraisonnement, et la seule 
conséquence qu'on en pmsse tirer , s'il est exact, 
ç'e^ que nous n'avons rien de mieux à faire que 
_de porter aux Anglais ou aux In»^ens nos deux 
milliards d'argent monnayé , pour avoir en 
échange des marchandises quelconques. Cette 
opération ne vous paraîtra peut -être pas trés- 
itvantageuse. Pourquoi ? en dernière analyse , 
, vous T£aure% fait gu'un échange 4irect ou 



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19» î Ll'V RE. 1 li-i 

4 i/tdirect de ch<ysas.usueUes contre âss^hoMM- 
usuelles y de woCr» mduttne contro lindus*. 
trie étrangère t de vos preduetions coftèr» 
ses prodacUeaa- i . «t Rsynsl tous -démentror» 
4{ue TOUS en seres beaucoup plu» lîdies. 
. ASaU que vent- u dODC prouver par tonteffoos 
•uliùlités ? que l'argent qn& nom enroyotiB- daui 
l'Inde estle résultat des Iiéuéfices denotrecoat' 
uierce étranger ? Eh bien , cet ar^^ent ea est- il 
moins précieux? devons- nm» le prodiguer?; 
dievons-nous, parce qu'il aoaa Tient idiidebon, 
et que noua ue le poasédonsqite.d'bier ,eofàire 
un mauvais em|Joî et renoncer, à tous les avan- 
tages qtie l'agriculture et le commerce .iotérieup 
«o retii^eraient nnous l'afonnoDs à nos capiuux "h 
Quoi ! paroe que 1> France importe anouellem 
meut vingt millions en numéraire que. les na-^ 
lions étrangères paient k son iodostrie , il faudra 
qu'elle envoie cMtre senune dans l'Iotle ! il &udra 
qu'elle adùta aveo se» bénéfice» At» nMrclian:« 
dises qui ue lui sont point ntiles , et dont l'usage* 
doit diminuer ses propres reproduetioiiftindus^ 
trielles!.... et l'on viendra nom sostmirque c* 
cam'mtTCç ne présente <p]c des avantage« ! Mai» 
quels scHU-il« donc cesavants^es? 

. S'il ii'jt 3vaît dpas l'univers que deux {mysooBi'^ 
inerçaBs , UFraoce etrinde , et que laFrasoe pro< 
dwiitpfu^ qu'elle ne consommât, certes, il ^U-> 



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Dû C (î-Trf'M'E R t E. tg^ 

êéim cônlre des proditcfiotls de l'indiifst^ in' 
^ieBde.MùsVes^cbtfDgesDe-seferaiemdkirs qu'en 
IDMtibaadéiesjilsn'apptniVriraïeafpas plus lin pays 
que l'autre. llstourDeraieirt au contrant à l'avan- 
tage de tous deux , puisqu'ils y multiplieraient res- 
psctivementles ino;^na de tf iïvatl. Or, lesécliangcis 
eotre la France ecl'Iade ne souùeilneat aujour- 
d'hui que l'industrie de l'un dés deux pays , et ce' 
paysestrinde. Doncils ne sont avantageux qu'a 
Ilndej «lonc l'exportation du Ottmeraire , que I^ 
commerce de l'Indeetîge, est fUoesteà TEurope. 
Je stippose qa'îl existe une udtîOD dont l'iodus- 
nie «soit si avancée , ragriéulturé si ftoris^nte , et 
hi capitaux si considérâmes , qu'elle n'ait plus 
aucun progrès à espérer. Cette' ùbfiôa , par le 
résultat de- ses échanges, importe' chaque anbétï 
TtDgt'Ou trente millions en ouméraifé , donfelle 
ne peut tirer îniérieurement aucun paru utile. 
Que cette nation' place dtfflS le côminei'ce de 
flade , une pbrtion de se^ profits annuels , rien 
d« fnieus, pai'ce'qti'après tout il ne faut point 
enterrer son argent ; mais ce qu'elle en expor- 
tera amn if«n appaavrira pas moins l'Europe , 
et ce commerce lut deviendra défavorable à elle< 
m^e,' du moment ok l'Europe appauvrie ne 
pourra pins l^Dtretenir de Uumé^aire'. (lie lui 
deviendra même araiit , ù , pïir «xeid^lé'it^ mftr< 



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soo LIVRE II. 

chandises de l'Inde y sont recherchées de préfô^ 
reace aux marchandises iadigènes , parce qu'alors 
Qu emploiera à se procurer celles - là une partie 
des capiuux destinés auparavaDt à la reproductloa 
de celles-ci. 

Smith prêche aux Dations réconomie ; il vent 
qu'elles épargnent sur leurs revenus pour ac- 
crottre leurs capitaux. Si l'on suivait i-igoureuse- 
ment sa doctrine , il n'y aurait plus de travailleurs 
improductifs , plus de médecins, plusd'avocats, 
plus d'hommes de lettres. Les nations seraient 
transformées en artisans ; et votlà maintenant que 
d'accord avec un écrivain déclamatcur, il leur 
conseille d'acheter à grands frais des marchandises 
de luxe , qu'on ne peut même pas payer en mar- 
chandises du pays! 

Smith s'élève contre la prodigalité. Le com- 
«leice de l'Inde est la prodigalité de l'Europe. 
Llle est même la seule donton doive redouteriez 
suites , parce que l'argent qu'on fait passer dans 
l'Inde s'y euglouiit et ne reparaît jamais. 

Les nations de l'Europe pour lesquelles le 
commerce de l'Inde est devenu un besoin , res- 
semblent à ces particuliers qui consument leurs 
revenus en dépenses frivoles , et 6nissent par 
contracter à tel point le goût des jouissances de 
luxe , que pour y satisfaire , ils aliènent leiu^ 
capitaux et se ruinent. 



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DU COMMERCE. aoi 

Oo^aluc le numiépaîre de l'Europe à dix mil- 
liards six. ceDtinînioDS.(i)SupposoDsqiie les mines 
soient tout à coup abandonDéea , et l'ëpoque où 
ilfuudra reQoncer à leur exploitation est peut- 
être beaucoup plus prochaine qu'on ne pense, 
continuera-t-on le commerce de l'Inde ? Il peut 
facilement enlever à l'Europe jusqu'à quatre- - 
TÏn^ millious par anuée ; réduisons cette somme 
h trente millions : au bout d'un siècle , l'Europe 
se possédera plus que sept milliards ûx cent mil- 
lions ; en trois siècles , elle sera absolument épui- 
sée de numéraire. Je demande aux partisans de 
Rnynal et de Smitb ce que deviendra alors non 
le commerce de l'Inde , auquel nous serons bien 
obligés de renoncer à défaut de moyens d'é- 
change , maïs notre propre industrie. Smith ré- 
pond quil nous restera la précieuse ressource 
des éclîanges en nature , et celle bien plus pré- 
cieuse encore du papier- monnaie. À cela , il n'y 
i) absolument rien à dire. 

De toutes les marchandises que nous devons 
au commerce de l'Inde , celle qui donne lieu k 
une plus gi'aade exportation de □uméraire , c'est 
le thé. Le traducteur de Smith évalue à trente 
raillions de livres pesant la quantité que l'Europe 



^ t ) Voyn le Mémoire tris-bien fait de M. Cerhoux 
tnr let dangera de la démonêtisatioB de l'or. 



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301 L 1 V RE VI. 

en im()orte annuellement. Au éommencemelùt 3a 
ùècle dernier , elle ne passait pas' cinq cents idil- 
liers. « Cependant , il' est vraisemlblable que \s 
» prodaciion de celte feuille est encore bien !ia- 
» dessous de ce que lu cooscimmùiion- dbit lui 

■ demander un jouf. » Le tfadacteurajoute :(ï) 
m Ce seul article a établi entré la Cbiné et l'Eu- 
» rope un lien qu'aucune i^ërolution bnmaine 

■ ne saurait rompre, et qnfi cHncuo des peuples 
» qui y touchent a un égal intérêt' à tnaintebir. » 

Ainsi , il est de l'intérêt de la Fiance , qui ntf 
peut rienToufoir en marchandises à la Chine , de 
lui acheter beauconp de thé ; ainsi, la Fi-âtice , otl 
l'agriculture et l'industrie ont de tout temps 
éprouvé la disette des capitaux , n'a rien dé miêUz 
il faire que d'employer ceux qu'elle a en acquisî-' 
tiods de thé»!.. Il faudrait aimer prodigieusement 
cette boisson erotique pourgoûter un pareil rai- 
9bnnem«nt. 

Mais quel avantage tronre-c-on donc h ce que 
la France consomme du thé ? Nos ouvriers s'en 
poi*teront-ils mieux ? travailleront-ils avec plus 
de ïèle? Si TOUS appreniez qu'un riche partie». 
lier , cédant au déstr déréglé d'une imagination' 
en délire , eût jeté au fond de la mer dix , douze 
millions , plus ou moins, ne considérerïez-vous 



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DUCOMMERCE. io5 

pas cette action comme un traie de foUe? Ne dé* 
pIpreri«z-vou» pas la. perte d'un ai si riche capi- 
tal , avec lequel on uiriàt pu donner du trarail à 
quelques millteff» d'indÏTiduB, et par oons^queut 
augmenter la rickesM du pays 2 £h bien , quello 
lUfTérence y a - 1 - il pour la France entre douza 
millions jetés au fond àa 1» mer , et douze mil- 
lion» employé» à acheter du tlté ? Qœ restera- 
t-il de ce thé , dan* le pays , an bout d'un an ? et 
encore une foi», quel ataotage y a-t-ilà ce que 
la Frauee consomme ^ tb« 7 

Je le répète : il en est des nations comme des 
particuliers; plus uo: partim^er a de besoîbs, 
moins il est riebe. Qu'un partieulicr , dont le re- 
venu n'excède pa» p i cm mitlv éeu» , veuille rou' 
1er équipi^ , il aliénera son capital, et se ruinera. 
Les nations âe rEnrope qni eiODsomiilen^ du thé 
et des mm-dkanduMS de l'Inde , ressemblent à ce 
particuUer ^ ph» «liss e» oetUDmmeBt , plus elles 
aliènent de oapiiiRni, eipHrcoméquentplus elles 
s'appauvrissent. 

Le commerce de l'iiuie, auntomenl de k ré- 
volution , faisait sertir de la France environ dàx-^ 
huit millions, (i) Les nuircbaigkKses' iBanufactu* 
rées âgoraiiiDt^àns eette somme pour un peu 

( 1 ) Voywi l'ôuTrage Je M. Magnien sur le commerop 
4m Frftnçaî* , au-d«là 4n Cap de Boaae-£«p£raDC». 



ji-vGooglc 



»ot ' L I V R E ï l; . 

j>lua de deux nùBioiu ; le reste était en argent.' 
LarFrance envoyait à l'étraDgep,sor 3es't%toar$, 
pour une valeur de six millions. Ainsi , ce com- 
merce lui coûtait Qet eaviron douze millions. 

' Les toiles de coton, les mousselines-, les nan- 
kins et les étoHes de soie , constituaient les sept- 
huitièmes des retours. Le surplus consistait en 
bois d'Inde, soies, coton , drogues pour la tein- 
ture et autres matières prenûères. 

On peut esbmer à plus de trente millions la 
valeur des mousselines , toiles de coton et autres 
marchandises de luxe , que le commerce de l'Inde 
fournissait annuellement à la consonmiHtion de 
la France. Ainsi , ce commerce avait le double 
eiTet de la priver annue^pment d'un capital da 
douze millions numéraire qu'elle aursit pu uti* 
liser dans ses fabriques , et d'enlever à ces mêmes 
fabriques une reproduction annuelle de trente 
millions de valeur en marchandises de luxe. Il est 
impossible de concevoir un commerce dont leg 
résultats soient plus désastreux. 
' La question du commerce de l'Inde , réduite 
ainsi à ses véritables élétaens , est extrèmemest 
nmple. Le commerce de l'Inde enlève- t-il à 
l'Europe ses capitaux ? Oui.— Ces mêmes capi- 
taux pourraient - ils être employés à des repro- 
ductions locales ? Oui. — L'usage des toarclian- 
disesdeTInde a-t- il diminué la consonunatioa 



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DU f OUMERGE. «o» 

ct«5-B(iarehandi8es de l'Europe 7 Ouï. — Àinii dooc 
le. .commerce dellode a concouru de deux ma- 
nières à réduire les facultés reproducùves d« 
notre io^trie ; 1 **. en lui enlevant des capitaux j 
3°, en augmentant la consommation des produc- 
tions exotiques ? — Pful doute. La question est 
juge'o. 



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»i6 LIVRE I t. 

CHAPITRE VI i 

Du Commence du .Coloniei. 

Il s«rnt superflu derépéter, après Montesquieu, 
Smith et tous les écrivains qui ont parlé des colo- 
nies, que l'espoir de trouver des mines détennïoa 
seul les premiers établîssemens des Européens 
dans l'Amérique. Cet espoir plus ou moins déçu , 
on songea que la terre pouvait offrir d'autres 
trésors. Un sol vierge promettait de récompenser 
largement les travaui de la culture. Des pro- 
ductions lointaines , recherchées de tout ruDiversj 
j furent transplantées et réussirent. Ainsi s-'ou- 
vrit pour les peuples de l'Europe une nouvdls 
source de jouissance etdepro8pé':ité;etdetoutea 
parts arrivèrent des aventuriers attirés par l'aHrait 
de l'indépendance et la presque certitude d'ttoe 
fortune considérable et rapide. 

Les gouvernemens sentirent alors la néceKité 
de faire tourner au profit du p^s des émigration! 
qui l'appauvrissaient de bras et de capitaux; 
« Vous voulez , dirent les chefs del'éut à ces fvr 
gitifs , abandonner pour des contrées lointaines* 
la terre qui vtAis a vu naître: biea kn» de s'ep' 



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DU COMMinCE. 3Q7 

poser à vos projets , le gooveraement prétend 
l«s serTÎr. Maître âa pajrs poav^aa où voup ailes 
tenter la fortuoe , U vous conce'dera autant de 
terrain que tous en ' pourrez exploiter; mais il 
ne vous sera permis d'y exercer d'autre indus- 
trie que celle particulière à leur culture. Voua 
n'aurez ainsi ni maaufactures,iù fabràques. Les 
objets uéces«aires à votre coo»(MBDi«tion TtHissor 
ropt fournis par la métropole, qui vous acbèter< 
en retour les productions de .votre sol , et votis 
les acJiètera. toutes. Ces lois qu'elle vous impose 
sont celles auxquelles vous éûet assujéiîs ep 
Europe, où vous ae pouvies coofiomnier que 
des Biardumdises du pays. Elles s'accordent avep 
votre intérêt , puisque vous aurez plus de terra 
qu'il neT<Mis sera potùbled'fïoinisttreen valeur, 
et que vous ne sauriez éLever des fabriques saQS 
^¥e( de bras k sol qui les rédame. A ces con- 
ditions i vous ne changerez ni de patrie ni de 
HOwremienieBt Celui sous lequel vous êtes né ne 
oewera point de tous ccmâdérer eoBUue ses en-; 
£t08, et vous aiu«s toujours les mêmes droits à 
aa protection. Votre {M'ospérité deviendra b 
nenae, et il travaillera à l'accroîtra pu* tous la» 
mojrsna qui sont en son pouvoir. Voua aures 
besoin d'esclaves , il veillera à ce que vwia en 
soyiaz pourvu. Votre fortune nnissante poutra 
porter, ornlvageà des nations rivales quienirft' 



ji-vGooglc 



30S LI Yl?;!?, II. 

prendroDt sur voire liberté : n'appréhendez rjeti 
de ieiirs elTorts ; la mère-patrie vous défendra 
contre ces peuples ùgresseurs ; elle vous garan- 
tira de leurs attaques pnr des ouvrages construits 
et entretenus à ses frais : ses troupes gardei;ont 
votre territoire, ses vaisseaux préserveront vos, 
côtes. Vous n'attrez à vous occuper que du soin. 
de multiplier vos reproductions : vos enPai^s se- 
ront même dispensés de servit l'état ; ou plutôt 
ils ne pourront mieux le servir qu'en vous se- 
condant dans vos travaux j rendez-les donc fr-uc- 
tueux : surtout n'oubliez jama^ dans cette terre 
lointaine oit vous allez chercher dés richesses , 
que c'est à la protection de la métropole que 
vous devez les moyens de les acquérir, et rap-^ 
portez - les lui uA jour pour la dédommager d^ 
^otit ce que vous lui aurez coûté, » 

Les gouvernemens de l'Europe se sont cod- 
duîtË envers leurs colonies , précisément comme 
à le discours qu'on vient de lire avait réelle-^ 
ment été tenu. J'aï beau y réfléchir : l'espèce de 
traité qui existe entre les colonies et leur mé->. 
tropole , ne me parait désavantageux ni aux unes, 
■ni aux autres. Smith en juge tout autrement. La 
^conduitedes gouvernemens lui semble mesquine 
et oppressive. Il n'y voit qu'une suite ■ de ce 
• système rétréci des gens à boutiques etautres 
» gens du métier qui veulent s'cssurer te mo* 



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DÛCOMMERCE. 509 

* nopolc d« leurs pratiques. » (i) La clause du 
fitmeux acte de navigatioa qui coosacre ce mo* 
Dopole est UDC clause de gens à boutiques , et 
U eti revient toujours aux gens à boutiques. 

Il faut examioer avec quelque ,-itteDtioa les 
rusoDS sur lesquelles Smiih appuie un seutî- 
meat aussi extraordinaire. 

■ Le monopole du commerce des colonies 
M opprime l'industrie de tous les autres pays , 
j) et principalement celle des colonies , sans 
» ajouter le moins du monde à celle du pays en 
» faveurduquel il a clé établi , mais au contraire 
» eu la diminuant, a {%) 

t>€ monopole du commerce des colonies 
tmprime ^industrie de tous les autres pays. 
Le monopole du commerce des colonies n'op- 
prime l'industrie d'aucan pays ; seulement il 
lavoriaecelle de la métropole , et rien n'est plu» 
juste , puisque c'est, la métropole qui a créé la 
coloitte, et que c'est encore elle qui la protège. 

.... Il opprime principalement l'industrie 
des colonies. La colonie ne peut prétendre 
. ^'à la vente de ses productions : la métropola 
les Im achète toutes. La colcinie' n'a donc aucua 
intérêt à comukercer directement avec l'étrangeF; 



(t) Tom. m , pag . 4i>a, 
(a) T«m. ni , p>g. 595. 



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3ity LIVRE 1 I. 

mais quand il serait vrai qa'ellc perdtt aiitsi'qAH- 
'<|at chose , il d« faut pas ouBUer que c'est niJe 
des coadiùoas du traité , et que la colonie creéà, 
• accrue et défendue par la mctropole, doft , 
d'une &çon quelconque , la dédonunager dé ses 
sacri6ces. 

/j6 monopole des colonies , loin (Tafoutér 
il tindustrie du pays , la diminue. Il faut 
tvoner que voilà un monopole bien désastreux j 
il ruine à la fois les colonies , les pays étrangers 
Ctla métropole. Les nations sont bien aveugles! 
■ Comment Smith a-t-il pu avancer que le sys- 
tème colonial diminuait l'industrie du ^ays ?'te 
commerce des calonies se fût uniquement en 
marehandises nationales. Le commerce dès co- 
lonies prooure donc du travail aax fabriques du 
pays ; il n'en peut donc pas diminuer TindiU- 
trie. Il me semble qu'il n'y a rien de plus éti- 
âenï,Tnéme ea mathématiques. 

< L'Espagne et le Portugal, nous dit encore 
9 Smith, (i) éutient des pays de manufactures 
■» «vwu, qu'ils eussent aucunes' colonies. Ils ont 
» l'uo etrauire cessé de l'être depuis qu'îIs'Ont 
m les colonies les plus riches et les plus fertiles 
» du monde. » Ce n'est point le commerce de 
r£spagae avec les colonies qui a fait tomber 

(i) Ton». lu, p«g. Sgj. ■ 



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DU COSf MEACE. att 

U^ quRufàouirc».; -SoilUi le savait •taèt» bisn. 
J(,laduUr^, de l'Espagoe et du I^>rlugal a tuf^- 
inurs été. en décluuiDt depuis la découverte da 
ïfj^Hveaa -.Monde , parce que l'argent des mioes 
fproctu*éàce« deux peuples les moyeDad'nobeter 
au-debors tous les objets nécessaires à leur cod- 
.sopuiuftiou. lIsenoDt fait ataii le plus mauvais 
. emploi , et l'or qui euricbit les auii-es nntioos est ' 
précisément la cause de: la ruine de cclles-aî* 
J^e$ colonies ne sont pour rien dans cerésult»!. 
P'alU^urs de deux choses l'une : ou ces colome» 
sont apprqvistoonée» eu marcbaudises du pays , 
. <fu )Men on leur porte des nurcluHidbes étran- 
gèi^s. Dans le premier cas , ce commerce est Jù- 
jfor^ble ^ la métropole ; dam le second iM'«st 
^ ^ux nations qui ont fabriqué, «t cette doublo 
l^y^potbèse qui prouve que leGommeroe desco- 
^^Quies accroît oécessaicement lindiistne de l'Eu- 
rope , prouve apsû que le .monopole tant blâmé 
.. par^nûtb, peut être bon à quelque ebose-; ca^ 
. if est évident que si l'Espagoe et le Perto^ ap- 
provisionnaieut leurs colonies eii marchaadist.'» 
. fadi°èaes, \p pays fabriquerait au moiss celles>]à. 
^ . « Les colonies européennes n'oot encore 5a- 
. r mm, foiimi aucune force militaiiTe pauv la 
-.M^. défense de la métropole. (t) Leur forceimli- 

CO '^•o^- lU, psK. laS «t 4ofi. 



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313 L I V R E ï 1. 

» tifirc n'a encore jamais été sufllwite pour Içfit 
» défense propre ,«i dans les guerres différeiues 
a idans lesquelles leur mère -pairie a été eij-. 
V gsgée , il lui a nillu en général distraire fine 
» partie très^oosidérable de ses forces millulres 
a pour défendre ses colonies. » Cinquante pages 
plus loin , Smith suppute ce que les coloeies de 
la Grande-Bretagne ont coûté à la métropole, 
et il trouve que dans une seule guerre elles ont 
occasionné une dépense de quatre-vingt-di^mil- 
lions sterling ( près de deux milliards. ) ?I'est'il 
pas bien extraordinaire, nprès cela, qu'il re- 
proche aux gouvernemens de l'Europe des me- 
sures qui , sans diminuer la tichesse des colonies, 
peuveot entendant dédommager la métropole 
de sessacri6ce«? 

La conséquence à laquelle ces raisonoenwn» 
conduisent Smith , c'est que les gouveroemenç 
de l'Europe feraient très - bien d'abandonner 
leurs colonies. J'examioerai , en terminant <ce 
diapitre, quels seraient les résultats d'une pa- 
reille disposition. 

L'un des principaux avantages du commerce 
des colonies , c'est de donner lieu à une grande 
navigation , et d'entretenir un nombre immense 
de matelots. Ce motif sufiirait seul pour justifîer 
le système colonial. La défense de terrer et de 
vidSoer les sucres dans les colonieB anglaises fut 



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DU COMMERCE. 2i5 

piiacipalemeat déterminée par cette considéra- 
tlbii', et ^n effet , si trois cents navires péavènt 
^[il-ovisioiinér la Grande - Bretagne de siicrâ 
raffiné, il' en faudrait plus de sept cents pour lui 
a^lKirtëf le' même sucre, brut. Cette défense 
A'éiiblé point dans les colonies françaises, et 
Smith abus approuve beaucoup de n'avoir pas 
Siiitê,'encela, l'Angleterre. C'est préciséuien» 
dé quoi il faut nous blâmer. De pareilles fautes 
décèlent toujours les gouvernemens impré- 
vbyâiis^ Si celle-ci n'eût pas été commise, la 
siaribé française aurait aujourd'hui moins d« 
peine à trouver des matelots, et nous serions 
aussi redoutables sur mer que sur terre. i 

. 'Smith s'élève avec une grande force contre la 
dëf^se générale faite aux colonies d'établir des 
manufactures. Il regarde cette défense comnlt! 
tfàé'marque injuste. et odieuse de servitude. U 
f(ê conçoit pas qu'on puisse forcer les colons U 
ne s'occuper que de la culture de leurs terres. 
i Efaipéclter uu grand peuple de tirer toiit lè 
i'^parrlt qu'il peut de chacune de aes propres 
* producnons, (i) ou d'employer ses capitaux à 
» son industrie de la manière qu'il croit lui être la 
>> plus avantageuse , c'est une violation manifeste 
> des droits les plus sacrés des homntei. n 

^'(i) Tomelir, pag. 55i flîgi. .' ' 



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âi4 tî Vl^E' ï I. 

Soixante p^gf^ plus loin, Stuiih notts apprefld 
que toute industrie locnle ' serait ruineuse pOui* 
les colons. « Dans les colmiies nouvelles , f agi-i^ 
» cnltore enlève des bras à tous les autres ém- 
it ploîs , ou les détourne de l'idée de se livrer 
» à toute antre piofessîon. Iljr a peu de hras 
» qu'on puisse réserver pour les fabriques 
» de nécessité, etaucuns poarcelles dagré~ 
p ment. Les colons trouvent mieUx leur compte 
» à acheter des autres pays les ouvrages de fabrî- 
j) ques de l'un on l'autre genre que de les fabri- 
» qaer eux-mêmes. » Ainsi après avoir di^clamé 
contre les monopoles, Smith nous prouve que 
CCS monopoles sont des mesures sages qui ne peù- 
venttournerqu'à l'avantage des peuples. Est-il pos- 
sible d'être plus inconséquent , plus mal adroit ? 
Pour prouver que les coloùies ne contribuent 
^oint à lu richesse de leui'mèrC- patrie, on cité tous 
les jours l'exemple des Etats-Unis, dontl'indé. 
pendance n'a bausé , dit-6n , aucune diminution 
dans l'opulence de la Grande-Bretagne. Cette 
«éparaiîon a méoie été pour l'Angleterre , seloa 
quelques-utis, udé source de prbspérité. Smitlï , 
dont on invoque ici l'autorité , est beaucoup plus 
circonspect, et c'est à tort , je crois, qu'on se 
prévaut de son opînîont II redoutait ccmame un 
autre , et par d'excellentes raisons , les suites de 
la révolution d'Amériqiie; aussi développe -t- il 



NGoQgle 



DU CCHVIMERÇE. jî& 

1^ ap loog « QompieDt cinq éyinemeag, ^v'oa 
>l, nVv^tpa^ prévue (j) oqt concouru tr,è^bei^ 
«. reqscDMDt pour empêcher lu Gr3ude.-Sreugiie 
» de.s'ea resscDÙi' d'uoe mauière aussi seasibU 
» qut'oD s'y «tait géuéralcmeot attendu, x 11 est 
d'iiiHeiu-s digue de rnuarque que dans ces cIda 
nouvelles causes de prospérité qui oot ttés~ 
heureusement concouru à dédommager l'Aor 
gleierre de la perle de ses colooies j ne figuré 
pas l'extension «ju commerce de l'Inde. Or, ce 
commerce qui est ruineux pour l'Europe , oe fait 
point encore ressentir ses funestes effets à l'Ao- 
.çleterre. Les possessions de la Grande-Bretagne 
dans rinde la rangent même , à l'égard de ce 
conunerce , dans une cathégorie particulière , et 
l'Angleterre y transportant les capitaux qu'elle 
employait dans ses échanges avec l'Amérique, ne 
prouve absolument rien , sinon que, quand on 
perd une- colonie, il est bon d'en avoir d'autres. 
lin exemple mieux choisi et beaucoup plu» 
concluant, c'est celui de la France dans son état 
actuel. Avant la révolution nous vendions à l'étran- 
ger «notre consommation prélevée , (3) pour 
i5o millions de denrées coloniales- Aujour- 
.d'bui nos colonies dévastées ne sufTisent même 



(i) Tome ni,p*g. 58S. 

( -1.) Vuyez l'ouvrage ilc M. P•^^il lur.lc» Cnlaniet. 



ji-vGooglc 



3i6 .;4.JtV,'R/Bi } r.'.T 

poiat à la consommatioDijptv.rietfre. f^.qf^.ffffgfp^ 
â<ioc obligés de dous a^^rfîtisioQD^r. ,c^u-,1^ 
peuples rivaux. Lg dijfrérence,;ï»iuja(l9. qifl|<e«» 
resuite au préjudice de Ja Fraqpe , est dq.^uj 
cents millions au tnoÎDS, et cel-le3ellçe^pli|(}^ç,^& 
fisammeot Tétat languissant de QOtrq .çopvpenct^ 

Il faut examiner actuellement ce quR.devien?: 
drait le commerce de l'Europe, nvec l'Aitiérique, 
si, cédaut aux i-eprésentiitîqns de âmitti,;Jef 
métropoles accordaient l'iadépeadanceiù Wr$ 
colonies. ' ■, 

Je remarque d'abord qu'une pareille jaiffliva^ 
devrait être générale ; autrement la colicuiic-qui 
se détncherait de la métropole ,,s'ezpos«rMt à. 
devenir la conquête de quelque pnissaoceétrw 
gère, dont les principes seraient moinslibdraulc, 
et tout ce qu'elle gagnerait à ce bouleversement, 
ce serait de changer de uiaEtre. 

Je suppose donc que , d'un commun accord* . 
toutes les nations qui ont des colonies leur, don- . 
nent l'indépendance ; j'ajoute, pour mÏQux entrer 
dans l'idée de Smitb , qu'au système colanial 
actuel succèdent des traités de comnieL'Qe. roi)dé& 
sur des bases propres à assurer aux anciennes, 
métropoles un commerce avantageux. « S'en sé- 
» parant ainsi de bonpc amitié , (i) l'afleciioo 

(i) T«m. Ill.pag. 407. 



N Google 



du' fco'M'M'ETltE. art 

<tf'ïrttaï**Hé dei Colonies î>our leur rafre-patriè 
<i»''répl:^bdi*aît toute sa forcé. 'Ce senûineDt les 
4- dîsposet'àît âOo - seulement à respecter pen- 
V'JaDtuiie suhë de siècles le traité de commerce 
ij 'coia^ti avec nous au moment de la separatibii, 
» taïiîS encore à nous favoriser dans les guerres 
v misai bien que dans le commerce, et au Heu 
K'de sujets tUrbûlens et facûeux, à deveairnos 
jt alités les plus fidèles , les plus généreux et 
« les plus afiectîoanés. On verrait revÏTré entre 
» les métropoles et leurs colonies cette même 
»■ *spice d'afleetion paternelle d'un côté , et de 
>' >espéct mial de l'autre , qui avait coutume de 
«■ rè'gOei' ' entre celle» de l'ancienne Grèce et les 
«métropoles dont elles éuiient descendues. » 

£n lisant Smiili et les écouoniistes , il faut ton- 
jours être en garde contre la séduction de leurs 
tableaux de famille ^ et contre l'aitrait de ce 
mîeni imaginaire qui est l'ennemi dubien,et dont 
nous avons fait pendant dix ans une si terrible ex- 
périence. Si tous ces systèmes nouveaux étjùent 
stisceptibles d'application , il n'y aurait bientôt 
rien de plus accompli que la nature humaine. On 
verrait cesser tout à coup les rivalités des na- 
tions, leâguerres. Les hommesseraïeot tous bons, 
tous justes , tous parfslits. Il ne paraît pas que 
riiamantté soit très-empressée de prendre cette 
route. 



N Google 



3id L I V R Kj I ï. 

Jereriens aux colonies. Smitb a fait-an roman I; 
ce n'est point ainsi qu'on s'éclaire. D'abord il 
n'existe pas le moindre terme de comparaison 
«ntre les colonies des anùens , qui éiaieïit de 
flûnpies émi^ations d'individus , déterminées par 
un excédant de population , et les colonies mo- 
dernes , dont le but unique est l'extension du 
twmmerce. Il n'est donc pas vraisemblable , quel- 
que régime qu'on donne à celles>ci , qu'elles aient 
jamais pour la mère-patiie ce respect filial dont 
parle Smith ; sentiment grand , noble et géné- 
reux , absolument étranger à nos mœurs. Les 
rclittioDsde peuples à peuples ressemblent beaut 
coup aujourd'hui à celles d'individus à individus ; 
l'intéi-êt seul les détermine. Or , quelles relations 
avantageuses aux nations de l'Europe pourra-t>iI 
exister entr'elles et les nouveaux gouveruemens 
de l'Amérique ? 

~ Remarquez Hen qu'aujourdliui les colons 
n'ont ni industrie , ni manufactures, et que c'eeft 
h la dépendance dans laquelle ils se trouvent de 
nos arts et des productions de riiurope, que no«» 
devons les principaux avantages de no» relatiodS 
avec eux. Rendus à la liberté , ils élèveront d^ 
fabriques, et apprendront à se passer de nous. . 
Au lieu de nous vendre leurs denrées de préfé- 
rence aux étrangers , ils les échangeront contre 
les productions de l'induiîtiie rivale , qui s'aCcor-^ 



ji-vGooglc 



DU COMMERCE. «19 

derOM' mieux avec leurs besoins , JeuK gofttâ ou 
leurs fiiDtaitiïes. Le résultat de cette double ré* 
Tolatioa e^t qu'il nous faudra pnyér en nomé-* 
faire les sncrf^s et les cafés nécessaires jk uotre 
floosommatioa ; et alors le commerced'Améri- 
que sei>a absolumeat semblable à celui de l'Iode j 
avec cette différence cependant qu'on se pass» 
de mouâselînes et de scbalts beaucoup plui oisé- 
tneot que de sucre, et que le commerce d'Amé- 
rique pourra enlever asDuellement à la Franco 
cent cinquante millions , au lieu de douze qu4 
noàs coûte celui déjà très onéreux des grandes 
Indes. 

. Pourquoi le commerce d'Amérique n'entraîne» 
t-il point aujourd'hui les inconvéniens que je dé- 
tins ? C'est qu'il ne peut se faire, qa'en marcliaa- 
dises, il faot nécessairement que les colons notu 
donnent leurs denrées en échange des produo* 
lions de notre industrie. Ce commerce a tous les 
faons effets du commerce intérieur , et véritable* 
ment il n'est pas autre choses Saint-Domingue est 
une portion de territoire ajoutée à la France. 
Tandis que les colons y travaillent à la reproduo 
don des denrées qui conviennent à nos goûts et k 
nos besoins, nos ateliers s'occupent de la repro-> 
diïctton des marchandises que ces colons recher* 
chent. C'est un double «ccroissemeot dans les fa- 
iLOiUés respectives dur travail , tut Tarllable lurcroU 



m Google 



)9o 'li ï VKc ^i;i 

lile richesse ; ei il est ici d'autsnt- plus piféciéttt ( 
^iie nous ne consommons point tout c<t '^0% 
produit. La réexportation .innaelle d'unC'vïiUur 
de plus de cent millions de denrées colotiià'l'rt I 
était doàc une cOnqnête sur le mimûniire ïlé fe 
traagei- et sur les productions de son ïafTnstviiïi iii 
je De vois pas comment nous serons pltis'nclteii / 
«juandnous aurons perdu , avec ces cent mîlliod^ 
de profit aOQuel , la (acuité de payei" en ïnaréhâtiy 
dises uatiotialcs les sucres et les ËafësqUe noui 
consommons. ' ' ■ ' ' 

Dans le commerce actuel des colonies , tout' est 
profit pour la France. Les marchandises qu'elle 
y envoie annuellement s'élèvent à prèsdequatirej 
TÎngt millioBS. Que d'individus cette reproduc^ 
lion occupe et enrichît! Mais ce n'est pas là lesciiî 
av,auiage de ce commerce. Où se dépensait âru-' 
trefoîs la majeure partie des fortunés acquises 
daos DOS colonies? En France. La plupm- des 
riches propriétaires n'avaient viêtae jamais mis W 
pied dans leurs habitations. Ils restaient en France j 
eùdes géreurs intéressés leur faisaient pjlsser lenriS 
revenus. La colonie n'était même pour ces géreursi 
et pour les propriétaires résidans, qu'une terrft 
d'exil. Ils travaillaient donc avec d'autaOt pluS 
d'ardeur, qu'ds étaient plus empfèsàés de la^:Iutt- 
ler. Alors, ils-revenaient en France, où ilsirap-f 
porlment, avec l'amour. du pap , d^tûmenséa 



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DU ^COMMERCE. oai: 

«^pU^ttXr, piQur servir d^alimeatà l'iaduatriâ de U 

.; ËD,sera-t-il ùoti , quand tou$ awez.rSDdu. 
l'Û^t^pe^viaiice aux colonies? J'aidéjù ditqu'aloiii 
e|^ &e su (HroQt à eUes-mémes. Vous d'hutcz dono 
plu», aufîmi motif de liens solides. Mais au lieu de ' 
çc rsi^ct filial que Smitli veut qu'elles conaer»- 
ventipoiur la mère -patrie, qui nous assurer» 
qu'içlles ne cbercheroat pas un jour à l'opprimer ? 
l^ reconnaissance est rarementla vertu des par* 
ticuliers ; l'ingratitude est toujours le défaut dei ' 
peuples. Us oublient les servîces.de IeurS:Coopi- 
tpyens ; ils n^cojinaisseat leurs propres grands 
bomioes. Ils les méconnaissent au moment où. 

lej^^oire brille du plus bel éclat et Smith 

T^u.t que., pendant. une suite de siècles., de». 
QfJonies.se souviennent de leur patrieptimitive* 
Je le répète, Smith a fait un roman. - - 

. ,M, Cannrdiwrtage encore ici l'opiniondupro 
|fl$sçwi''i'E(dimhour^> llvaméme.plusloin: «IHui 
» , çc^viéni^nt qui résulterait de. la. suppression 
». àm commerce colonial n!est que passf^r , 
». comme ,t0jus.le$ désavantages delà circulatîoa 
■ . du if;9^vail. Les fonds prendraient bientôt . ua . 
B. .filtre cours , et. l'équilibre se rétablirait. .(7 4) » - 
Q^'^tnce que. M. Canard entend par la supprtV'^ 
i)pp,ducpmmejrce de? colonies? LesToods, di^ih 
prewh'^i^t up autre, cours., M. CaDiK-d. sHp» 



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33S L I V R E ï t- 

pose apparemiœDt <fu« nous pouvons aûjour- 
dlim nous passer de deorées coloniales } moî» 
noas Doos eo passoDs s* peu , qu'elles nous ren- 
dent dès à présent tributûres de l'étraDger.Or, 
Tarseot que ces denrées nous coûtent aonoelle* 
ment est enlevé au soutien de l'industrie , qui 
«miloie par conséquent moins de bras et produit 
moins de licbes»^. Est-ce U ce que M. Caéavd 
entend , quand il dît que réquilibi-e se rétsJ>K' 
rait? Est-ce là aussi ce qu'il appelle un încoaTé* 
nient momenUné ? 

Supposons que la France puisse réellemèiit se 
passer de denrées coloniales , la perte de nos oo* 
looies serait encore une source de calamités. Qae 
deviendraient tous les individus que ce eomnuive 
alimente , les navires qu'il entretient , les <s^ita- 
iîstes qui y emploient leur argent , les fabricMis 
dont le travail passe en Amérique 7 Les fotids , 
nous dit M. Canard , prendront un autre coups , 
et il nous cite l'exemple de l'Angleterre av«c les 
Ëuts • Unis ; mais aurons-nous , comme fAngle- 

, terre, le concotirs fortuit de àoq évéctemeas, 
tous d'une grande importasce , pour faciliter l'é- 
coulement de nos marchandises et l'emploi de 
nos fonds ? Y a-t-il encore en Europe quëlqu'état 
à démembrer , comme la Pologne , et sOuMUes- 
nous , ainsi que les Anglais , maîtres d'une partie 

. de l'Inde , qui deviendrait pour .eux une rich4 



N Google 



DU COMMERCE. aaS 

«olopie «-«'ils Tonlaiem donner à leurconmercc 
une autre dii'ectioa ? 

,. Jone puis résister au désir de prouver au lec- 
teur que le système colooial , tout oppressif qu'il 
p&ïvH à Smith , a cepeDdant trouvé des déren- 
ieurs. 

' H NosooIoQÎes des Antilles sont admirables. 
'»- Elles ont des objets de commerce que nous 

- » n'avons ai ne pouvons avoir ; elles manquent 

- ^ de œ qui fait l'objet du nôtre. 

M Le désavantage des colonies qui perdent la 
' a liberté du commerce , est visiblement corn- 
» pensé par la protection de la métropole qui 
' Jt les défend par ses armes ou les maintient par 
' » su lois. 

» L'extrême éloignement de nos colonies n'es! 

- M poiot un inconvénient pour leur sûreté; car si 
, n la métropole est éloignée pour les défendre , 
. « les notions nvales de la métropole ne sont pas 
: i moins éloignées pour les conquérir. 

a Cet éloignement fait que ceux qui vont s'y 

, « .^blir ne peuvent pricndrë la manière de vivre 

Il d'nn climat'si difl^reot ; ils sont obligés de 

M tirer toutes les commodités delà vie,'du pays 

. » d'où ils sont venus. 

•"L'objet des coloiiies est de faire le Corn- 

• merce à de meilleures conditions qu'on ne l« 

'' » fahuvec les peuples voîsias avËc les(:|U4ls Xùvs 



N Google 



«i L ïV R fi i I. 

» les «vsMtges sOfit réclfH-oqaei. On à éutili 
M que la métropole seule pourrùt négocier dant 
M la colonie , ^ cela avec grande rabon « parce 
jt que le faut de l'élablissemeat a été l'extenùoi^ 
» du conunerce , noo la fondation d'une ville ou 
M d'un nouvel empire. » 

Les cinq paragraphes qu'on vient de lire sont 
extraits d'un ouvrage dont le temps rûrù(ie la ré- 
putation à l'étranger , tandis que les écrivain» 
cherchent à la miner chez nous. Il est vrai que 
l'auteur est Français. Or , nous n'aimons long- 
temps rien de ce qui est indigène j c'est le prin- 
cipal trait de caractère de la nation. Aussi ne pa- 
rait-il pas une brochure sur l'écODomie politique', 
où le grand homme ne soit outragé. On ne peut 
donc plus'le citer sans faire rire de pitié les écrï- 
Tains , et voilà pourquoi je diffëre tant à le nom- 
mer. C'SST MOHTES(2UlEU.(l) 



Je temunenù ce livre par l'aperça rapide det 
véritéa que j'ai cherché à y établir. 

L'agriculture n'a besoin d'aucun secours du 
gouvernement. Elle suit dans ses progrès ceux 
de l'industrie et du commerce. Le meilïeur 



(t> StpritdMltft*. Ut. XXI, ^ap. 



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T)U| COMMERCE. «g5 

fl^^p^^.i^ncourager e«t d^eaawrager^les iàa« 

|ity,f^ctiji^». , , . . . 

'< IjAcomitterceiméneiir est lé plds avantageux ; 
{Mwje que c'est celui <pii occupe le plus de bras. 
U att^sMeii raisonde rsccroïsseniéat du nu- 
méraire. 

r'Un'pàys'nè peut augmenter son numéraire ^ue 
par le commerce extérieur ; le commerce exté- 
q«ur doit tendre vers ce but. Tout commerce- 
eànérieur , qui nécessite l'exportation du numé- 
rale , est ainsi directement contraire an principal 
<^je^ dé ce coomierce , et ne peut qu'appaavrîr 
IS'i^atioD en diminuant ses moyens de travail. ' 

Une nation qui veut jouir de tous les lav^n- 
tages que lui donnent son territoire et son indus- 
trie , échange l'excédant de ses marcliandises 
contre une pareille valeur d'autres marchandises, 
étrangères. Cette nation n'est ni prodigue , ni éco- 
nome. Une nation économe échange de préfé- 
rence l'excédant de ses besoins, ou une partie de 
cçVexjeédant^ contre du numéraux. Elle Acquiert 
ainsi de nouvelles sources de revenus ; elle s'en- 
ricbit. Une nation prodigue échange et con- 
somme à tout prix i elle aliène son capital ; elle 
*e' ruine. 

Le commerce de transport ne convient qu'aux 
états pauvres qui n'ont ni territoire , ni popula- 
" i5 



jï Google 



336 L I V R E I- 1. 

tion , DÎ industrie. II serait défavorable à la 
France. 

Le commerce de Tlnde enleTe annuellement 
à l'Europe des sommes immenses en numéraire. 
Il y répand le goût des marchandises étrangères ; 
il paralyse ainsi une partie des manufactures in- 
digènes. Le commerce de l'Inde ruine l'Europe. 

lie commerce des colonies est très-aYantageirc 
pour les peuples qui en possèdent. Les colonies 
sont une partie de territoire ajoutée à celui de 
ces peuples. L^ndépendance des colonies serait 
lin acte de déraison de la part des métropoles.' 
Elle n'est sollicitée que par l'imprévoyance , ap-- 
pujrée de fausses idées de justice et de liberté. 

FIN DU DEUXIIHE LIVRBi 



ji-vGoot^lc 



LIVRE III. 

Du Système commercial. 



J E crois avoir prouvé , dans le premier livre , 
que l'argent est l'instrument indispensable de loi 
(ârculatioa et de la reproduction. 

J'ai essayé de moutrer , dans le second , com- 
ment la prospérité du commerce était liée à la 
conservation et à l'augmentatiou de la quantité 
de numéraire dans le pays. 

11 me reste à parler des institutions que ce pria, 
oipe rend indispensables. Ce sera l'objet de ce 
livre , dans lequel je m'occuperai plus particuliè- 
rement de la Friioce. 



CHAPITRE PREMIER. 



Long-temps après Tintroducùon des métaux 
comme monnaie , lorsque l'industrie commenc;ilt 
à»e perfectionner, il arriva que quelques peu-. 



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J28 L 1 V R E U I. 

pies plus adroits , plus laborieux ou plus ricLes 
en produciioDS du sol que les autres , devinrent 
les pourvoyeurs de ceux • ci. Le résultat de ces 
premiers. échanges fut d'appauvrir de ouméraire 
les Dations qui n'avaient aucun autre moyeu de 
faire le commerce extérieur. Cependant , on cou- 
sidérait alors i'argeut comme la richesse unique. 
Les gonvernemens ue purent tolérer que des re- 
lations qui tendaient à eu dépouiller l'état , se 
fxmtinuassem librement. On chercha donc à les 
restreiudre , et pour parvenir à c« but , ou nlma- 
j^a nen de mieux que de placer aux confins du 
pays, des barrières qu'il ne serait plus permis au 
commerce de franchir qu'à de certaines coudi- 
ttons. 

On expliquerait ainsi , d'une manière très- 
■plausible , l'institution des douanes , s'il n'était 
question que de bâtir un système ; mais les faits 
s'élèveraient eu foule contre celui - ci. Bien loin 
donc que les douanes aient servi le commerce 
■u moment de leur institution , tout annonce au 
contraire qu'elles en ont retardé les progrès. 
C'est qu'elles n'eurent d'abord d'autre objet que 
d'accroître les revenus du souverain , et que tout 
impôt sur le commerce, lorsqu'il n'est point dé- 
terminé par des vues de commerce , doit uéces- 
SÙrement tourner contre lui , et par une suite iné- 
vitable , contre le pays qui le crée. 



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DU SYSTEME COMMERCIAL, jag 

Ce n'est que depuis quelques siècles que lm>- 
dustrie a fait de grands progrès dans l'Europe, 
et que chaque Dation a pris SOD raog, comme na- 
tion manufacturière. Autérieuremeut, l'iadustrie 
était à peu près ]a même chez toutes : les échange^ 
devaient donc plus particulièrement consister en 
productions du sol qui varient avec les pays ; et 
encore même ces échanges ne pouvaient - ils pas 
être très-multipliés. 

On n'aperçoit pas quel intérêt aurùt pu porter 
les peuples à restreindre des relations déjà trèsr 
hoi'nées , et qui augmentaient leurs jouissances 
sans occasionner à aucun de préjudice sensible. 

Les droits de douane furent donc primitive- 
ment établis dans la vue unique de procurer au 
souverain un revenu. Quelques bureaux , placés 
à l'extrême frontière, devaient, «ans engendrer 
de grands frais , en assurer la perception. On 
n'avait point alors à se préserver de la contre- 
bande, et par conséquent il ne fallait qu'un très- 
petit nombre de commis. Cet impôt était ainsi un 
des moins onéreux à recouvrer. 

Si l'on pouvait douter que l'institution des 
douanes n'ait eu cette origine , je prierais de con- 
sidérer qu'en France , à l'époque où Colbert fut 
nommé contrôleur-général, les droits se perce- 
vaient principalement sur les marchandises na- 
tionales à la sortie , tandis que les productions do 



■ji-vGooglc 



35o L I V R E I I I. 

llndustrie élrnogère entraient presque tontes eu 
franchise. 

Un renversement aussi absolu des notions 
Commerciales les plus simples , prouve que les 
douanes n'avaient été considérées par le gouver- 
nement, jusque-là, que comme source de reve- 
nus ; et je crois avoir eu raison de dire qu'elles 
tournèrent ainsi au préjudice du commerce, dont 
elles retardèrent nécessairement les progrès. 

Mais il devient absolument impossible de con- 
tester cette assertion , lorsqu'on réfléchit aux 
douanes intérieures , qui subsistaient encore en 
France il y a quinze ans. SI l'objet des douanes 
n'avait pas été purement fiscal, celles de province 
à piovincc n'atiraient jamais survécu à l'indépen- 
dance de ces mêmes provinces. A chaque aug- 
uicnlation de territoire , on aurait reculé la ligne. 
Elle se serait ainsi toujours trouvée sur l'extrême 
frootlère, et le commerce, au lieu d'être entravé 
dans ses communications les plus naturelles, 
écrasé par la multiplicité des droits , et vexé par 
des visites qui se ré[>ét;iieDt à l'infini , aurait pu 
s'étendre an-dchors , et rivaliser dans tous les 
marchés de l'Europe avec les productions de l'in- 
dustrie étrangère. 

Ces droits intérieurs éi aient essentiellement 
destrnctifsdu commerce. On voit, dans un mé- 
moire adressé eu i65g au cardinal Mazariu, et 



N Google 



DU SYSTEME COMMERCIAL, ^i 
recueilli par Forbouoais , qu'une balle de came- 
lot de Lille, pesant deux ccDi trente-deux livre», 
payait eu divers endroits, pour arriver à LyOn , 
plus de 300 fr. , sans compter les deux droit» de 
la douane de Valence et les six deniers pour livre, 
■Une balle de soie, venant d'Italie, et que Vwi 
réexportait manufacturée , payait dans trois bu- 
reaux. Des droits aussi multipliés devaient aug- 
menter le prix des marchandises de dix ou douze 
pour cent, quelquefois du doublej et alors 
comment espérer d'en trouver le débouché à 
l'étranger ? 

Tel était l'état des choses en France , lorsque 
Colbert arriva au ministère. On conçoit qu'un 
pays dont l'administration intérieure était si peu 
éclairée , n'eût encore atteint aucun degré de 
prospérité. Aussi n'avions-nous alors ni marin*; , 
ni industrie, ni commerce. Nous lirions de V<^- 
tranger presque tous les objets de coosomma- 
tion indispensable. La misère était générale, et 
pour me servir desexpresùous mêmes de Cçlbert, 
on ne savaitàquoi employer « cette grande troiipe 
» de fainéans qui rempHssaieot la France , et de- 
» meuraient inutiles , et les bras croisés , au liçu 
» de l'enrichir de leur travail. » 

Cependant , tandis que la France restait ainsi 
oisive , et semblait renoncer à tous ses avantages 
naturels i, plusieurs nations voisines avaient alLciiat 



ji-vGooglc 



a53 L 1 V R E I I I. 

le plus liaut degré de prospérité relative. Quoi- 
que déchues de leur aDcieune splendeur , depuis 
la nouvelle direction du commerce de l'Inde , 
Venise, Gênes et les principales villes d'Italie , 
se partageaient encore le commerce de la Médi- 
terranée. I^a banque d'Amsterdam avait déjà im 
demi-siècle d'existence j toutes les mers étaient 
couvertes de bâtimeus hollandais ; l'Angleterre , 
dont l'esprit était exclusivement dirigé vers le 
commerce depuis la reine Ëlisabed) , commen- 
çait à se montier mauuracturière. Charles il ve- 
nait de confirmer le fameux acte de navigation , 
seul , mais inappréciable bienfait de Cromvïell. 
Enfin , et de quelque côté que l'on jetât lei yeux , 
à resception de la France et des érau du Nord , 
encore plongés dans la barbarie, l'Europe offrait 
de toutes parts le spectacle de peuples indus- 
trieux , actifs , rivalisant d'efforts pour étendre 
leur commerce , perfectionner leurs manufac- 
tures et s'emparer des mers. 

Cette opposition humiliante entre la France et 
les autres nations de l'Europe, toutes moins favo- 
risées qu'elle pr k nature , dut enflammer le gé- 
nie patriotique de Colbert. Ce grand bommeavait 
le senûment des ressources de son pays ; il jugea , 
dès le principe de son administration , du degré 
de prospérité auquel il pourrait atteindre. La 
cause de la langueiu- du commerce national de- 



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DU SYSTEME COMMERCIAL. a55 
vÏBt IVïbjet de toutes ses recherches. Il la'tfoura 
dans les vices d'un tarif qui grevait indinërem- 
meot dé forts droits , l'entrée des matièi-es pre- 
mières, et la sortie des marchandises indigènes; 
dans- la multiplicité , dans la variété, dans l'incer- 
titade de ces mêmes droits. Il la trouva dans l'état 
d'abandon des manufactures ; enfin , dans l'igno- 
rance absolue où l'on était alors des moyens 
d'économiser le travail et les bras , en se servant 
de mécaniques déjà usitées dam plusieurs autres 
pajs de manuractures. 

Le principe du mal une fois connu , il devenait 
plus facile d'y porter le remède. Colbert accorda 
des encouragemens à l'industrie. Les ptincipales 
manufactures reçurent des gratifications. Il fit 
venir de l'étranger des métiers dont il consentit 
à payer chèrement le secret , bien sûr que cette 
avance rentrerait avec usure. D'habiles ouvriers 
iiirent appelés d'Italie et de Flandre. Ces droits 
n multipliés , et qui vanaient sur presque tous 
les points de la frontière , furent réunis dans un 
taiif unique. On y réduisit considérablement 
ceux imposés sur les marchandises nationales à la 
sortie. Les matières premières furent diminuées à 
l'entrée. Un autre tarif, postérieur au premier de 
trois ans , chargea les manufactures étrangères. 
Tant de soins , tant de prévoyance , ce pouvaient 
être infructueux. Aussi, moins de dix aas après 



N Google 



a54 L I V R E I I I. 

l'enirôe de Colbert au ministère , on comptnit 
déjà diins le royaume près de ciaquante mille 
mpliers à laine , et le commerce des soies s'était 
accru au point fju'il rapportait à lelat annuelle- 
ment plus de cioquimtc millious. 

Ce|)endant , il ne fui pas possible à Colbert de 
supprimer les douanes iniérieurcs. Desministi-es 
non moins zélés que lui pour le bien de l'état , 
échouèrent depuis dans la même entreprise , 
quil était réservé à d'autres temps decousommer. 

On voit que les douanes ne prirent un carac- 
lère commercial en France que sous Colbert ; 
aussi le servireul-elles puissamment dans le pro- 
jet qu'il avait conçu , et qu'il exécuta , de rendre 
la France l'une des premières puissances mari- 
times et commerçantes de l'Europe. Le grand 
siècle lui doit une partie de sa gloire; il était ré- 
servé au nôtre de chercher à enlever à Colbert 
une partie de la sienne. 

Smilb, qui n'est bien souvent que l'écho des 
économistes , niême sans qu'il s'en doute , nous 
assure de la meilleure foi du monde que les 
opérations de ce grand homme n'ont pas tourné 
à l'avantage de sa patrie ; et il s'appuye sur le sen- 
timent des hommes de France les plus éclai- 
res. Or, ces hommes de France les plus éclairés 
sont les économistes , et entr'autres le docteur 
Qucsuay , leur chef, avec lequel Smith était 



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DU SYSTEME COMMERCIAL. 255 
très- lié. On voit pnr-tù ce qu'il Hiut penser de cet 
accord entre les hommes les plus éclairés 
de la France , pour déprécier l'un des plus 
grands administrateurs (jui aient jamais existé. 

Les hommes de France les plus éclairés n'ap- 
partiennent à aucune secte. Ils rendent ù Colbert 
la justice «|ui lui est due, sans s'inquiéter de l'o- 
pinion de quelques esprits à système. Ils le ju- 
gent sur ce qu'il a fuit, et non sur ce qu'il leur a 
plu d'établir. Us voient ce qu'était la France au 
moment où il prit les rênes de l'administration , 
épubée d'argent , sans marine , sans industrie , 
sans commerce , et le haut degré de gloire et de 
prospérité auquel elle s'est tout à coup élevée par 
la puissance d'un grand roi, secondé d'un grand 
ministre. Ils voient que ces institutions tant blâ- 
mées ont constamment accru la richesse de la 
France ; que des institutions semblables sont en- 
core le plus ferme appui de l'opulence de l'An- 
gleterre. Ils le voient , et ne conçoivent poiot le 
goure de plaisir que peuvent trouver des Fran- 
çais à déprécier un des hommes qui a le plus 
contribué ù la gloire de leur nation , et qui éuit 
Fiançais lui-même. 

Il est certes fort triste que Smith ait pris l'opi- 
nion de quelques écrivains malades pour celle 
des hommes les plus éclairés de la nation , et 
que , dans un ouvrage célèbre , il nous ùt ainsi 



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336 L I V R E I I I. 

dénoncés à l'Europe et à h postérité, comme un 
peuple aveugle et ingrat , qui méconnatt les ser- 
vices de ses plus grands bommes. 

Je sais bien que Smitb nous fait gloire de cette 
ingraiitude ; mais il viendra un moment où Smitb 
lui-même sera jugé , et celte opinion qu'il prête 
aux hommes les plus éclairés de la nation , res- 
tera comnie un monument de notre légèreté et 
de notre inconséquence. 

Je continue l'bistorique des droits de douane 
en France , que l'on comprenait tous , avant la 
révolution , sous le nom de traites. Quoique 
Colbert y eût introduit de grands changemens , 
comme on l'a vu, et que ce soitseulementdapuis 
son administration que nous ayons un système 
commercial fondé sur des douanes, il ne lui fut 
pas possible de le porter au point de perfection 
dont il est susceptible. Cinq provinces seule- 
ment admirent le tarif uniforme qu'il voulait 
rendre commun à toutes, et ce tarif lui-même 
laissait encore à désirer. Il résulta de cette espèce 
de scission entre les provinces , une bigarrure 
cboquante dans l'administration des douanes du 
royaume. On distingua les provinces des cing 
grosses fermes régies par le tarif de 1664-, de 
celles qui refusèrent de l'admettre , et qu'on ap- 
pela du nom de provinces répute'cs étrangère^. 
Celles-ci conservèrent leur ancienne législation 



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DU. SYSTEME COMMERCIAL. 257 
fiscale. Trois autres provinces restèrent au - deI4 
de la ligne , eu vertu des couvenlious qui eurent 
Ken lors de leur réuDioo à la France, et Turent 
appelles étranger effectif ; noms barbares , s'é- 
crie assez ptaisumment M. Necker , qùî ne ren- 
dent la langue fiscale ni fort claire , ni fort élé* 
gante. 

' Ces noms ont disparu avec les (fisÙDctiônsqui 
y avaient donné lieu. On peut voir dans l'ouvrage 
de M. Necker sur l'administration des finances* 
et mieux encore dans Forbonnais , combien 
l'introduction d'un régime uniforme approprié 
à la France , était désirée par toiis les hommes 
^Etat , et que de tentatives infructueuses furant 
faites pour arriver \ ce but. Mais cet objet très« 
délicat touchait aux privilèges des provinces ; il 
exigeait les plus grands méoagemeus : d'un autre 
côté le souverain y trouvait un revenu. Tant 
d'intérêts dî'flërens à concilier expliquent la lon- 
!gue existence d'un système essentiellement vî- 
icieux , mais que le temps semMait avoir con- 
sacré , éx auquel il était devenu impossible d« 
remédier sans exciter (^s iuécontentemens et 
peut-être même des troubles. 

Quoi qu'il en soit , ce qtte Colbert avait ppo« 
jeté , ce que tous les ministres qui vinrent après 
lui , et M. 'Necker surtout , souhaitaient ardem- 
ment d'exécuter , la révolution l'a produit rt 



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a38 L I V R E 1 1 I. 

pouvait seule le produire. Il n'existe aujourd'hui 
qu'un tarif uniforme pour toute ta France. 
Les barrières intérieures ont toutes été anéan- 
ties et reportées à l'eitréme frontière , où elles 
forment ainsi un cordon qui ceint le pays dan» 
sa plus grande circonférence. Le tarif nouveau, 
loin de gêner le commerce national , ne peut que 
le servir et l'étendre. Les produits de l'industrie 
indigène , les seuls qui fussent taxés avant Col- 
bert, et que ce ministre ne dégreva pas tous, 
sont aujourd'hui absolument exempts , ou sou- 
mis à des droits très - modiques. Il en est de 
même des matières premières à l'entrée. Ainsi 
les droits ne frappent à l'exportation que sur 
quelques- unes des productions particulières à 
notre sol , et dont il est par conséquent impos- 
sible que l'étranger s'approvisionne ailleurs , 
telles que les vins , les eaux -de -vies , et encore 
ce* droits sont-ils très - modérés. ( i ) Les mar- 
chandises grevées à l'entrée sont celles dont la 
consommation intérieure , si elle devenait trop 
considérable, pourrait paralyser notre propre 
industrie. Les droits sont donc sagemeùt cal- 
culés sur le danger de leur introduction ; et 
quand ce danger est tel que le préjudice suivrait 

( I } Le YÎn le pins Imposé doit 7 fr. par muid , et 
l'eau de vie a5 centim. Le muiâ est de i/|4 pot* faisant 
aSS pintes , ce qui revient k 368 litrea un ciaquantièm*. 



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DU SYSTEME COMMERCIAL. 239 

immédiatement, sans ofTrîr aucun but d'utilité 
qui le compense , oq arrête rimportutloQ par 
une proIiibitioD absolue. 

J'ai dit que le tarif actuel , loin de gêner le 
commerce , ne pouvait que le servir et l'étendre. 
C'est que les bases en sont généralcmeot bonnes. 
Il n'en faut pas conclure que le tarif ne laisse 
absolument rien à désirer. Les cliangemens qui 
y ont été apportés depuis quelques années prou- 
vent que le gouvernement 8'occuj>e avec persé- 
vérance de tout ce qui peut contribuer à la pros- 
périté du commerce , et l'on est mainteoaDt en 
droit de conclure que sous très-peu de temps 
cette partie de notre législation commerciale aura 
atteint tout le degré de perfection dont elle est 
susceptible. 

Telle est en peu de mots l'analye du système 
commercial actuel de la France. Celui de l'An- 
gleterre y ressenrtble beaucoup , avec celle dif- 
férence cependant que les droits de douane for- 
ment en Angleterre une partie esseolielle du 
reveau de l'état. Les autres puissances de l'Eu- 
rope se sont successivement modelées sur l'An- 
gleterre et sur la France , dont elles n'auraient 
pu , sans s'exposer à une rniue inévitable, laisser 
librement entrer tontes les productions. Cet 
exemple était bon à suivre; mais comme les 
meilleures iasiiuitious ont aussi leur côté di'fa- 



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a4o L 1 V R B I I t. 

Torable et qu'on abuse de tout , même des chose* 
les plus uûlei , ou a quelquefois fait servir les 
douaues à des ressentimeDs nationaux. Alors 
elles ODt change d'objet. Je consacrerai les cha- 
pitres suivaus à Teiaraen de tout le système com- 
mercial. Je ténnioe celui-ci par une obserratiou 
générale : Le gouvernement , dans l'institution 
de ce système , qui a été présenté comme une 
Tiolation de tous les droits du citoyen, comme 
un monopole odieux, me paraît essentiellement 
paternel. J'y vois un chef de famille éclairé , qui 
mieux instruit que ses enfans de l'état de leur 
fortune, leur indique, avec les moyensdela con- 
server et même de l'accrottre , quelles sont les 
dépenses qu'ils peuvent se permettre, et celles 
dont ils doivent s'abstenir : heureux les enfaus 
que de fausses idées d'indépendance et de bon- 
heur n'arrachent point au joug de la soumisàon ! 
heureux les peuples auxquels on ne cherche 
pointa persuader que leurs Igis sont des inepties! 



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DU SYSTEME COMMERCUL. 3^1 



CHAPITRE II. 

Droits d'entrée et de sortie. — Crédits des droits. -• 
Entrepôts. — Gratifications et prîmes. 

t_VE que j'ai dit dans le chapitre précédent des 
di'OÎts de douane prouve que ce serait se mé- 
prendre étraDgemeat sur l'objet de leur institu- 
tion que de les considérer uniquement couuue 
impôt. Je dis uniquement , parce que ces droits 
ofTrent aujourd'luii deux divisions bien distinctes 
qu'il importe de faire remarquer , et que voici : 
Dans la première de ces divisions , il faut 
ranger les marchandises qui sont tarifées dans 
des vues de commerce et plus ou moins imposées, 
suivant qu'il est plus ou moins avantageux d'ea 
restreindre l'importation ou lexportaiion. Je 
rappelle ici, i". que les matières premières à 
l'entrée , sout ou absolument exemptes ou assu- 
jéties à des droits modiques , calculés dans l'in- 
térêt combiné de l'agriculture et du commerce ; 
3**. que les marchandises manufacturées étran- 
gères , admises aux droits , payent 8 , i o , 1 2 , et 
rarement au-delà de 1 5 pour cent de la valeur; 
5°. et euHn que les objets tarifés à la sortie ne 
16 






3^3 L I V R E I I I. 

doiveDt qu'un )>our cent de la râleur , et plus 
gém-nilement demi. JVd excepte les bois qui , 
à raisOQ de leur utilité dans l'intérieur , ont été 
tarirés à 4 ^^ même à 5 , suivaot l'usaj^ auquel 
ils aoot propres. 

Avant d'indiquer les marchandises qui appar- 
tïcnueut à la seconde division , je crois à propos 
de faire connaître quelques-unes des considé- 
rations qui ont influé sur l'assiette des droits. 

Lorsqu'une marchandise permise à l'expor- 
tation est susceptible de difTéreos degrés de 
maiu-d'œuvre , plus elle en a reçu, moins elle 
est imposée. C'est ainsi que les fers en gueuse 
paient 5 francs lO centimes par quintal (i) et le 
fer blanc a francs 55 centimes seulement. C'est 
encore ainsi qu'avant la loi du 8 floréal an 1 1 
le sucre d'origine nationale payait à la sortie , 
savoir : brut, lo pour cent de lu valeur ; terré , 
5 pour cent seulement. Ce n'est pas tout : quand 
ces exportations s'effectuaient par bâiimens fran- 
çais , le droit était réduit à un et demi. Cet exem- 
ple est trps - propre à donner une idée de la 
taxation géuérale des marchandises , qui a été 
calculée, le plus possible , de manière à servir 
i la fois l'agriculture , Hudustrie et la marine. 



( 1 ) Il n'agit ici et dans tout ce chapitre , da ^iatkl 
Sécimal éiLDivaUnt à ao4 liv- poid« de mars. 



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DU SYSTEME COMMERCIAL. 245 
Ed voici quelques autres : le tabac îndigèue 
en feuille paie à la sortie 7 francs par quintal; 
le tabac fabriqué 5i ceotinies. La cire blaoche, 
qui a été travaillée , n'est tarifée qu'à i franc 
3 ceotimes. Ivoire jauae, qui est matière brute, 
doit 10 francs 20 ceutimes. Ou pourrait multi- 
plier ces exemples à l'infini. 11 est plus simple 
de recourir au tarif, et j'y renvoie. 

Les marchnndises qui appartiennent à la se- 
conde division sont celles qu'il n'estpas possible 
de prohiber absolument , mais dont il serait 
dangereux que la consommation vint trop à s'ac-> 
croîU'e. Ces marchandbes sont elles-mêmes de 
deux sortes. Ou nous pouvons nous les pro- 
curer par notre propre industrie , ou nous ne 
le pouvons point. Dans le premier cas , le droit a 
pour objet d'écarter la concurrence étrangère. 
Dans le second , ce droit qui est toujours pro- 
hibitif peut être plus particulièrement considéré 
comme impôt de consommation, il &ut rendre 
tout ceci sensible par des exemples. 

Nous faisons la pêche lointaine, celle de la 
baleine , de la morue , etc. ; mais soit que nous 
n'employions point des procédés convenables , 
soit que nos bâtimeos pêcheurs ne naviguent 
point avec assez d'économie , nous ne pouvons 
étedilir le poisson salé à un prix aussi modique 
que les naùoDS rivales. D'un autre côti , la pêch* 



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344 L I V R E I I I. 

natioDslo ne suffît point à la consommaiion. Il 
faut donc recourir à celle étraDgère ; mjiis il est 
évident que si elle était admise librement dans 
le marché intérieur, oo la préférerait à la pêche 
îadii'ène , dont la ruine serait ainsi infaillible. 
On prévient cet inconvénient en imposant le 
poisson étranger à 4« francs par quintal, (i) Ce 
droit, très - considérable , rétablît à peu près 
Téquilibre. Ainsi encouragés , les ai-maieurs re- 
doublent de zèle et d'industrie afin de multiplier 
leurs expéditions. Chaque année ils acquièrent 
de l'expérience , et insensiblement notre coq- 
sommation en poisson étranger diminue. 

Les colonies françaises suffisaient autrefois à 
la consommation intérieure , et procuraient en 
outre à la France un revenu de plus de cent 
millions qu'elle échangeait à l'étranger contre 
des productions exotiques , des matières pre- 
mières et de l'argent. Nous avons vu que bien 
loin de donner encore lieu à un commerce aussi 
avantageux, nos colonies ne fournissent même 
phis à la totalité de notre consommation. On y 
supplée par dés achats à l'étranger ; mais ces 
achats sont ruineux , parce qu'ils enlèvent notre 
numéraire. Or on empêche que la consomma- 



( I } Depuis que ceci est écrit , le droit a été lédait k 
moitié à cause de ]a guerre. 



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DU SYSTEME COMMERCrAL. 245 

ùon des denrées coloniales ne devienne trop 
considérable en les chargeant toutes d'un droit 
assez fort pour en angraenier le prix d'environ 
a5 pour cent, et comme il est juste de fournira 
nos colonies les moyens de réparer leurs dé- 
sastres , les productions qu'elles nous envoient 
sont traitées beaucoup plus favorablement. C'est 
ainsi que le sucre terré , importé des colonies 
françaises , n'est imposé qu'à 5o francs par quin- 
tal , tandis que la même qualité de sucre étranger 
doit 75 francs. 

Les autres marcbandises qui appartiennent à 
cette division sont celles que nous n'avons aucun 
moyen de produire , et dont le droit est cepen- 
dant proliibitif , parce que leur usage , s!il de- 
venait trop général , pourrait entraîner les plus 
fôcheux résullau. Ce sont principalement les 
tabacs (1) et les marchandises de l'Inde. Le tabac 
en feuille importé par bâtiment étranger est ta- 
rifé à 100 fr. le quintal ; par Bâtiment national il 
ne doit que 80 fr. Les droits sur les marchan- 

( I ) Je range le tabac dans la clasae des marchaDdises 
qae nom n'aront aucun moyen de produire, quoiquo 
nous en récoltions. C'est que les tabacs indigènes ne peu- 
vent donner de bons tabacs fabriqués que par ]e mélange 
arec des feuilles exotiques. Ce qu'on récolle de tabac en 
France est d'ailleurs peu considérable relativement i la 
t générale. 



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a/i6 L I V R E I I I. 

dises (le l'Inde varient selon leur espèce et le 
plus ou moins d'intérêt que nous avons à les 
écarter de nos marchés. Le nankin doit par mètre 
UD droit de 35 centimes ; celui sur les toiles de 
coton se perçoit dans le rapport combiné de la 
dimension et du poids , c'est-à-dire que de deux 
pièces dont les dimensions sont égales , la plus 
lourde est la moins imposée , parce que l'étofTe 
est plus grosse. Le droit sur les toiles de coton , 
siusi calculé , est de 5 centimes par mètre qunrré ^ 
pris autant de fois qu'il y a de mètres quarrés an 
kilogramme. Il revient de sO à 35 pour cent de la 
valeur. Je ne pousserai pas plus loin cette no- 
menclature, que j'aurais même beaucoup moins 
étendue si je n'eusse cru devoir donner une idée 
géuâale des bases du tarif. 

Il résulte de ces divisions , ainsi que je l'ai 
annoncé, deux espèces de droits bien distincts. 
Les uns ont pour objet unique la prospérité du 
commerce j les autres tendent également à ce 
but ; mais tout en l'atteignant , ils procurent à 
l'état un revenu. On est donc autorisé à les con- 
sidérer aussi comme impôt. Quelques personne» 
n'envisagent les douanes que sous ce dernier 
aspect. On est même parti de ce point de vue 
Aux pour faire observer que les frais de per- 
ception s'élevant assez généralement au quart 
des recouvremens et quelquefois à beaucoup 



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DU SYSTEME COMMERCIAL, a^? 

plus, c était de tous les impôts le plus onéreux 
nu pays. Rieo ne prouve mieux à quels écarts 
on se livre quand on parle ou qu'on écrit sur 
des matières que l'on ne connaît point. 

Ou a prétendu que la perception des drrùts 
de douanes , en Angleterre , ne coûtait pas plus 
que celle de tout autre impôt. C'est que les frais 
de recouvrement ne s'élèvent point , pour les 
impôts indirects , dans la proportion des sommes 
perçues. Or les droits de douanes , en France , 
à l'exception de ceux imposés sur un petit nom- 
bre de marchandises , sont généralement très- 
modiques; aussi les douanes ne peuvent-elles 
guère rapporter 3u<delà de 40 millions brut. Leur 
produit serait même beaucoup moins considé- 
rable , si nous n'étions pas tributaires 'de l'étran- 
ger pour le tabac, les toiles de coton, les den- 
rées coloniales et la pêche. En Angleterre , au 
contraire , les droits de douanes sont exhorbitnns. 
La plupart des marchandises éb'angères sont ta-^ 
lifées à plus de soixante pour cent de lew va- 
leur. Nos vins , nos eaux -de-vie et les produc- 
tions de notre iadustrie, dont l'importation n'y 
est pas défendue , n'j sont admis qu'à des con- 
ditions beîincoup plus défavorables encore. H 
en résulte que TAngleterre doit à ses douanes 
tin revenu annuel qui s'élevait, il y a vingt ans, 
à 60 millions, ei qui depuis a triplé. Ot^ sup* 



ji-vGooglc 



a48 L I V R E I I ï. 

posez que les droits de douanes y soient tout à 
coup réduits à lo pour ceut , taux commua des i 
nôtres , lea frais de perception resteront les I 
mêmes, et alors au Heu de n'enlever que lef 
vingtième ou le quinzième des produits , ils 
absorberont le quart, comme en France, saa 
qu'il s'en suive aucune défaveur pour Vu 
titution qui serait à peu prés aussi utile J 
OOQ moins indispensable, lorsque loin de r 
porter un revenu elle occasionnerait une.J 
pense. 

Quelque modiques que soient gcnéraleJ 
les droits de douanes en France , i 
cbargé de denrées coloniales ou de tabacj 
cependant donner Heu à des perceptions dJ 
juille francs, et même plus. Si les négocia 
reçoivent dépareilles cargaisons étaient ol 
d'en acquitter les droits au moment mén 
elles arrivent, moment qu'on ne peut paJ 
jours prévoir, il en résulterait des gènesl 
préjudiciables au commerce. Le gouverna 
prévient cet inconvénient par un crédit del 
mois, qui peut s'étendre à quatre pour les svq 
destinés aux radineries, et jusqu'à douze j. 
les tabacs; et il arrive ainû très -souvent qua 
niarchandise est livrée à la consommation avi| 
que le9 droits n'en aient été perçus. 



ji-vGoot^lc 



DU SYSTEME COMMERCIAL. 249 
Ici le lecteur m'interrompt et me demande 
comment il est possible que nous fassions nvec 
l'étranger un commerce de transport utile , si 
toutes les ninrcliiindises qui entrent en France 
sont également assujéties aux droits , soit qu'elles 
restent diins l'intérieur , soit qu'on les renvoie à 
l'étranger. 

Cette difficulté est fondée; mais le gouver- 
nement l'a prévue. Quoique le commerce de 
■ l'étranger à l'étranger ne soît pas le plus favorable 
, de tous, que même il détourne en général les 
. capitaux d'un emploi plus avantageux pour le 
pays , il est quelquefois indispensable de s'y 
livrer. Je reproduis, avec de légers cbangemens, 
l'exemple que j'ai cité dans le chapitre du com- 
merce de transport. Un navire part de Bordeaux 
pour Amsterdam avec une cargaison de vin : s'il 
ne trouve pas au lieu de sa destination des ma- 
tières premières qui conviennent à Id France , 
il y chargera des marchandises manufacturées 
provenant du duché de Berg , des instrumens 
aratoires , ete. , des toiles de Silésie , etc. Ces 
marchandises importées à Bordeaux, ea seront 
ensuite expédiées pour l'Espagne , et le navire 
qui les y voiturera rapportera des laines en re- 
tour. Ainsi au moyen d'un double échange, la 
France aura véritablement fait un commerce 
mile , puisqu'on définitif elle a donné du via 



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a5o L I V R E 1 1 I. 

qu'elle récolte au - delà de sa consommation , 

ponr des madères premières nécessaires à ses 

manufactures. 

Mais si les marclwndises prises à Amsterdam 
par le navire qui y est arrivé avec une cargaison 
de vin , devaient être directement U'Rasportées 
en Espagne , ou ne pouvaient séjourner en 
France qu'eu payant des droits , on conçoit que 
ce conuuerce deviendrait beaucoup moins avan- 
tageux , et que le plus souvent il serait même 
absolument impossible. 

Pour obvier ù cet inconvénient , on a établi 
dans les principaux ports des entrepôts où s'em- 
magasinent les marchandises étrangères dont 
l'emploi n'est point encore déterminé. On nomme 
entrepôt , en matière de douanes , un Heu vaste 
)Bi commode où le commerce a la facilité de dé> 
poser les marchandises importées dont il ne peut 
point se défaire sur-le-cbamp. L'entrepôt est 
fermé à deux clefs qui restent entre les mains ^ 
l'une de. la douane , et l'autre du commerce. Sa 
durée est d'un an. Le négociant a ainsi tout le 
temps Décessairc pour donner à sa marchandise 
le débouta. le plus avantageux. Les droits ne 
s'acquittent qu'au moment où il livre à la cou- 
tômmation intérieure. S'il préfêre réexporter, il 
n'en doit aucun. Ces facilités sont très - avanta- 
geuses, puisqu'elles laissent au négociant les 



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DU SYSTEME COMUIERCIAL. aSi 

moyens de trafiquer librement de l'étranger à 
l'étranger, sans même exiger poiir le commerce 
avec l'intérieur l'avance quelquefois très-consi* 
dérable des droits dus eur les marchandises qu'on 
y destine. 

Toutes les marchandises qui doivent des droits 
sont admissibles dans l'entrepôt. On y admet 
également plusieurs espèces de marchandises 
prohibées , dont la vente à l'étranger peut nous 
procurer des retours avantageux , et généralement 
toiites celles connues sous le nom de mardian- 
dises de traite. EoGn il existe plusieurs emrepôts 
que des considéradons d'une grande importance 
ont fait ouvrir aux marchandises prohibées sans 
distinction. Marseille doit à son commerce avec 
le Levant cette faveur très -distinguée qui est 
d'ailleurs susceptible des plus grands abo» , et à 
laquelle aucun autre port n'a les mêmeâ droits. 

Indépendamment de l'entrepôt dont je viens 
de parler , et qui exige , comme on l'a vu , le dcr 
placement de la marchandise , il en existe un se- 
cond , particulier aux denrées coloniales fraip- 
çaiseâ. Les formalités d* éelni - ci , moîas nom- 
breuses , s'accordent davantage encore avec les 
intérêts du coiiunerce. Gel entrepôt a lieu dans 
les magasins mêmes du négociaiit , qm est seules 
ment tenu d'acquitter les droits an moment où û 
dispose de sa marchandise. Sa durée est aussi d'un 



ji-vGooglc 



aSa L I V R E i I I. 

«D. Lorsqu'au lieu de livrer à la coDsommuiion , 
on réeT|>orte, le drottde consommatiou u'est pas 
dû. C'est un nouvel encouragement donné à nos 
colonies. On appelle cet entrepôt ^c(i/"j pour le 
distinguer du premier , qu'on nomme entrepôt 

L'institution de l'entrepôt , l'une des plus heu- 
reuses du système commercial , appartient à Col- 
bert i mais depuis près d'un siècle elle étaàl tom- 
bée en désuétude. Cest l'administration actuelle 
des douanes qui l'a fait revivre. Le commerce 
lui doit cette faveur , et presque toutes celles dont 
il jouit. Toutes les fois que des facilités lui sont 
nécessaires , l'adminbiratioD les provoque ; c'est 
la plus belle partie de ses fonctions, dont on 
n'apprécie en général ni l'importance , ni l'utilité. 

Un des moyens employés par les gouverue- 
mens pour encourager certiines branches de l'in- 
dustrie , qui ne pourraient se soutenir si elles 
étaient livrées à elles-mêmes , c'est celm des gra- 
tifications, plus connues sous le nom de primes. 
Les primes sont précisément l'opposé des droits. 
On les accorde à l'importation des matières pre- 
mières, dont le besoin se fait particulièrement 
sentir , ou à celle des productions qu'il est de 
l'intérêt du pays de se procurer directement. On 
les accorde aussi à la sortie des marchandisea 



NGoogk 



DU SYSTEME COMMERCIAL. a55 
ninnufocturées qui ne pourraient point , sans 
ce secours , trouver de débouchés à l'étranger. 
Dans tous les cas , elles favorisent l'iodustrie , et 
l'on aperçoit qu'il doit être posùble d'employer 
très-utilement un pareil ressort. 

Smîtfa se déclare contre celui-ci. Il range les 
primes dans la classe des profusions , toutes les 
fois qu'elles n'ont point pour objet inmiédiat la 
défense nationale. Encore n'est-ce que par une 
faveur très-insigoe qu'il excepte celles qui ont ce 
but, H et çuc peut-être, dit-il, on pourrait 
alors justifier, (i ) En dernière analyse , il pense 
ft qu'il est presque toujours déraisonnable de 
» grever l'industrie générale pour encourager 
» celle de quelque classe particulière de maou- 
» facturiers. » 

J'ai souvent combattu Smith , et je le combat- 
trai encore en cet endroit. Cependant, je me ran- 
gerais assez volontiersà son opinioosur les primes, 
s'il la généralisait moins. Il est constant que I'od 
a souvent fait de cette institution un abus déplo- 
rable. La prime était - elle donnée à l'exporta* 
tion , on trouvait les moyens de la toucher , et on 
n'exportait point. Il en était à peu près de même 
à l'entrée. Quelquefois les primes s'accordaient 
en raison du tonnage des navires ; alors on en 

( I ) Totn. III, pag. laS. 



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a54 L I V R E I I 1. 

exagérait la coatïneoce. Ce genre de gratiHca' 
lions avait Heu en France , avant la rëvolution , 
pour les navires employés à la traite , et l'on ne 
peut nier que plusieurs ne se la soient fait adju- 
ger sans y avoir le moindre droit. 

J'ai rapporté quelques-uns des ioconvéniens de 
l'iastitution ;mais il est aisé d'apercevoir qu'Us ne 
lui sont point inhéreas. Une administration éclai- 
rée pourrait facilement les prévenir , et la ques- 
ùon est de savoir si l'institution est vicieuse en 
elle-même. 

Smith lui reproche de grever l'înduslne gé- 
nérale en fÙTeur de quelques manufacturiers. Il 
n'est ici question ni de grever l'industrie géné- 
rale , ni de favoriser quelques manufacturiers; iJ 
s'agit au contraire d'examiner s'il peut être utile 
au pajs de soutenir, dans quelques circons- 
tances, une branche d'industrie dont la chute 
entraînerait celle d'un conmierce avantageux , 
de la soutenir, dis- je, non pas aux dépens de 
l'industrie générale , mais en faveur de cette 
même industrie. Je suppose que la France , 
possédant 1* commerce exclusif d'un pays quel- 
conque, plusieurs nations rivales cherchent à 
le lui enlever ; or , ces 'notions ne peuvent 
offrir à meilleur compte qu'une sorte de mar- 
chandises. Que fait l'administration en France ? 
Elle accorde une prime à l'exportation de cette 



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DU SYSTEME COMMERCIAL. a55 
même sorte de marchandises. Les négociana 
français peuvent alors l'élablir à un prix pliu 
modéré ; ils écartent ainsi toute concurrence , et 
demeurent seuls maîtres d'un marché qu'on vou- 
lait leur ravir, et dont on aurait peut-être fini par 
les expulser absolument sans cet acte d'habileté. 

L'exemple que je propose n'est point commd 
on pourrait le croire une hypothèse créée à plaisin 
Les Anglais l'ont réalbée vingt fois dans le cours 
du dernier siècle , et presque toujours contre les 
Français, qui n'entendent absolument rienàcette 
espèce de guerre. 

Je crois qu'il n'est pas nécessaire d'insister 
pour convaincre que les primes , au lieu de gre- 
ver l'industrie , la servent toutes les fois qu'on 
ne les détourne point de leur véritable destina* 
tion, et qu'on sait les employer., D'ailleurs, avec 
quoi les acquitie-t-OD ? Avec le.produit des droiu 
imposés sur des marchandises de luxe dont il in^ 
porte de restreindre la consommation. Les cent 
mille écus que vient de' payer un navire Arrivé 
des Indes, serviront peut'être d'encouragcanent 
à des fabriques qui s'établissent. Le: remède se 
trouve ainsi naturellement placé à câté du mid, 
et ce sont ceux mêmes auxquels on aérait fondé i 
le reprocher qui le réparent. Je ne vois pas oom^ 
pient un ordre aussi admirable pourrait en ries 
préjudicier à l'industrie. 



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.56 LIVRE I I I. 

C^wndant , je le répète , les primes donnent 
lieu à }}eaucoup d'abns. C'est une însûtutiou quiî 
ctige la plus gramle habileté , et dont il faut tou- 
jours user avec réserve. Mal employées , des gra- 
tUicatiODS auraient le double iaconvécient d'aug- 
menter les impôts , et de favoriser la paresse ou 
l'ignorance des fabricans. Bien loin de servir fin*' 
dustrie , elles en retarderaient alors infaillible- 
ment les progrés. 

Voici l'état actuel de la législation sur cette 
partie de notre système commercial '- La loi du 
S floréal an 11 accorde aux raffîneurs, pour le 
sucre en pùn qu'ils exportent , une prime de 
35 francs par cinq myiiagrammes. Cette prime 
n'est , à proprement parler , qu'une restitution 
des droits payés à l'entrée , et même elle est in- 
complète. Deux arrêtés du gouvernement , l'un 
du 9 nivôse, l'autre du 17 ventôse an 10, accor- 
dent des eocouragemehs à la pêche de la baleine 
et de la morue. Ces encouragemeus sont, pour 
la pêche de la baleine , une gratification de 5o fr. 
par tonneau , et pour celle de la morue , une 
prime de 5o fr. par homme d'équipage , quand 
cette pèche a lieu au grand banc , et de 1 5 fr. 
quand elle est faite au banc de petite pêche. In- 
dépendamment de cette prime , qui se pâte au 
départ , il revient encore aux armateurs , par cinq 
myriagrammes de morue , savoir : 



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DU SYSTEME COMMERCIAL. nSf 

I*. lafr. quand les navires cflèctucnt leurre- 
tour aux colonies , ou que la momeyest expédiée 
de nos poru de l'Océan , après avoir été importée 
en France.. 

a*. 6 fr. pour celles exportées des ports fran- 
çais de la Méditerranée , en Espagne , en Por- 
tugal , en Italie et dàlis les Echelles. 

5°. Et S fr. quand la morue est exportée des 
lieux de pèche , en Italie , en Espagne et en Por-^ 
_tugal. 

Le but de ces encQuragemens est de muldplier 
les armemens pour la pèche , aCm d'arriver ait 
point de nous passer de l'étranger , dont nous 
aommesaujonrd'huitiibutait-M.IIs ont également 
pour objet de fbi'mer des matelots , et dabS ce 
cens , ils appartiennent à cette classe de primes 
que Smith juge susceptibles do faveur , parce 
qu'elles t«)deut à accroître les moyens de défende 
nationale. Je tenuiae ceque j'avais à dit** des pri- 
mes , en priant d'observer que celle accordée à 
la pécbe de la baleine , et qui se calcule sur le 
tonnage du navire , ne peut aujourd'hui donner 
lieu k aucun abus , parce que la jeauge des b^ii- 
mens se &ic contradictoirement par deux admi- 
nistrations chargées de veiller aux- intérêts du 
trésor public , la marine et la douane. 

Ce chapitre ne contient que des observations 
très-communes , que tout le monde pouvait iâire, 
»7 



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;£» LIVRE IM. 

et tfae sans doute on a déjà faites. Il n'appreddra 
nea à bvstuxmp de lecteurs, qui ne uoDcevrbiit 
jnéme pas que j'aie pu écrire de pareille^ inuti- 
lités. Je voudrais les supprimer ; mais j'ai la 
preuve qu'il existe en France des hommes d'ail- 
leurs très-éclairés , des administrateurs , etc. , qui 
sont absolument étrangers à notre système com- 
jDQercial , et a'eo soupçonnent même pas les poiqts 
fondamentaux. Dans des ouvr^iges encore rô- 
cens, on conseille sérieusementau gouvernemeat 
d'exempter à la sortie les marchandises de fabrt- 
catioD uatiouale, (qui ne doivent rien) et de 
rendre franches à l'importation les matières pre- 
mières. ( qui ne sont pas tarifées. ) Je vais plus 
Ipia : il y a des hommes publics en France qui 
^e savent pas que nous avons des douanes. Cette 
ignorance est la preuve de l'extrême indiflerenoA 
avec laquelle ou s'occupe chez nous des iosûtuv 
Ùons qui ont la prospérité du pays pour objet. 
Ce chapitre subsistera donc , et probablement il 
trouvera des lecteurs qui me pardonneroot de 
l'avoir conservé. 

J'examinerai dans le suivant la question de« 
prolùbitioDs ; c'est la plus imporuue du système 
cyiomercial. 



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DU SYSTEME GOiVIMERClAL. 359 
-^-" -■.■■' - ' . 1 [— I — rma: 

CHAPITRE IIL 

Des Prohibilioni. 

OooiQUE je D*aie point encore parlé des pi-ohi^ 
bidons , on p«ut dès à présent soupçonner leur 
noùf et leur but d'utilité. La prohibition à la 
sortie empêche que le commerçant étranger, par 
des spéculations habiles, ne nous dépouille des 
matières premières qui servent d'aliment ù notre 
jodustrie ; celle à l'entrée écarte du marché inté- 
neur les marchandises que la modicité du prix , 
«t peut - être la supériorité de la fabrication , te- 
iraient préférer à celles de nos manufacturés. Les 
prohibitions sont ainsi doublement fitrorables à 
l^industiie indigène , puisqu'elles servent d'une 
part à l'approvisionner de matières brutes , et 
de l'autre , k ce que ces matières travaillées ne, 
Btanquent point ensuite de consommateurs. 

Les objets prohibés à la sorûe de France sont, 
fntr'autres.Iesdrilles, les bois de construction, 
le bois merrain , avec lequel on fait des tonneaux , 
le chanvre, le lin, les métiers pour les fabriques, 
les peaux de lapins , etc. Les marchandises dé~ 
Rendues à l'entrée sont en plus grand nombre. 



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3«o L I V R E I I I. 

Jlndique seulemeat les principales «spèc«s : 
Etoffes de laiae et de cotoo , ce qui comprend lé 
Casimir, le basin , le piqué, le velours et la bon- 
neterie î étoffes de goût , comme mousselineite , 
nankinette , etc. ; lalaïence , la sellerie , la quia- 
caillerie , la verrene et le tabac fabriqué. 

Les prohibitions sont -elles utiles? telle est U 
question qn'ou fait tous les jours , qu'on trouve 
discutée dans tous les livres, et qui n'est résolue 
nulle part. Je dis qu'elle n'est résolue nulle part ; 
car que prouvent des solnùons qui se contredi- 
sent , et dont aucune n'a pour elle l'évidence ? Je 
vais hasarder quelques réflexions. 

La probibition à la sortie empêche le cultiva- 
teur et le propriétaire de matières premières , d'en 
tirer un parti aussi avantageux que si la concur- 
rence était libre. On ne peut nier que cet efTèt 
n'ait lieu ; mais le préjudice que la prohibition 
cause ainsi à quelques individus , ne tonme-t-il 
pas , en dernière analyse , au profit de Hudus- 
trie nationale ? C'est œ quHI s'agit d'examiner. 

J'ai déjà parlé de l'efl^tque produirait la sortie 
des chiffons. Je suppose de nouveau qu'on la per- 
mette » non k quelques négocîans , mais à tous. 
Les chiffons valent en France 5 A", le quintal j la 
concurrence étrangère les feranionterà ao.llen 
résultera sans contredit un bénéfice très-considé- 
rable pour ceux qui vendent des chiffons ; mais 



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DU SYSTEME COMMERCIAL. î6'i 
privées de cette matière première , avec quoi s'a^ 
limeoterODt dos papeteries? Rien ne s'opposera , 
dira - 1 - on , à ce que \es papetiers s'approvbion- 
neut de chiilÔDS à ce prix. Sans doute ; mais voua 
paierez alors le papier quatre fois ce qu'il vaut 
aujourd'hui. Quel avantage s'easuWra-t-'îl pour le 
pays? 

Je vais plus loin. La concurrence ètapt libre , 
les étrangers vous enlèveront vos chifTons , et 
comme ils oat plus que vous l'aFt d'écoqomïser 
le temps et le travail , ils vous forceront à le« 
leur racheter manufacturés. Ainsi , en aduiettant 
que la vente des drilles ait procuré à la France 
cinq millions, il faudra que la France en donne 
quinze pour racheter du papier. Il n'y a pas là de 
quoi s'applaudir beaucoup , je pensa , de la des- 
truction du prétendu monopole. 

Autre exemple ; Nous prohibons à la sortie 
le bois memûn, avec lequel on fait des tonneaux 
Ce bois est très-rare , très-cher , et le plus sou- 
vent , malgré la prohibition , nous en manquons 
pour les récoltes. Quand vous en aurez permis 
l'exportation , les étrangers viendront l'enlever , 
et si vous en éprouvez ensuite la disette , comme 
il arrivera indubitablement , ils vous feront payer 
les tonneaux quatre fois, dix fois ce quHs vous 
les auront achetés. Me direz - vous , avec Smith , 
que les propriétaires de bois merrain ue les ven* 



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a6> El V RE I I I. 

drQQt pas à rétraoger, parce <}ue tîntêrêtprhê 
laissé à sa pleine liberté, porte nécessaire^ 
ment les possesseurs de capitaux h préférer 
V emploi le plus favorable à l'industrie natio- 
nale ? Croyez - moi , ne vous y fiez point , et 
gardez vos tonneaui. 

On voit par ces deux exemples que les prohî- 
Liiions à I» sortie favorisent \p consommateur en 
même temps qu'elles servent le pays. Nous nous 
convaincroDS dans un moment que les prohibi- 
tions à l'entrée conduisent au même résultat , 
relativement au pays , mais par un chemin qui 
semble contraire, c'est-à-dire, en lésant en 
apparence le consommateur. 

Nous ne pouvons aujourd'hui recevoir de l'é- 
tranger des étoffes de laine. Prenons donc pour 
exemple du casîmir. Tout individu qui veut s'ha- 
biller de cette étoffe, est obligé de la payer qua- 
rante sous par aune environ de plus que si ja 
prohibition n'existait point. C'est saos contredit 
un inconvénient. Voyons si quelqu'avantage ne 
le rachète pas. 

Remarquez d'abord que , sans la prohibition , 
TOU£ n'auriez point de casimir français; earilest 
évident que , ne pouvant soutenir la concurrence, 
les fàbricans seraient ruinés ; et chacun d'eus en- 
traînerait -dans sa perte un grand nombre d'où* 



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DU SYSTEME COMMERCTÂL. a6S 
mer» « - dont la meadidié deviendraU rwoique 
ressource, 

, Je prie d'observer, en second lieu, que les ca« 
nmirs ÎDirodaits de l'étranger dans le pays , de-' 
'paient être payés d'une manière quelconque. 
Aujourd'hui , par exemple , ils ne pourraient l'être 
qu'en numéraire. Les partisans du système que 
je combats ne cesseront de répéter que ce n'est 
point un mal , parce qu'un capital eu Casimir sert 
autant le pays qu'un capital en argent ; et moi je 
ne cesserai de soutenir qu'un pareil paiement se- 
rait très-onéreux à la France , parce qu'avec son 
capital en argent elle aurait créé d'autres capi- 
taux productifs, tandis que son capital en Casimir 
ne créera rien et s'anéantira très - promptement : 
c'est maintenant au lecteur à prendre un parti, 

' Mois en admettant que le capital en numé- 
riûre avec lequel vous pourriez payer le ca|)ital 
en oasimir,ne fût pas plus utile que cetui-ci , tou- 
jours est^il qu'il aurait été plus avantageux de se 
procurer ce Casimir dans lepaysméme, puisqu'a- 
lors l'opérauon eût appartenu au commerce inté- 
rieur, et que chaque opération de ce commerce , 
d'après Smith , remplace deux eopitaux natio- 
naux. Certra, le bénéfice qui en serait résulté pour 
le pays dédommagerait bien le consommateur 
des 4o sous que lui aurait coûté de plus par aune 
dp Casimir saticmal peut-étrt «d peu moioS'bfaa.- 



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26i L 1 V R E r I I. 

Les proliîbitions à TeotréeMMit, dit-.on , des 
moDOpoles îmagiiKS eu faveur des manuCicbi- 
riers, coaire Les consomiiuiteurs : point du tout. 
Les prohibiiloiis serveot le» coDsoramateura 
comme les maoufacluriers , par la grande raùeB 
qu'elles serveot le pays. Ce fabrioaut de casimir 
que DDUs avons ruiné en pemeitaiit l'entrée des 
marchandises anglaises, u'était-il pas coDsomm»< 
teur comme vous, et même beaucoup plus que 
vous? Ne faisait-il pas travailler , avec les pro- 
fits de son industrie, uee foule d'ouvriers qui 
seront désormais réduits à la misère ? N'avatC - il 
pas des capitaux qui vont s anéantir ponrlepays? 
?{'entreiGnait - il pas par son luxe , par ses dé*: 
penses , un nombre considérable d'individus ?et- 
vous tout le premier , peut-être , qui êtes ou son 
géreur , ou son commis , ou l'iDstitateor de sea 
enrans,ou sou architecte? Vous voy«zdoncHen< 
qu'en lui retirant les moyens de travailler, sous 
le prétexte de faire gagner quarante sous par 
auae à tous ceux qui achètent sou casinur , vous 
nvez ruiné non - seulement Im qui I* &biique c» 
Casimir, mais encore plusieurs de ceiixqiû l'an- 
raient.acheté, puisque ceuxrlà mèines devaientà 
ce fabncant une partie d« leurs moy«is d'exi»- 
tence. 

Que £iiies-vous quand vous achetez .du casimir 
anglais ? vous donnez du soutien à l'iodusirie du 



ji-vGooglc 



DU SYSTEME COMMERCtAL. aSS 
pea^Ie tpii le produit. EU bien, payez-le sans re- 
gret quarante sous de plus par aune , et procurez 
dutraTÙl à des Français qui sont vos compa- 
trioiee» *t que vous préf^'CB saas doute à de» 
étrangers. 

'Mais est-il dose oéceasaire , me demande t-on , > 
que des manufacturiers français fabriquent du 
Casimir? «i puisqu'ils ne peuvent |>as l'établir' à 
ausei bon morclié que d'autres peuples, ne vau- 
drait-il-pas beaucoup mieux qu'ils exerçassent 
Jeun industrie plus utilement ? 

Plus utilement ! et sur quoi voal«z-TOUs donc 
qu'il» Texertwnt ? Fabriqueront - ils , comme il y 
deux siècles , des étoffes -à fleui-s et à ramages, 
dont persDone ne «e souciera , ni vous , ni les 
étrangers ? Vous avez contracté le goût du casi- 
imr : ils cbercbent à le satisfaire. Us ne peuvent 
mieux employer, lours capitaux. Je dis plus : tl* 
n'ont que ce moyen de lesemployer^car enfin « la 
coosommation a des borneSiCt s'ils ne itibriquent 
paa du casim^ , ils ne fabriqueront- rien du tout. 

H Au moyen de serres chaudes, dit Smith, (i) 
» -de couches , de châssis de; verre , on peut &ire 
» crt^tre en Ecosse de Ibrt bons raisins, dont on 
u peut faire aussi de fort bon via , avec trmte 
» fois peut- être autant de dépense qii'il en coû* ■ 

(i) Tome in» pt|« 64 ■■ • 



ji-vGooglc 



a66 LIVRErtt 

M terail pour s'en procurer de tout anssï bon de ' 
» 1 étranger. Or, trouverait-on bien raisonnable 
• un règlement qui prohiberait l'importation' de 
» tous les vins étrangers, uniquement pour en- 
» courager à faire du Bordeaux et du Bourgogne 

> eu Ecosse? » 11 faut avouer qne voilà un sin- 
gulier rapprochement. Or , Smilh en lïre la'con- 
séquence : « que quand un pays a sur un autfe la ' 
^ supériorité de la fabricstion , il est toujours 

> plus avantageux pour celui-ci d'acheter du pre- 
>» mier que de faire soi - même. » Conclusion 
fausse , destructive de toute industne , et qui re- 
vient au raisonnement suivant : L'Angleterre fa- ' 
brique le casimir mieux que la France ; donc il 
serait contre lïntérét de la France de chercher' à 
en fabriquer elle - même , afin de se passer un' 
jour de l'Angleterre. Ce raisonnement tne paraît 
très- peu concluant , et je crois qu'il ne peut être 
goûté que par un Anglais. 

Au surplus, le pays qui voudrait suppléer , 
par des moyens factices , à des productions étran- 
gères qu'il ne pourrait établir chez lui qu'à grands 
frais , ne ferait point une mauvaise o[>ération , s'il 
n'avait pas d'emploi plus utile à donner à ses ca-- 
pitaux ; mais l'exemple cité est ridicule , parce' 
qu'il porte sur des productions du sol qu'on ne' 
peut jamais remplacer. Je suppose donc qu'une 
nation riche de cent millions en 'numéraire 'a 



ji-vGooglc 



DU SYSTEME COMMERCIAL. 267 
trois nÙIlîoDS âe fonds morts, et beaucoup de 
bras à employer. Une Dation voisine fabrique uoe 
étofTe nouvelle , dont l'usage panrït devoir s^n- 
troduii'e chez la première : je demande quelle 
conduite celle-ci doit tenir. 

La question est délicate j réfléchissez-y bien. 

Je la résous d'après les principes de Smith, et 
je dis: 

i^. Un capital de trois millions en numéraire 
n'est pas plus uùle qu'un capital de trois millions 
en étoffes. 

3°. Quand une nation est en possession d'une 
fabrication quelconque , il vaut mieux acheter ches 
elle que de fabriquer soi-même. 

Donc In nation qui a trois nùllions dont elle 
ne se sert point, n'en peut faire un meilleur em- 
ploi que de l'échanger cootre une pareille valeur 
en étoffes ; et le marché se conclut eutre les deux 
nations. 

Au .moyen de cet arrangement, l'une est plus 
riche de trois millions en numéraire , et l'autre 
de trois millions en étoffes ; mais quand ces trois 
millions en étoffes sont consommés, il se trouve 
que la nation quï a placé ainsi son argent n'en a 
plus à employer de la même manière ; et là voilà 
désormais réduii:e ou à se passer de la marchan- 
dise .dont elle s'est fait un besoin , ou à se la pro- 
curer en, aliéuaut ses capitaux. 



ji-vGooglc 



a68 L I V R E I r T. 

Je résous maînteDant la question d'après les 
priûcipes établis daos cet ouvrage, 

i". Le numéraire est le plus précieux des ca- 
pitaux , parce qu'il les crée tous. 

3°. Toutcommerceextérieurestruineuxqaand 
il se fait en argent. 

En conséquence , la Dation citée pour exemple 
commence par prohiber la marchandise dont elle 
prévoit que la consommation lui enlèvertiit son 
numéraire. Ensuite , comme elle a quelques mil- 
lions qui dorment et des bras inaciifs , elle em> 
ploie les uns et les amrea à la fabrication de cette 
même marchandise. Ses premiers essiûs ne sont 
pas brillans ; cependant elle s'en contente. Peu k 
peu cette partie de son industrie se perfectionne , 
et bientôt elle parvient à établir la marchandise à 
un taux à peu près aussi avantageux que la nation 
voisine. Alors elle en possède la fabrication ik 
jamais. Elle est plus riche , puisqu'elle a plus de 
travailleurst et elle ne dépend de personne. 

Cette nation, dans la conduite que je lui prête , 
me paratt écononake et prévoyante. J'y vois l'image 
de la France^ écartant de ses marchés des objets 
étrangers qu'elle peut Ëibriquer elle - même; et 
je nesaurùs croire qu'on préfère h cette politique 
sage et justifiée par l'expérience , la conduite lé- 
gère d'une nation qui, ne voulant ptûnt se con- 
tenter de ses propres producùoiu , aliénerait ses 



ji-vGooglc 



DU SYSTEME COMMERCIAL. 269 
capitàui pour s'en procurer de plus parfaites. 
Sinilh emploie pour justifier la nation qui 
achète à l'étranger les objew qu'elle ne peut pas 
établir à un prix aiBM modéré , des argumeos 
brillans , mais faux , contre lesquels je dois pré- 
munir le lecteur. < La maxime de tout chef de 
» famille prudent (1) est de ne jamais essayer 
» de l^ire chez soi la chose qui lui coûtera moins 
» à acheter qu'à faire. Le tailleur ne cherche pas 
s à faire ses souliers , mais il les achète du cor- 
» donnier ; le cordooaîer ne tâche pas de faire 

» ses habits , mais il a recours au tailleur 

» Ainsi, quand. un pajs étranger peut nous 
^ fournir une marchandise à meilleur marché 
* que noua ne sommes en état de l'établir non»* 
» mêmes, il vaut bien mieux que nous la lui 
D achetions. > Ces rappt-oâhemens , d'ailleurs 
très-ingénieux , ont le grand défaut de ne point 
-s'appliquer à la question ; Smith n'en tire , par 
cette raison ,que des conséquences erronnées. Le 
tailleur ne cherche point à faire ses souliers t 
pourquoi? parce qu'il ne pourrait se livrer à ce 
travail sans penlre un temps très -précieux, qu'il 
sait employer plus ntllemeut. Aussi ne sera-c« 
point Un imprimeur , par exemple , qui cher- 
chera à faire du caûmir , ce qui serait extrava- 

( I ) T«m. ni , ps|;. il. 



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stjo L 1 V R E X ï L 

gant ; mais un fabricant de lainage y auquel il 
reste des capitaux iùactifs. Or , ce f»bricant , qui 
«e Hvre ainsi à ud nouveau genre dladustrie , ne 
renonce point pour cela à celui qu'il exerce dès 
à présent } seulement au lieu d'occuper ànquante 
ouvriers , il en emploie soixante. C'est une aug- 
mentation de travail pour lui comme pour la na- 
tion , et par conséquent une augmentation de ri- 
chesse. Remarquez bien , je vous piie , qu'il n'a- 
vait que ce moyen d'utiliser ses capitaux ; car il 
làbriquait en draps de quoisutfireaux demandes. 
11 fallait donc qu'il fabriquât du Casimir, ou qu'il 
ne fabriquât point. Décidez : que vouliez - vous 
qu'il fit? 

Mais il est évideot que ce fabricant n'aurait pu 
soutenir la concurrence de l'étranger , si vous 
aviez admis celui-ci dans le marché intérieur. 
Or , vous l'écartez par une prohibition ; il n'y 
a pas de mesure plus conforme à vos vrais înté^. 
rets. 

Pour que le rapprochement très-hrillant , mais 
très - faux , de Smith , fût susceptible d'applica- 
tioD , il faudrait, i^. que les capitaux du pays 
fussent tous employés; a*, que ce pays n'eût pas 
un seul oisif. Or, ces deux suppositions sont 
inadmissibles , et du moment où il restera seule- 
ment un capital de mille écus et dix fainéans , je 
demanderai toujours pourquoi on n'emploierait 



nGooj^Ic 



DU SYSTEME eOMMERCUL. a-^ 

.pas ce capital et ces faloéans à produire du oaà- 
iair,,plu0tque de les laisser. ioactifs. 

Smith nous persuadera-t-^I , avec son cordoo- 
uier qui se ruine en faisant ses habits, qu'il pas- 
sera par la tête de nos- imprimeurs, de nos tan- 
neurs,, de nos architectes, etc., d'abandonner 
leur profession , quand ils y sont sufUsamment 
occupés , pourentreprendre des essaisde casimir? 
Mais cela est absurde. 

L'exemple du chef de famille, dont la maxime 
est de ne jamais essayer de faire chez soi la chose 
qui lui coûtera moins à acheter qu'à faire , con- 
duit à la même solution , et bien plus rapidement* 
Certes , un chef de famille dont tous les enfans 
feraient utilement occupés , aurait grand tort de 
les détourner d'un travail avantageux pour les 
employer à faire leurs habits , ou tel autre ou- 
vrage intérieur ; mais tint qu'il y a parmi eux 
quelques oisifs , c'est une très -grande économie 
pour la maison qu'il tire parti de leur temps, 
Ainsi , en supposant que dans une famille de 
huit personnes , il y ait deux filles que les travaux 
du ménage ne réclament point , ce sera un grand 
profit pour cette petite république, qu'elles s'oc- 
cupent à filer la toile avec laquelle leur mère et 
leurs sœitrs s'habilleront. C'en sera un également 
qu'elles la façonnent ensuite elles - mêmes , ainsi 
Que leurs robes et leurs ajustemens , quoique 



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373 L I V R E I I I. 

des couturières les ilssent beaucoup mieux et en 
bieo moins de temps. iJbe famille qui aupaifcet 
•ordre inférieur mériterait sans doute d'être nûiil- 
■méè sage et économe. Eh bien , ce qui est sagesse 
«t économie dans une Aimille , doit être aussi sà- 
'gesAe et ëconomie dans une nation ; et je vous lè 
'ilemande de bouveau , en connaissez - tous une 
«enle où il ne reste des capitaux et des bras 
oisifs? 

■ Les gouvernemens, dit M. Canard î (71.) 
n s^nquiètent de voir qiie les Individus se four- 
M nissent , pour leur consommation , de marchan- 
> dises étrangères. Ils s'imaginent qUe ces imi- 
n portations fontlanguir les manufactures natit^ 
R nalés t font sortir l'argent , et diôainlient Iti 
» niasse des ricHessçs. Mais il faut considéra 
» que toutes les fois que l'on préfèrfe tes itiaf- 
p clumdbes étrangères à celles du paj^ , ééit 
» que les étrangers les vendent moins cher', k 
» qualités égsJes , que les industrieux nationaux. 
» 11 en faut alors conclure qu'il eigt pliïs avanta^ 
» geux pour la nation que cette marchandise toit 
» faite par des mains étrangères ; et si les iùdus- 
» trietix ntitionanx , malgré l'avantage qu'ils O^t 
» toujours sur les ouvriers étrangers , leur lais- 
H sent le cltamp libre , c'est qu'ils ont trouvé 
» plus avantageux d'appliquer leur genre, a'iii- 
M dusirie à une autre branche^ c'est qu'culiu ils 



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DU SYSTEME COMMERCIAL. 275 
" 8M"**" davantage à faire autre chose. » Ib 
gagnent à faire autre cliose! mais cène aonipoiia 
les ourrient qui gagnaient à fiiire autre cUose , 
qu'on a été chercher pour fabriquer du ca»mir : 
«t ces ouvriers, auxquels vous procurez tout à 
TOtre aise de Touvrage , gagneraient si peu à faire 
autre diose, que si vous les empêchez de fabri- 
quer du Casimir , ils mourront de faim. 

La prohibition des bleds , sur laquelle On a tant 
^rlt, doit se juger d'après des principes beau- 
coup plus rigoureux que celle des autres matières 
premières. Celle-ci est bien autrement.précieuse, 
puisqu'elle assure la subsistance publique. Ce- 
pendant , il est des circoastances où l'exportaliou 
ne saurait, être un mal ; mais on . n'^n pourrait làire 
un.pnncipe çonstantde législation, satiss'expQser 
aux plus grands désastres. 

. La liberté des. grains favoriserait l'agriculture 
aux dépens de l'industrie , parce que le bled de- 
Tenant nécessairement, plus cher par Ja concur- 
rence des acheteurs , tous les salaires augipçqte- 
raieot. Les cultivateurs gagnant plus d'un çôt^, 
dépenseraient davantage de l'autre : jusqi^'ici je 
n'aperçois aucune utilité réelle. 

La valeur du bled exporté rentrerait , il e^t 

vrai , en. marchandises ou ei) numéraire^ mais cet 

marchandises et ce numéraire, nous pouvons nous 

Ia^ procurer avec les productions de notrç indiis- 

18 



ji-vGooglc 



a74 L 1 Y R E I 1 I. 

trie , et beaucoup plus sùremeot , beaucoup pltlS 
constanuneDt , parce qu'en maûcre de fabrique^ 
il D'y a point d'aDoées de disette à craindre. Sup- 
posez une pareille aunée et l'exportation libre , Isi 
étrangers accapareront vos bleds ; ils les accapa» 
reroDt même dane des années d'abondance. Vous 
leur rendrez alors en un an ce que vous aures 
gagné en dix : heureux si la pénurie n'amène . 
pasdcs bouleversemens dans le corps politique! 
Car le peuple est , dans tous les pays , porté à h 
révolte , et quand il manque de pain, cette dispo^ 
ntion se change en frénésie. 

Si tous ceux qui conseillent de laisser sortiv 
librementlesgrains, répondaient sur leurlétedei 
effets d'une mesure aussi délicate , je doute qu'ils 
fiissent très-empressés à en solliciter l'eiéeutiouj 

On a écrit deux cents volumes sur la libre ex-* 
portation du bled. Je n'ai pas prétenda résoudre 
une question de cette importance en deux pages; 
D'ailleurs , elle appartient plus à la poliliquS 
qu'au commerce , et s'écarte par conséf^ent dtt 
noD sujet. Je m'empresse d'y rentrer. 

Il Doe reste à examiner conuneot Smith juge 
quelques prohibitions fameuses , en leur appli- 
quant ses principes. 

Smith condamne la prohibition du Dumerainf 
à la sortie. C'est une conséquence de sa doctritie 
dans laq^ielte cent miile £raaes en argent ne ser» 



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DU SYSTÈME COMMERCIAL, s^â 
Vept fas plus le pays que cent inille francs en 
marcbandises. Quoique je n'approuve assurément 
point celte manière de considérer l'argent , la 
prohibition du numéraire me paraît «n «t^nérai 
peu utile. Il importe sans doute d'empêcher qull 
ne sorte ; mais ÏI faut en pfévenir l'eiportatioa 
Botrement que par une prohibition qu'il est d*ail- 
Jeurs bien difïicile de faire exécute*-. Lorsque 
toutes les parties de votre système commercial 
seront bien eu harmonie , le pays n'achètera à 
l'étranger que dans la proportion de ses ventes. 
La prohibition du numéraire deviendra ainsi sans 
objet. Mais tant que la nation aura à payer une 
solde en numéraire, il faudra néctàsairement 
qu'elle l'acfjuitte, et la prohibition ne servira 
qu'à lui rendj-e la Êraude familière , en lui faisane 
un -besoin d'y recourir. 

Ces observations généralement fondas sont 
susceptibles (}e quelques modifications , suivant 
Je» circonstances. Dans des momens de troubles, 
ou au conamencement d'une guerre , quand heau- 
.coup d'individus sont disposés à s'expatrier , il est 
Mge de prohiber la sortie du numéraire. De 
grosses sommes franchissent alors assez difîiàlfc- 
ment les bari-ières, parce que l'on connaît le» 
passages , et que le service des lignes redouble 
d'activité. Pour éviter les dangers de la contraven- 
tion, les parùculiera aiment nùeui convertir le:u- 



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ii7fi L ï V R E 1 I I. 

argent en marcliaodises nationules qu'ils expor- 
tent , et sur lesquelles ils consentent à perdre 
cinq ou six pour cent. Au commencement de I* 
révolution , il s'est fait quelques envois de ce 
genre ; il est 1res - fiiclieux qu'ils n'aient pas été 
beaucoup plus considérables. 

La proliibitioD du numéraire à la sortie d'Es- 
pagne est la plus ridicule et la plus absul'de que 
je connaisse , non pas parce qu'elle a pour objet 
'd'empêcher que le numéraire ne sorte , mais parce 
qu'elle n'empêche pas qu'il ne sorte. 

Smith , généralement si contraire aux prohi- 
bitions , s'y nlODtre favorable relativement à 
l'importation des métiers propres aux manufac- 
tures. En France , nous les prohibons à la sortie , 
parce qu'il ne nous paraît pas ti-ès-utile d'enrichir 
les étrangers des moyens que nous avons d'éco- 
nomiser le travail. Smith incline , lui , pour qu'on 
les prohibe à l'entrée. Cette opinion est bien 
extraordinaire. 

Lorsqu'il s'agît de métiers dont tout le monde 
connaît le secret , il serait effectivement ioutila 
d'en favoriser l'importaûon ; mais l'exportation 
doit toujours en être prohibée , malgré Smith , 
qui s'élève avec force contre les peines auxquelles 
elle donne lieu en Angleterre, (i) La fabrique 



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DU SYSTEME COMMERCIAL. 277 

de bonneterie de Ly<Hi pl'ospériiit à l'époque oi» 
Louis XV permit l'exportation des métiers. L'Es- 
pagoe , le Portugal , la Russie , l'Allemagne et la 
Pinisse en tirèrent liuil cents de cette seule ville , 
et ne demandèreot plus de bas, (1) Aussi ses fa- 
briques éprouvèreDl-elles, un échec terrible , quq 
bien des années n'ont pu réparer qu'imparfaite^ 
ment. 

Je trouve dans une note du traducteur da 
Smith , des détails très-iutéressans sur la prospc' 
rite croissante de la Kussie. L'importation de» 
draps s'y étant élevée, en 1796, après de six mil- 
lions de roubles en valeur, Paul I*^ crut devoir en 
encourager la fabrication. Le traducteur nous ap- 
prend lui - même « que les peuples nomades dea 
M frontières de la Chine , qui n'étaient pas dans 
» l'usage de tondre leurs troupeaux , fournirem 
» aux nouvelles manufactures du pays de quoi 
» remplir leurs magasins pour deux ans; qu'ainsi 
» Paul 1*' donna de la valeur à un produit qui 
j> n'eu avait aucun. » Une mesure qui conduit a 
, pie. pareils résultau , fait certainement l'éloge d* 
l'administration qui la prescrit. Eh bien , l' auteur 
■ de la note n'y voit qu'une conséquence de la 
doctrine mercantile qui subjugue tous les gou- 



uaitemtnt <lu RKône, 



■vGoo^lf 



378 L l V R E I I I. 

vememens de £ Europe. Que voulex-rous que 
je lui réponde ? 

' ' Smith s'<-teaâ beaucoup sur I» proliibition des 
laÏDes à la sortie d'Angleterre. C'est de toutes les> 
prohibitions celle r|ui a donné lieu ans lois les 
plus sévères j aussi la blâme - 1 - il sans niénuge- 
mcnt. On est oaturcllémeot porté à induire de 
là que la libre exportation serait , au moins selon 
Smith , trcs-avaotageuse à l'Angleterre ; et l'on 
pourrait, en effet , trouver fort extraordinaire 
qu'il ne pensât pas ;jinsi. Or, on va voir dans 
quelle contradiction il tombe. 

Le motif de la prohibition des luines est la 
grande utilité de cette laatïère premièi'e , avec 
laquelle l'Angleterre occupe deux millious. et 
demi d'individus , ( le quart de sa population ) et 
manufacture pour une valeur annuelle de quatre 
cent quarante millions de francs. Ce, motif ne 
semble d'aucun poids à Smiih ; il veut que I« 

commerce des laines soit libre. 

% 

Mais si ce oommen-ce était libre , la France et 
toutes les nations qui ont des manufactures dé 
lainage, iraient s'en approvisionner en Angle- 
terre; Le pays se verrait ainsi enlever des ma- 
tières indispensables à ses fabriques. Les expor- 
taùoQS eo.étofies de laine , qui vont au)Ourd'hni 
{1 plus de deux cent nùllians 1 seraient peut - êtrO 



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DU SYSTEME^ COMMERCIAL. 279 
Fv4uit«3 au-qluf L3 peut-être faudroit-ily renoncer 
absolumeDt. 

. Saos doute , celte liberté , qui serait si funeste 
à l'ioduslrie, tournera du moins au profit de l'ai 
griculture. Les propriétaires de bestiaux les.miJ- 
tiplieront'. Ils augmenteront ainsi le produit des 
récoltes , et l'Angleterre trouvera , en vendant 
des produits bruts, ce qu'elle aurait gagné eq 
ycodant des productions manufacturées. Point 
du tout : Smiih se donne la peine de nousinfor- 
mer c que si la quantité des produits annyiels « 
» pu se ressentir quelque peu des réglemens 
M proliibilirs , elle ne s'en est pas trouvée beau- 
» coup dihalnnée. m"(i) 

Il est difficile après cela d'apercevoir comment 
la liberté du commerce des laines , ne devant pa» 
augmenter la production, pourra dédommager 
des pertes de l'industrie. Peut-être encore cette 
liberté , en rendant la concurrence plus grande , 
donnerait-elle au moins aui cultivateurs la facilité 
de vendre plus cher? pas davantage. En effet , la 
eoncurrence est dès à présent poussée aussi loin 
qu'elle, peut s'étendre, parce que la production 
est très- inférieure ara demandes, (û) / 

( ■ ) Tom. m, png. 483. 

ta) Cest le Iraclucteiir de Smitli lui-mènie qui non* 
informe «!• cette païUcularité dao» s» 18' ii«lB h î** 
aoelle je lenTOtC] 



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38o . L I y ÏV E J l ï. 

D*UD outre côté, Smith assure que la prohi- 
liilioD n'influe eu rien sur la qualité de la laiue , 
les soins qu'on donne à l'animal pour bonifier 
son corps bonifiant aus» sa toison. 

Ainsi , la liberté du commerce des lùnes ne 
contribuepait ni à augmenter le prix de cetie 
matière première , ni à multiplier sa reproduc- 
tion , ni à en améliorer la qualité. 

Son résultat unique sera donc d'enlever à 
l'Angleterre une exportation annuelle d'étofles 
de lafne , estimée plus de deux cents millions. 
Or , je demande comment l'Angleterre réparera 
une perte aussi considérable; je le demande au 
traducteur de Smith , qui voit partout les fâcheux 
effets de la doctrine mercantile de l'Europe , 
m^me quand cette doctrine enrichit évidemment 
les états , comme l'exemple de la Russie nous l'a 
prouvé. 

Je demande surtout ce que deviendront les 
deux millions et demi d'individus qui sont main- 
tenant occupés à manufacturer les laines. Us tra.' 
vailleront à la terre , me répond le traduc- 
teur de Smith. Ils seront ainsi bien plus 
utiles J me crient tous les économistes ; ils 
donneront un produit net. — Us travailleront 
à la teri'e ! vous vous chargerez donc d'augmen- 
ter pour eux le territoire de la Grande-Bretagne. 
ï4on , ils ne travailleront point à la terre ; il* 



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DU SYSTESïe' GOTiiMEàciAL. aB^i 

mourront de faim , et c'est votre doctiiiie crrblir, ' 
ïiée et crueilè quieo sera la cause. 

Après avoir prouvé , comme il le feit , que là 
libre exportation de la laioe n'en aagmenteraît ni 
la production , ni la qualité , il me paraît incom- 
préhensible que Smith ait pu s'élever contre la 
prohibition. Je ne conçois pas qu'on pousse ja- 
mais l'aveuglement plus loin. 

Que penseraît-OQ en Angleterre d'un membre 
du parlemeat qui dirait aux chambres assem- 
blées : « Messieurs, votre commerce d'étoffes dà 
» Jaine crée annuellement une valeur de quatre 
j> cent quarante millions ; il occupe deux mil- 
» lions et demi d'individus. Vous devez tous ces 
u avantages à la prohibition de la laine. Je de-* 
» mande la suppression de cette prohibition. > 

Je suppose qu'on lui laisse la parole ; il con- 
tinue : 

• Vous croyez , peut-être, messieurs , quie la 
» libre exportation vous dédommagera des pertes 
» de l'industrie. Il faut vous détromper : la li* 
n berté n'augmentera ni la production , ni la qua- 
» lité , ni le prix de la laine ; et quand vous auret 
» adopté ma proposition , il vous restera à don- 
» ner du travail à deux millions et demi d'ou- 
» vriers , et un commence de quatre cent qua- 
» rante millions à rétablir. » 

Je doute qu'on fût curieux d'en entendre da- 



ji-vGooglc 



383 t I V R E I 1 1 

vanU^ , et probablesteot l'orateur aurait méâîoi> 
crement à se louer de sa harangue. Or , cette hk'r 
raogue est mot à mot dans Smilii. Faut>il Vétoo- 
ner après cela que les Âuglais le prisent si peaj 

Au surplus , Smith , qui partout ailtetirs s'élève 
contre les: droits , pense qu'il conviendrait' de 
substituer à la prohibition des laines une forte 
taxe. C'est ce qu'on appelle transiger avec ses 
principes. Smith n'est pas conséquent. La libcné 
du commerce des laines est utile oui ou non. Si 
elle est utile, il la faut pleine «t entière^ si elle 
ne l'est pas , il faut l'interdire. 

Smith a eu occasion de parler de Montes* 
quieu , et l'on imagine bien qu'il n'en parle que 
pour le rc-futer. Cependant il y met des égards 
et n'innsie point. Le traducteur de Smiili insiste^ 
loi , beaucoup plus. < Jl n'y a pas jusqu'à la dé- 
» fense d'exporter les laines , (i) jusqu'à celle 
» de transporter le charboa de terre autrement 
H que par mer dans la capitale , et autres réglei- 
N mens de cette espèce dont Montesquieu n'ait 
» entrepris de faire honneur à la poltùque au- 
s glaise. » Sans contredit ; oii est le m^al 7 De 
«e que le traducteur de Smith ne partage pas 
l'opinion de Montesquieu dans une malièreoù 
presque tout est encore problématique , s'en»uit- 
-^-— ■ ■ ■ »— 

( 1 } Tome V, note 31., paga ao3. .. 



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DU SYSfTEME COMMEKCIAL. a85 
îl abMlameDt quC' Montesifuieu se soit troupe ^ 
Mdntesquieu loue la proliibitïoo des laioec ,' 
pwer qb'elle a eODtnbué à la richesfie de I'Âd- 
gteterre. lia raisonné en cela d'aprèsl'expérïeace,' 
qi^'îlvBBt toiijoura mieux consulter que les livres ; 
ec quant à la défense de transporter le charbon- 
diins la capitale autrement que par mer, qui nous 
dit que ce règlement n'a pas un objet politique ? 
qui ^nous .dit qu'il n'a pas été rendu dans la vue 
d'accroître la marine de l'état? sernil-ce doacua< 
règlement si absurde que celui qui [H-octu«rait> 
à un pays maritime les matelots indispensables' 
à «a défense ? et Smiib ne fait-il point pressentir 
qne tel a été effectivement le but de celui sur 
Ift troDsport du cbai'bon de terra? k Le eom-t 
» 'luerce deS' cbarbons , qui a lieu de Newcattle 
» à LondiTes,(i) emploie plusde bâtimensettte. 
«'matelots que tout le commerce. de transport 
M. de l'Augleterre. » ?t'en doutons point : ce ré-' 
glemeot est très-sage , et quand Montesquieu ea 
lâisait Itoaneur » la politique anglaise, il avait 
d'excellentes raisons pour cela. 

« 11 est remarquable , poursuit le tradoeteu* 
»,de>Smitli, de votmn é<»'ivain français touri 
» memerson esprit et sa raison pourexaherla 
« police.abenrde et oppressive de TAngleterre * 

{ij TonwII.pBge ^s. 



ji-vGooglc 



»84 t I V R E 1 ï r 

» et l'auteur aDgIaîs supérieur aux préventhoos^ 
» nalicMutes comme aux préjugés de l'babitudev 
» exposer au plus grand jour les vices et les i[i<> 
■ coovéuieDS de ce système ruglemeotaire. > l\ 
y. a quelque chose de plus remarqunble : c'est do- 
voir uu écrivain fraoçtiis , traduisaot Soûih, tour- 
menter son esprit et sa raison , pour exalter 
uu écrivaÎD aoglais aux dépens de Moutesquieu. 
Smith accuse Colbert d'avoir le pccmîer douutt 
l'idée des prohibitions, (i) Smitli oublie que l'acte 
de navigation est antérieur à Tadmiaisiration de 
Colbert ; et quelle prohibition que cet acte ! 
Quatorze pages plus loin , Smith nous apprend 
que les moindres droits auxquels fussent assujéties 
les marchandises de France , avant la guerre do 
1779, étaient de soixante-quinze pour cent. Je 
lis dans un mémoire encore récent du commerc^L 
de Bordeaux, que les droits imposés à reni4:é& 
d'Angleterre , sur nos vins, s'élèvent à cent trente-» 
deux pour cent de la valeur \ ceux sur les eaux*> 
de-vie à cent soixantC'trois sept onzièmes I « De 
> leur côté , ajoute Smidi , les Français ont }« 
» crois maltraité tout autant nos denrées et noK 
» manufactures. » Smith se trompe. Nous avons « 
comme l'Angleterre , prohibé les marchandise» 
qui pouvaient porter un coup mortel à notre in- 

,(> ) TQKie 111, pa^e 83. 



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DU SYSIÏME COMMERCIAL. »B5 

dustrie'; mais jamais on n'a perçu , en France , 
des droits aussi monstrueux. Cent soixante-trois 
«ept onzièmes pour cent de la valeur ! Je rap- 
idité que les plus forts droits du tai-if actuel sont 
dé aoà aSpour cent. Après cela,il esitrèi-curieux 
d'entendre Smith vantei' n la liberté générale dd 
M commères de l'Angleterre, (i) liberté au 
u moins égale à ce qu'elle est dans tout autre 
» pays. )t 11 n'y en a point où les gênes et les en- 
traves soient plus multipliées qu'en Angleterre. 
Les objets fabriqués , dont l'entrée y est permise, 
ne sont admis que par certains ports. Ils ne peu- 
vent ^re chargés que dans des balles du poids db 
plas'de deux cents , ne contenant que la mém« 
espèce d'étoffe. Les marchandises étrangères 
trouvées dans l'intérieur du royaume , sans mar- 
^e qui indique l'acquittement du droit d'entrée , 
sont confisquées , avec amende de cent guinées 
par pièce. Les contrefacteurs de marques sont 
punis de mort, (3) etc. Je ne blâme point les 
Anglais d'avoir fait de telles lois. Au contraire ; 
mai» je trouve étonnant que Smith vante la li- 
berté du commerce de son pays, tandis qu'il 
n'y en a point où le commerçant soit aussi gêné , 
«ussî accablé de formalités qu'en Angleterre. 

( ■ ) T«in. ni , pag. lîgî. 

(î) Voy» le MémoÛA dt H f onttfRRjr de Kouénsurle 
THitida 17S6. 



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586 L I V R Elit 

Smiih consâdère l«s proliibitions comme Aei 
mesures hostiles qui amènent dps représailles « 
et dont l'etfetestde causer un préjudice à toutes 
les Dations. I^es prohibîttous ne sont point des 
mesures hostiles , et les uiitioas qui les envisagent 
ainsi s'en font une idée fnusse. Quand Colbert 
arriva au ministère , il trouva la France dans un 
état de dénûment absolu. Il lui interdit des dé- 
penses qu'elle était hors d'état de continuer. Se» 
lois furent des lois somptuaires , non des actes 
d'hostilité, et je pense après tout qu'une nation 
n'est pas plus coupable de s'interdire des produc- 
tions qu'ellen'a pas le moyeu de payer, ou qu'elle 
ne peut payer qu'en se ruinant, que ce le serait 
un particulier qui s'interdirait le vin ou les spec- 
tacles par des raisons d'économie. 

Je ne nie point cependant que les prohibitions 
n'entraînent quelquefois après elles des inconvé- 
niens. C'est le sort attaché à toutes les institu- 
tions j mais les inconvéniens des proliibitions ont 
été eiagérés. Nous vendons toujours autant de 
vin , autant d'eau - de -vie , que si le commerce 
étJÛt libre, et nous fabriquons de plus beaucoup 
de marchandises , qu'il faudrait , sans la, prohi- 
bition , acheter à l'étranger. 

Je dis que nous vendons toujours autant de 
vin j car le traité de 1786 avec l'Angleterre n^en 
fit pas ejjporter une barrique de plus , quoique 



ji-vGooglc 



DU SYSTEME eOMMERCIAL. iSj 
les droits fussent réduits à moitié. Je renvoie itux 
mémoires du commerce de Bordeaux , où ce fait 
très-inicressaot est coiisigoé. 

Des prohibitions di.'term)nées , non par des 
Iwines Dalloaales , raaiâ par l'iotérét des peuples ; 
soDt toiijonrâ otites ; seulemeat il faut les res- 
treindre daus de justes bornes. Le mal toucbe nu 
bien , comme l'abus à l'usage. C'est aux gouver- 
oemens à bien étudier le pays , afin de ne recon-^ 
Vir aux prohibitions qua quand l'intérêt national 
ba faitiiue nécessité. 

Je termine cte chapitre par l'analyse très-suc- 
ûxicte des développemens qu'il présente. 

Suivant Smith , une nation a toujours tort d'es- 
sayer de faire chez elle ce que d'autres nations 
font mieux ou à moindres frais. 

Une semblable nation ressemble à un tailleur 
qui voudrait faire ses souliers. 

Mon opinion est absolument contraire. Selotl 
moi: 

C'est un acte d'économie et de prévoyance , 
dans une nation comme dans un chef de famille , 
de chercher à faire intérieurement ce qu'il fau- 
drait acheter au-dehors. 

De pareils essais tendent toujours à augmenter 
la richesse des nations, comme celle de Ja famille, 
|>arce qu'il n'y a ni famille , ni nation , dont les 



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a88 L I V R E ï I l. 

traTaîIleurs ne puisseut crotlre eo nomLre , eit 
talent et ea iodusirie. 

AÏDÙ , les prohibîtïoDS sont utiles , toutes les 
f<ûâ qu'elles faciliteut aux oatious les moyens de 
BubveDir à leurs besoins. 

Encore uo mot. Je compare une nation qui 
achète au-dehors, avec soo numéraire , des ntar- 
cbandises qu'elle peut fabriquer elle-même , quoi- 
que moins bien , à un jardinier qui, mécontent 
des fruiu qu'il récolte , s'en procurerait de plus 
succulens chez ses voisins , eu leur donnant en 
échange ses inslriunens aratoires. 



ji-vGooglc 



BU SYSTEME COilMBRCUL. VSg 
CHAPITRE IV. 

Oe la Frttid* et de la Contreband». , 

Oif se sert assez ÎDdîfferemment de ces deux 
mots, pour exprimer une cODtraventioa aux lois 
de douanes. CepcDdant, la fraude s'eDteudpIus 
particnKèrement des droits , et la coutrebaude 
des proh'ibitîoDS. 

Quelqu'opïnion que l'on professe en écono- 
mie politique , on ne peut se dissimuler que la 
fraude ne soit un mal. 11 ne s'agit plus îo d'exa- 
miner si l'institution des douanes est bonne ou 
mauTaise : elle existe ; le gouvernement la croit 
utile ; dès lors il faut la respecter , et se confor- 
mer aux lois qui ta concernent. Toute infraction 
à ces lois est un délit public jusûcîable des tri- 
bunaux , et surtout de l'opinion. 

La fraude entraîne d'ailleurs une foule de dé- 
sordres jelle favorise la mauvaise foi au préjudice 
de la probité ; elle accoutume le négociant à 
transiger avec sa conscience. Si les gains de In 
fraude ont de l'attrait , c'est un attrait per6de , 
qiû ne donne presque jamais ce qu'il promet. 
.« Un chemin infaillible à la banqueroute , dit 
19 



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39» L 1 V R E I I L 

» Smîtl) , c'est le commerce de coDtrebandiçr « 
k le plus hasardeux de toas. Smidi ajoute, mais 
» aussi le plus lucratif quand l'afRure réussît. » 
Et c'est pafce qu'on se flaUe qu'elle njussîra ,que 
tant de gens prennent ce métier. 

La contrebande a d'autres iDconvéoiens en- 
core. Elle enlève des bras à l'agriculture et à l'in- 
dustrie. Les malbeureux qui s'y livrent, s'ils 
prospèrent un moment, finissent presque tou* 
jours par devenir des malfaiteurs et des scélérats. 
On a surtout observé ces effets dans les environs 
des ports francs. Les facilités que ce» ports of« 
fraient à la fraude y faisaient afSuer les àventu- 
fiers de tous les pays. Les campagnes se peu- 
plaient de vagabonds qui donnaient l'exemplo 
de tous les vices , et remplissaient le pays de 
désordres. 

D'un autre côté , la fraude prive le trésor pu> 
blic de recouvremens auxquels il adroit. Envi- 
sagée ainsi , elle est un vol. 

La fraude et la contrebande , indépendamment 
de levr effet sur les fabriques qu'elles ruinent , 
sont donc des délits très-repréhensibles , contro 
lesqueb l'opinion doit se prononcer forlemeot * 
a6n d'éviter , s'il se peut , que les tribunaux no 
«oient forces de déployer , contre ceux qui les 
commettent , toute la rigueur des lois. 

£o Fi'ance , la contrebande a psn d'activité i 



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Dtj SYSTEME COMMERCIAL, agt 

la sohte. J'en excepte trois espèces de marchan- 
Hisês : les drilles , les bleds et le numéraire , quand 
il est défendu. La contrebande en bled a lieu 
particulièrement sur les frontières de l'anciennâ 
Belgique; celle des drilles, qui servent. Comme 
je l'ai ditt à la fabrication du papier, se pratique 
du côte de Boulogne et de Duukerque. Le numé'^ 
raire sort partout , et des trois espèces d'objets 
que j'ai indiqués , c'est le plus difficile à arrêter. 
La contrebande en chifToiu a beaucoup d'at" 
trait, à cause du'haut prix de cette matière pre-* 
mière en Angleterre. Dans l'an 6, de gros spécu- 
lateurs entreprirent d'approvîùonner ce pays de 
nos chiffons. La prohibition mettant obstacle à 
leurs vues, ils extorquèrent des bureaux d'un 
ministre , aux attributions duquel cet objet était 
mémeétranger, la permission d'expédier par mer, 
d'Ostende , DunVerque , etc. , à la destination de 
Bouen , le Havre , Marseille , Nice , trois mil- 
lions pesant de drilles. Les «mployés supérieurs 
de l'administration des douanes , placés aux'lieux 
de départ, conçurent des soupçons sur la réa- 
lité des destinations indiquées. 11 leur parut 
étrange que des envois aussi considérables de 
inatièi«s premières s'effectuassent pour la Médi- 
terranée,' malgré les circonstances de la guenra 
qui rend;iient les communications maritimes pres- 
que impossibles. Ils apprirent que ceBmâmescbif* 



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aga L ï V R E I I I. 

foDS, qa'oa expédiait nussi pour RoueD,Ie Havre « 
ftTaient préôsémeDt été acheiés de ces côtés, et 
àe là traosportés par terre & Dunkerque et Oy 
teode, lieux forcés de Tembarquemeot. Enfin * 
l'accaparement des chifTous avait été si rapide » 
qu'en trè$ - peu de temps leur prix s'était élevé 
de 5 fr. à i5. Us en valaient alors trente à IjOD- 
dres. Tant d'indices de projets de fraude déter- 
minèrent l'administratioD des douanes à solliciter 
la révocation de la permisàon accordée, qui fut 
effectivement snnullée sur le simple exposé des 
fait* j mais alors plusieurs navires avaient déjà 
■été expédiés. Un autre , tout chargé, était prêt ï 
sortir dii port d'Ostende. Quoique la révocatioa 
de la permisMon lui eût été signifiée , il n'en 
persista pas moins dans son projet de mettre à la 
voile , et il l'aurait exécuté la nuit même , à. on 
n'eût menacé de le cotder au moment où il appa-> 
reillaitpuursortir.Enfin, comme on l'avaitprévui 
aucun des navires expédiés n'arriva à sa destin» 
tion. Les propriétaires produbireut , au bout de 
quelques mois , des certificats coustaiant ou que 
ces navires avaient été pris , ou qu'ils avaient fait 
'naufrage , ou que des mauvais temps les avaient 
forcés de jeter à la mer leurs cargaisons. La vérité 
est qu'en sortant d'Ostende , ils avaient été droit 
à Londres. 

J'ai rapporté toutes les circonstance» de ceue 



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DU SYSTEME COMMERCIAL. agS 
fraude , parce qu'elle est très - propre à donner 
une idée des moyens qu'emploie la' contrebande 
en grand , et qu'elle fait connaître en même 
temps combieu il est utile que radmiuîstratioa 
.ait sans cesse les yeux ouverts sur les opérations 
du commerce. Elle sert aussi à démontrer que 
$intérél privé laissé à sa pleine liberté , ne 
conduit pas toujours nécessairement les pro- 
priétaires de capitaux à préférer l'emploi le 
plus favorable à l'industrie nationale, comme 
le prétend Smith ; car la spéculation de ces acca- 
pareurs de chiffons ne tendait à rien moins qu'à 
augmenter de cent pour cent le prix du papier 
en France, peut-être même à en occasionner une 
disette absolue ; ce qui leur importait assurémeot 
fort peu. 

Ou ferait un volume , et même un volume 
très - intéressant , si l'ou voulait rendre publics 
tous les moyens de fraude que l'administration 
ne cesse de déjouer. J'en citerai encore un qui 
prouve combien la fraude est ingénieuse à trom- 
per la surveillance administrative. Les marchant 
dises qu'on expé^e d'un port de France pour un 
autre port de France, n'étaient pas toujours vi- 
sitées avec Autant de soin que celles importées ou 
exportées. Ces marchandises ne sortant point du 
pays, il semblait effectivement assez peu essentiel 
de s'assurer de l'exactitudA des dttclaratioos. De« 



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B94 L ï V R E I 1 1, 

oostrebandiers voulurent profiter de ce défïmt 
de surreil trace, pour pratiqueruaedoublefiraudfe 
«gaiement lucrative , et que toîcÎ ï Its décla - 
reot , à Ja doaime de Rouen , euTOjer à Bor- 
deaux une quaulîté quekooque de barriques de 
«ucre ; oo leur remet , suivant l'usage , l'expéA- 
tion indicatire de l'espèce et du poids de la mar> 
«bandise qui doit ainn entrer à Bordeaux , en 
«xempiion, puisqu'elle vient de France. Or y ces 
barriques , expédiées de Rouen et déclarées con- 
tenir du sucre , renferment au contraire des ma< 
tières premières défendues àlasortie, des drilles, 
du bled, etc. Le navire à bon) duquel elles sont 
chargées, va donc relâcberanx lies de Jersey où 
il les dépose , et il y prend en échange pareille 
quantité de sucre , qu'il introduit ensuite à Bor- 
deaux , avec son expédition de Rouen. Ainsi se 
pratique la sortie en contrebande de matières 
premières prohibées , et l'entrée &a France , en 
exempuon de droits , d'une marchandise forte- 
ment imposée. Cette manoeuvre très - habile fiit 
cependant déconcertée par la douane de Rouen , 
qui la découvrit. Il ne parait pas que depuis on 
«it tenté de la renouveler. 

Ces détails , qui sont ai;ides , qiti sont mémo 
minutieux , prouvent la ne'cessité d'une surveil- 
lance très^vère ; et quand le coomieroe se plaint 
esemraves dont on le char|^ , c'est bien moint 



n,gj,.e(JNG00gle 



DU SYSTEME COMMERCIAL. sçjS 
l*admi[)istratïon qu'il eo devrait accuser que lui- 
même , puiscpie ]fls mesures de précautiou ne 
sont jamais détermioées que par des abusdecoD-> 
fiance. 

C'est un fait malheureusement trop avéré, que 
beaucoup de maisons de commerce se livrem 
aujourd'hui à la fraude. Ces maisons ont leur» 
«gens secrets , et des Iiommes sûrs. Arrêtez- vou» 
ces agens conduisant des voitures chargées de 
contrebande? ils ignorent d'où ils viennent, oji 
ils vont , et ce qu'ils transportent. Pf'essayes 
point de les faire parler, vous n'en obtiendrez 
rien. On leur a promis une récompense s'ils 
b^nsportaient tel nombre de ballots , jusqu'à 
telle distance ; voilà tout ce qu'ils savent , tout 
oe qu'ils vous diront , et demain ils recommence- 
ront le même métier , et pour les mêmes mai- 
sons , qui n'eo couservent pas moins leur répu- 
tation parce que leur secret est bien gardé. 
. U ne faut cependant pas croire qu'elles tien- 
nent à ce seu'ct par un sentiment de honte. 
Non : la fî-aude n'en inspire point. Dans la mo- 
rale actuelle , on est honnête homme quand on 
ne trompe que l'état. Si l'on tremble de se faire 
connaître pour fraudeur , c'est que le métier a 
beaucoup de chances , et qu.'il n'est pas précisé- 
ment le plus.propreàfortifieif le crédit. L'on se 
cache donc uniquement pui' iutéiêt; mais la lor- 



ji-vGooglc 



296 L I V R E ï I I. 

tUDe ou la banqueroute arrive , et âlore plus de 
mystère. Le» baoqueroutek ont aîn» révélé bieo- 
des secrets. 

II est malheureux que l'opinion ne se pro- 
nonce p.i5 davantage contre un métier vriiiment 
odieux , qui conduit à l'oubli de tous les prin- 
cipes. Cette disposition à l'indulgence passe du 
commerce diras la société , de la société dans les 
tribunaux. Le fraudeur trouve grâce partout; 
partout c'est lui qu'on plaint. On ne voit pas que 
la conséquence nécessaire de cette indulgence 
coupable est de rendre la fraude beaucoup plus 
générale , et que l'habitude de frauder avec le 
gouvernement , donne celle de frauder avec tout 
le monde. 

L'importance très-marquée que le gouverne- 
ment attache à la répression de la contrebande , 
ne permet plus aux tribunaux d'éluder aussi ou- 
vertement l'application des lois qui ta punissent; 
mais leur partialité a été poussée au point que 
dans les affaires de quelqu'importance , sur vingt 
jugemeus, il y en avait ordinairement dix - huit 
dont le tribunal suprême était obligé de pronon- 
cer la cassation. A la fin de l'an 7 , un receveur 
des douanes fut assailli chez lui par une troupe 
de contrebandiers. II veut se barricader ; vingt 
coups de fusil partent à la fois , et le malheureux 
tombe mort derrière sa porte. Les assaillans furent 



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BU SYSTEME COMMERCIAL. 197 
déchargés de toute accusation , sous prétexte qu'il 
était impossible de décider par tjui avait été 
-porté le coup mortel! 

W est arrivé sous mes yeux un événement beau- 
coup plus extraordinaire. Les employés avaient 
arrêté un contrebandier, Espagnol d'origine, qui 
faisait la fraude en France. Ce misérable profita 
d'un moment où l'on ne songeait point, à lui, pour 
assassiner l'un des emplovés qui l'avaient saisi. U 
ne put cependant s'évader, et traduit en prison , 
il avoua son ci'ime. (fêtait , disait-il , une insti- 
gation du diable. Il en demandait pardon à 
la vierge Marie. Le jury déclara qu'il n'j avait 
pas lieu à accusation ! 

Je choisis ces' deux faits entre mille , et je les 
ûte de préférence , parce qu'ils se sont passéa 
dans des divisions auxquelles j'ai appartenu. 

En France on n'a jamais considéré la fraude 
comme une action désbonoranre. Avant la révo- 
lution elle était sévèrement punie, et beaucoup' 
ti'op , parce qu'elle n'avoit guère alors d'autre 
résultat que de porter préjudice au fisc. Cepen- 
dant les particuliers s'y livraient aveuglément. 
Ou n'y voyait qu'un moyen de léser le fermier ; 
et c'était à qui serait le plus hardi , le plus adroit 
et le plus alerte. 

Aujourd'hui il n'y a plus de fermiers, ei les 
droiu ont tm but commercial. Mais ce sont tou- 



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39.S X I V R E I I I. 

^urs dçs droits. Cependant la fraude s*exerce 
plus particuUèremeut sur les marchandises pro- 
liibées à l'entrée ; et ce n'est pas seulement con- 
tre le commerce qu'il faut se tenir en garde. 

Il y a des pays où la fr.iude est le patrimoine 
exclusif de quelques vagabonds qui s'y livreat 
pour dernière ressource. Dans ces pays un fonc- 
lionnaîre public, un militaire, un marin qui pro- 
tégerait la fraude se déshonorerait même à ses 
propres yeui. Bien loin d'en donner l'exemple, 
il contribue donc à la préveiûr. Dans ces der- 
niers temps cette louable émulation s'est plusieurs 
fois signalée en France. Avant dix ans , elle y 
sera générale. 

La derniùrc loi rendue contre les contreban- 
diers inflige la peine de mort, à ceux qui font 
tfsagç de leurs armes. On a prétendu que cette 
loi était cruelle. M^is un contrebnadier pris les 
armes à la main est un homme en rébellion ou- 
verte contre les lois de son pays. Il n'y a pas 
de délit plus grave. Le contrebandier qui fait son 
métier avec cette intrépidité est capable des plus 
grands ciimes , et quand il tue un foucûonuaire 
public , chargé de faire exécuter et respecter les 
]pis, il est encore plus coupable qu'un assassin. 
Il ne doit donc pas être puni moins sévèrement. 

Ainsi cette loi est très -saga. Je dis même 
qu'elle est très-modérée j C4r poiu" en éprou er 



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DU SYSTEME COMMERCIAL. ag<> 
toute la rigueur , il faut que le contrebandier 
çe< voit 6«m de «es armes , et c'e^ encore un 
moyen de salut qu'elle laisse aux malheureux 
dont ce métier n'a pas fait des scélérnts. 
- Mais si les lois péiaales diminuent le nom* 
-bre des coQtrebandiers , il est à craindre que 
cet effet no soit que momentané. £b augméo* 
tant, les risques du métier , on ne réussit quel* 
quefois qu'à doubler l'audiice de ceux qui lé 
font, et en même temps leurs profits. Ives loi« 
pénales ne remplacent donc que très.-im[>arfui* 
tement l'esprit du commerce ^ et c'est l'esprit 
du commerce qu'il faut surtout s'efforcer de faire 
naître eb France. 

On parle de la contrebande qui a Ueu en 
Angleterre. Elle y est aussi très - active. Mais ïl 
est à remarquer que la réaormité des droits lui 
donne un attrait qu'elle n'a au même degré dans 
Bucub autre pays. D'ailleurs la contrebande 
s'exerce peueu Angteterreàreotréesur les mar-* 
ehandises manufacturées , c'est absolument le 
contraire en France. En fraudant sur du thé , sur 
des genièvres , le contrebandier anglais prive 
le trésor public de sommes qui lui reviennent f 
c'est un grand tnal. Eu France le contrebandier 
ruine l'induatrié ; le mal est bien plus grave. 

Mais pourquoi cette différence? elle tient à 
plusieuiv Gomei;^ La prioâpale est dans le cÂ- 



ed^Google 



5o« 1 I V R E I I r. 

ractère de la nation qui la pone à ne trouver 
bien que ce qui est étranger. On peut aussi 
l'expliquer par le peu d'accord qui règne ea 
France entre les écrivains sur le meilleur sys- 
tème de commerce à suivre. En Angleterre , à 
très-peu d'exceptions près , le régime prohibitif 
est réputé le seul bon. C'est un principe en 
quelque sorte national , que chaque individu 
révère et explique à sa façon. De là cet accord 
parfait entre le commerce et le gouvernement j 
Cl tous deux arrivent au même but , la prospérité 
publique , parce que tous deux y tendent de 
concert. 

11 en serait aiasi en France sans les écrivains 
qui tourmentent l'opinion en tout sens et four- 
nissent des armes à l'intérêt privé , presque tou- 
jours disposé à s'élever contre l'inlérèt public , 
avec lequel il s'accorde si rarement. Je ne puis 
mieux justifier le reproche que j'adresse ici aux 
écrivains que par l'extrait d'un mémoire très - 
singulier dont j'ai dû la communication à des 
circonstances inutiles à rapporter. Ce mémoire 
était d'un négociant impliqué dans une affaire 
de contrebande qui pouvait avoir des suites ter- 
ribles , piirce quHl y avait eu des employés de 
tués. L'affaire s'était passée antérieurement à la 
loi qui veut que les contrebandiers pris les arme» 
à la main soient jugés par les tribunaux ^é- 



NGoo<île 



DU SYSTEME COMMERCIAL. Sor 

ciaui ;«t portée devant un jury , il s'agissait de 
décider d abord s'il y avait lieu ou non àaccusatioD. 
L'auteur dii mémoire commeaçaît par ëcaner, 
autant qu'il était eu lui , le soupçon d'avoir pria 
part à une affaire de contrebande j mais sentant 
l'insuffisance de sa justification , il abordait pres- 
que aussitôt la question de la culpabilité morale 
de la fraude , bien sûr que s^ parvenait à mon- 
trer la contrebaude conune répréhensible aux 
yeux de la loi seulement , ÎI ne serait point 
reptis de l'avoir enfreinte , par des jurés qui ont 
la faculté d'absoudre sur riotention. 

Ce plan de défense arrêté , l'auteur du mé- 
moire ne s'occupait plus qu'à extraire les écri- 
vains dont les principes tendaient k prouvei' 
l'utilité de la contrebande. 11 en citait d'abord 
trois dont l'autorité lui semblait d'un grand 
poids, par des raisons qu'il développait fort 
longuement et que je suis forcé de passer sous 
silence. En opposition sur bien des points , cet 
écrivains s'accordaient pourtant en ceci , que le 
système commercial tend directement au but> 
contraire à celui de son institution. L'auteur du 
mémoire copiait textuellement la conséquence 
de leurs raisoonemens , et cette conséquence 
était toujours qu'iV fallait acheter auic An- 
glais ce que les Anglait ont l'art de/abrif 
Iguer mieux que nous. 



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5oa L I V R E I t t. 

Après ces troU ^nrains , l'auteur du mé-> 
moire en nommait huU ou dix autres auxquels 
il empruntait des pages entières cgalemeut favo- 
rables à son plan de défense. Avec l'un de ces 
écrivains, îl calculait de combien le système 
Gommerciat augmentait anaucllement les dé- 
penses d'entretien , et il trouvait que c'était de 
4 francs par individu. Revenant avec un autre 
sur le même calcul , il ne lui était plus pos- 
sible d« douter que la prohibition des marchan* 
dises anglaises ne coûtât à Partisan le plus 
pauvre envirx>n 20 francs par année , ce qui, 
en supposant bi perte égale pour chaque iad!^ 
vidi» , causait au pays un surcroit de dépense 
Bnnuelle de 600 millions ! Enfin l'auteur du 
tnémoire , toujours s'appuyant sur les écrivains, 
montrait dans le système commercial la causé 
de nos banqueroutes si multipliées , celle de 
rimmorabté qui devient de plus en plus générale, 
l'ori^ne de toutes les gtierres , etc. etc. , et il 
arrivait à conclure que puisque le système com- 
mercial entraînait, de l'aveu des écrivains, 
d'aussi ^ands maux , il n'y avait rien de mieux 
à faire pous les prévenir que de se reMcher sui* 
l'exécution des lois que ce système consacre. 

Mais ce n'était point assez. II fallait trouver 
dan» les écrivains quelque principe plus positif 
sur l'utilité de la contrebande ; car jusqu'ici elle 



ji-vGooglc 



DU SYSTEME COMMERCIAL. 5<>5 
tl'était démontrée que par inductioD. L'auteur 
du mémoire , coutinuant de citer , poursuivait 
ainsi : * L'importatian des marchandises étrao- 
» gères , qu'une fausse politique a fuit prohiber, 
» est Uu bieufait pour le coosommateur et ne 
■ porte point préjudice au commerce! n On ne 
pouvait rien de plus formel. Je [vie le lecteur 
de ne pas perdre de vue (jne ce sont toujours 
les écrivains qui parlent et non l'auteur du mé- 
moire. Cette distineûon est très- essentielle à 
iâire. 

Voici la dernière autorité invoquée dans le 
mémoire. L'auteur continuait de copier textuel- 
lement h Si l'on venait à bout de tenir rigou- 
w reusement lamaîo à l'exécution de notre taiîf , 
A et d'empêcher absolument la contrebande , 
• les besfHus du oonsommateut! Aéraient à loitk 
» d'être satisfaits, les manufactures et les capi- 
K taux qui les font mouvoir seraient si inca- 
» pables de répondre à leur dem&nde , gue la 
» crise la plus violente et peut-étre le fctt* 
N versement de tordre social devraient S'en- 
» suivre d'une pareille rigueitr et de l'état dé 
ji dénûmfint où se trouverait toute lu France, m 

Après cette découverte précieuse , l'auteur dii 
mémoire cessait de garder aucune mesuif!. Ca 
n'était plus un accusé qui cherchait à se justifier 
d'avoir fuit la fraude , c'était un honuue qui au- 



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5o4 ,L I V 1[\ E XI I,^ . ,, 

rait volontiers demandt-une statue pour ('aTÇif 
'ftîte , satls la -loi dout il rectoutait l'application. 
Il ce niait 'donc plus le corps du dûïit que pour 
- la forme , regrettant hautement de n'avfur 
^oint commis une iurraction aux lois <|ui aurait 
contribué à prévenir la cnse la plus -violente et 
peut-être le renversement de l'ordre social. 
L'issue de ce procès importe ici irès-pt^u. Je 
la tais : je tais également le nom des écrivains 
et les titres des ouvrages cités' par l'auteiir 4u 
mémoire. Seulement je garantis l'exactitude des 
morceaux qu'il en' a extraits et aiixquèls H ' ne 
s'est pas permis de changer un seul mot. J'ajoute 
que ces écrivains sont tous des hommes recom- 
m&ndables pr leur talent et leur patriotisme ; et 
certes ils étaient bien loin de prévoir, en écri- 
Tant , qu'on se prévaudrait un jour de leur opi- 
nion pour enfreindre' des lois que sans doute ils 
respectent , tout en n'en partageant pas l'esprtt. 
Il faut cependant l'avouer. Il est impossible 
que les faux raisonnemens des écrivains n'aient 
pas pour résultat d'accroître la contrebande. Tm. 
eu oeoasioD d'enfairepubliquement la remarque 
à l'auteur de l'un des ouvrages dont il est ques- 
tion dans ce chapitre , et quand il a répondu t^uè 
la fraude nêtaitpasdéternùnêepav quelles 
écrits que les Cfmtrebandters ne lisent pointi 
U- a dit une chose très - peu sensée j car il n'y i 



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DU SYSTEME COMMERCIAL. 5o5 
de bandeit de contrebandiers que parce ilu'il 
exùte de gros apcculiitears qui les paient, et il 
n'existe de tels spéculateurs que parce qu'ils sont 
bien assurés du débit de leurs marchandises. Or 
Vous ne pouvez que le favoriser ce débit , et con- 
sidémblement Taccroitre, vous qui présentez lin- 
troduction des marchandises étrangères comme 
un bienfait public , que dis-je , comme le seul 
moyen de prévenir leS crises les plus vio- 
lentei et le rencersement de toi-dre sociale 
Ainsi vous affranchisses le consommateur de ses 
■cmpule»; ainsi le négociant se détermine à en- 
freindra une loi que sans vous il «ût respectée. 
Quel bien peuvent produire vos ouvrages qui 
compsnse de si grands mans ? (i) 

La consécpience de ce chapitre est que si la 
commerçant français n'observe pas très - fidèle- 
ment les lois de douanes , c'est moins i lut 
qu'il en faut faire te reproche qu'aux écrivains. 
En effet ces lois l'obligent à des formalités gé- - 
nantes ; elles le forcent à sacrifier son intérêt par- 



(■] L'écriT«in aaqael y'êàttue ici la parola a cm jetar 
iManeaup de défaTcar mr mon opinion , «n imprimant 
qae fêlait iaUrttsi à défendre tel systima d* préférene* 
à tel autre. A-t-îl tooId dire par-U qu'un Lomme attaché 
k l'administra [ion n« ponyait rien écrire d'utile aur l'ad— 
«ùnïatratioD ? 11 faut aToner qu'une pareille lexique dé-* 
•ti< HM bien grande diaatM 4f bM* raÎMonemew I 
30 



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5uG L I V R E I I I. 

ticulier à llntérèl de tous. Comment les aime- 
riiit*il , quand il n'a même pus )a salisfaction de 
pouvoir les croire utUes à l'état ? Lesnégocians 
judicieux disent bien avec Montesquieu, que si 
les lois génentle commerçant, c'est en faveur 
du commerce ; et Montesquieu' n cela de boa du 
moins qu'il inspire l'iimourdu pays. Mais Montes- 1 
quieu n'est plus lu. On lit les écrivains aali-admi- 
uîstratifs , on lit Smitb : or ces écrivains nous ap- 
prennent qu'il est de rintérêt national d'aclieter 
au <^ehors ce qui coûte moins à faire venir qu'à 
fabriquer , que l'argent n'est pas plus précieux 
qu'aucune autre marchandise , qu'il -ne faut ni 
r^glemens , dî douanes , ni probibitions< Toutes 
ces institutions sont présentées comme des mOi- , 
nopoles odieux. C'est à qui les tournera en ri- 
dicule. Que voulez-vous que dise le commerce-? 
Lie commerce ne prétend pas en savoir plus que 
des corporations savantes , et plusieurs corpora- > 
tioos savantes professeat i:ettâ doctrine. i . : 



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DU SYSTEME COMMEftCIAL. 307 
CHAPITRE V. 

De la Balance àa CômmerM. 

Kl S donne le nom de balance du commerce 
à la comparaison des importations et exporta"' 
tions annuelles du pays. Quand la somme de» 
importations l'emporte , on dit que là balance 
est défavorable. Elle est au contraire appelé» 
favorable, quand ce sont les exportations qui ont 
été plus considérables que les importations. 

Ainsi tonte balance défavorable suppose une 
solde en nrgent payée à l'étranger par la nation 
qui a cette baboce. On conçoit que dans l'an- 
cien Système commercial qui faisait consister la 
richesse des peuples uniquement dans l'argent^ 
indépendamment de sa faculté reproductive, la 
balance du commerce devait avoir une grande 
importance. Tous les efforts des gbuvernemens 
tendirent donc à rendre leurs balancés respea- 
tives favorables » et comme le commerce inté- 
rieur ne pouvait point augmenter la quantité dti 
numéraire dans le pays i on crut qu'il n'y avait 
de commei-ce intéressant potu* un état que le com- 
merce extérieur. 

Celte opinion n'*tait pas fondée. Mms la po- 



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5o8, LI VR.E IM. 

KtiqueàlBqu^leelU donna lieu produisîtlepln^ 
GTaôd bien. Que falIeil-U au commerce iatârieuc? 
De l'argent ponr eatreteoir et créer de» capitaux. 
Les mesures auxquelles les gouvernemeDa s'ar* 
rétèreot , étaient trè9-i>ro[H«s à l'eu approvi- 
sionner. Le motif de ces mesures importait dè^ 
lors on ne peut pas moins , puisque le résul- 
tat en était évidemment avantageux. . 

Mus, avec le temps « Tadministraûon s'était 
éclairée. Le prix qu'elle attache & la conservation 
et à l'augmentation du numéraire , n'est donc 
plus fondé sur la valeur de l'argent , mais biea 
sur la propriété qu'il a , comme monnaie , .de 
mukiplîer toutes les sources de richesses. On o'» 
pas vu , on n'a pas voulu voir ce progrés naturel 
des lumières. En feignant de croire que l'admiy 
BÎstration était toujours guidée par les anàens 
prinâpes , ses cfforb pour rendre la balance fa^ 
vorabledevùenteFfecùvement paraître beaucoup 
|dns lïdîctiles j ctd'aôllears , du moment où J'en 
ve voulut point tpie l'argent contribuât aucune- 
meutàleriabessedupays, rien ne paraissait plus 
inoùle que ^ c^njier it L'y multiplier. Les M- 
lances du oontmeroe fiiretit donc comprises dans 
l'anathèaie ïaocé contre toiu le synèane commer- 
râl i et depuis quarante ans, il n'est plus permis 
d'en parler que pour livrer à la risée pubUf^ue 
tous ceux qui j croient. 



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DU SYSTEME COMMERCIAL. 309 

CependaDt, radmiahtratioQ n'a pas plus vaiié 
sur ce point que sur toutek ks ntarea parues et 
ast politique. Elle en toujours peraUadâé t^'mw 
balance favorable est un - s^e de pr<»péril4 
Chaque année elle présenté aa gouvernement 1* 
résultat de la balance giénémle, bravant aÎDtl le 
lîdicnle de l'opiûioa , et l'autorité d'aîUtur* res* 
pectable de tant d'éerirkiQB qui let^ireot raïne'* 
ment de leurs lumières. 

Comment a-t-ôn attaqué la balance ? D'ebbrd 
on a prétendu qu'il était impossible de laeonst»i- 
ter. On a dit ensuite que ceue ôpéntiDa, en la 
supposai» praticable , ne devaù seirir • rien^j 
qu'il Vy avait point de balance défavorable, et 
que de deux pays qui commerçaleot enseinble, 
il était certain que l'un ne doannit jamais pku qt^ 
l'autre. 

Mais il nes'agissaït'pointdesavoirùr'undeceB 
pays donnait pi us que l'autre ; il s'a^pssaii de coi^ 
paître , au contraire «lequel dea^eox pays payait 
en marchandises, et de combien il s'en fallait qu'il 
lïe 'payât tout en marchandises. 

Suivant Stnith, il est absolument indiffécent 
qu'une nation' paie ce qu'elle achète à l'ékan^r* 
en orgeat où eo màrohandiaes-: alors il.n'yadiç 
balance ni favorable , ni défovorable ; alors rien 
de plus ridicule que des éuu 4e baUnce» çiéti 
comptes aunuela de i 



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«lo - L I V R E I ï I. 

D'uD autre côté , Smith décrit très - ^loqciem< 
ment tous les iSobeux eflets de la dimioutiot) du 
uuméruire daos uo pays. Il importe dooc d'en 
prévenir récoulenjent ; mais on ne peut savoir 
quecetécoulemeDtalieu,on n'en peut connaître 
le^ causes que par la balance du commerce. La 
balauce du commerce est donc bonne à quelque 
chose. Il faut donc des états de balance, et des 
comptes annuels de balance. 

Ces contradictions très - réelles rendraient la 
question assez diflîcile à décider , si le lecteur 
n'était dès à présent en état de la résoudre en 
deux mots. Tout-commerce extérieur qui exige 
une exportation de numéraire , devient ruineux 
s'il se prolooga , parce qu'il enlève au pays des 
mpyeufîde reproduction et d'échange. La balance 
du commerce a pour objet de prévenir ces efïèts 
désastreux. Elle en donne les moyens : donc elle 
e^t utile. 

Ces vérités ne sont que la conséquence des 
principes que j'ai établis dans. le livre premier , 
sur l'utilité du numéraire , comme moyen d'é- 
change , et créateur du travail. J'espère leur 
donner un nouveau degré d'évidence par des 
applications à des faits positifs , puisés dans les 
balances de l'Europe. Je vais commencer par exa- 
miner les principalesobservationsde Smith contre 
la balance proprement dite. 



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DU SYSTEME COMMERCIAL. %ii 

a Uu commerce qtiî se Tnit Datarellemenl et 
» régulièremeiit enlre deux places, (i ) sans 
'»■ moyens de contrainte , est un commerce avau- 
■» Ugeux à toutes deux. » Smitli raisonne tou^ 
ionrs dans la supposition que les échanges de na- 
tion à nation doivent se juger d'après les mêmes 
règles que ceux de particulier à particulier. Cette 
'supposition est fausse. J'ai six francs dans ma 
poche ; je les échange contre un ouvrage de Jit- 
■téralure qui me convient. Je fais par cela même 
un marché avantageux , et mon libraire égale- 
ment. Mais il n'en est pas ainsi de deux places 
étroDgères qui commercent ensemble j et dont 
l'une envoie à l'autre de l'argent. Cet argent est 
nécessairement enlevé au soutien de Tindusti'ié 
du pays qui s'en dessaisit. C'est donner un capiiid 
susceptible dedurertoujours,etqui crée anniie1<- 
Jement dix , vingt ou trente fois sa valeur, pr^ur 
ttn objet'de revenu qui se consomme en un ius- 
UAt.' lln'y a pas de marché plus disproportionné. 
Mab comment se fait-il qu'un particulier qv& 
lâouDe de l'argent pour des marchandises , ne 
^se point ÙD^ mauvaise opération, tandis que 
cette même opération est désastreuse pour les 
|>euples ? ' 



f i) Tome m,pRg. iSS. 



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Cette queftioe est ,tr«a-iitipoi:tmtç.,y9i^ ipa 
réponse: , i , ., „ ,,,, . 

L'argent qu'un particulier .«dépense _fâit,jpVliQ 
jdeson revenu ou de son capital ,. ce. t^uie&ttnès- 
dïDërent. S'il fut partie de son reveqti, il.peu^ 
l'employer satu inoonvcaient^s'il tîutpaii^i^ da 
^n capitiil , il se ruine. 

Cependant , l'argent qu'uii parûouUer d^peqsç 
est censé rester dans le pays ; et quAod ce -p^rti^ 
culïer dissiperait tout son capital , celui d|i pays 
ue diminuerait pas pour cela, ciunnie je çvçw 
l'avoir démontré ailleurs. 

Mais l'argent , considéré par rapport, au pay«.« 
fait toujours partie dit capi^l national. On ne 
peut donc en envoyer à l'étranger sans dimiDuer 
ce capiul, et p»r conséquent tans appauvrir If^ 
nation. 

Il n'y a qu'un seul cas oi'i Targenl soit vcrua- 
blemept revenu pour le pays ; c'est quap^ < J^ 
résultat de son commerce extérieur lui doDog 
une balance favorable. 

Une nation sage et économe convertit cet^ 
partie de sou revenu en capital, aulieudeladiss 
siper en acquùùùons de marchandises étraugèrest 
qui ne peuvent que diminuer la consouamatioo 
de celles qu'elle fabrique , et introduire dans le 
pays le goût d'un luxe suborneur, et l'amour 
«pti-national des productions ei^otiques, - 



■etJN Google 



DU SYSl*E^E'OÔMlVÎEàCUL. 5i'î 
.'"« ha tlocliîtie de' la' balancé" (!ii cÀmineroe 
» suppose que quand deux places cominercent 
4'''I\iiic^Hvec l'antre , si là balance est égale oei 
n dëiix parts , auijuné des deux' nations ne péri 
)i-diinè gagne; (i)mais que sMà balance p^nchç. 
.« 'd'on' côté, à uù certain degré , Tune de ces 
a places perd , et l'autre gagne à proportion de 
.jr ce dbat la balancés'écàl-te du parlait équilibre, n 
Quimd la biilance est ogiile entre deux places , oa 
dit qu'aucune des deu% ne pe rd' ni ne gagne- Smith 
«'éverliïe à prouver que rien n'est plus IViui ; que 
deux places qui comnoercent entr'elles, en sup- 
pos^Bt' la' balance égale , gagnent évidempient 
toutes deux , puisque leurs capitaux sont em- 
ployés; qu'ainsi ctiacune d'elles aura une porûoB 
A<e ses babitans qui tirera de l'autre sa subsistance 
et son i-evenu. Smith est ^ côté de la quesbon. 

Quand on dit que la balance est égale entre 
deux places , et qu'on ajoute qu'aucune dés deux 
ne perd'ni ne gagne , il est évident qtfon n'en- 
tend parler que des capitaux. Il serait par trop 
ridicule de soutenir que deux places qui com- 
mercent ,' et s'envoient respectivement pour dettt 
ou trois millions de màrobancUses plus ou moins» 
n'aient trouvé liucuD avantage à les fabriquer. 
Alors ce commercé n'aurait pas eu lieu ; otur 

( I ) ToM« 111 , pug. 135, 



ji-vGooglc 



5i4 L I V R El II. 

tout, travail exig« salnire , ot doit dooaer profit. 

Supposons que deux villes , l'une d'Angleterre 
et.l'aiure de-Fraace, ont chacune nn.millioD de 
capitaux, avec lesquels elles fabriquent et s'en- 
voient chaque année pour. quatre millions de 
productions manufacturées. Afin de rendrei fita 
facile l'iaielligence de l'hypothèse que je crée-, 
ces deux villes seront Southaïupton et Rouen. 
XiSur conuoterce dure ainsi dix ans. Chtkcuue d« 
ce» villes envoie à l'autre, et en reçoit précisé- 
meat pour quatre millions de marchandises , et 
l'aisance y est générale , parce que lent {Hrofits d« 
ce commerce y font vivre iine foule d'iodirvidus ■, 
fabricans, marchands, ouvriers, etc.> C'est' en 
cela,que consistent ses avantages. Cependant' la 
balance est égale , et l'on dit qu'aucune des dent 
places ne perd ni ne gagne , ce qui signifie seule» 
ment que leur capital reste le même , et eU' efîet 
il est toujours d'un million. 

Mais il arrive qu'au bout de dix ans , Tune dsË 
' deux villes, Soutliampton , par exemple, ayant 
découvert de nouveaux moyens d'abréger letra*- 
vaîl,ou s'étant perfectionnée dans son industrie^ 
ctLvoie à l'autre pour 4 millions 200 mille francs 
de marchandises. Rouen, cette même année, en 
expédie encore pour 4 millions; mais n'ayant 
•lucuQ- autre moyen de solder les 300 mille franfl* 
de surplus , elle les paie ta- numéraire- ' 



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DU SYSTEME COMMERCIAL. 5i5 

ArrétoDS-Dons îcÀ , et coQsîdéroDS l'état oii se 
.trouvait ti6s deux villes. Southnmpton a vendu 
pour deux 'Cent mille francs de plus qii'eMeu'a ' 
acheté ; son capital sera donc d'un million deux 
«eot mille francs. Celui de Roaeo n'est plus aa 
oomtrail-e <jue de huit cent mille franc». La ba»- 
lance de cette ville est devenue défavorable. 

Je voos prieimaintenant de calculer les effets 
lie l'imprévovance de Ronea. Les marehaudises 
qu'elle s'est procurées avec ses deux cent mille 
franos en numéraire , seront consommées auboiU 
de quelques mois , et réduite d'un cinquièmedan» 
«ou cupit^i], au lieu de fabriquer désormais pour 
iioe valeur annuelle de quatre millioos, la villa 
ii!eit .'pourra plus produire que pourtnois millions 
deuK cent miUe francs. Soutliamptou , nu conr 
U'oire , ttura- acqub les moyens de fournir la 
mardiéde'près decinq milhons en valeurs. Pous- 
sez ma supposition aussi loin qu'elle peut s'éteo- 
dve : Rouan perdant chaque, maée une 'partie 
de .«on Dupàal, verra dinûnuer de' plus eo plti« 
ses moyeoa de travail , jusqu'à, ce qu'épuisée d« 
ounMraire , elle reuoaee forcémexit à tout co^t 
xuArce , à toute ^industrie, taudis que Southamp-t 
ton, qui aura doublé ses capitaux, pourra. pror 
duire à elle seule potir huit millions' de marcban- 
dises V et s-'ouvrir^de nouveaux débouchés fiveo 
d'autres villes de l'Europe. 



ji-vGooglc 



3i6 LIVRE III.- ( 

"■ Tetssobtlesdflètsii'uDebaUiice'deooaauMrce 
Snccessivcrmcnt égale , favorable et dûravorable , 
cmt% dem places. Le raiBoaaeaKnteuleniém* 
poor deux Dations-, suis beancoup plu» fort, 
parce qu'il serait impossible que de d«uK: villes 
qoi eonmiercezit easemble , Tune épuisât l'autre , 
il moins que celle-ci ne poussât l'impreTf^anoe 
jusqu'à la folie , tamJis qu'il est très * concevable 
qa'Dne nation devenue la trîbo&ùra d'uDenalioo 
rivale ,'fiaisse pr être absolument dépouiUëe de 
feon numéraire , et réduite à IHmpossibilitédeemo»- 
linuer aucun échange. ' 

Ainsi , il est vrai de dire que quand deux places 
DU deux nations contmerccnt l'une avec l'iiuti-e, si 
la balance est égale , aucune des deox nations- oc 
pei-d ni ue gagne ; mais que si la "balance petiràv 
tFun câté à un certain degré, l'une des natioafe 
perd, et l^ntre gagneà proportion de ce dont k 
balance s'ée4rte du parfait équitibre. La doctrine 
de la balance est, selon Saâi^, la chose Japiui 
absurde qui soit au nvondei C'est -lui '«|«i< l'a 
rendue absurde en l'interpréuaffetusemetit «t 
ridiculement. La question de' la balance du «M»- 
uerce est encore neuve } Smitfa ne l'a màmep» 
•bordé«. ' 

C'est stirtout par l'arme du ridîcwle que l'on a 
attaqué le système de la balance' ducommeros. 
|4oas avons vu la relif^ioa^ ce qu'il y a de plua 



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DU SYSTESIE COMMERCIAL. 5iff 
sacré iparmi !^ bommQs , suecomlteir ^après qaa*-i 
ioFZe sicfJes desplendeur, dans uoe-lutte pveîlle. 
Cotaaœbttine^ûiupleiusiuutîoa d'admimstrailoiji 
cnramerciale , toujours mal expliquée et a^a). 
détenéw-, nurait-elle résisté, davantage 7 ■ 

Siie système de la balance était fondé , dtsiùt* 
en , et l'épète - 1- qq epcore tout les jouri;-, lorsr 
^u'un peuple a une balauce favorable, il faudrait 
jaécesfiluil-emeDt que quelqu'autre l'eut défavo- 
fable. U se trouve au contraire que tous. les- peur-i 
fias l'oat favorable ; donc rien n'est plus ridi(^e 
que la balauce du commerce ; donc la balança 
4u- ciODunerce est un être cbimérique. 
>■ llestimpottùblederaisonaerplusiqal.Certes, 
M laquaotit» de numéraire ciroulaitt dans l'fU'* 
gApt) iétait limitée , et qu'elle .ne f&t plus iuscepr' 
-table de s'boertritre ., mie pareUle argumentatioii 
afeniïtvocichuDte. Maiti depuis trQÎSsflièdeS;, c* 
xiuai^îre:a toujours été en augmentant ; il au^A 
xaftntewDooretoufries jours. 11 y a peu d'états qq' 
ïlaropey àeax exceptés, dont la quai^tité d'argent 
De -devâeiiBe chaque année plus aoasidérable,<t 
ToiBi'poupqu<H tous les peuples de l'Europe^ 
deux exceptés s ont oonst^ument gagoé depuis, 
trois siècles, en commerce et en industrie. U^ 
doue très- naturel que leur balaocesoit favorable. 
It B'jaliimcoQtrBdictienTniabsui'dité.. . 

Lorsque fi^nécique a été découverte, il 9^ 



ji-vGooglc 



5i3 L t V R E t i t. '" 

t)tit ea Europe neuf cent millioos de numéraire 
•eulement. Li'Euro|>e en poësède anjoHrd'bui-dix 
milliards six ceoi mîllious. (i ) L'ÀmérîqHe a dono 
augmeoté le numéraire de l'Europe de près de 
dix milliards. Elle l'a donc plus que décuplé. -SU 
liiea, qu'y a-t-il d'étonnant que tous les peuples 
aient eu , depuis cette époque , une balance fmO" 
rable ? 

C'est l'Espagne , c'est le Portugal, qui onlftro' 
curé cette balance favorable^ Ce sout ces deux 
"puissances qui la procurent encore tous les jours 
aux nations avec lesquelles elles commercent'»: 
Mais ni l'Espagne, ni le Portugal, par la naturo. 
des choses , ne peuvent avoir de balance. L'argent 
est , pour ces deux nations , ce qu'est l'étain pour 
l'Angleterre , le fer pour la Suède , les vins pour^ 
la France, Elles en récoltent , si je puis me ser-, 
vir de cette expression , Toit au - delà de ce qiM 
leur coDsomraation exige , quelqu'usage màmO' 
qu'elles eu fassent ; il faut donc vendre lesurplos. 
!Le mal est que l'Espagne et le Portugal vendent 
au-delà dé ce surplus , et qu'au lieu de faire seff«>, 
vir l'argent de leurs mines au développement de. 
l'industrie indigène , en facilitant la circulation etr 
la production , elles trouvent plus commode d'à-? 
ch«tei' au-dehors , avec cet argent , das marcbaa— 

(i) Voyea l'euvrtj;* de H. Gerboux d^a cité. 



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DU SYSTEME COMMERCIAL. 5f^ 

«Iwca.quIelIesauraieDl ainsi le* moyens décrier 
eUeB-mâmes. Oi" , quel est l'état'de l'Europe qui' 
pourâ'flit awasi' long - temps temr impunément 
une pumile couduite ? Je dis impunément , car 
l'Espagne- et le Portugal, quoique très -pauvres, 
paiXQ qu'elles manquent d'industrie , conservent 
cependant encore leur rang dans l'Europe , tan- 
dis que toute autre nation dont le numéraire 
s'écoulerait avec la même rapidité , redeviendrait 
sauvage au bout d'un demi-siècle. 

Oa a fait un autre raisonnement. Si Ib ba- 
lance de tel pays , a-t-ou dît, était réelle ,ce 
pays qui a depuis cinquante ans une balance 
favorable de tant de millions , posséderait au- 
jourd'hui , à lui seul , tout le numéraire de 
TËurope. Cette objection est fondée ; mais que 
prouve-l-elle ? que le pays auquel on l'applique 
a mal calculé sa balance, qu'il l'a -exagérée. Tac- 
cordece point; rien de plus. 

Oui -certes, les nations ont înal calculé leur 
balance. C'est par des exagérations ridicules ^ 
dont on se faisait des moyens de popularité à 
la tribuiK , que tant de balances favorables otK 
été proclamées devant les représéntans des peu^ 
pies, et consignées dans un si grand nombre 
d'ouvrages: Mais quand un particulier fadf^ron , 
riche de cent mille livre» de revenu , annoncé ' 
fastoeiuemeat.que o« cereoti passe na^millioii -, 



ji-vGooglc 



Saù t rvRE 11 r. ' 

fiint-U 1 àcausfr desti lôiirbe, lui refïtsefin^RKl 
les c«Dt mille livres qo'il poK«de ? 

C'est pourtant «iasi qu'on raisonne jiresque 
toujoure, et Toilà de quelle manière on est par- 
Veou àrtdiciiliser une des plus «of^fs institutions 
de récDDomùe des peuples mpdenios. 

Dans un ouvrage aHonyine i mais attribué ï 
l'Auteur trts-ebnnu du Tableau de la Grande» 
BrelagniCj oo At^ié quolqaca faiu cuncuxquî 
teodeiH à proavei'-que'les' calculs de In balance 
du C(Hhôieree ne 'portnit|>BS toujours sur des 
bases bien certaines , «t quil iaut en ^éùéviA ne 
méfiet' de Jenrs résultats. Le relevé du coiuœeroe 
duPottugal en %'jSrf ,prii'aux doilaaés d'Angle-* 
terre, différa d'un tiers de' pareil î-efcve fiiitpar 
la factorerie anglaise d« Li^beode. Un autre 
relevé des douaofa aniglai^ en'i7SS , donnait 
à rAoglèterre:siu'>I1rJande une balance défavo* 
rable , et le relevé- deq douornos d'Irlt^de pre- 
sentnt de sod c^té tine balance d^vorable a 
l'Irlande contre l'Angleierre: Ce$ deux faits que 
j'àdmicts sans verilicatïon ni eonteststion , prou- 
TMU que ds quatrg rdevés dé douanes , deux 
au moms'ont été mal ftiu', tous peut-être. J'ac- 
corde encore oe foiat , j-'accorderiii ntème , si 
l'on veut , que de pareils relevés sont très-diffi- 
Ôtes à bien faire, et j'en tirerH h'coqséquence, non 
pas<^'ils ne peuvent servir ji rien, mus qu'il iàufc 



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qa^ l^a&iùVBlratioo UsvaiUe à leuc donner plili 
d'exaciilude. -, 

, Au,«ur|>lus.U se.peiu très,- biea que. l'An^Ie- 
tef re et )L'I,rLuide , trouvaot pour U même jukavf 
)ii)ç lialutuie res[»«cûv«ineiat dé£tv«E>)ble , cts^m 
est absurde , ne se soient cependant que trèsr 
jieu élpi^nées de la véck^. Je suppose , que leur 
^aUnce p^etend^ç défayoral)le »^it de quelques 
<cent8 mUi^ francs, oa même d'uumiUion, cette 
.différence a>st pvesque rien sur un commerc» 
annuel de plusieurs centaines de nûllion# j et il 
^ sufH d'unetrès-peme erreur commise des deux 
côtés , mais ^n sens inverse , pour faire paraître 
extrayagans des calculs, à ceja près très-exaqtset 
.toujours fort utiles. , . 

Quel est l'objet d'une balance ? cW bie* 
moins de connaître le résultat de la solde quede 
savoir quelles sont les niarchandises dont ^'ac- 
quisition ruineuse a mis dans le cas de la payer; 
Or cette indication, i} n'y a que la balance qui 
puisse la donner, ... 

11 importe également peu de. savoir si le moo- 
^t de nos ventes à l'étranj^er f)st de quelqi^ 
chose pluâ fort ou plus i^ible .que les années 
précédentes; mais il importe beaucoup de vaiUer 
à ce que les achats ne surpassent point les veptes» 
et quand Us les surpassent, de savoir pf^rquoi 
. ils les surpassent. 



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,. ^oiM. reoommeDçot» l'ailoéev Lt»-'£tAtsHÎlè 
Iul^nc« de l'ex«mce qui vieptde ûmnsdRtpiNb- 
dtùu : la balaDM est <l&{îtvor^le. Ejleii'eat» dé 
5o ou ^o rotltioDS, somme immense <{u'iLaifaH& 
ou qu'il faudra payer en uuméFftirei Od paroôiiijt 
les états t ou compare. D'où vûm cstM dis|lro^ 
portion , cette marche rétrocède ? c'est- qu« le 
^oÛL de la natioe pour les marcbaudMcs étriiflr 
gères a toujours (;té oroissant ; e'est qu'eJlea iu- 
porte une grande quaDtité de marcbandisftB db 
luxe doDtelln se passait auparavaut, deaxttoUsV 
selines, des Daokius, des schalls ,ou des objets 
d'une c^DsommatioQ dispendieuse et su]îe^uei 
^u thé , du tabac. D'un auti-e côté ou reootàoatt 
que les exportations ool diraioué dans une pro- 
^orùoa sensible. Les ëtraugers ne veulent {iluB 
de iips draps. D'autres branches de commerce 
sont également tombées. AÏDsî instruite ^ Ytàê- 
juinistration prend les mesures que nécess'hent 
las ciroonstauces Ëllç s'efforce de diriger 'les 
goûts- et la mode sur des marchandise» de l'iii^ 
dusirie iodigène. Elle aifgmente par des ré]^e- 
meas sages ou des droits , le prix des prodiiè>- 
tions exotiques dont il importe de restreindili 
la consommation. Elle dooue la' première aCi 
pays l'exemple des privatloQS qu'elle lui impose. 
L'administration reclierch^ ensuite la cause du 
discrédit daus Içquel BOfmarchaodisessODttoin- 



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DU SYSTEME COMMERCIAL. 5^5 
liées. ÂrT^abger. Elle la tronvedansT l'abolition 
deré^eniem qui pr^enaient les fraudes^ dtttk 
H> dé^t'de sorveillaDce peur les mnnnfactures. 
^ nouvemix ré^emem remplacent les onoiens; 
Muâ» tes manufactures manquent eocor&d'ému- 
fatiftAv L'adaÙDistratton l'excite par des encou* 
Tbgvqieas, par des concours publics on le prix 
sen'l»TéiQOinpense de l'habileté de l'outrier et 
dsi l'économie du 'fabricant. Ainsi ge ranime 
riodustrie , et le résultat de tant d'efTot^ est que 
hi'balanceserétablitetque bientôt «lie redevient 
£n!orable. 

Jb demande quels moyens mirait l'a^nHâis- 
trafooo d'obtenir de pareils effets , si elle n« 
«CfinMïsait point l'état exact de la balance. La 
JKilaïKe est donc utile? J'ai beau examinefla 
^esiàoQ- sous toutes ses faces , j'arrive toujours 
-il là même solutioni . v. ? 

:■ -.Mus il est essentiel que les états de balatiti^ 
«(neiA.rédigé» avec exactitude. Petivem^s l'^lp*? 
Cetix qui ont affirmé qu'il n'y «vaif point di 
)>ÀI;«ice ,ont sotnenn également que clés rel«rés 
de-douanes seraient toujours erronés. Ub sesoât 
fondés nu- les contradictions de queltpifes ba^ 
lances j sur l'absurdité palpable de leui's i^uli 
tats, et voulant en indiquer la tiaatë, ils otA 
cru l'expliquer «fuae manière trés^plamible eb 
U motiTam sur l'inexaeiiiudè de» déclàp^oos 



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5M ■■. . LIVRE; 114. - ' 

du commerce qui servent dia bose-àla pciuep- 

tioo ^es droits^ ' . ' " 

Toutes ces observations sur rinexacùtudeidot 
balanqes , ^oot fautives et ne prouvent' rien* Il 
aurait mieux valu s'occuper des moyeas de fitii^ 
cesser cette îoesActitude que d'eu induire iqu'^lle 
existerait toujours, et qu'elle existait^dans. tew 
les ; pays , ce qui est faux. - 

J'ai déjà dit qull était souvent arrivé .à l'ad- 
mioistraûoQ et à des membres du gouTarnemeut 
d'exagérer les avantages de la balance , uniquo- 
ment pour donner une meilleure idée de leurs 
travaux et se populariser. L'inexactitude -de la 
balance était alors volontaire , et l'on a'en peut 
absolument rien induire , je pense , contre son 
Utilité. 

Quelquefois aussi son inexactitude procède j 
fmmme on l'a observé , de la fausseté des déc)»- 
raûoDS. C'est particulièrement dans les pays où 
les droits sont perçus ad valorem que cet in- 
convénient est senùble. On a remarque qu'eu 
AugleteiTO les estimatioBs étaient généralement 
inférieures à la vérité de soixante-dix pour 
cent. Une aussi grande diiïérence devait influer 
beaucoup sur les calculs de la balance, sans 
•voir cependant d'effet bien sensible quant aux 
résultats , puisqu'elle avait lieu à l'importatioir 
comme i l'exportation. , 



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DU SYBtEMB' COMMERCUL. SaS 

■'-'Mais il'dûtét^ fecite 'de pr^Tenir par iin bbb 
système d'admiDistration intérieure ces "^Valna- 
tions ftùiive3,et l'Angleterre en a très-Biea 
ifoiivéi les ftioyenfi quand elle a établi' la taxe 
MlaÙTé a«x frais de convoi. 
'>' 'En France- les droits se perçoivent gênéralè- 
mettt ou poids. Le négociant déclare )a quantité 
de ses marchandises que l'on vérifie ensuite. Dés 
peines stivères préviennent tout abus, et C'est 
ttde vérité constante qne sur mille déclarationâ , 
il'nV eti a pas quatre infidèles. ( i ) ^ ■ ■ 
' ' Quelques marchandises à la sortie , et un assez 
gratid nombre de matières premières à l'entrée , se 
dijclarent à la valeur ; mais comme ces marchaù- 
tlisesne doivent qu'un droit de balance qai n'ex- 
cède pas la six centième partie de leur valétir; le 
n^ociant n'a aucun intérêt à la déguiser. Ceséva- 
4titmonB sont donc également exactes, 
" ■■ D'ailleurs» la loi laisse au préposé vérificateur 
}6 faculté de garder pour son propre compte, en 
^Avant le montant de l'évaluation ^ et le dixième 
«n 'SUS , la marchandûe dont l'estimation lui 
paititt 'i^ntive. J'exerce depuis long-temps des 

( I ) Il s'agit ioi dea déclarations d'entrée ou de oortië , 
})on de celles relatÎTes au cabotage; et d'ailleurs ce a'ost 
point à l'aide de fausse* déclaralions que les négocînija 
'<{tA se'HTrent h'ia'frdnde, la consomment. Ce oioyeo, 
«ipoaeiait à trop de risques. 



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5a(5 Lï V KE lï t 

ibtieTÎom de donaoes; je n'ai pajiend»r«r«aisoti'-' 
tré de yérIGcaieur qui ait eu roQCâMdâ'd'aset''d8( 
ce droit. ... ;-■, ,( 

Les états de balunee sont rédige ea'FvsÀe» 
avec «ne attention particulière. C'est tioe tbatî*i 
tion dont on charge dans chaque buT««u- de 
doXianes des employés intelligens qui fontà: lo' 
fin de chaque mois le relevé des registres de rtf- 
cette. Leur travail est n&ture'Ueipeiit contrôlé par 
lès bordereaux de mois auxquels il faut qu'il se 
rapporte. L'employé supérieur charge de viser' 
les étau de balance.les vériGe article par article. 
Ces états passent ensuite à l'examen du cbefdç 
l'arroodissement qui en fait l'envoi. Enfin l'admi- 
nistration des douanes a dans son bureau central 
à Paris, des commis quis'assurent de l'exactitude 
des perceptions', et ce n'est qu'après cette tripTft 
vérification que les étatsdè balance arrivent dané 
les bureaux du ministère où on les dépouille. 

Je ne prétends point qu'avec toutes ces pré- 
cautions, il ne se glisse aucune erreur dans uQ 
travail qui consiste uniquement en chiffres et en 
calculs. Je dis seulement qu'il doit s'y en glisser 
très-peu, et j'affirme qu'elles ne peuvent pas in- 
fluer sensiblement sur la masse des résultats. 

Ainsi, quand le uiiDistrc de l'intérieur ù la 
fin de l'exercice , dit à la nation : vous avez acheté 
à l'étranger tant de milliers pesant de deiiréM 



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DU SYSTEME^ GOM]V|E;rcUL 5a^ 

pffpiùw^eftl'oaneai croire à eanjft^rttoa..,. ..„ 
Il est vrM que dans les relevés de la bftlaa*».» 

feiudït. ll.enré^ulte unJaécpmpteesseDÙeJ,; tam 
«» p«iil l'évaluer, D'ailleurs la.frajide.en jn?r-. 
chapifise» , ne s'exerce, guère qu'à l'eptrpe, EJlft 
di^imule 4dm uae prùe desmarcba^difesîrçlie- 
tées à r«tr.ii)ger,el wad par coQspquent^ çendr*^ 
Wb^Unce ep apparence plus ,favorab(e. L^r? doofi 
que les calculs de U balance la présentent comïu^ 
défavorable, ce résultat n'est malheur^usenieot 
que trpp exact, et l'pnpeuty ajouter foi. (ï ) j 
Doi^je répéter après tous le? écrivains ,qu^ 
Hnt traité de la balance , qu'elle, est pour diaqij^ 
^îiiop le résultat de ses ^relations cotpmercialos 
wep tous les peuples, et qu'ainsi une balance déiy- 
Vf>Ff>3j4ç 3Y**î ""^ P^y* P*"*- ^'""^ un. bien, si. elle 
proOT^e une balance fayorable avec un autre. 
r^^otre.coTOOiei'ce au Levant i^ous coûtait annuel- 
jbmefit avapt la révolution , suivant le» relevés de 
Rolla»ul,. environ ig millions, et, ce çomuierce 

. <. i), Je prie le \aifltsar k qui cM dé»elo(ipeineiis -tut 
l'attention que l'op apporte en France a. U rélaclioa des 
ilaU de balance du commerce ne paraîtront pa* iiiffisans 
ie lîre dan» l'ooTrige si connn «t «i «onvenl cité , de M. 
■jt»w*.jy, U arte.où il«»po«! >«» rai»6n» qat dbivent 

ï#M(^«,iUf rwwiti(ude^do sqn umil. , 



ji-vGooglc 



ia« ' L IV RE t II. ' '^ 

itÊk'fmct de» phu avaatageiFx'!) la Pr^ace. ^e&ï 
qv'avec ' le» matières premières' (jlii <ioid^bkaTetif 
M9Tetoik9i elle occupait une fotfle' d'bùvrfèr's ^t' 
4e ai*naf«ct«res dont les productions envoy^fea 
ensuite à l'étranger faisaient rentrer'avec dt> grds 
bénéfices le«' 19 millions (^'elle avait cTabord 
avancés. ■ ■ .■..■!■ 

Ilrésulte de» mêmes états de balance publiés 
pom' les années 1787» 1788 et 178g, qu'en For- 
mant des trois une anDee moyenne , la France 
avaitune balance favorablede près de 38 mitriona. 
La guerre fit momentanément cesser les rela- 
tions extéiîeui^s, du du moins les restreignit 
beaucoup ; cependant il fallut acheter des sub< 
nstances à l'étranger , solder les troupes en pays 
ennemi, et Ton exporta des sommes considéra-' 
blés en numéraire. 

Pendant la paix, le commerce a repris «inel- 
qne acùvitéi mais la rareté de l'argent s'est fiiît 
constamment sentir, bien moins à cause de sa'dl-' 
nùnution i>éelle, que parce qu'une grande partie* 
du numéraire a été retirée de la 'clrculaiÏQn; ' 

D'un autre côté lesoolontesne produisent pre*. 
que rien , et n'ayant plus ce moyen d'éobange 
avec l'étranger, il ^ HHlix le remplacer par du nu- 
méraire. 

La. balance de oommeroe de l'an & a donné. 
VQ déficit au préjudice de la Fraoce, de 54 mit«- 



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BU sY^j^E^mic^rnsmci/Lh. fof 

^ff ,.y^HF;. , Çcïiijaot r^a ^, le amaastcc-^èsp 
«tfipd^p^Qii^liMÔtJftconsMWttMiotiyraiiB'IaibaM 
J^mp^ Ipinde 5erjétablirA.cloDDi9UDd^âdcd0ttà» 
il^lHoii9sur4i7 niillioDs d'éblianges^ l -' ^ . > 
, Je. k répète oncore. CeS£ prograssioa^tUms lé 
déficit de la balnoce, provient principalement dffi 
la perte des cplooies. Nous sommes acmellemint 
forcés d'acheterà l'étranger des productions don<i 
sousF^ltions jadis au delà de nos besoins; eco« 
seiit «ibjet nons enlève des sommes iaiAenstsv 

En résunté» radministralion doit aur états de 
]:)al,aDçe,la conDiùssance exacte de h situation ' dw 
contm^rce Dational. Ainsi la lialance du <!Om-' 
iQCroe est très-utile parce qu'elle indique lemal 
quand il eiiste, pourquoi il existe, et qu'eHfiiW 
cilite de cette manière les moyens ' d'y ponett 



. Je .terminerais ici ce chapitre, si je né croyai»' 
□^c«S8atre -de rappeler très - sommairemeat au- 
lefitA^ quelques- uns des principaux poiots die 
la doctrine de Smith aur ce sujet. ' 

Lorsqu'à la fin de l'année, noua avons trcqtûa 
la certitude que nous sommes tributaires dé l'é* 
traager pour une somme de do mUKonis plus 
au moins, Smith et son traducteur ne veulent 
point que ce soit un mal. Si le gouvernement en 
Doncliu que le commerce extérieui'Dous devient 



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55o" ' 'hrVH.% Vl'ii '.-■■■ :ri- 
défiivanh\e,'eétte induction est umtiStMif«i.i(_i^ 
XI ne fimr pmm seloD-eu.empêcW-^ueJ^ttan. 
tk>Q otHisoinme du ofê et (ki tW , quoiqu'elle 
acbàw ces dm éearées ea anmcraîre-t /MVVMA 
çu'un capital en thé et en café, ^ha^■h^it. 
J0ors iwbèveDt la destnictk)a-, est évidemment, 
tout aussi utile au pays ^u'un capitalennu^ 
mértùre, qui dure des siècles et reproduit aor' 
naellemeot trente fois sa valeur. JWattention:du< 
gowemement ne saurait donc jamais- étrty 
plus mal employée ^ue tjuand il s'occvp» 
âe surveiller la conservation ou l'aceroisserr 
jnent du numéraire dans le pays. D'ailleurs- 
en achète du numéraire (fuand on en man- 
çue, tout aussi aisément que d'autres mai^ 
chandises. II est vrni que quand on n'a point 
assez de marchandises indigènes pour acheter 
les productions exotiques dont on s'est fait un 
besoin , ïl doit être quelquefois assez diflifùle 
d'en trouver pour acheter de l'or. Mais alors on 
s'en passe. L'essentiel est qu'on ne manque qÎ 
de thé , ni de café , ni de marchandises de goût. 
Une nation ne peut doue mieux employer son 
numéraire, qu'en faisant venir de telles marchant' 
dises à grands frais des contrées lointaines. Lors- 
que tout le numéraire du pays aura été dépensé 

( I ). Je cite ttxtaellemrat. 



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DU SYSTEME COMMERCIAL. 53.*? 
en ab^i^tions de cette utilité ,'il aeni tonjout^. 
aS8«z temps ée reooDcer à un commerce aus^ 
avttntqgetifiii^ et ^ue chacun des peuples çuî s'y 
Htfrent a un égal intérêt à maintenir f «[uaat- 
aux ■ééhoDges de riméneur, ils se feront très- 
bien ennature, comme au temps det patriarche*, 
eU'bien en papier-monnaie, ce çui offre etf 
cûTe ntoins dinconvéniens , ainsi que l'on» 
prôuv<é les billétsde Law, ceux dea EtatSrXJiù» 
A hos «ssignata. Alors Le pays aura attetat 1» 
âtakitûum de 1& prospérité, ija balaaee du corn- 
met-ce qni a pour objet de retarder ee fortuné 
mbmeot , est donc éTidenuneat une înstitutioa 
déplorable. La balance de commerce est la 
chcfse la plus absurde qui soit au monde* - 



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' (Li'V RE ï 1 r: 



CHAPITRE vr. ; 

fin Système commercial dana se» rapporU Kjec la 
Marloo. 

«I'ai annoncé dans le chapitre premier de ca 
livre , en développant tes priocâpes g^oéraiix qui' 
Mrventdebase au tarif, que les droits avaient ét« 
calcule'» ,autaiu que possible, de manièpe à serviit 
à la fois l'agriculture , la marine et Hodusuiel 
Cette asMrtionestngourensementvraie. Copen- 
dantil n'y a qu'un très>petit nombre de marchaQ(> 
dises dout les droits vaneat selon qu'elles sont 
importées par bâtimens français ou par bâtîmen» 
étrangers. Ces marchandises sont à l'entrée le 
tabac qui doit par bâtimens français So francs lé 
quintal décimal, et par bâtimens étrangers lOO 
francs, La même distinction existe a la sortie pour 
la résine. Exportée par navire français elfe doit 
So centimes. Le droit «et double quand l'expor- 
tation s'effectue parnavire étranger. 

La raison de ces différences de droits «et Rt)p 
sensible pour qu'il soit besoin de la donner. It 
est évident qu'elle a pour objet de multiplier le 
nombre de nos navires, et qu'elle est très-pi'Opre 
à atteindre ce but , puisque le négociant (jui eoH 



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DU SYSTEME COmOEWClAL. KS* 
ploie des bâtimens oationaui jouît ainsi d'une 
prime^ lui permet de vendre sa marchandise 
à meilleur, niarché, ou. de faire yn-plu» gros 
bénéfice. 

Mais il fallait à la marine d'autres encpiârage- 
tnens. Je reprends les choses de plus haut. 

L.a Hollande est la seule nation de l'Ëuropa 
qui ^t dû toute sa prospérité à sa mariné. Att 
^ommeuoement du dix - septième siède, elld 
^aiidéjà en possession du commerce de trans-i 
P(»-t4e l'univers. Sa puissance porta bientôt om- 
brage à J'Angleterre, et tel (ut le motif du fameut 
apte, de navigaùon qui depuis l'éleva elle-mémà 
à uil si hatu degré de splendeur. - 

, . T(Urt le monde connaît Iw dispositions de cet 
aae. Les bases en sont fort simples. II intei^ 
Wut commerce dans les c<^omes de la Grande^ 
Bretagne, et le cabotage de la métropole, aux 
nftwes dont les propriétaires et les trois qnar^ 
d9 ré<[nipage ne sont pas sujets de l'Angleterre: 
U rem. que l'importation de plusieurs marchan.^ 
diaes. qu'il désigne et qui sont toutes d'encombre^ 
ment , ne s'efFectueque par des navires nationau» 
ég^went montés de manns dont les trois quaru 
^loivenLètre Anglais. D'autres dispositions rel^- 
ttves au cabotage prescnTeni que le transport dé 
quelques marchandises d'un très -gros volume 
-n'aura lieu. que par.mer, «tel est côliù r^l^if 



ji-vGoogle- 



S54 l* 1 V R E 11 1. 

«nx oWlxMM de terre dont' la Toiuui^é «ecapc 
de l'ama de Smitli , ùnâ que noes l'jiwuiS'iiéji 
vu , via» de bûtùneiu qae tout le commeree' de 
traDMOrt de l'Angleterre. C'est ce même régler 
neatdont Montesquieu a aï jnMemeoi fnt boa-> 
neur à la politique anglaise-, et qui a détermiiié 
M. Ganiier à mettre Smitli qui le bUtme au-^Ies^ 
nu de Montesquieu. 

L'acte de narigation de l'ADgleterre remonttt 
à l'administration de- Gromwell. Après sa nïort; 
Charles II le confirma. Qociqu'il ait éprouvé 
plusieurs mocfificatioos, les bases en sont r^stëeè 
Bttaetes,etil est impossible de ne pas le consldé^ 
rer comme l'une des principales causes de lapros* 
përitédommereiale et maritime de rAogjeterrs^ 
' Snnth afHrme que l'acte de uaTignlion a ^H 
contraire aux progrès do commerce exténeof. 
Ce sont porûculièremenl les dispositions relatives 
an commerce des colonies qu'il improuve: Jv 
crois avoir répondu dans le chapitre qui les cdb^ 
cerne au reprodie de tyrannie qu'il adresse aux 
métropoles. Je n'y reviendrai que ponrmonttef 
cncor« une fois combien il est aisé de soutenir 
les opinions les plus contradictoires en s^appuy^nt 
de l'autorité de Smith. « Dam> la vue d'exécuter 
». unprojetdepuremoHceetdcpnre J3lousie,(i) 

(i) Sniitli,tom. UI,p3g. 3Ca, 



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DU SYSTBMB COMMERCIAL. $iS5 
«iic^ui d'«iolura satant que- posaiUc touttts les 
I* «utres aatioas d^ prendre quelque part dadt 
m ■ lecommeree dei ooloDÏes, l'ADgleterre a, selon 
«„tôaie apparmee, sacrifié oon-seulemeiMt une 
»• partie de l'avantage absolu qu'elle arait à reti* 
t, nr«a communavec toutes les autres nations, 
•' de ae commerce patticulîer, mais.encore ell4 
» s'est assiijétie dans presqae toutes lels autres 
« braaobesdecommerGeàuDdésarantageabsola 
» et-en mdmetempsà un désavantage relatif . n 

U D'entre point dans mon sujet de discuter le 
peu de fondement de toutes ces distiactions qui 
sont faussas , et n'ont été imagiDéea que pour 
fflubrouiller la question. Je me borne à bien éta- 
blir l'opinion de Smith sur l'acte de navigation. 
Ob vient de voir qu'il l'attribue à un projet de 
pure malice et de jalousie. Maintenant U va 
s'etTorcer de prouver qne l'aete de navigation n'a 
contribué en lien à la prospérité maritime de 
l'An^elerre. k Pendant la guerre de Hollande » 
» sous le gouvern^uent^le Gromvrell, la ma~- 
» rùie anglaise éuitsupéiieureà^ ««lie delà Hol* 
H- lande, etdanglsguerrequi écJataaueommena 
» cernent du règne de Charles II , elle était au 
n moins égale, (i) peut-êtresupérieureanxmaf* 
p rines réunies de la France et de la Hollande.' 

(■)Toiii.ni,pig. 964- 



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|S6 tTV R E ît L 

M A pùne «ajourdliai {«eitt'-étrO sa sàipënorii^ 
» paratirait-elle plus grande, ou moins si lama- 
u rioe de Hollande était maultMiaDt propèrûbn- 
B née au commerce actuel de cette république , 
y comme die l'était alors. Or , dans aucubë de 
> ces guerres, cène pouvait être à l'actedenàTi* 
,• galion qu'elle dût cette grande pnissauce ma^ 
» rilimei etc. etc. » 

Sans doute , le lecteur est frappé comme mol 
du défaut absolu de logique qui distingue tout ce 
paragraphe , encore plus mal pensé qu'il n'est mal 
écrit. A peine aujourd'hui peut-être i^A^riâÙi., 
la supériorité de la marine anglaise paraU 
trait^lle plus grande , au moins si la ma- 
rine de Hollande était maintenant propor- 
tionnée au commerce actuel de cette répu- 
blique. Qu'est - ce que tout cela âgnifie ? qoè 
•L la Hollande avait continué à prospérer', la 
marine ai^laise n'aurait sur celle de cfc pays 
aucune supériorité ? £h bien , pourquoi la iila- 
ifiue boUandaise a - t - elle décliné ? Fï'est - ce 
_pas parce que l'Angleterre l'a exclue de ses ports? 
Pourquoi l'Angleterre, au contraire , a-t-elle vu 
croître sa marine ? N'est- ce pas parce qu'elle a 
été forcée de faire elle-mêine son propre com- 
merça de transport, qui avait été jusque-là le 
patrimoine de la Hollande? Or, ce doubIerésnt> 
V)t , qui l'a produit ? L'acte de navigatio». L'acte 



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DU SY6TBMB GOMMEjVCIAL. SS^ 

tpapMDaç 4e l'Angleterre. II ÊtUàii ètn Sbnth 
pi>i^ teDtQx 4'<^bwwcv uoe véâté de eette évi-^ 

dçDW, 

.11 eift ^'ailleurs fiiux que la mamie oi^aiso 
n'fùt pas ,.relatiTeaieBt , augmenté eu force depuis 
Tacte de. uavigatioa. C'est un Sait iBatéi-iel dont 
<fa peut établii' la preuve en quatre lignes ; et 
quoiqu'il n'y ait dans cette prospérïté maritime 
1^. l'Au^çterre rien qui nous humilie , aiasi que 
î'e^père le prouver dans le diapitre suivant , je itae 
dj^eoserai de jusUSer mon assertion , qui ne se 
justi^ déjà que trop par elle-même. 

AJoà opa content d'avoir présenté l'acte dé 
99vigation comme un traîtdepure malice et da 
jpiousie» &nith a encore voulu-aous persnader 
qvte cet acte n'avait en rien contribué à la prospé' 
i^(ié nviritime de l'Angleterre. Après cela, tes mor- 
^^Ui tuivaos pourront paraître assez curienx.- 

■ La défense de la Grande-Bretagne dépend 
a. IfeviCDup du DCHobre de ses vaisseant et de sef 
• matelots. C'est donc avec raison que l'acte d« 
». navig.ation cherche à donner aux vaisseaux et 
« aux matelots de la Gruide-Bretag^ le mobo-^ 
« pôle de la navigation de leur pay5tetc.(i)— » 
u Lorsque cet acte fut dressé , )ea Hollandais 

.0)S«>itb,tom.UI|pag.74> . - ■' ^ 



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538 ... .t.I V R K m. , 1 

» étalent , comme ils le sont eucore aujouriitilii , 
H les grands voiinriers de rf.uropei Celte dUpo- 
B siûon einpèchii q,ii'<ls ne fusMiot aussi ^ux de 
H la GrJiude - Bretagne , etc. (i) — Quelques* 
u unes des dispositions de cet acie célèbre ont 
» été probiblcmeat le (J'uît de l'animosité na- 
» tioniile. £llcs sont ntianmoîas aussi sages quo 
si elles eussent toutes éié dictées par les plus 
■nùr^s délibérittions et les intentions les plud 
raison niables. La baine aaiionalo avait^lors ea 
vue précisément le même but qu'eût pi^ so 
* proposer la sagesse la plus réfléchie^ c'estrà- 
» dire , l'atTaiblisseuent de la marine de 'Hol--. 
X lande, etc. (a) -r L'acte de aavigatioa a pu, 
» mettre quel qu'obstacle au commerce extérieur. 
■ Avec cela , comme la sûreté de Pétat^st d'uns 
M plus grande importance que sa richesse, l'acte 
M de navigation est peut-être le plus sage de tQU^ 
» les rcglemens de commerce de l'Angleterre. (3) 
. A présent , le lecteur peut se détermioer pour 
ou contre l'utilité d'un acte de navigation , et it 
quelque parti qu'il s'arrête, il aura l'autorité da 
Smitti eu sa faveur , puisque Smith a souteuu les 
deux. opioioBS contraires. 



(i) Tnm. in, pafî. ■;5. 
"■(■») léflm, |»«g. 77. 
(3) Idem, pag. 79. 



ji-vGoogic 



l)U SYSTEME COMMERCIAL. tSç, 
J^mTC à la FrnncG : à l'epoquo où l'acte d« 
Bffvigaùon dé rAnfjIcierre fat rendu, la Hollande 
étail «Q possession de ooire commerce sussi Tiied. 
«fue de celui de la Grande-Bretagne. La Fraiico 
tt'lmita cependant point son exemple. L'éiat de 
BOn-e marine ne pouvait dons le permettre. Ciu- 
Cfiiaoté ans iniparavant seulement , Sully avait 
«atnepris (f en créer utifi; car dé son temps nous 
n'en ariona vérilablemeni point. Mais on n'établit 
de- marine que par le commerce , et Sully n',ii- 
t&f^hait poiut au commerce l'idée de la prospé- 
rité du poys. Il faut dire aussi qu'arrivé n )a tête, 
des affaires après de longues guerres civiles , il 
dm plus nalurellement s'occuper de l'agriculture i 
à laquelle ces temps de désastres sont toujours si 
fiinestes: Cependant; les étrangers aviticnt étàblî 
des droits d'ancrage sur nOs bâtimens qui mouil- 
laient dans leurs ports. Henri IV sentit la néces' 
site d'oser de répi^sailles. Un édit fut rendu dans 
tiet objet: Cet cdit , qui pttssa conire l'avis de 
Sully , et malgré l'opposition des parlemens , 
pi'ouve que la France n'a jamais été la première 
à donner l'exemple des prohibitions et des me- 
sures fiscales ; et j'insiste sur cette remarque , 
parce queSmith et les éci-ivains nous ont préci- 
sément adressé le reproche contraire. 

Malgré les encouragement que la marine reçut 
Ji. cette époque , elle languit encore fort lot>g- 



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54o t I V R E. I I ï. 

temps. J'en ai dit la raison. Il De peut exister de 

marine que par le commerce. Nous o'avioDS point 
de commerce; nous n'eûmes point de marine. 
Tel étiût l'éiatdes choses, quand Cotbert arriva 
au contrôle général. Non-seulement la Holtands 
naviguait pour notre compte , mais elle nous 
fournissait le petit nombre d'objets d'équipe- 
ment maritime que nous employions alors. On en 
peut voir le détail dans le siècle de Louis XIV , 
par Voltaire , et dans les historiens du temps. Col- 
bert encouragea la marine par des gratifications 
calculées sur le tonnage des navires que l'on 
construirait en France. Il en accorda même aux 
navires construits à l'étranger , quand ces navires 
appartenaient à des Français. La nécessité de for- 
mer des matelots le porta aussi à accorder une 
prime de quarante sous par tonneau aux navires 
qui feraient le commerce du Nord. Enfin , Col- 
bert protégea les manufactures et le commerce , 
sans lequel toute faveur accordée à la marine de- 
vient bientôt sans objet. Le résultat de tant d'ef- 
forts fut que dans la guerre maritime de 1666, 
à laquelle la France fut obligée de prendre part 
comme alliée de la Hollande , nous pûmes mettre 
en mer cinquante vaisseaux et vingt brûlots. A 
peine y avait-il alors cinq ans que Colbert s'oc- 
cupait de Ja marine. L'histoire n'offre aucun 
exemple d'une pareille administration. 



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DU SYSTEME COMMERCIAL. 54i 

Cef n'était rien encore. Colbert voulut que la 
France eût , m^me en temps de ]>aix , un état de 
marine de cent vingt vaisseaux de ligne. Te! fut 
l'objet constant de ses travaux ; et il s'en fiillut 
de bien peu qu^ ne réalisât son projet, puisque 
la France eut en mer , pendant son administra- 
tioo, jusqu'à cent dix vaisseaux de ligne, montés 
de plus de cent mille matelots, (i) 

( 1 ) En pirlant de Colbert , je tait toDJours entraîné 
malgré moi à des tdmoîgDagesdereconnaÎMance et d'admi- 
ration. C'est peut-ilre moini» encore une snite de» service» 
qu'il B rendus a la France , qne le résultat d'un sentiment 
profond d'indignation causé par le souTCnir de* oairngea 
dont le dix-huitième siècle a accablé sa mémoire. Nul 
homme, en aucun pays, n'a mieux mérité d'être a la iét« 
"de l'administration , et je n'en veux d'autre preuve que 
cette instruction paternelle qu'il composa à l'occaiioit 
de l'un des voyages de M. de Seignelay, son fils, et 
que Forbonnais a précieasement recueillie. On sait quo 
M. de Seigaeley était destiné h remplacer Colbert dans 
le département de la marine. Alors on ne croyait point 
que des fonctions ministérielles fussent très-sisées à rem- 
plir. On n'avait point encore réduit la science de l'ad- 
minîstrntion et du gouvernement 'a des axiomes populaires. 
'On était sBrtont très — éloigné de penser qu'elle pAt s'ap* 
prendre autrement qne par la pratique. Ainsi Colbert , 
après avoir donné 'a son (ils les connaissances que l'on peut 
acquérir dans des bureaux , le fit voyager pour qu'il s'ac- 
ooutumât a tout voir par lui-même. Il l'envoya d'abord 
idans les principaux ports du royaume, et ensuite en Hol- 
lande , en Angleterre , où la marine était pins avancée que 
chez nom. L'instruction qu'il lui remit avait pour but 



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Z/^ Lï V R E I 1 I. 

X-a France n'aj'âDt pu V^iRraDchir , ^u m^m6 
Jeiupii que l'Angleterre , de la dépendance de tii 

de le diriger daD« se* ifitiux. Auiri Colbert y {iiHak— 
il en lerue tous lei objet* d'ailminiatraiioa maiitimiB qui 
devaient plus particulière ment appeler l'altention de M. 
■le Seignelay. Lei piemièi'ea liguei de cette instruction 
ne (ont que les conseils d'un bon përe él d'iin ami. Je ne 
piiiv rési«ter an désir de les tirangoEire. 

» Étant persuadé comme je le suis que mon Gla * 
n prit une bonne et ft-rnie résolution de se rendre autant 
X booD^te tomme qu'il a besoin de Tâlre pour soutenir di- 
.« finement , avec estime et répotation , me^ emplois , il 

■ est surtout nécessaire qu'il fasse toujours réflexion, et 

■ s'applique sTec soin au règlement de ses moeurs , et 
." ïuiiuitt qu'il considère que la principale et seule par- 

« tie d'uD boourte homme est de faire toujours son devoir 
.« à l'égard de Dieu, d'autaut que ce premier devoir tire 

■ n é cessa irpmeat tous les autres après soi , et qu'il est im' 
D [io.->sible qu'il s'acquitte de tons les autres s'il manque k 
" ce premier. Je crois lui avoir assez parlé sur ce sujet , 

•n {lour qu'il n« «oit pas nécessaire que je m'y étende da- 
■' vaotagB. Il doit seulement faire réflexion que je Inî 
u ai ci-devant' bien fait connaître que ce premier devoir 
.u envers Dieu se pouvait accommoder fortbienavee lea 
. u p!ai.>iirs et les divertissenaens d'un boouéte bomme ta 
K SB jeunesse, u 

Qnel grand et inagniltquâ spectscte , digne del'admira- 
tioQ des siècles, que celui d'un homme tel que Colbert, 
donnant, du faîte des grandeurs, des leçons de religion et 
d'humilité à son fils '. Heureux temps ! Siècle de gloire et 
de vertus, où l'homme public se contentait de bien Taira 
aoD devoir envers Dieu , panfe e/ue ce premier devoir tir» 
tous les autres après soi. 

U paragraphe de-cette imtruslîoa anbltin* 



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DU SYSTEME COMMERCIAL. «/,« 
Ilollanâe , il était devenu plus difficile i{vke' ja- 
jiiais- d'employet contre elle les mêmes moyens 
d'exclusion. Déjà le tarif de 1667 avait failli 
àmeoer une rupture'. Qu'aurait.ce été , si on cftt 
tout à coup tenté de dépouiller la Hûllunde d'un 
commerce auquel elle tenait d'autant plus «ju'elle 
avait di'jà laissé éctiapper de ses uiaios celui de 
l'Angleterre. On temporisa donc. Si Colbert eut 
VécùdaV'tntage, probablement On aurait Cni par 
quelque mesure d'éclat jmais de sou vivant, Col- 



qui ne mérite d'être appris par cceur. Qu'o 
d'eociterencorelesecond par lequel je termi 
H Aprèt ses deyoivc envers Dieu,je(Ié4i 
4 fasse souvent réflexion à ses jobligalionseï 
.« seulement pour sa naissance qui m'est 

■ teus le« pères , et ({.ui est le plus sensible Hea de la so- 
.H clété Lumaitie, mnis mèmepour Tel éyatioii dent laquelle 
•< je l'ai mis , et pour la peine et le travail ([ue j'ai piîs 
« et que je prenjji k>us les jours pour son éducation , <>t 
(); qu'il pfnse que le sviil moyen de.s'ac4]ai(ter dGcequ'i) 
K ir.e doit est de m'aider k parvenir à la fia qos je sou- 

■ Kajie, c'est'h-dire qu'il devienoe autant et plus lioqnéte 
li liomme que moi s'il est possible , «t qu'en y Irarail' 
« lant comme je le désire , il satisfasse en mdine temps 

■ ,ii tpHS sts devoirs envers Dieu , envprs moi et eoTers 
« tout le monde , et se donne ainsi tes moyens sftf s et in— 
« faillibles de passer une vie douceet commode.ce qui.na 
« am peut jamais qu'avec estime , réputatioa et règlement 
« de nujeurs. " .... 

. 1) faut pleurer d'admiration en lisant de pareils trait« ; 
et malheur au siècle qui commence si je ne tr«uvep«iHt 
. de lecttur* qui en soient luncbé* I 



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«44 L I V R K I I I. . 

bfirt nvait été en biitie aux «crÎTains , qui w WSr 
saient de lui reprocher d'avoir sacrifié l'iigriculc 
lure et d('[)euplé le pays. Qu'on juge par-là d€:<Q 
qu'ils durent se permettre après sa mort, Âu^i 
l'on ne sentit bientôt pluii la nécessité d'une ma- 
rine pour la France ; et lorsqu'à la suite des dé- 
sastres de la guerre de 1 766 , dans laquelle pous 
perdîmes trente - sept vaisseaux de ligne et âj>~ 
qiiante-six frégates, le ministre Berryer fit mettre 
eu veote les agrès et approvisionnemens mari- 
times, sous prétexte ^ue/î'ayan(/»/u,î<fe_/Zo£fej, 
nous n'afions plus besoin d'arsenaux j on 
prit à peine garde à cet acte iucroyaljie d'ïm- 
péiitie , tant l'opinion publique était déjà cof-i 
roui pue ! 

Dans la guerre pour l'indépendance de l'Amé- 
rique, la France sortit de son engourdissement. 
Elle eut eu mer jutqu'àsoixante et onze vaisseaux, 
et l'on cria au prodige. Mais qui ne voit combien 
□ous avions dégénéré, puisqu'un siècle aupara- 
vant notre marine éuit plus forte de quarante 
vaisseaux ? 

Cependant l'impulsion était donnée. Les suc- 
cès que la France venait d'obtenir avaient 
mieux fait sentir l'utilité et la nécessité d'une 
marine que des volumes de raisonnement. C'est 
que , pour un Français , il n'y » pas de raisonne- 
ment qui vaille le sentiment de la gloiie natio- 



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DU SYSTÉRiE doMMEkClAL. 34^ 

Date. Où ne pouvait donc plus qu'accueillir tout 
ce i^i-âuraitpour objet d'étendre la marine; et: 
téHé 'était la disposition générale des espiîtA 
<]ttainj la révolution commença. 

Od explique très-bien de cette manière , com-: 
m^t , à une époque où les institutions apcîenqes 
(âroulaient de toutes parts , et faisaient place à des 
innovations ineptes ou monstrueuses, le système, 
commercial nou-seulement se maintint , mais se! 
perfectionna et s'épura. Ainsi,nous eûmes enfin,, 
commç l'AngleteiTe , un acte de navigation. Le 
DOmbredesmatelotsclassés^sousM.deSeignelay, 
s'était élevé à cent vingt millej de 1783 à 1787 
il ne passa point quatre-vingt mille, (i) he seul 
moyen de les multiplier était de reconquérir sur 
les étrangers notre propre commerce de trans* 
port. Tel est le principal but de l'acte de navîga- , 
tiaa. Deux lois rendues, l'une le 21 septembre 
1795 , et l'autie le 27 vendémiaire an 2, en con- 
tienneat les dispositions principales. Sans être 
aussi prohibitives que celles de l'acte anglais , 
elles sont cependant très- propres à rendre un 
jour de l'éclat à notre marine j et sans doute il 

( I ) Je reaToi* b l'ouvrage de M. Ârnould sur le syi- 
tème maritime des Européens pendant le dix - hukîèma 
•iècle, pour la vérification de ce fait et de plusieurs autres 
énoncés dans. ce chapitre. Concnlter également le grand, 
surnage de Forfron/ww »ur les Finances da France. 



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3^6 Ll V R F; I I 1. 

«urfirn poor cela de qii«Ii|ne» années de p&ÎT» 
jointes à nn bon système d'onooaragetnent poM 
Jb pèche et ks lUuaufactitres. . i. ■ 

Voici les principales dïspositioDft de l'acte d< 
BOVîgaliDD de la Krtince. 

Pour qu'un bfittmenl puisse être réputé fi'ân- 
çais , et jouir des priviiéges accordés îinx btîti- 
mcDS français, il faut qu'il ait été construit eMT 
France , ou dans des possession» Trançaises « «u 
!bien qu'il ait été pris sur l'ennemi , ou conSsqué 
jk)Hr contravention aux lois de la république: It 
faut aussi que les trois quarts de l'équipage et lei 
officiers soient Français , et que le navire appar- 
tienne en totalité h des Franç;iis. 

L'importation des marchandises étrangères , 
soit en France , soit dans les colonies, ne peut 
être effeciuée que par des navires français ou 
appartenant au pays d'où viennent primuivement 
les marchandises; et dans cette dernière hypo- 
thèse , les officiers et les trois quarts de l'équi- 
page doivent être du pays dont le navire porte' 
le pavillon. 

Le cabotage français est interdit à tout navin* 
étranger, 

Ceè dispositions sont extraites de la loi du 
2 1 septembre 1 793. Le décret du aS vendémiaire 
se 2 est plus particulièrement relatif aux for- 
malités de l'exécution." 11 prescrit celles qu» 



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DU SYSTEME COMMFJICÏAL. 34? 
dâiv^ntfprécéder l'acte d« francisation que i'oii. 
Oie délivre qu'aprèii serment et caulioQ. 11 dé- 
tennioe l'espèce et- la durée des conj^és qui 
vurîe snivKDt ta cootioence des navires. Eaâo 
il (jxe les droits de uavigulioji Auxquels seraut 
.'iSKujétis les bûtimeus tant nationaux qu'étran- 
gers. Je vais indiquer sommairement en quoi 
<x» droits coQsistent : 

Les droits de n»vigation sont de plusieurs 
sortes. Il- y eu a qui se perçoivent à chaque 
Toyage : tel est le di-oit de tonnage ; d'autre» 
auxquels le navire n'est assujcli qu'une fois ,et 
lelest celui que paient les bâtimens nationaux aa 
moment de ]eur francisation. Ce dernier varie 
suivant la continence; en voici le tableau : 

Pe loo tonneaux inclusivement et au^ssous^ 
le. bâtiment doit g francs. 

Jusqu'à 300 tonneaux. . . . i8 

Au-dessous de Soo 24. 

De 5oo et au-dessus 6 francs de pins. par 
«haque lOO lonneauï. 

Le droit de congé se paie à chaque voyage. 
Il varie de i franc à 6 , suivant la coutineace 
du navire. 

Ces deux sortes de droits ne regardent que 
les bûtimeos français. Il y en a deux autres qui 
Atteignent iadistiiictement les bâtimcns français 
et ceux étranger». Ce sont le dixiit d'cipéditioa 



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S48 L I V R E I I I. 

et celui de tonnage. Le droit d'expédition se 
perçoit sur un navire chaque fois qu'il entre 
dans un port. Il est de 18 francs pour tout 
navire étranger de 200 tonneaux et au-dessous , 
et de S6 francs quand la coDlioence est supé- 
neure. Les bâiiniens français ne doivent le droit 
d'expédition que quaud ils ont plus de 5o ton- 
neaux. De 3o à i5o tonneaux , ce droit est de 
a francs ; de i5o à 5oo tonneaux , de 6 francs; 
et quand la continence est supérieure , de 1 5 fr. 
Le droit d'expédition en entraine un second 
qu'on nomme droit d'acquit. It est de i franc 
pour les bâtimens étrangers et de 5o centimes 
pour les bâtimens français. 

Il ne me reste plus qu'à parler du droit de , 
tonnage. Il varie aussi dans sa quotité , et se per- 
çoit par .tonneau , ainsi que son nom l'indique. 

Les bâtimens français au-dessous d« 3o ton- 
neaux en sont exempts. 

L'exemption s'étend aux bâtimens français 
qui reviennent de la pêche , de la course , ou 
d'un port étranger. 

Tout bâtiment français faisant le petit cabo- 
tage , c'est-à-dire , venant d'un pûrt français dd 
l'Océan , dans un autre port français de l'Océan , 
ou d'un port français de la Méditerranée, dan$ 
un autre port français de la Méditerranée , doit 
l5 cenlimes par tonneau. 



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DU SYSTEME COMMERCIAL. 54^ 

Ponr un navire français faisant le graad ca- 
hoiage , c'esl-à-dire , allant d'un port de la Mû- 
diterraoée dans ud port de l'Ooéau , et leversi- 
bleineot, ce di'oit est de 3o centimes. 

Un navire français venant des colonies , et 
comptoirs français en Asie , en Afrique et ea 
Amérique , doit de droit de tonnage 5o cen- 
times par tonneau. 

Le droit de tonnage pour tout bâtiment 
étranger arrivant dans un port de France est de 
2 francs 5o centimes par tonneau. 

Il suit de là que de tous les droits de navi-. 
galion , il n'y a que celui de touuage sur les bâ- 
timens étrangers qui soit de quelque importance^ 
Il n'est même pas très - considérable , puisqu'un 
navire de 4*^0 tonneaux , dont la cargaison ea 
denrées coloniales peut valoir au-delà de 800 
mille francs, n'aurait à payer que 1000 francs 
de droit de tonnage. Ce droit n'eu, doit pas 
moins être considéré comme une prime en Vi- 
veur du commerce et de la marine nationale, 
dont les étrangers font les fi-nis. 

En résumant tous les développemens que 
renferme ce chapitre , sur l'utilité du système 
commercial dans ses rapporta avec la marine « 
le lecteur sentira facilement combien ce systèuM 
peut exercer d'influence sur la prospérité du 
pays. Le système commercial , dans les institur 



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55o L I V R E 1 I T. 

lions qui ont le commerce pour objet, tenJ St 
multiplier le travail et par conséquent la ri- 
chesse- Dans celles qui regardent la navigalioa ,■ 
il procure à l'éiat des moyens de défense et de 
puissance extérieure. Ainsi l'Angleterre est venue 
à bout détendre d'une manière si prodigieuse sa 
ptùssancc commerciale et maritime. A cet égard 
les raisonnemens de Smîili doivent fléchir de- 
vant l'expérience. Mais de cela même que l'acie 
de navigation a été si utile à l'Angleterre , on 
peut hardiment prédire que lu France retirera 
un jour de celui qu'elle s'est donné des avan- 
tages non moins précieux. Déjà pendant la paix 
nosnavïresontsufli à noirè cabotage. Avec quelle 
rapidité, le nombre ne s*eo accroîtra-t-il point 
quand noua pouiTOns reprendre avec dos coIoj 
aies des relations que la guerre rend aujourd'hui 
si difficiles , quand nous pourrons nous livrer de 
notiveau à la pêche et faire de ces entreprise» 
lointaines, qui sont toujours d'excellentes écoles 
de matelots. L'exclusion du commerce des co- 
lonies donnée aux oavîres étrangers chargés de 
marehaudises de notre cru , le cabotage fran- 
çais réservé à nos bâtimens > et le droit do 
3 francs 5o centimes par tonneau auquel sont 
assujétis les navires étrangers qui abordent dani 
nos ports , sont donc des mesures très -sages. 
C'est la crainte <jne nous oe profitions de tous 



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DU SYSTEME COMMERCIAL. S5i 
]«s avantages qu'une posuioa si Douvelle et si 
heureuse nous promettait, c'est cette basse a|lpr«^• 
hension gui a déiermiué l'Angleterre à rompre 
un traité dont elle arait tout autant à s'applnudir 
que nous. Elcombieu ue doit-elle pas éprouver 
de saiisGictioQ eu voyant l'accueil que nous fai- 
' sons tous les jours eu Fraucc à des ouvrages 
. où Ton ne cesse de prêcher la réforme d'un 
^sléme auquel est liée notre prospérité , et 
dont elle a déjà cherché à paralyser les bon^ 
effets par tant de sacrifices d'hommes' , d'argent , 
de principes et d'honneur ! 

Je n'ai plus qu'un mol à dire : si nouç u'avion» 
point de système cominercial , pourrions -nous 
concevoir l'espoïr de nous créer une marin^ 
puissante ? Non , puisqu'alors upus deviendiiont 
tributaires de l'étranger , dont les uayires rem- 
pliraient bientôt dos ports. Ainsi les étranger^ 
s'empareraient de notre. commerce avec Jes colo- 
nies, de notre cabotage. Ils feraient pour nouf 
la course, la pêche , les yoynges, de long COura, 
La prospérité de la marine ^ept donc k l'enlièr« 
exécution des lois du système commercial. ]Mai$ 
d'un autre côté la manQ^ peut seule ass\irer au- 
jourd'hui une grqnde puissance extérieure. , La 
puissance extérieure.d un pays maritime est donc 
intimement liée à sou syïtènie commercial. C'csf ' 
ce qui me semble iucoptçstable , et ce que jf 
voulais démontrer. 



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55a L I V R E H t. 



CHAPITRE VIL 



t)e U FruM et de l'Angleterre comparéei dans Véfprit 
de leur Commerce 



\J S a mille fois comparé la France et l'Angle- 
terre dans leurs divers élémens de prospitrité. 
C'était même, avant I» révolution , un sujet iné- 
piùsable sous la plume des écrivains , qui arri- 
vaient toujours il conclure que l'Angleterre est 
un pays admirablement administré , admirable- 
ment gouverné. Ces rapprochemens qu'on repi-o- 
duit encore tous les jours ne servent guère qu'à 
égarer les esprits. Ils manquent , pour la plupart , 
de justesse et de profondeur. 

Ce n'est pas que l'Angleterre ne puisse être 
justement louée dans plusieurs parties de son 
administratioD et de son gouvernement ; mais il 
Y a loin de l'équité rigoureuse à l'engouement * 
iet trop long - temps nous n'avons su parler de» 
Anglais qu'avec lé ton de l'admiratiou. 

Que disent les partisans de l'Angleterre ? D'a- 
bord , lis trouvent étonnant qu'elle ait des expor- 
tations annuelles qui passent un milliard en va- 
leur , taudis que la France , dont le territoire est 



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mj SYSTEME COMMERCIAL*. S55 
qUadnqiLe et lapQfuUaÙQii triple,, n'a jaixMtù ex- 
porté nu - delà de cinq ceot mUIions ; et ils foot 
honoeur. de cette dîfT^t'eDce à l'ai^iQfBtration 
britaDoique. 

i ]] est, impossible de juger plus mal. C'est pré- 
ôsément parce que la France est trois fois plus 
peuple que l'ADgleterre , c'est parce que sou 
territoire est beaucoup plus étendu , que son 
commerce extérieur est ù peu considérable. La 
France trouve cbez elle des consommateurs ([ue 
l'Angleterre est obligée d'aller cbercher bien loin j 
et taudis que le commerce de la Grande-Bretagne 
est sans cesse menacé de révolutions , soit parce 
que les états lointains peuvent apprendre à se pat- 
aer de lui, soit parce que les guerres y appor- 
tent des obstacles toujours renaissans , la France 
livr^ à elle-même, trouverait encore dans son 
industrie , ses capitaux et sa population , les 
moyens de conserver le rang qu'elle occupe. 
.Comment ne pas voir que dans cette comparaison 
tout l'avantage est pour nous ? 

Les Anglais , nous dit-on ensuite , ont le génie 
du cOQunerce dans la plu* grande acception du 
mot. Le commerce est le sujet de toutes leurs 
méditations , le but de toutes leurs eutreprises; 
Chez eux, tout se rapporte au commerce , la po- 
litique , les arts , les sciences , la guerre , jusqu'à 
la religion ; et en effet on se rappelle ce mot d'un 
^5 



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554 ' Ll VR.E 11^ . . 

de leurs hommes d'état « à prcftos ^e^ . misir J9Ht 
□aires de l'Amérique : « c^uaod ils ii,e rpufà-» 
» raient qu'à faire babiller les sauvages,, ils a»- 
» roDt toujours servi très - utilemei^ dos mann-j 
» factures. *• ■ - ; . '. 

Tout cela peut être vrai. Je ne conteste rien j 
et après tout, j'aîœe mieux qu'un |uot iodéççi^^ 
sur l'utilité couimerciale qu'on peut retirer de \ft, 
Teligîoo , appartienne à l'Angleterre qu'à la France. 
Véritablement l'Angleterre a des droits à Tépi- 
thète de nation marcbande. Elle l'est ; elle n'e$l; 
même que cela , et certes elle le prouve bi^D par 
sa politique , sur laquelle toute l'Europe est main- 
lennnt d'accord. 

Jusqu'ici je ne vois pas ce que la France aurait 
à envier à l'Angleterre. Il est vrai que je n'ai, 
«ucore parlé ni de sa marine , ni de son esprit 
public. 

L'esprit public n'est autre chose que l'accord, 
de l'opinion avec l'administration et le gouverna 
ment. L'Angleterre en a , dit - on , plus que la 
France, Sa murine est aussi beaucoup plus con-, 
aidérable. Admettons ces deux titres de supé- 
riorité, et réduisons-les à -ce qu'ils valent. ' « 

Les écrivains qui ont comparé l'Angleterre à. 
la Fr;mce,et qui se sont efïbrcés d'établir Ja su- 
périorité de l'esprit commercial et marilimp .de 
la première , se sont lo lijours égarés quand ils ont 



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DU SYSTEME COMldEàcUL. 355 
T6ulti expliquer d'oîi cette supe'riorUé provenait. 
L/Ahgleterré 1 moins peuplée que la Fi-ance , ont- 
ils dît, fiât cepetidant UD plus grand commerce. 
Elle a une marine plus nombreuse. Donc l'Âu- 
gleterre est mieux administrée , etc. 

Ainsi, la manie d'établir des comparaisons 
conduit aux rapprocbemens les plus faux et les 
plus disparates. A une nation insulaire , qui ne 
peut avoir d'existence politique que par sa ma- 
rine , on oppose une nation continentale , pour 
laquelle la marine ne doit être qu'un objet se- 
condaire. Ensuite on reproche à celle-ci de n'a- 
TOir point une marine aussi formidable que l'au- 
tre. N'est-ce pas absolument comme si on repre- 
nait celle-là de ne point entretenir des armées de. 
ti'oîs ou quatre cent mille hommes ? 

' Les nations ont toutes des moyens particuliers 
de prospérité , vers lesquels elles sont entraînées 
par ta nature même des choses et la force des 
évéuemens. Ces moyens de prospérité tiennent 
aa sol, à l'industrie , à la constitution politique , 
au caractère national, et surtout à la situation du 
pays. On peut , avec beaucoup de pei'sévérance , 
d'art et de génie , entraîner une nation dans une 
route de prospérité dilTérente de celle qui lui est 
naturellement tracée; mais c'est celle-ci qu'elle 
préférera d'abord , jusqu'à ce que sa propre ex- 
périence , ou l'exemple de nations rivales , lui 



N Google 



35« LI V R E ï M. 

aient fait (eotir la nécessité d'en changer, oil<fdh 
parcourir deux à la fois. 

Il n'y a pas de nation à laquelle on ne puisse 
faire l'application de ces vA-ités. On va voir quelle 
force elles reçoivent de l'eiemple de' la France 
comparée à l'Angleterre. ' ' 

D'abord il suffit de savoir que FAâg^etei+e est 
une île , pour concevoir que le soin de se créer 
une marine imposante l'a occupée en tciut temps- 
Ainsi, l'Angteierre a dû se livrer au commM'ce 
extérieur , puisqu'il n'y a que le commei-ce ^te- 
neur qui fournisse les moyens de former des 
matelots. De cet encliaînemeot de vérités est née 
l'opinion générale en Angleterre , que Je coift- 
merce seul fait la splendeur de l'état ; et quîcou- 
que en Angleterre aurait écrit pour décrier sôit 
]e commerce, soit la marine ,' aurait nécessaife- 
ment passé pour un fou , parce qu'en efffet il n'y 
aurait eu qu'un fou capable de se laisser entraî- 
ner , chei un peuple insulait-e , à un semblable 
écart. 

Il est donc tout naturel qu'en Angisterre Pes- 
prit public se soit , de préférence , tourne vers le 
commerce et la mariue. Cela ne prouve nipour 
l'Angleterre , ni contre aous. Et voyez à quel 
point la prospérité de la Grande-Bretagne tenait 
à celle de sa marine : Textensioo de son com- 
merce et de sa puissance se lie précisément à 



ji-vGooglc 



DU SYSTEME COMMERCIAL. 55; 
répoqne où ejlq 9 ce^sé id'avoif des possesàoiu 
fpr (e contînept. , 

La nécessité d'une marioe pour U France Quê- 
tant point le résultat. de sa posUÎoQ, mais bien b 
^QD^éqiiepce des proj^rès d'une Dation rivale qui 
ipei^>pe,de tout eoyahir, n*a pu être aussi gêné- 
ralement sentie. Immédiate pour l'Angleterre » 
ijcette nécessité n'était pour nous que de simple 
rûsonpement. lllallait un homme coDime Col- 
iiert.pour deviner à quel point elle serait un jour 
.impérieuse. Ainsi, lorsqu'en Angleterre il n'y 
apait. .qu'une seule voix sur l'imponaDce de la 
, marine ^% du commerce , nous pouvions très- 
,, }>ieA, en France , prêter l'oi'eille aux déclamations 
^s, écrivains qui nous porlaient de l'agriculture, 
, ^.voulaient tout sacritier à l'agriculture. On neu 
,^vra, donc au commerce , en France , qu'accès* 
mir^meni. La marine n'y fut donc point conù- 
, dérée comme la colonne de l'état. Ainsi les es- 
'.pi-il9 se partagèrent t les mauvais rubonnémens 
.. «e répandirent. Et oepeadant nous augmentions 
notre puissance continentale en reculant nos li- 
■niit^ , parce que, de même que l'Angleterre 
était naturellement appelée à devenir puissante 
, par sa marine, nous étions, nous, appelés à nous 
! .agi'aDdir par la force de nos armées, résultat né- 
cessaire de la différenice de situaùoa des deux 
pays. 



■ji-vGooglc 



558 1 LIVRE il I. ' î ! 
' De là cette autre différence 'ti^i-esseotlelM 
qu'on remorque clans le caractère •eti'eSiWil'ide» 
deux natioag. L'Angleterre , nation nMrchabtle « 
Q toujoai's déplcfyé dans sa politique ces vues'ré-i 
tréoies qui décèlent res}>rit mercantile , et Q'en 
atteignent pas moins leur but, surtout avec -les 
nations grandes et généreuses , qui- crOiraiÀdt 
s'avilir en les soupçonnant. La nation frimçalse', 
au contraire , s'est constamment montrée libé- 
rale envers les autres nations , triomphe vraiment 
beau , parce qu'elle les a presque toutes vain- 
cues. Ainsi, et pour résoudi-e la question en Aeta. 
niots , l'esprit public des Anglais réside tujique- 
ment dans leurs comptoirs , tandis que pour nouB 
il a toujours été aux armées, avant comme depuis 
ia révolution ; anx armées , qui seules peuvenï 
nous faire absoudre des crimes de cette- révolu- 
tion , et qu'il m'est doux de montrer en même 
temps comme le fojer perpétuel d'un esprit na- 
.tioual . qu'on nous conteste précisément ' péiy» 
que chez nous il est enfjnt de l'honneur , qu'il se 
repaît de gloire , et ne saurait se signaler dansées 
«tTaires de pur négoce , trop étrangères aux sett- 
tùneos nobles qui lui donnent naissance et l'en- 
tretieniient. 

Je devais cette espèce ^'apologie à l'honneur 
national trop long-temps outragé dans des pa- 
rallèles aussi faux qu'indécens des deux états. 



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DU SYSTÏÏIE (COMMERCIAL. 859 
C4ei:(^t£i:.VA«glet«i:ns a sur nous ^ueljquË l^ger 
fivpDt^e ci>aHD«rclf4 , il eitfaÀeu di«r<]BiieBtaeliet« 
par.Ieti tMW'iSetii de probUé [)lil)lic[ue (|ii'il lui 
coûte., et le» .^)iocabIes. , excès dans lesquels U 
l'eiftratiie i'iet qui,.de.40UjS ne' pr^lere la por* 
^OQi de gloire niitionitle-ù laquelle il a droit, 
ji l'avaDUge de partager avec les Anglais des trér 
sqrs dMiS,» la ruse ,,à la violence et à. riofraotion 
des traitçf ? 

11 joe faut cependant pis conclure de tout oeoi 
que, la France ayant UD esprit public am armées, 
puisse se passer d'eu avoir dnns les matières qui 
ùçunuçnt à Taduiinistration et au comiuerce. Le 
premier existera toujours.^ il est éminemment 
jiational. Le second a besoin d'être entretenu , 
^t . sucu>ut dirij,'é. Rappelons - nous que &oqs 
X^ui& XIY , un ministre habile était parvenu., 
en quelques années , à faiie de la France la pre> 
mière puissance maritime de l'Europe. Et quel 
.Bialbeur que les écrivains , au lieu de s'élever 
contre les prétendues fautes d'un ausù grand 
administrateur , ne se soient pas attachés à mon- 
uer la profondeur de ses vues ! Peut-être alors 
eut-on persévéré dans son système d'agrandissC' 
ment maritime ; et la France ne serait point obli- 
gée aujourd'hui de lutter contre une ptùssance 
dont les progrès sont en quelque sorte sou ou- 
trage. 



ji-vGooglc 



Mais si l'on peut reprocher, avec raisoD^, aux 
écrivains d'avoir pgwé l'opinion publique pen^ 
dant le dernier siOcle , au point-que le gou.vvr- 
Bemeut et lu nation avuient fini pitr ne pluîi atla- 
clier d'importance à la marine , leur infli^eacç 
dans les malif'res commerciales a été bien plu.î 
grande encore. Je n'en veux d'autre preuve que 
le fymeux traité de 1 786 ; que ce traité , qui fut 
rédigé à l'insu du commerce et contre le corn?- 
nicrce , par quelques hommes à sjslèmes , dont le 
gouvernement eut rincoocevable faiblesse d'a- 
dopter les idées. Qu'arriva-t-il ? Nous conti- 
nuâmes de vendre aux Anglais les marchandiaes 
qu'il leur était impossible de se procurer ail» 
leurs; ils nous vendirent, eux , ce que jusque-là 
nous avions fabriqué chez non», ou ce dont nous 
pouvions très - bien nous passer. Nous perdîmes 
ainsi de l'argeut et du travail. L'Angleterre , ^11 
contraire , gagna du travail et de l'argent. 

De 1781 à 17S7 , les manufactures de coto^ 
de TAngleterre avaient employé , année com« 
munç , seize millions de matières brutes. 

De 1787 à 1792, elles en employèrent vingt- 
huit! 

C'est précisément à cette époque que le goù* 
des marchandises anglaises s'accrut si rapidement 
eu France. Les femmes n'y portèrent plus que 
du hasÎD, du piqué j des nxmsselipçs. Les ou- 



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DU SYStÉl^E fcdlVfkÈRblAL. it'i 
^liérb iinglais se niuItîpIiiiéQt,Veiiricl'its6aieDt ; 
fe^'crôtrè^' allaient motii'u- àHlôpital.' ' ' 

Cétïer âbglbtnaiiie fut poussée sî loia que (les 
ouvi'iéi-s' français ne trouvant plus à placer \eg 
produits dé leur travail , se virent çoûtraiots;de 
ïés 'revêtir du nom de fabricans dé Londres-} 
et t'est tin fait constant que les Anglais ne poiji 
vabt iuFfi're aux demandes, se procurèrent ed 
France' de la coutellerie , de la fourbisseiie, etc. , 
qu'Us nous renvoyaient ensuite avec les Aoms d6 
leurs ouvriers. 

On se rappelle encore ce qm arriva au duc 
d'Orléans , après un de ses voyages à Londres. 
Il avait rapporté de cette ville une épée dont 
la poignée excitait l'admiration générale. On n'a^ 
vait rien fait de plus fini : c'<était un chef-d'œuvre. 
Toutefois il avait payé ce chef- d'œnvre fort 
chcr,etil s'en dédommagéait'en le produisant par- 
tout. L'épc^ arrive dans les mains d'un étourdi. 
L'arme glissé , elle tombe , et voilà la poignée 
brisée. Le duc d'Orléans témoigne beaucoup 
d'humeur. L'ouvrier anglais n'avait réussi au 
même degré que cette seule fois! Quelqu'un 
propose d'appeler un ouvrier de Paris dont l'hai 
bîleté était coiïiiue. L'ouvrier est mandé. II exa- 
mine l'arme, la tourne, la retourne et déclare 
qu'il là reparera très* bien , parce que c'est lui 
qui l'a faite. Ea effet il U démonté , et sur la 



■ji-vGoot^lc 



S&t LIVRE III. 

pnocxpafe pièce de fouvrage , îl n 

qu'il aenit eu la préfuniiîen dy graver.- 

Lonqu'uoe nalioa est îadillëreote sur ses 
TTOu int^rêu an poiot de préférer , à quaKeê in- 
iëfieure , les productions de riodustrie étrMigére, 
noîquCBieDC parce qn'elles sont étrangères , il 
n'est pas très-étoanant que cette nation ne se 
soit jamais beaucoup occupée du soin d'étendre 
sott propre commerce ; mau on doit iroaver 
étrange que des éciîvains blâment le goaverlie- 
ment de s'op]>oser à ce que des goûis aussi aàti- 
nutionaux se propagent, et je ne me lasse point 
de le dire , quoique probablement le lecteur se 
lasse de nte l'entendre répéter. 

Il ne faut pas croire que le goût des marchan- 
dises anglaises n'ait duré qu'un moment. II eiiste 
encore. Il est peut-être un peu moins aveugle ; 
mais il est tout aussi général ; et û demain nous 
aTioos avec l'Angleterre un traité de commerce 
dont l'une des cont^iions fût l'admission des 
étoffes de laine et de coton , des fiïences , de la 
quincaillerie, de la sellerie, delà bonneterie, etc. , 
toutes ces parties de notre industrie serùënc à 
jamais ruinées. 

11 est,dîgne de remarque que le Français en 
préférant pour son usage des marchandises étran- 
gères ne diminue point la production intérieure 
seulement de ce qu'il aurait consommé , mab 



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DU SYSTÈME COMMERCIAL. ffiS 
encore à'aoe gramle partie de ce qui wtraû«tâ 
vendu au-dchors. C'est que le' Franem lait 
loi daûs tout ce qui tient à l'habiileaieBt,.l la 
mode et ap goû|. Lors donc qu'il porte du îiuîo> 
du piqué et du cosimir^ il faut que touta l'j^u* 
rope porte du basin , du piqué et du cannûv. 
IV'est-il p»5 désolant qu'un moyen aussi simpje 
de faire prospérer notre îudustrie soit précisé* 
«nent dans nos mains un inâttumeot favorable à 
l'industrie étrangère ! 

C'est donc une vérité reconnue que pendant 
tout le dernier siècle , l'opinion publique ea 
France a été égarée dans tout oe qui a rapport 
au commerce et à la marine. C'en est une éga- 
lement incontestable que si l'on avait suivi avec 
persévérance le système d'administration de-Col- 
bert , la France, augmentant progressivement sa 
puissance maritime, serait devenue souversûie 
des xuers et la première nation comme^çameda 
monde. Je ferai remarquer, à cette occasion , 
que la France est de tous les pays de l'Europe ^ 
celui qui a le plus do mi^ens de prospérité. 
Les productions de son territoire sont recfaer* 
chées dans les deux mondes. Son industrie' M 
redoute qu'une seule c<»icurrence ^ et dans pJus 
d'unesorte de fabrication elle la brave. Sa sitaa- 
lion entre le» deux mers facilite ses relatioiu 
avec tout le coniioem. Il n'y -a point d» oom- 



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J64 ■ t.l.K RE, J J,I, , 

menca lointain auquel elle ne puisse s^ livrer 
AVec suc<;ès. Qu'on juge par là du rôle que la 
Eraofe est appelée à jouer , aujourd'hui qu'où 
cal KTenu 8 des idées saines sur radminislratioa 
0t que le gouveraemeut a. fait enfin justice des 
•ystèmes dont » long-temps les écrivains avaient 
hercé notre a^dulité. 

Ce n'fsat pas que les écrivains aient cessé d'être 
4uigereuz> Je dirai dnns un moment le mal 
qu'il» peuvent encore faire. Je remarque , en 
stlendaut, qu'avant la révolution leur esprit 
frondeur pouvait attaquer avec avantage les 
douanes de province à province que l'admî- 
nistratios Llâmait autant qu'eux , et quelques 
autres abus que le temps a fait disparaître. Mais 
aujourd'hui que les douanes iniérieurcs bntcessé 
d'exister* le système commercial n'a plus que 
des bîenftùts à répandre. Aussi malgré les écii- 
vtàm dont l'opposition est absolument ignorée 
du gouvernement ,1e système, commercial est-il 
généralement approuvé. Il serait d'ailleurs très- 
déraisonnable de confondre l'opinion de quelques 
n^ociaos des villes maritimes dont les spécu- 
lations s'exerceraient de préférence sur les pro- 
duits de l'industrie rivale , avec celle du com- 
merce intérieur à qui ces sortes de spéculations 
.•ont, je ne dis pas. étrangères, mais mortelles. 
JiÂaai » tandis que de cinq ou six ports il s'élève 



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DU SY^EME COMMERCIAL. 5S5 
de* réclamatioDS qui tendent, soit i'faïre'tafti- 
dérer les droits , soit à obtenir' là suppression 
des lois prohibitives, des millie» de familles 
dans l'intérieur doivent leur existence à ttii 
mêmes lois qu'elles bénissent, et dont elW ùé 
demandent point le maintien parce qu'il ne peut 
pas leur venir à la pensée que lé gouvernemeAt 
cacriBe une grande partie de la populations la 
prospérité purement locale de quelques points 
frontières. 

Celte légère opposition des négociant miiri- 
times françitb tient elle -même b des causes qni 
n'existent point en Angleterre , où elle n'a pas 
lieu , non pas parce que l'esprît public y est 
meilleur , mai» pai-ce que l'intérêt privé s^ 
trouve d'occord avec riotérêt général. En effet 
sur quoi portent les spéciilatîons des négo(Hao> 
maritimes anglais ? sur les produits de l'industrie 
indigèue qu'ils transportent au loin. Il est donc 
de leur iolérèt do favoriser «set» industrie par 
une entière soumÎHion aux réglemens commer- 
ciaux. En France , au contraire , nos' négocians 
maritimes spéculent généralenient sur des mi(r- 
chandises étrangères , qu'ils livrent k l'a coosoni- 
malion intérieure. Ce qui favorise l'indastrie 
nationale diminue donc leurs bénéfices,etcelfl est 
tellement vrai que si l'industrie indigène venait 
iboutde suffire aux besoins intérieurs, on bi9n 



ji-vGooglc 



S6S L I V R E I r I. ' 

tpte d'un commUD accord un consentît à se 
passer de deorées coloniales , de tabac , etc. , tes 
Tilles mnntiines seraient ruinées pour I» plupart, 
ce qui ne prouverait d'ailleurs absolument rien 
relstivement à la prospéiité générale du pays. 

Je ferai à ce sujet une remarque. En Angle- 
terre le négociant maritime qui se livre au com- 
merce de transport n'a d'autre facilité-que te 
drawbach , ce qui nécessite l'avance des droits. 
En France , au contraire, on a sagement subs- 
titué au draivback , qui entraine les plus grands 
abus , la facilité de l'entrepôt qui les prévient 
tous et n'exige aucune avance de fonds. Le né- 
gociant jouit donc en France de plus de facili- 
tés qu'en Angleterre, ce qu'il élaitbon de prouver 
de nouveau. 

Cependant ce n'est ^as absolument sans raison » 
du moins par rapport à eux, que nosnégociansma- 
ritimes se plaignent desentraves dont on charge ïe 
commerce d'importation. Autrefois le commerce 
des colonies leur procuraitdes bénéfices énormes , 
soit par une réexportation à l'étranger de sucre 
et de café de plus de loo millions en valeur, 
soit par l'envoi annuel aux colonies de 70 mil- 
lions de marchandises. Ce commerce n'existe 
plus. L'exportation des productions de notre 
territoiie et de notre industrie est extrêmement 
coDlrariée par la guerre. Enfin on a prohibé les 



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DU SYSTEME COMMEReUL. 36f 

mnrchandise? étraçigères , et taxé fortement -les 
deprées de luxe. Le commerce de aos ports qq 
trouve doaçmême pas ud dédomnufgementà ses 
pertes dans la consommation intérieure que le 
gouvernement, avec beaucoup de raison, ré- 
serve 9 l'industrie nationale. Faut-il s'-étonoer 
qull se plaigne ? 

Mais ces plaintes, et l'opposition qu'elles ma- 
nifestent , ne prouvent absolument rien. C'est 
la lutte de l'imérêt privé contre l'intérêt géaéral. 
Aucune sorte d'esprit public ne saurjùt la pré- 
venir , et si elle ,n'a pas Heu en Angleterre, 
c'est, je le répète , qu'en Angleterre l'intérêt du 
commerce extérieur se confond avec celui du 
commerce intérieur , tandis qu'en France ûs 
restent presque toujours distincts. 

Un négociant français qui fait le. commerce 
de sucre supporte impatiemment de gros droits 
qui diminuent la consommation de cette denréa 
et par conséquent ses béoélices. Aînu, de ooa- 
cert avec les écrivains , il demande qu'on sup* 
prime ou qu'on modère ces droits , sans penser 
qu'une grande consommation de sucre.estun mal- 
heur quand il faut le tirerderétrangeretdotmer 
en échange un capital circulant servant à for- 
mer et à entretenir des capitaux productifs , 
c'est-à-dire payer en argent. . 

L'opposition qu'éprouve enFrançe le système . 



jnGooj^Ic 



^ooRWfMMial TÏMtt doBo , d*m«e partv^ (fulffon 
«é^pwnftauritiiOM , doM f inbrfi^t priw . déter- 
inÎM M«t le* réc]auatk>B»t«t a*«e op[)oaM»n 
est eUfr'inénie peu. considérsble ; de l'autre, des 
.«jcrivaiDS >qae de faUHes idé««, pr«MBdu«s libë' 
rHÏe»,aDt aédtùts et qui v«ul«Dt sub^ùluer aux 
.leçons de l'expérùeDce le» théories qu'il ïtair' r 
-pla d'ima^œr daos le cabinet. De tels écriràiii» 
■'□e peuvent être bien dangereux auprès ^un 
^oMyememeot éclairé qui voit tout par ses yeux , 
et profewo aoe grande haine pour les systèmes. 
Ausâ n'amèDeront'ils aucun cliangelnenl dans 
l'adimnistration. Leur influence sur le public est 
êaxta daute plus dangereuse. Cependant la plupurt 
des îndivîthu qui raisonnent sur ces manières sont 
encore à concevoir la possibilité de souteair 
qu'il est utile au pajs de salarier l'industne 
iétniDgère de préférence à l'industrie natioual^ , 
car c'est toujours à cela que se réduit la qu^s- 
tton -qui se trouve ainsi résolue en faveur du 
^système commercial par les neuf dixièmes au 
■ntoHM de ceux qui s'en occupent. 

11 est vrai que ce n'est poiût assez. Il im- 
'porte que des hommes encore plus recomman* 
-dables parleurs intentions que -par leur taklft , 
ne croient pws bien mériter de leur pays en 
se mettant en opposition avec le gouvernement. 
ife B'estil pM triste que les jaati(»s étrangère» 



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blJ SYSTIME COalMEACIAL. %g 
tpii'iA |«iwT<iit jngér d» aAre ràprit puhtta 
qBfl.pwr nos Kvres M (nr-not journaux i tron- 
ycBt dws BOf livrM et dans nos j6urnam Ia 
«HÙre ooasunte des pnocipes ifoe p^ofbsse Ik 
iràs-g^MuiQ majorilé des Français. L'influence 
des livres «st d'ailleurs ibCalculuble. Ce qu'ils 
n'ont point encore fâàt ils peuvent le &ire ave<i 
le temps , et 'quand Us seront parveoDs à rom- 
pre tout accord entre l'opiDion pubË^pie « l'ad* 
nÛoisti^atioD , quel moyen restera-t-il à r.idmi- 
loûtraùon de faire le bien? Faudl-a-t-il alors 
tenter l'épreuve de la liberté illimitée du com- 
.weroe pour en apprcùer tous les iScheux ré- 
sultats , comme il a fallu la révolution pour nous 
, faire revenir en matière de gouvernement à deS 
i^îes d'ordre ? Mais qui ne v^t combîea le gou^- 
.vernement sera toujours éloigné d'un pareil es- 
MÙ dont le résuUat in&illible serait la ruine de 
Ja France ? 

Ces réflexions m'amènent involontairement à 
parler du 7}-aité ^Économie politique de M. 
Sajr qui a paru au moment où je terminaût eet 
.ouvrage. Ce sont , à qu^ques additions près, 
les principes de Smidi réunis , classés et ex- 
pliqués de manière à être entendus de tout le 
inonde. Dans mon o{ûnion je considéra .ocHUme 
,,un grand bonheiu: que 3»ùth n« Ga pas tou<- 
jours très-intelligible. Ses longues digiressioiK ^ 
a4 



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37» , . I^ I V RE ,1 M. 
SQO défaut . absolu de plan et de méthode me 
faisaient espérer . qpe jamais une lecture aussi 
faûgaote ne deviendrait gépérale, et je me con- 
solab ainsi des malheurs qu'elle aurait pu pro- 
duire. Tout a changé. Faux dans ses résultats 
çompie celui 4e Smilh , l'ouvrage de M. Say 
n'en a, ni la longueur nj la sécheresse : c'est un 
niodèle de discussion et de dicliou. Que d'er-- 
reurs un pareil ouvrage doit répandre ! (i) 

Le résultat de toute la discussion à laquelle 
p donné heu dans ce chapitre le parallèle tant 
de fois esquissé des deux peuples, est que l'oa 
a cherché à expliquer par l'habileté de l'admi- 
nistraùoD britanni(iue des effets très-simples qui 
découlaiçut naturellement de la situation du 
{tays, et ne décèlent aucune supéiipiité vérî- 
ta1>le m d'administration , ni d'esprit public. 
Qu^nt à l'auglomanie , elle a beaucoup perdu efi 
France depuis la révolution. Elle n'existe^ même 

(■} M. £>/ traitant la mime matière <[ueSmit(t,et pr»- 
iMiant général émeut les mtlmeii principes , a presque ton- 
jours emplojéles' méinea raiaoDnnheno. Il se trouye ainsi 
gu'en réfutant Smitli, j'aî, également réfuté M. Smy. II urîjt 
même quelquefois que le» morceaux que j'emprunte ïi 
Smith pour le» combattre , M. Say les lui emprunte aussi, 
nait pour «'en faire une autorité. Or il n'est pas pro- 
iMble qu'il ait cWai lea mcia* concluu» , d'où l'on peu» 
induira qu« de moit.càté je n'ai pa> cherché k tlisfioinln' 
1«> objeclîoiu. 



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t)tJ SYSTEME COMMERCIAL. 87* 

)i»tûs guère que pour les objets dé fabrication j 
et èùcôrte devons-nous aux travaux de nos ma- 
ilnfacturiers et à la ptotection que le gouveme- 
lïieat I^ur accorde, de remplacer intérieurement 
beaucoup de productions dont les Anglais nous 
avaient fait contracter le besoin. Ces efforts de- 
viennent chaque jour plus fructueux. Ainsi quand 
la pnix anraronvert les communications mari- 
times , il est presumable que nous pourrons 
agrandir nos relations extérieures et réaliser enr 
tore une fois les rues de Colbert ; car ainsi que 
l'avait jugé ce grand homme, la force et la ri- 
chesse des nations ne peuvent plus se calculer 
que par l'étendue de leur marine et' de leur 
commerce ; ' et dans une telle situation , il fnut 
que la France use de tous ses avantages p(>uf 
reprendre Une place qu'elle a laissé usbrper, EII9 
le doit avec d'atitant plus de raison que sa piiîs- 
sance coniioentale n'est plus susceptible de s'a©» 
croître. Ainsi le soin d'étendre sa marine par 
son commerce doit être désormais l'objet de s% 
plus grande sollicitude, et il n'y a qu'uO' boa 
système d'administration commérci^do et l'accord 
des écrivains avec l'administration qlii puissent 
la conduire à ce but, que s'était proposé .paj jû 
teule force de son génie un .ministre habile dont 
fc' temfis a prouvé la justesse des idcés ei Ii 
^'ande profondeur des vues. 



ji-vGooglc 



Sys tIVRE III. 

Après CCS observations générales sur la dîflo- 
rence de l'esprit dos deux peuples pour le com- 
merce , tout'détail sur l'état actuel du nôtre serait 
superflu. Je me contenterai de déplorer l'absence 
du-crédil, de ce grand levier.du commerce dont 
nons n'avons jamais conpu l'emploi, et qui four- 
nit à l'Angleterre lesmojensde suffire à s«s rela- 
tions intérieui-es avec une très-petite quantité d'ar?- 
gent, et d'envoyer le surplus dans ses fitcioreries 
étrangères où elle se rend . ainsi maîtresse de 
donner au commerce des peuples la directioD 
qui lui convient. Avantia révolution le taux cou- 
rant de l'intérêt était cinq. Aujourd'hui il passe 
dix, quelquefois douze; et certes. nos banque- 
routes ne sont pas propres à le faire diminuer, 
puisqu'en deroièrs aaaljse elles bannissent toute 
ccMifiance du commerce , et mettent danslâ néces- 
sité de ne traiter qu'au comptant ou à de trèiï- 
courts termes. 

Mais à quoi tiennent donc toutes ces bancpie- 
, routes qu'on voit se multiplier d'une manière si 
effrayante ? Ou ne peut se dissimuler que les 
événemens politiques n'eu occaHOnnent de très- 
considérables. 11 en a été ainsi dans tous les temps j, 
nuis aujourd'hui les banqueroutes ont bien d'au- 
tres causes. C'est une vérité d'abord qu'elles ne 
déshonorent plus. .J'ai vu des maisons mauquer 
qui se relevaient eoatûte , manquaient <eacQre,.se 



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DU SYSTEME COMMERCIAL. 57$ 

relevaient de même , et toujours retrouvnient du 
crédit pour en abnser toujours. Alors lahanqiitf' 
roule devient pour le commerce en général une 
chance qu'il calcule à peu près comme bo prévoit 
la sortie d*un numéro à la loterie, quand il s'est 
fait loQg-temps attendre. Le banqueroutier est 
le numéro qui sort. II gagne et fait perdre tou^ 
les autres; mais alors il rentré dans la roue, et 
d'autres sortent à leur tour qui se vengent en lè 
inisaut perdre de même. A travers toutes ces ré^- 
volulions le "crédit diminue , les particuliers se 
ruinent, et le commerce s'avilit, parce qu'il dé- 
génère en une école de ruse et d'improbité. 

L'opinion fausse que le commerce conduit 
"droit à la fortune a peuplé la- France de' négo- 
cians. Les cinq huitièmes n'entendent rien à leui- 
état. Aux calculs réfléchis qu'il exige, on subs- 
titue des idées folles et gigantesques. On croît 
avoir des vues 3 on se jette dans des eatrepmes 
téméraires; on se ruine. 

Un homme simple , quoique d'un esprit droit , 
avait amassé dans un commerce d'abord très- 
mesquin , mais successivement accru par déà 
économies et des circonstances heureuses, un ca- 
pital de près de deux millions. Il avait dix vais- 
seaux en mer. Son fils, fils unique , s'éloigne fet 
Vopge. II arrive à Paris. Là ses idées s'agran- 
dissent. Il apprend à spéculer largemout} à la- 



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67-4 ' ' l^I V RE î I f. - 
jnamèM de ceuit ijul ac savent pas tx que oVst 
^ue spéculor. Il revient.- Le père D'enteod ' rieti 
«a jargon du jeune homme' qui dieserte coiunis 
an autciir itagUîs. Emerveillé, il lu uietàla («te 
d« M Tnaison. Deux ans apr^ , j'ai tu oetts maison 
manquer. Le jeune homme qui n'avait à se repro- 
cher que de l'ëtourderie, ne put se consoler 
d'avmr Causé la ruine et le désIiODueur de soQ 
vieux père. Us moururent à trèa-peu de dislance 
fnn de l'autre. 

Le goût du Inxe qui a dû s'introduire dani 
toutes les classes de la société, du moment où 
toute* distinction de rang a disparu de la société, 
est aussi l'une des causes de nos faitlites. Le jea 
eu occasionne lui seul un grand nombre. Autres 
fois Cette passion ne sortait pas d'un très-petâ 
cercle d'individus pour qui le jeu était un mo^en 
d'existence, et quelle existence ! Aujourd'hui le 
jeu est la passion de tout le nv)nde. 

L'imprudence, l'ignoranco des vnù»priQci|)é« ' 
dn cominerce, l'envie démesuri:e de faire foriunei 
fiunout de briller avant de l'avoir faite, votkà la 
jource de toutes nos banqneroutes. Elles dim»* 
iiueront à mesure que l'ordre moral et social « 
rétablira, et pour qu'ïl se rétablisse oonipié(e« 
inent il Faut du temps. 

Dans le nombre des causes qui ont contribujÉ 
Jl' retarder! ]a ttiarche de notre comulerce^ j'« 



N Google 



DU SYSTEME; COMMERCIAL. S7S 
emû de. cQm|H«odpe le défaut absola de fitxa 
dei conduite et riastabilké du TQÎDistère. Ca 
Wc» ' d'adtaiDistratioa presque toujours, moftel 
dans ua état^ était le oaracière principal de l'an- 
den gouverqemeat dont il a trèsi-certaiDemeiit 
acoéléi'é la chute. Lesjniaistres, se succédaient « 
etaveceuxlessysLèmes. .Oone Savait ni ce qu'on 
Tioulait, ai où l'ou allait. Des projets extravaguos 
étaieutacciieilliscôtninedesvues.utiles, et quand 
par hasard on produisait ainsi quelque bien, et 
bien durait peu, parce qu'il n'était pas convenant 
qu'ui 'BÛDistre se dirigeât d'après des priucipes 
qui n'étaient pas les siens. Voilà pourquoi la 
grande occupation d'un ministre en France a 
presque toujours été de cntiquer, de modiâ^.et 
dfl supprimer tout ce qui avait été fait par soa 
prédécesseur. 

, Au milieu de ces fluciu^ions du gouverne- 
ment, la nation ne pouvait ni réformerson cavaO 
tére , ni agrandir ses vues. Aussi s'occupait- elle 
Jieaucoup de la conduite des hommes en place 
et très-superfîciellement des «cte» de leur admir 
nistration. Les nùnistres les plus adroits, ceux 
<}ui savaient flatter la secte en crédit, étaient 
réputés de grands hommes. On présentait les 
autres comme des îgnorans ou des dilapidateurs. 
On se passionmiit pour ceux-là. Ceux-ci étaient 
impitoyablement saciîflés à l'inconséquenca na* 



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57& r.. hl y RE J ?:L, 

Uonale, Aucuns ne produisfiiem i» kUm^ pao^r, 
qu'il était impossible alors dtt le prodiûre,,,^ila' 
ORÛOD marchait à pas précipités vers desbmulevtr* 
Kniens. di^venus ioÛTitables, et qui devaient La 
régéuérer daus des fleuves de sang, ea l'appau^ 
vrissaDt, d'hommes, de capitaux et d'industrie. . 

II serait donc injuste de juger de l'aptitude 
des Français au gouvernement et au commerce 
par les années qui précédèrent la révolutioa , « 
que je fais remonter aux premières du demif 
siècle. Un esprit de vertige et d'erreur s'était dès 
Jors emparé de la natiou. On attaqua la iuoibIs 
dans sa base la plus solide, les gouvcrnemeiu 
dans leur^ droits les plus sacrés- Il n'y eut plus 
que ce moyen, d'arriver à la célébrité. Ainsi 
toutes les idées s'embrouillèrent , toutes le» . 
vérités s'obscurcirent. Des hommes doués d'une 
imagination ardente, et qui auraient pu se faire 
un nom par la seule force de leur talent, aimè- 
rent mieux prostituer leur plume au mensonge^ 
De misérables sophismes furent emphatiquement 
proclamés la lumière des siècles. C'est au milieu 
de ce déchaînement de toutes les erreurs que 
l'on vit s'élever la génération dont la révolution 
devait signaler les déportemcns ; mais enfin cette 
révolution a rompu le charme. Elle a dessillé 
tous les yeux ; et d'accord sur les malheurs sans 
flonibi'c qu'elle a causés , les Français u'eu peu- 



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DU SYSTÈME COMMERCIAL. ^77' 
WM pai'le^ (JMsdrma)* que pour bénîrle graùii' 
hàdime"qm l'a finie. 

' L/ibflueace du gouverneimeat sur le$ peuples 
est celle du père de famille sur ses enfnQs. \t 
y a 4«à caractères iododles dont on ne parvient' 
jamais & se rendre mattre ; mais ce sont des ex- 
«aplîOns rares. Athènes fut magnifique sous Pé- 
rimés , Rome religieuse sous Numa , la Suède 
gHcrri^re sons les Gustave. L'Angleterre n'est 
devenue commerçante 'que parce que la reîn9 
ËlUabetli avait elle-même le génie du commerce. 
Fartiotit les nadoBs but cédé à l'impulsion de leur 
ebef j partent elles se sont modelées sur lui. Il 
n'y a point de degré de richesse, de gloire et 
de splendeur auquel la France ne puisse maintCi^ 
(UHit atteindre. ' 



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S7« LI VRE 1 ri. 



CHAPITRE VIII et dernier,.. 

Do la doctrine de* é e t m anàltet com-p»v4t • c«ll« de SnuOir 
•— Itéiaintf général de U doctrine de cet écriT«în. 

XiB poÏDt fondamental de la dbetrhie des ^oo- 
oomistes français, est qite tout«s les riobesses 
vieoaent de la terre. Suivant Smith -, là source 
unique des richesses est le travail. Cette ^ffé-* 
reace très-importante dans la base des deux doo< 
trines , n'en amène presque point dans les résaU 
taïa. Ausù n'y- a- 1 - il véritablement d'oppo^tion 
entre les ccoDoqiistes et Smîlb que pour U 
théorie de l'impôt. 

On se rappelle encore l'espèce d'enthouMasma 
que produisit la traduction de Smith par Rou- 
cfaer. Biitius sur ie produit net, les économistes 
sacriBcrent volonûers quelques opinions à on 
^rirain dont tons les autres principes étaient lea 
leurs. Ils embrassèrent donc sa doctrine Les 
anti- économistes en firent autant ; car' c'en était 
yssez pour eux de trouver dans Smith un adver- 
saire de l'impôt unique. Ainsi s'explique le succès 
prodigieux d'un ouvraj^ excesùvement Joug , cja- 
(Kssivemeqi abstrait , niais qui pouvait fournir 



ji-vGooglc 



DU SYSTEME COMMERCUL. *79 
îles armes à tous les partis , et devait être pla^ 
tàté que tu. 

On a essayé tbijt récemment de prouver <jue 
Smith \ ea combailant les économiste , avait 
moins attaqué le fond de la doctrine que quel*- 
ques -unâs des expressions qu'elle a consacrées. 
Ceci Va nous conduire à des rapprocheniena ou-» 
rieux. 

Qu'«dit Smith? que les économistes s'étaient 
«cartes du bon seps et de la vérité, en comparant 
le travail des manufacturiers à celui des domes- 
tiques qui ne produit' rien , et en l'appelant par 
cette raison travail stérile. L'observation de 
-Smith est certes très-fondée. M. Garnier inter-, 
prête le mot stérile , et il eo résulte que pv trou 
veil stérile , les économistes ont entendu un 
travail productif , quoiqtt improductif de prih 
duit net. Ce n'est pas là répondre à Smith. 

■Mi Garnier ^'efforce de prouver que Tefreur 
de la dootrioe économiquo est dans les mots, 
G'«st une -singulière tentative aujourd'hui. -L'er-r 
rear de la doctrine économique étnt dans lett 
choses, et uon dans les mots. On;iuraitpardomié 
aux partisan» de cette doctrine leurs subtîlite's, 
^'ils ti'en avaient point tiré des oooséqueoces des^ 
iructivea de la prospérité de» états. Atais- quand 
its-appelaiefit le travail <les manufactures friffoùf 
Stérile , c'était uniquei&eDt pour en ioduira qu'il 



ji-vGooglc 



Sao LIVRE I II. 

iàU&it cesser de s'y liTrer,'et cela «t si vpai qu> 
dan» toos leurs livres ils coDseilIeDt sérieiâemcnt 
dertnODOepauxmaDuPacturfts, dobt les produits, 
aeloo eux, ne peuvent jamm rten ajouter à^la 
masse des riâLesses natioualeB. Est-ce donc là c* 
que 'M. Garnier appelle une erreur de mots? 

Ce qiùsuit mérite une attention particulière. 
ff Les économistes (c'est M. Garnier <]ui parle) 
y se s'ont occupés de la scâence d'une nianîère 
M tou^à-fait abstraite et absolue, (i) sans avoir 
» égard à la séparation d'intérêt des diHerentes 
» nations. Ainsi , ils ont recherché les causes de 
« Ufonnaûon et de l'accroîssementdes ric^essesj 
» cMOaie s'il n'y avait au monde qu'une seules»- 
» ciété d'hommes , ou bien comme s'il n'existait 
» ■ eatre les diffôrens peuples aucune rivalité poli- 
» tique, quant à la puissance et ù la richesse nà- 
» tîonale. » 

Et l'on voit par-là , j'espère , combien les éco- 
ncuàstes ont dû être utiles à leur pays ! 
- En défendant ainsi les économistes , ( car il est 
bon qu'on sache que M. Gar oier a prétendu les dé- 
fitndre) son seul but a été de montrer la supériorité 
de-Smtth, donc il préfère -cepeodaat la doctrine. 
Mais c'est en vain^ qu'il cherche à le ranger ddûs 
une calhégorie particulière , puisque , de son aveu 



ji-vGooglc 



t»U SYSTEME GOMMEiRCI AL. Ut 

même, ici économistes, et Smith ^aacordet^ 
sur,.let-rtiémes. principes , qu'ils terminent 
par les mêmes résultats , et qu'il ny a .de 
différence entr'eux que par la route çu ils 
çnttenue. 

. Il est trés-cemin que la doctrioe de Smilb , 
ali^traption faite de l'impôt , est exactement coa- 
forme k celle des économistes y du moins quaot 
au:^ rés,uluis. En eflfet , toutes deux conduisent 
au.mêm&but,et ce but est la liberté du ooatf 
merce.. 

.. Or, Smiiba presque toujours raisonné comine 
les économistes, sans avoir égard à la-sép» 
ration d'iiitérét des différentes nations , flf 
dans la supposition où il rî existerait . au 
monde qu'une seule société d'hommes. C'est 
de, ce point de vue faux qu'il est parti quand ï 
a posé les principes suivons que je cite pour I» 
devnièpe fois. 

T^eut commerce à létranger est ««?«!*■ 
geusc. — Tout comnierce ay^ l'étranger ^st 
avantageux, même à la nation qui paie en 
numéraire, — L'argent n'est jamais rare.<-r 
On achète l'argent , quand on en rr^artquoij, 
. tout aussi aisément que d'autres marchurfr 
dises / etc. etc. ■., , 

. . 11 n'y a pas un de ces principes que l'expénençç 
««.. contredise, parc^ qi4e le^jiatio^.-smtjs^- 



■V Google 



sas ■ Li V tiE lit; ' *' 

parées d' intérêt i elil o'y en a pas un qu'eîj*; tjë 
confirmât; si tous les peuples ne formaient 
ifu'un seul peuple. 

: Smith est donc parti , comme les économistes * 
d'une supposition fausse , et celte première mé- 
prise en a entraîné mille auii'es qui font absolu- 
ment méconnattre l'écrivaiû profond. Où le trou- 
ver , par exemple , quand il dit : 

L'intérêt priée , laissé à sa pleine liberté, 
porte nécessairement les possesseurs de ca* 
pitaux à préférer l'emploi le plus favorable 
à l'industrie nationale. — // n'y a de travail 
productif <}ue celui qui crée des' objets mate- 
Hels. — Si une nation ne ti-ouve point à ache'- 
ter de t argent, elle y suppléera par des tracs 
on nature ou par du papier - monnaie. — Z-e 
papier de banque n'augmente pas le capital. 
^~ H permet aux nations d'envoyer leur nu- 
méraire à l'étranger, et c'est en cela qu'il est 
utile. — Un capital de cent mille francs en 
tabac sert autant t industrie qu'un capitaldè 
Cent mille francs en or. — Uargent est la 
partie du capital national qui profite le moins 
à là société. - I 

• Et remarquez bieû qull n'était pas possiïiïe 
que Smith évitât de pareils écarts. Ces écart» 
iftaient indispensables pour arriver aux résultats 
d« sa doctrine, et ces résultats existaient dans soa 



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ou SYSTEME COMMERCIAL. 583 

imaginatioii bien avaDt les principes; c'est-à-dire 
que ce ne sont pas le:) principes qui ont amené 
les rt'suliats , mais bien les résultats qui out fait 
poser les principes. 

11 était évident, par exemple, que In liberté da 
commerce pourrait diminuer le numéraire d'une 
nation. E)i bien , Smith commence par établir 
que f argent estj de tous les capitaux , celui 
qui profite le moins à la société. 11 n'y a donc 
point d'inconvénient à le laisser sortir. Doncrieo 
ne s'oppose à la liberté du commerce. 

Mais avec la liberté du commerce , des spé- 
culateurs avidies sacrifieront le bien du pays au 
leur propre. Pour s'enrichir , ils l'appauvriront 
des matières premières les plus indispensables ; 
ils les vendront à l'étranger. — Point du tout , 
voiis Ait Smith : H intérêt privé , laissé à sa 
pleine liberté , porte HicESSAjREMEHT les 
possesseurs de capitaux à préférer t emploi 
le pîusfavorableàl' industrie nationale, parce 
^u il est toujours le plus profitable pour eux. 

Le poussez-vous jusque dans ses derniers re- 
trancbemens ? lui montrez - vous le niunéraire 
qui s'écoule , les ouvriers qui manquent de tra- 
vail , les terres qiii restent en friches? Smith 
vous arrête : on remplace le numéraire par det 
trocs en nature. Ony supplée par du papier- 
monnaie 



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S84 1 1 V & e II t 

Cepeodaat , il éiait impoMible qu'un bcMBttlf 
^ai avait autant observé se dut toujours « oâté de 
la vérité , sui» jamais la reDcooirer. Aussi troa* 
Vex - TOUS dans sou ouvrage une foule d'aperfiu 
tteuû , de prindpes justes , et ces grands traits 
<|e lumière qui répaadeot au loin la clarté. C'est 
Somh qui a dit : 

Le travail est la source des richesses. '•-* 
IjCS capUaux productifs proviennent tous 
originairementd'uncapitalcirculaat, — Vttc* 
cumulation des capitaux est un préalable 
nécessaire à la division du travail. — Le 
travail ne peut recevoir de subdivision ulté-^ 
Heure quà proportion çue les capitaux se 
sont accumulés de plus en plus. — Laçuan-- 
tité dindustrie augmente dans un pays à 
mesure de l'accroissement du capital qui le 
met en activité. — Le possesseur dun capital 
■n'est déterminé dans f emploi çu'il en Jeit 
çuepar la vue de son propre projitf etc. etc. 

Eufia , c'est Smith qiû a décrit , d'une mauiù^ 
si vraie , si éloquente , les eilèts de la diminution 
du numéraire dans le pays ; lui •" même , lui i^ 
partout ailleurs dît et répète que l'argent s^a-* 
chète comme les autres marchandises., qUil 
n'est pas plus précieux que les autres mar^ 
chandises , et qu'erifin on peut y suppléer 
par des trocs en marchandises. 



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t>t; SYSTF.ME COMMERCUL. ^585 
i Itstiitde-làqu'ily adeuxtiommesdâiisSoiUbt 
■ fct deux ouTrages daas aon ouvrage. Cett« di»- 
tinOtïoD de deux écrivains dans Smith , les Ab" 
glaîs t'ont toujours faite. Aussi les principes je 
l'administration n'oni-il» pas varié chez eux ,ni8l- 
' gr^ son livre , qu'ils considèrent , à quelques cIki* 
pitres près , comme un roman. Un Anglais ■ 
Iiomrae de sens et de savoir, avec lequel J'ai âé 
quelque temps très - Hé , il j a plusieurs winées , 
in'en parlait souvent ainsi. Mon opiniousur Sokth 
était dès lors absolument formée ; cependant je 
]è (ûtais volontiers comme ua écrivain célèbre 
dont l'Angleierre devait s'enorgueillir. «Le plus 
M grand bien que Smith fera à mon pajs, me dit 
» un jour cet Anglais, sera de détraquer beau' 
M coup de têtes dans le vôtre, a Cette remarqna 
est jnstifiée par l'expérience. 

Je ne saurais me défendre d'une réflexion. Est- 
îl possible qu'en entassant tant de raisonaemen» 
faux en faveur de la liberté du commerce , Smith 
ait été de bonne foi? Les contradictions dontson 
ouvrage fourmille , l'extrême faiblesse du raison^- 
uement , le défaut absolu d'ordre qui y règne ^ 
et qui semble avoir été calculé tout exprès pour 
faire duJHvre de la Richesse des NatJons ua 
labyrinthe sans issue ; enfin , l'excessive fatigue 
qu'il a coûtée à Tauieui; t et que chacun de se» 
argumens décèle , tout aonooce que Smith avait 



jnGooj^Ic 



J86 LIVRE III. . 

pour but secret de semer eo Europe des principes 
dont il savait très-bien que l'adoption livrerait à 
son pays le marché de l'univers. Une pareille 
conception serait dignede la nation dont l'orgueij 
ambitionne le sdeptre du monde ; de celle natioa 
à laquelle nous pouvons justement reprocher les 
d*;sastres de nos colonies quelle a perdues par 
des insinuations horriblement perfides, et de l'es- 
pèce même de celle que je sigi 
Cependant je l'avouerai. S 
juger le livre de Smith s'accoi 
la nation anglaise nous a donc 
11 doit en coûter beaucoup de 
vain tel que Smith , plus esi 
ses mœurs que par ses ouvrag 
ment d'une aussi noire mam 
v«cu parmi les économistes fi 
se sera laissé entraîner à leurs 
comme les déclamations échî 
der , j'oserais affirmer que js 
convaincu. C'est dans son oi 
l'embarras manifeste de l'écrivain toutes les foi^ 
qu'il s'écarte de la vérité , c'est là qu'il faut cbçr-^ 
cher la preuve de cette assertion. On est mêmç; 
autorisé à penser que Smith n'avait pas toujoup»^ 
professé la même doctrine ; et comment explir, 
quer d'une autre manière les tourmens que Im fit, 
éprouver, au lit de la mori, la crainte que leà. 



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eu SYSTEME COMMERCIAL. 58^ 

bianuiicrits de ses cours oc lui survécussent. Dix' 
sept ans auparavant, il avait écrit à sou ami Hume 
d'en jeter plusieurs au feu sams les recarder. 
Depuis , ses inquiétudes allèrent toujours crois- 
sant ; et malj^ré la promesse qu'il avait arrachée 
à ses amis de détruire les manuscrits qu'il laisse- 
rait, il ne put recouvrer la tranquillité qu'après 
les avoir fait brûler en sa présence. 

Le traducteur de Smith , auquel j'emprunte 
ces détails , se demande quel fut le motif d'une 
pareille résolution qu'il semble ensuite attribuer 
iio\% à la crainte qtî avait Smith qu'on n'abu^ 
sdt de tjueîtfues-unes de ses opinions^ soit 
au soin de sa gloire //'ttc'raire.Nirunenirautre 
de ces interprétations n'est plausible. Assurément 
Smith n'a pu professer dans ses cours une doc- 
trioe plus dangereuse que celle de son livre , dont 
<;baquepage contient nneerrenr sur la liberté du 
commerce. Il n'est pas plus présumable que le 
Aoln de sa gloire tittéraire ait déterminé sa réso- 
lution. Smith «"prouvé, par son ouvrage de la. 
Richesse des iPfations. qu'il y gênait très-peuj 
et les dé&uts de composition dont il est rempli 
le témoignent Sans doute assez. D'ailleurs , de 
jtareils motifs né causent point les cruelles anxié- 
tés dont Smith paraît avoir été la proie. Il n'y a 
qîie la' crainte de perdre en un moment , pour 
avoir soutenu d«ux doctnnes contraire», noa'sa 



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388 L l V R E I 1 I. 

gloire lîltcrairc , mais »a rûpuiatioD d lionovie 
boinme et d'ol>serval«ur profond ; il n'y a , dîs- 
je , qu'un moiif de ceUe force qui explique la 
gronde importance qu'il aitachiiit à la destriiciioD 
de les manuscrits , et je m'arrête avec coufiaoce 
-à fxtte opintoo, dont luut lecteur impartial peut 
apprécier lu justesse. 

Au reste, il est dîgue de remarque qu'après 
avoir employé toute sa vie à combattre le sys- 
tème curamerdal de l'Angleterre, Smitli ait eu 
pour récompense de ses travaux la place de corn- 
missaH-e des douanes eu Ecosse ; et il est plus rç- 
morquable encore, qu'il ait consenti à la remplir ; 
car eofia U croyait à ses principes , oui ou aoo ; 
et s'il y croyait, il s'est déshouoix; en acceptant 
une place où , dans son opinion , il ne pouvait 
que mettre obstacle à la prosjwiité de son pays. 

Mais à quelque sentiment que l'on s'arrête sur 
la contradiction qui existe entre la conduite de 
l'écrivain et ses principes apparens, la manière 
-la mtûos défavorable de le juger est d'admettre 
la distinction que j'ai, établie de deux hommes 
daiuSmith, et de deux ouvrages dansson;ou- 
vrage. Le Smitli économiste , qui avait vécu en 
France au milieu des chefs de la secte , profes- 
sait leur, doctrine, et arrivait aux mêmes résul- 
tats ,janj afo/reg-arif i /a jej7ar(ï(ion <f//i(e'rA 
des différentes nations. L'autre est l'écrivain 



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DU SYSTEME COMMERCIAL. 38y 

judicieux, l'observateur profond. 11 de consulte 
plus que les faits , et trouve que la source dan 
richesses est le travail > que le travail est 
d^ autant plus fructueux qu'il se divise da' 
vantage. Il trouve que celte division du irKvail, 
qui constitue aujourd'hui la ricliesse des nations^ 
est le résultat de t accroissement des capi- 
taux, des capitaux qu'on ne peut ni former , 
ni entretenir qu'avec de l'argent ,• vérités 
grandes , neuves , fécondes en conséquences lu- 
mineuses , et dont la pretnièrc est qu'une partie 
de son ouvrage est en opposition avec l'autre. Ce 
Smith est le grand homme , l'homme de la pos- 
térité , et c'est à lui qu'elle décernera la palme 
'i3e la science , quaud il ne sera plus question 
du second que comme d'un génie brillanti muis 
faux. 



Je crois avoir établi dans ce livre les ventés 
suivantes : 

L'institution du système commercial a pour 
objet la prospérité du commerce. 

Les douanes servent le commerce, leoOBSOm- 
matcur et l'état. 

Les douanes servent le commerce , 

1°. £d empêchant par la prohibition à la 
sortie que l'clranger ne s'empare de nos naalièrssi 



ji-vGooglc 



5go L I V K E l'ÏI. ' 

premières , soit pour ootis les rendra telles 

qu'elles sont , soitponrnousobligeràles-racheter 

iQaouraCturi^es. 

2». En donnant nax matiufactnrierg'fraDcais , 

pnr des di'Oits sur Ie3 productîous de l'industrie 

livale , l'avantage de la concurrencé dans le mar'. 

cliû Iniérîenr. 

3°. En écartant absolument cette concurrence 

par la prohibition à l'cutree , toutes les fois qu'il 

serait impossible de la soutenir. 

Les douanes serveat le consommateur en lui 
assurant à moindre prix les marchandises <jui 

ce fabri(jucut intérieurement avec des matières 
premières indigènes dont l'étranger s'emparerait- 
^tns la [irohibition. 

Elles le servent aussi lorsqu'elles l'obligent à 
se pourvoir dans l'iutéricur de matohandises qu'il 
Aurait pu acheter de l'étranger à un prix moindre, 
parce que ce léger sacriûce est pro6iable> au 
pays, dont il accroit l'industrie, et par consé- 
quent à ceux qui le font, comme l'impôt qui 
tourne au profit de tous, quoiqu'il coûte à chacun, 
' Les donaoes servent l'élut , 

i". En lui faisant coiinaitre l'étendue du catU' 
mcrce extérieur. 

■ 2*.' En lui donnant la facilité de le dii-iger 
4c lu manière la plus utile au pnvs, ■ 



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DU SY^TnaMR COMil^ERCIAL. ^qi 
S^t En lui permettaDt de mettre: des bora^esà 
lapFodigaliié de iaoaiioo. 

4*'. En lui procuraat des moyens^e. piùf sancfl 
extérieure fbodée sur la marÏQe. 

5**. En fournissant accessoirement un reYeou. 
Les douanes assurent à l'état une partie de 
ces avantages par le moyen de la balaQce du 
commerce. La bnlaoce du commerce est l'une 
des meilleures institutions économiques des peu- 
ples modernes- 
La fraude est un délit très-grave. Les décla- 
malions des écrivains contre le système com- 
mercial sont très-propres à la muItipUer. Elles 
corrompent l'opinion publique , etil n'y a que 
l'opinioa publique qui puisse faire justice de la 
fraude. La fraude est un germe d'inunDraliié 
dans le pays. La fraude avec l'état bannît la 
bonne foi du commerce. La fraude occaûonne 
mille désordres. 

Le déâiut de capitaux et l'absence da crédit 
sont les piincipales causes de la slagntitioD ac- 
tuelle du commerce. Le crédit ne remontera que 
quand les banqueroutes diminueront. Les ban- 
queroutes tiennent moins aux événemens qu'à 
l'immoridité générale. C'est un des résultats de 
la révolution. 

. Les Français n'ont pas profité jusqu'ici de 
leurs avantages pour le commerce. Il faut l'at- 



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5^3. ,,.L1:V11E ■Ï.'IJ.-'/- (.f 
tfibaer à TinflueDCC des écrivains sur l'opinioi) 
publique , à l'instabilité de l'ancienne admims- 
tration et au défaut d'unité daps les vues. , , • \ 
On doit tout attendra dn gouvernement pour 



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DU SYSTEME ÊOMXiÉRfclAL. 5§« " 

Xj'arcÉnt est le gt-nad instrument , l'iDStru- 
jnent indispensable de la circulation et de la- 
réproductioo. 

C'est 1 a propiiété (ju'il a , comme monnaie , de 
multiplier les échanges qui le rend si précieux 
dans les états civilisés. 

Cette propriété de pouvoir servir comniodé- 
inent de mopnaie n'appartenant qu'à l'argent , il 
est absurde de le confondre , pour l'utilité , avec 
les autres valeurs échangeables. 

Les peuples riches emploient , relaùvement , 
moins de numéraire que les autres, parce qu'ils 
y suppléent par le crédit et toutes les institu- 
tions qu'il facilite. C'est ainsi que le. papier de 
banque fait dans quelques pays l'oOice d'une plus . 
grande quantité de monnaie ; mais l'argent n'en 
est pas moins indispensable, même dans ces pays, 
que le papier de banque expose d'ailleurs à de 
grandes révolutions commerciales , quand ce 
moyen de circulation n'est pas employé avec les 
ménagemens qu'il exige, 



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594 Li V RÈinr .,i 

L'utilité de l'argent est prmcipulemeat dé- 
montrée par la proportion qui existe eolre.Ia 
valeur totale du numéraire que possède ud .pays ^ 
et celle des objets échangeables que ce numé- 
raire crée et fait annuellement circuler, et qui 
peut être dix fois, «Dgt fois, trente fois plus 
considérable. 

Plus la valeur des produits annuels du travail 
d'une nation l'emporte sur celle du numéraire 
qui y circule , plus ce numéraire lui rend de 
services , et plus par conséquent elle doit tenir 
à sa conservation. 

La richesse d'une nation consiste dans le pro- 
duit de ses terres et de son travail. 

Mieux le fonds de consommation d'un peu- 
ple est approvisionné et plus ce peuple est riche. 

Le fonds de consommation d'un peuple eàl 
plus ou moins bien approvbionoé , suivant que 
le pays a plus ou moins de travailleurs uûles. 

Le nombre des travailleurs uiilesse propor- 
jûoone toujours à la quanti^ dc^.capitaux.pro- 
ductifs. 



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DU SYSTEME GOMMEUCIAL. SgS 

On ne peut former dé capitaux productifs 

qu'avec de l'argent. Il faut aussi de l'argent pour 

les entretenir et en tirer ud revenu. Il en faut 

égalemeat pour la circulalion de leurs produits. 

D'où il résulte , 

i". Que l'argent est le capital parexcellenos.t 
puisqu'il est le préalable indispensable des ca- 
pitaux productifs ; 3°. qu'un pays qui n'a que 
le numéraire nécessaire à la circulation actuelle 
des produits de son travail , ne peut que voir 
diminuer ces produits s'il se laisse dépotùller do 
ses capitaiix métalliques. 

Ainsi l'argent est richesse. 

L'argent est richesse parce qu'il tes crée toutes. 

Le meilleur encouragement qu'on puisse doD« 
ner à l'agriculture est de faire prospérer les 
fabriques. 

Le -commerce intérieur d'une naùon a d'au- 
tant plus d'activité que cette nation possède plus 
de capitaux. productifs. 

Le commerce extérieur est avantageux toutes 
les fois <^u'il tend à les accroître. Il e» défa^ 



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Sgé 1" 'L'Y V R'Ë 1 i t' ' ' 
Toràltlé Idrstju'an lieu de multiplier lés tapiiaux 
^ eb éiigfe ralîénatîoti. 

L'économie enrichit les nations comme les 
particuliers. La prodigalité les ruine de même. 

Mais une naùoD n'est prodigue ou économe 
que dans ses relations extérieures. 

L'Europe est prodigue en achetant des mar- 
chandises de l'Inde. La France est économe eu 
slnterdisaut les marchandises anglaises. 

Le système commercial procure à tous les 
peuples de l'Europe des moyens de prospérité 
fondés sur l'économie et le travail : 

Sur l'économie , parce qu'il empêche les ac- 
quisitions de productions exotiques dont on 
peut se passer ou auxquelles on peut suppléer. 

Sur le travail , parce qu'il l'encourage en lui 
assurant au moins le marché intérieur. 

Sans ti système commercial , il m'y au- 
rait E» Europe qu'un seul peuple manu- 
facturier. Toutes les autres katioks 
nÈP|;NpAA;i:NT DE CE pEUPï-p. Leurs movekç 



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DU SYSTEME COMMERCIAL, ^q? 

d'échanges SERAIEIJT RÉDBITS AVX PfcOBOC- 
TION3 1)0 SOL. Elles PERDRAIENT .AlJtSI A LA 
FOIS LEUR INDUSTRIE ET LEUR MARINE, ElLES 
SERAIENT SUBJUGUÉES. 



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TABLE. t 

LIVRE PREMIER. 

T>e l'Argent considéré comme moyen d'échange, 
pag. 1 

CHAPITRE 1". Origine et progrès du com- 
merce. — Révolutions dans le système des 
écbaoges S 

CHAP. II. De l'argent considéré comme 
moyen d'échange. — [En quel sens il est ri- 
chesse pour le pays . i5 

CHAP. m. Continuation du même sujet. 
■— En quel sens l'argent est marchandise . 97 

CHAP. IV. De la circulation de l'argent. .4 44 

CHAP. V. De la rareté de l'argent. — 
Des banques. , . . . 5]f 

LIVRE IL 

Du Commerce. 73 

CHAP. I. Le Gouvernement doit-il encou- 
rager le commerce et les fabriques de pré- 
férence à l'agriculture? yî 

CHAP. IL Dn commerce. — Causes de ses 
progrès en Europe, — Ce que l'on doit en- 
tendre par le mot capitaux. — Ce que c'est 
que l'économie par rapport aux nations. 
— Commerce intérieur . . ' gS 

CHAP. lIffi^a.CQramerce extérieur. . . i4<) 
SECTION r". Echange de mar- 
chandises contre marchandises . iSa 



r^gwetJNGoO'^lc 



4oo TABLE. 

SEcnoN II*. Echange de mar- 
chandises coatre de l'argent . . \5i 
SBCTION 111*. Echange de l'argent 
contre des marchandises. . . . 161 
SECTION IV*. Econouiie des na- 
tions.-^Traitésde commerce. . lyS 
CHAP. IV. Da commerce de transport. . i8i 
CHAPj V. Du commerce de l'Inde. . . . 190 
CHAP. VI. Dn commerce des Colonies . . 306 

LIVRE III. 

- Du Système commercial. 327 

CHAP. I. Des Douanes. 337 

CHAP- H. Droits d'entrée et de sortie. — 
Crédits des droits. — Entrepôts. — Grati- 
fications et primes. ........ ait 

CHAP. m. Des prohibitions. 2% 

CHAP. IV. De la fraude et de la contre- 

. bande. attg 

CHAP. V. De la balance du commerce . . S07 
CHAP. VI. Du système commercial dans ses 

rapports avec la marine, S5s 

CHAP. VII. De la France et de l'Anglelerre 

comparées dans l'esprit de leur commerce. 35) 
CHAP. VIII. Delà doctrine des économistes 
comparée à celle de Smilh, — Résumé gé- 
néral des principes de cet écrivain. . . . 5y8 
CONCLUSION* . , . , , 395 

FIN DE LA TABLE, 



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